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I. REGIONS EN DEVELOPPEMENT


AFRIQUE SUBSAHARIENNE
ASIE ET PACIFIQUE
AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES
PROCHE-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD

Le présent chapitre passe en revue les résultats économiques et agricoles récents des quatre régions en développement et présente les principales mesures nouvelles touchant leurs secteurs agricoles qui ont été prises en 1992 et en 1993. Selon l'habitude, on analyse ensuite plus spécifiquement ce qui s'est passé dans certains pays de chaque région: l'Ethiopie pour l'Afrique; le Bangladesh et Sri Lanka pour l'Asie; le Mexique pour la région Amérique latine et Caraïbes; enfin, l'Egypte et la République arabe syrienne pour le Proche-Orient.

AFRIQUE SUBSAHARIENNE


Vue d'ensemble
Ethiopie

Vue d'ensemble

Les résultats économiques de l'Afrique subsaharienne ont encore été déplorables en 1992. Le taux de croissance moyen de la région (à l'exclusion du Nigéria) a été de 0,9 pour cent, soit un peu plus que la croissance presque nulle de 0,2 pour cent enregistrée en 19911. Ces moyennes masquent toutefois une grande diversité entre pays. Selon la Banque africaine de développement (BAfD)2, les pays qui ont accusé des taux de croissance négative ont été plus nombreux en 1992 que l'année précédente (16 au lieu de 13), et moins nombreux ont été ceux qui ont obtenu un taux de croissance supérieur à 2,5 pour cent (19 contre 23). En outre, la croissance économique a été beaucoup plus lente que l'accroissement démographique; la production par habitant a donc reculé pour la sixième année consécutive, de 1,1 pour cent en 1992. Dans l'ensemble, la situation économique et sociale s'est aggravée.

1 ONU. 1993. Economic Recovery, 6(4).

2 BAfD. Rapport sur le développement en Afrique 1993.

La Commission économique pour l'Afrique (CEA) des Nations Unies estime qu'en 1993 la production progressera d'environ 3 pour cent pour l'ensemble de l'Afrique3. Si cette projection se concrétisait, la croissance se maintiendrait simplement au niveau de l'accroissement démographique prévu.
3 CEA. Rapport économique sur l'Afrique 1993.
Ces mauvais résultats économiques des pays d'Afrique subsaharienne s'expliquent notamment par: i) les effets négatifs de la crise mondiale des échanges et des flux de capitaux; ii) le déclin persistant des termes de l'échange des exportations de produits de base qui représentent l'essentiel des recettes en devises de la plupart des pays de la région; iii) l'endettement toujours aussi lourd qui a continué à freiner la reprise et l'ajustement structurel dans bien des pays (voir encadré 3); iv) la baisse des apports de fonds extérieurs de sources publiques et privées; v) les troubles civils que connaissent certaines parties de la région; et vi) la faiblesse de la production agricole attribuable à la sécheresse.

Figure 7

AFRIQUE SUBSAHARIENNE

PRODUCTION AGRICOLE ET PRODUCTION VIVRIÈRE PAR HABITANT

COMMERCE AGRICOLE

EXPORTATIONS AGRICOLES (Indice 1979-1981 = 100)

IMPORTATIONS AGRICOLES (Indice 1979-1981 = 100)

Source: FAO
Le faible taux de croissance (1,7 pour cent) de la production globale des pays industriels a freiné la demande d'importations en provenance des pays en développement et les flux de capitaux en direction du tiers monde. En outre, la demande de produits de base est restée faible et leurs cours ont baissé, malgré une légère reprise du commerce mondial durant l'année.

Les termes de l'échange des exportations de l'Afrique subsaharienne se sont encore détériorés en 1992. Bien que l'inflation ait ralenti dans les pays industrialisés, qui sont les principaux partenaires commerciaux de l'Afrique subsaharienne, les prix des importations ont monté de 3,2 pour cent en 1992. En même temps, les prix des exportations ont baissé, mais moins qu'en 1991. Parmi les grands produits agricoles exportés par la région, seuls le bois en grumes, le thé et le sucre se sont vendus à des prix à l'exportation plus élevés en 1992 qu'en 1991. Le cacao et le café ont vu leurs cours tomber respectivement pour la huitième et la sixième année consécutive. Les cours de presque tous les métaux et minéraux exportés par l'Afrique subsaharienne ont également baissé pendant l'année. Qui plus est, on ne prévoit d'amélioration en 1993 que pour les cours de l'aluminium et des diamants.

Comme les perspectives de recettes d'exportation restent défavorables par rapport à la valeur des importations, l'Afrique subsaharienne a besoin d'un volume croissant de ressources extérieures. Or, l'investissement étranger direct privé réalisé dans la région a traditionnellement été modeste (1,7 milliard de dollars en 1991) et il devrait le rester, d'autant plus qu'il est rare que des capitaux privés aillent à des pays qui ont la réputation d'être mauvais payeurs. L'espoir que les programmes d'ajustement structurel accélèrent le flux de financements étrangers privés paraît voué à être déçu.

Malheureusement pour l'Afrique subsaharienne qui a traditionnellement compté sur des apports de ressources publiques, les flux d'aide publique au développement (APD) en direction de la région ont en fait diminué ces derniers temps. Les décaissements nets d'APD, qui étaient de 11,5 milliards de dollars en 1990, ont baissé d'environ 1 milliard de dollars en 1991 (en valeur réelle). Quant aux décaissements nets d'aide multilatérale, à 6 milliards de dollars, ils sont restés au même niveau en 1991 que l'année précédente.

ENCADRÉ 3
LE PROBLÈME DE L'ENDETTEMENT DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE

La dette totale de l'Afrique subsaharienne est passée d'environ 178 milliards de dollars en 1991 à plus de 183 milliards de dollars en 1992. A ce niveau, elle dépassait de 6 pour cent le PIB annuel de la région en 1992. Les arriérés d'intérêt sur la dette extérieure à long terme atteignaient à eux seuls le chiffre faramineux de 14 milliards de dollars. Près du cinquième des recettes laborieusement perçues à l'exportation ont servi à assurer le service de la dette en 1992. Bien que ce chiffre soit en baisse pour la troisième année consécutive, le ratio du service de la dette reste obstinément élevé.

Une part appréciable (quelque 10 pour cent en moyenne entre 1985 et 1991) de la dette totale est attribuable à des prêts relatifs à des projets agricoles. En 1991, dernière année pour laquelle on dispose de données, l'encours de la dette extérieure à long terme du secteur agricole se chiffrait à un peu plus de 13 milliards de dollars, contre environ 12,5 milliards de dollars l'année précédente. Pour l'année 1991 à elle seule, les flux nets à long terme sur les crédits consentis à l'agriculture (montant net des prêts), qui s'établissaient à 727 millions de dollars, étaient les plus faibles depuis 1985; ils n'en représentaient pas moins 23 pour cent des flux nets totaux relatifs à la dette.

Malgré les années d'efforts qui ont été faits pour réduire l'endettement de l'Afrique subsaharienne par des réaménagements et des annulations, ces mesures n'ont jusqu'à présent concerné qu'un faible montant de la dette totale. En 1991, les remises de dette accordées à l'Afrique (principalement à l'Afrique subsaharienne) n'ont porté que sur 3,8 milliards de dollars. En 1992, neuf pays seulement ont obtenu les «conditions renforcées de Toronto» qui permettent à certains pays créanciers d'offrir une annulation ou une réduction des frais d'intérêt. Le montant de la dette en jeu est nettement inférieur à ce qu'il aurait été en cas d'annulation des deux tiers de l'ensemble de la dette admissible envisagée dans les «conditions de la Trinité». En outre, seuls deux pays ont, en 1992, eu recours au Fonds de désendettement de l'IDA, qui vise à réduire la dette commerciale, du fait que les créanciers se montrent réticents, que les pays débiteurs connaissent des difficultés internes et qu'ils ne respectent pas toujours les conditions imposées dans le cadre des crédits d'ajustement structurel.

C'est la dette multilatérale, plutôt que la dette commerciale ou la dette publique bilatérale, qui commence rapidement à poser le plus de problèmes à l'Afrique subsaharienne. Au cours des années 80, la plupart des pays ont contracté moins d'emprunts commerciaux en raison de leur expérience préalable à l'ajustement structurel, de la réticence que montraient les banques commerciales à prêter à des pays lourdement endettés et des efforts de persuasion déployés par les donateurs, et ils ont eu davantage recours aux institutions financières multilatérales. En 1992, près de 40 pour cent de la dette publique à long terme de l'Afrique subsaharienne était contractée auprès d'institutions multilatérales, dont les débiteurs ne peuvent attendre ni réaménagements ni remises.


Par suite de l'écart qui s'est creusé entre les entrées de ressources et les paiements au titre du service de la dette, les transferts nets à la région ont été inférieurs en 1991 à ceux de 1990. Ainsi, pour le secteur agricole à lui seul, des transferts nets de 377 millions de dollars en 1991 (dernière année pour laquelle on dispose de données) représentaient moins de la moitié des montants nets de 1990.

Les guerres et troubles intérieurs, qui ont notamment sévi en Angola, au Libéria, au Mozambique, en Somalie et au Soudan, ont fortement contribué au déclin économique global en 1992, de même que le chaos politique auquel ont parfois été livrés des pays comme le Togo et le Zaïre, où pillages et émeutes ont détruit l'infrastructure nécessaire au développement économique.

En 1992, la production agricole est restée pratiquement au même niveau qu'en 1991, essentiellement à cause de la sécheresse qui a sévi en Afrique orientale et australe. Dans l'ensemble, cette partie de l'Afrique a vu sa production agricole baisser de 7,7 pour cent par rapport à l'année précédente et elle compte 16 des 40 millions de personnes qui, selon les estimations de la FAO, manquent de vivres en Afrique subsaharienne. Dans les autres régions d'Afrique, la croissance a été lente; en Afrique centrale, la production agricole a progressé de 1,4 pour cent, et en Afrique de l'Ouest de 2,9 pour cent. Au Mozambique et en Somalie, les troubles intérieurs ont exacerbé les problèmes déjà désastreux d'approvisionnement alimentaire et d'accès aux vivres.

La production céréalière a baissé de plus de 5 pour cent pour l'ensemble de la région. En Afrique australe, où les céréales sont la denrée de base, elle est tombée à moins de la moitié de son niveau de 1991. Du fait que la production de céréales et de produits alimentaires non céréaliers a subi une baisse moins brutale ailleurs dans la région, notamment en Ethiopie, au Soudan et en Afrique occidentale et centrale, la production totale de denrées vivrières a augmenté de près de 1 pour cent par rapport à l'année précédente. Par contre, celle de produits agricoles non alimentaires a baissé d'environ 5,7 pour cent.

Sur le long terme, l'Afrique subsaharienne a, contrairement à ce que l'on croit souvent, maintenu des taux de croissance de la production agricole comparables à ceux d'autres régions du monde4. En fait, de 1981 à 1992, la production globale a augmenté au rythme de 3 pour cent par an, avec une légère baisse en 1982,1986 et 1990. C'est l'accroissement démographique qui a toujours fait problème dans cette région, car il a été plus rapide que la croissance de la production, ce qui a réduit le produit par habitant. Par exemple, bien que la production agricole ait enregistré une augmentation marginale (de 0,3 pour cent) en 1992, le produit par habitant a baissé de près de 2,8 pour cent. La région ne pourra renverser cette tendance que si elle réussit à freiner l'accroissement de sa population et à accroître sa production en pratiquant une agriculture intensive et durable, à supposer que les conditions météorologiques soient plus favorables et qu'il y ait moins de guerres et de troubles civils.

4 ONU. 1992. Economic Recovery, 6(3).
Les conditions météorologiques étant redevenues plus favorables pendant la campagne 1992/93, on s'attend, en 1993, à un redressement de la production agricole dans les pays qui avaient souffert de la sécheresse en 1992.

En ce qui concerne les politiques, des programmes d'ajustement structurel mettant l'accent sur des objectifs à court terme ont continué à présider aux réformes dans la plupart des pays de la région. On n'a guère vu de programmes permettant à l'ajustement de s'assortir d'une transformation ni de programmes intégrant buts à court terme et objectifs de développement à moyen et long termes, ce qui constituait l'objectif de la «Solution africaine de rechange au programme d'ajustement structurel: un cadre pour la transformation et le redressement», récemment adoptée par l'Organisation de l'unité africaine (OUA).

La réforme budgétaire a joué un rôle central dans les efforts de renforcement de la gestion de l'économie nationale. Certains pays ont toutefois beaucoup mieux réussi que d'autres à réduire les déséquilibres budgétaires. Le Bénin et la Gambie, par exemple, ont pu réduire leur déficit budgétaire en pourcentage de leur PIB, mais beaucoup d'autres pays n'y sont pas parvenus.

La politique monétaire a mis l'accent sur un contrôle serré de la masse monétaire et sur des ajustements des taux d'intérêt. Le Zaïre, quant à lui, s'est au contraire lancé dans un programme d'expansion monétaire et le taux d'inflation y a atteint des proportions énormes. Les ajustements des taux d'intérêt ont souvent servi d'instrument de politique monétaire et plusieurs pays, dont le Cap-Vert, les Comores, la Côte d'Ivoire, Djibouti, la Gambie, la Guinée-Bissau, le Kenya, le Malawi, le Mali, la Mauritanie, la République-Unie de Tanzanie, la Tunisie, la Zambie et le Zimbabwe, ont relevé leurs taux d'intérêt. Au Ghana et à Maurice, les taux bancaires nominaux ont été ajustés à la baisse mais sont restés positifs en termes réels.

En 1992, de nombreux pays d'Afrique subsaharienne ont continué à s'orienter vers des taux de change déterminés par le marché soit en dévaluant leur monnaie nationale (Ethiopie, Malawi, Mauritanie et Rwanda par exemple) soit en la laissant flotter (Nigéria) et en libéralisant les changes (Algérie, Ouganda, République-Unie de Tanzanie et Zambie, par exemple).

Les réformes du secteur public, comportant un dégraissage de la fonction publique et une réduction de la consommation de l'Etat, ont continué à figurer en bonne place dans les programmes de réforme. Dans des pays tels que la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Mozambique, le Nigéria, l'Ouganda, le Soudan, le Tchad et la Zambie, la privatisation a aussi joué un rôle important dans les réformes du secteur public.

La plupart des pays ont poursuivi les mesures de transformation de leur agriculture, souvent dans le cadre de programmes d'ajustement structurel négociés avec la Banque mondiale et le FMI. La libéralisation du marché est restée un élément important des réformes de politique agricole, des entreprises agricoles parapubliques étant démantelées, privatisées ou restructurées dans des pays tels que le Burundi, la Côte d'Ivoire et le Mozambique. Dans d'autres pays (comme l'Ethiopie, le Kenya, le Malawi, le Mali, l'Ouganda, la République-Unie de Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe), la commercialisation des produits agricoles a été partiellement ou totalement déréglementée. D'autres pays encore comme le Lesotho et la République centrafricaine se proposent aussi de libéraliser leurs marchés agricoles.

Certains pays ont entrepris de diversifier leur base d'exportations agricoles, pour ne plus être tributaires d'une seule culture d'exportation ou d'un trop petit nombre, à mesure que les cours mondiaux des produits traditionnels d'exportation continuaient à s'effondrer. Par exemple, le Bénin encourage la production d'huile de palme, de noix de coco et d'arachide ainsi que la culture de l'ananas et des fruits et légumes exotiques, aux côtés de son produit d'exportation traditionnel, le coton. L'Ouganda envisage d'exporter du sésame, du tabac, des cuirs et peaux, des épices et du poisson après avoir retrouvé sa part du marché du coton, du thé et du café, ses produits traditionnels d'exportation. En règle générale, les pêches ont joué un rôle important dans les efforts de diversification. Le Mozambique, la Namibie, le Nigéria et la Sierra Leone sont quatre des pays qui se sont lancés énergiquement dans l'aquaculture.

En raison de la sécheresse qui a sévi en Afrique australe, cette région a concentré ses politiques de développement agricole principalement sur la lutte contre la sécheresse, l'augmentation de la production vivrière et la diversification du secteur alimentaire. Au Malawi, tout en soutenant la production de maïs, denrée de base de la majorité de la population, le gouvernement encourage la production de manioc, plante xérophile, comme culture de sécurité ainsi que la production locale de semences de légumes. Dans le cadre de sa stratégie de diversification visant à réduire sa dépendance à l'égard du maïs, la Zambie encourage la production de sorgho, de mil et de manioc. Au Zimbabwe, des incitations ont été offertes aux agriculteurs sous forme de prix et autres mesures pour qu'ils accroissent leur production céréalière. D'autres pays de la région ont connu des tendances semblables.

La sécurité alimentaire a aussi constitué une préoccupation primordiale ailleurs dans la région. Le Nigéria a interdit pendant cinq ans l'importation de blé (interdiction temporairement levée à la fin de 1992) afin de promouvoir la production nationale et cette politique a été partiellement couronnée de succès. Le Sénégal a lancé un programme qui devrait lui permettre d'être à 80 pour cent autosuffisant en vivres. Le Burkina Faso a entrepris un projet visant à parer à la faim et la malnutrition saisonnières. Et Djibouti s'efforce d'encourager une plus grande consommation de produits locaux, y compris de produits vivriers, dans le cadre général de la sécurité alimentaire.

La sécheresse qu'a connue l'Afrique australe a servi de catalyseur qui a encouragé les pays de la région à réorienter leurs politiques agricoles de manière à exploiter plus efficacement leur potentiel hydraulique; le Malawi est l'un des pays qui s'occupent activement de cette question.

Dans le contexte de la politique agricole, on s'est aussi intéressé à la protection de l'environnement. Dans son premier rapport annuel, la Coalition mondiale pour l'Afrique affirme que les quatre cinquièmes des terres agricoles et des pâturages situés en Afrique subsaharienne sont, au moins en partie, dégradés; et que le déboisement est peut-être l'une des causes de la baisse sensible des précipitations au Sahel, sur le littoral du golfe de Guinée, au Cameroun, au nord du Nigéria et en Afrique de l'Est5. C'est par souci pour l'environnement, par exemple, que le Gouvernement zaïrois a interdit l'abattage de certaines essences et le Ghana l'exportation de 18 espèces de bois. Plusieurs autres pays ont esquissé des stratégies de mise en valeur de leurs forêts et d'exploitation plus rationnelle de leurs ressources halieutiques.

5 The Global Coalition for Africa. 1992. African Social and Development Trends. Annual Report, p.11.

Outre la désertification, préoccupation principale exposée par l'Afrique à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de 1992, les pays de la région ont donné la priorité à l'accroissement des transferts de fonds et de technologies pendant les discussions qui ont suivi la CNUED, faisant ainsi écho aux réflexions d'une partie de la communauté des donateurs d'aide. Ainsi, la Banque mondiale a clairement classé les questions d'environnement en tête de la liste des priorités de son guichet d'aide concessionnelle, l'Association internationale de développement (IDA).

Bien que les politiques aient été fortement orientées en fonction des préoccupations nationales en 1992, les échanges entre pays africains en particulier mais aussi l'intégration économique et politique en général ont été stimulés par un certain nombre de décisions importantes: la Zone d'échanges préférentiels (ZEP) pour les Etats d'Afrique orientale et australe a modifié les règlements relatifs à l'origine des marchandises qui sont appliqués dans la ZEP. Toutes les marchandises provenant d'Etats membres, quelle que soit la nationalité des producteurs, font maintenant l'objet de tarifs préférentiels.

En août 1992, la Conférence de coordination du développement de l'Afrique australe (SADCC) a été rebaptisée Communauté du développement de l'Afrique australe (SADC) dans l'attente que l'Afrique du Sud post-apartheid puisse y adhérer6.

6 Les perspectives que l'Afrique du Sud se sorte du bourbier politique où elle est enfoncée ont été améliorées par l'annonce d'une date provisoire (avril 1994) à laquelle le pays organisera des élections multiraciales.
Au cours de l'année écoulée, plusieurs autres pays ont aussi ratifié le traité d'Abuja de 1991 établissant la Communauté économique panafricaine.

Si les pays ont manifesté un regain d'intérêt à l'égard de l'intégration économique, c'est qu'ils ont reconnu qu'à mesure que l'environnement économique international devient plus hostile, empêchant les petites économies individuelles souvent fragmentées d'Afrique subsaharienne d'accélérer leur croissance, l'avenir de la région repose sur une autonomie collective. Cette autonomie a été l'un des thèmes de la conférence internationale qui s'est tenue à Dakar du 16 au 18 novembre 1992. Intitulée «Trampling the grass: is Africa's growing marginalization in the newly emerging international order reversible?», cette conférence était organisée par l'African Centre for Development and Strategic Studies (ACDESS), important nouveau centre d'études africain.

Ethiopie


Le pays: caractéristiques générales
L'économie
Politiques économiques touchant l'agriculture
Politiques agricoles
Effet des politiques sur l'agriculture
Problèmes actuels de développement agricole

Le pays: caractéristiques générales

Située au nord-est de l'Afrique, l'Ethiopie constitue la plus grande partie de la corne de l'Afrique7. Son territoire, l'un des plus vastes des pays africains, couvre une superficie de 1 223 600 km2 et s'étage entre 100 m au-dessous du niveau de la mer et plus de 4 000 m d'altitude. Elle compte 55,11 millions d'habitants, ce qui la met à la deuxième place des pays les plus peuplés d'Afrique, après le Nigéria8.

7 L'Erythrée, officiellement indépendante depuis mai 1993, est comprise dans la plupart des chiffres officiels, les données étant insuffisantes pour permettre l'établissement de rapports systématiques portant exclusivement sur l'Ethiopie.

8 Estimations de 1992.

Le climat se caractérise principalement par l'irrégularité des précipitations. Les hautes terres du sud-ouest reçoivent les précipitations les plus fortes en moyen ne et les pluies diminuent lorsqu'on va vers le nord-est et l'est. Même dans les régions qui ont des précipitations annuelles moyennes élevées, les variations peuvent être énormes. Des terres chroniquement sujettes à la sécheresse couvrent près de 50 pour cent de la superficie du pays, et comptent environ 20 millions d'habitants9.

9 T. Desta. Disaster management in Ethiopia: past efforts and future directions. Communication présentée à l'atelier sur la lutte contre la sécheresse organisé par le Bureau des Nations Unies pour la région soudano-sahélienne (BNUS), Addis-Abeba, mai 1993.
La sécheresse a été à l'origine d'au moins 10 famines qui ont sévi au cours des 40 dernières années et touché de vastes zones et des sections importantes de la population. Durant les 20 dernières années, les sécheresses qui ont causé le plus de souffrances humaines ont été celles de 1972-1973 et de 1984-198510.
10 Pour de plus amples informations, voir T. Desta, op. cit., note 9.

L'économie

Avec un PIB de 120 dollars par habitant, l'Ethiopie est l'un des pays les plus pauvres du monde; 60 pour cent de sa population vit au-dessous du seuil de pauvreté.

L'agriculture contribue pour 50 pour cent au PIB et pour 90 pour cent aux exportations du pays. Pour ce qui est de la superficie cultivée, les céréales (teff, maïs, orge, blé) constituent les cultures principales, suivies par les légumineuses (féveroles, pois chiches, haricots blancs) et les oléagineux (principalement ricin et lin). Le café est le principal produit d'exportation (représentant 57,3 pour cent des exportations agricoles) suivi par les cuirs et peaux (28 pour cent), les animaux vivants (3,3 pour cent) et les légumes11. Environ 78 pour cent de la valeur totale de la production des industries manufacturières reposent sur la transformation de produits agricoles (agro-alimentaire, boissons et textiles).

11 Données d'AGROSTAT pour 1990.
Le secteur des petites exploitations contribue pour 90 pour cent à la production agricole du pays. Selon les estimations, la taille moyenne des exploitations se situe entre 1 et 1,5 ha.

Au cours des années 70 et 80, la croissance globale du PIB (1,9 et 1,6 pour cent respectivement) a suivi de près les taux de croissance de la production agricole (0,7 et 0,3 pour cent respectivement) et les taux sont dans les deux cas bien inférieurs au taux d'accroissement démographique, qui est estimé à 3 pour cent.

Politiques économiques touchant l'agriculture

Pour expliquer la stagnation de l'agriculture et de l'économie en général que connaît l'Ethiopie depuis le milieu des années 70, il faut se référer à toute une série de contraintes structurelles et de politiques, qui sont liées entre elles. Outre la dureté des conditions agroclimatiques, les insuffisances et le mauvais entretien de l'infrastructure, la dégradation de l'environnement et l'emploi de technologies inappropriées ont contribué au déclin de l'agriculture.

Les politiques macro-économiques et sectorielles ont aussi joué un rôle dans l'établissement d'un milieu peu propice à la croissance agricole. L'arrivée au pouvoir d'un gouvernement révolutionnaire en 1974 a marqué le début d'une ère de contrôles directs et serrés imposés par l'Etat aux systèmes de production et de distribution. Une brève description des mesures prises et de leurs effets permettra d'expliquer la nature et l'ampleur des problèmes auxquels l'Ethiopie est aujourd'hui confrontée.

Politique macro-économique: un équilibre interne trompeur.

La politique macro-économique de l'Ethiopie s'est toujours caractérisée par une gestion budgétaire prudente. Le déficit budgétaire a été maintenu à une moyenne de 7 pour cent du PIB pendant la plus grande partie des années 1975 à 1989, à l'exception des années de sécheresse.

Ces déficits relativement faibles ont été réalisés malgré l'augmentation des dépenses publiques (qui sont passées d'environ 17 pour cent du PIB en 1974/75 à 47 pour cent en 1988/89). Une politique agressive de recettes budgétaires a empêché le déficit de gonfler outre mesure. Les effets budgétaires des chocs extérieurs ont été atténués par les flux d'aide extérieure accordée au titre de secours en cas de catastrophe. En général, les dons et prêts extérieurs ont laissé la moitié du déficit à couvrir sur des ressources internes. Comme le gouvernement a évité d'avoir recours à un financement inflationniste, l'inflation moyenne a été maintenue aux alentours de 9 pour cent pendant la période de 17 ans se terminant en 199112.

12 Pour plus de détails, voir Banque mondiale. 1990. Ethiopia's economy in the 1980s and framework for accelerated growth. Washington.
Bien qu'équilibre macro-économique et stabilité des prix soient nécessaires à la croissance, ils ne sont pas toujours suffisants, comme le démontre l'exemple de l'Ethiopie. Les dépenses publiques d'investissement fixe ont progressé de près de 16 pour cent par an après 1975, alors que les dépenses de fonctionnement augmentaient de 5 pour cent. Ces dépenses ont été essentiellement consacrées directement à des activités productives (principalement dans l'industrie manufacturière et les services publics) qui étaient souvent d'une efficacité douteuse. Au cours des années 80, 30 pour cent des dépenses réelles d'investissement ont été affectées à l'agriculture (y compris aux fermes d'Etat et à la colonisation rurale) et 15 pour cent seulement à l'infrastructure (transports et communications)13. Sur les dépenses de fonctionnement, environ 2,2 pour cent ont été consacrées à l'agriculture et aux nouveaux peuplements et près de 55 pour cent à la sécurité et à la défense.
13 On trouvera des données détaillées du Ministère des finances dans A. Teferra. Ethiopia: the agricultural sector - an over-view, Vol. II, statistical annex. Document rédigé pour la Division de l'analyse des politiques de la FAO.
Une politique agressive en matière de recettes a permis de porter les recettes budgétaires totales de 20 à 29 pour cent du PIB dans les années 80. Les impôts sont venus à parts égales de contributions indirectes internes, d'impôts sur les bénéfices des sociétés et de taxes sur le commerce extérieur. Les taxes sur les exportations de café représentaient entre 30 et 40 pour cent de la valeur f.o.b. des exportations de café. Les bénéfices réalisés par des entreprises publiques lucratives (essentiellement mines et transports aériens et maritimes) ont constitué une part croissante des recettes totales. De temps à autre, des surtaxes et prélèvements d'urgence étaient perçus.

En raison des obstacles institutionnels imposés à l'activité commerciale privée - par exemple un plafond de 0,5 million de birr d'immobilisations par entreprise manufacturière - et du manque de possibilités d'investissement et de biens de consommation, le montant des dépôts (à vue et d'épargne) effectués par les ménages et les entreprises privées a augmenté. Ces dépôts élevés ont pu être attirés à des taux d'intérêt faibles (épargne forcée) et ils ont à leur tour servi à financer le déficit intérieur. En conséquence, le financement intérieur provenait à 85 ou 90 pour cent du système bancaire14.

14 Voir note 12.
Du côté des dépenses, la productivité globale de l'économie a souffert de ce que l'infrastructure a été relativement négligée et que la répartition des investissements publics affectés à l'agriculture n'a pas été optimale. De même, la priorité accordée à la sécurité dans le budget de fonctionnement et l'entretien de projets peu rentables a encore aggravé la situation. En outre, le financement non inflationniste du déficit budgétaire s'est fait aux dépens des possibilités d'investissement privé. Ainsi, l'Ethiopie a réalisé un équilibre interne d'ensemble mais a étouffé les sources fondamentales de productivité et de croissance.

Politiques agricoles

Entre 1974 et 1993, on peut diviser la politique agricole et la politique économique générale en trois périodes:

· 1974 à 1988, où des mesures d'économie dirigée ont été prises et consolidées;

· 1988 à 1991, où un certain nombre de mesures antérieures ont été abandonnées et où des réformes ont été entreprises en vue de libéraliser l'économie;

· la période d'après 1991 (1991 étant l'année où le régime révolutionnaire s'est effondré), pendant laquelle plusieurs des réformes entreprises entre 1988 et 1990 ont été consolidées et des mesures supplémentaires de libéralisation ont été prises.

Etant donné les aléas des conditions agroclimatiques du pays, trois jeux de facteurs interdépendants ont influé sur la croissance agricole: le cadre institutionnel; les politiques de prix et de commercialisation; et la répartition des crédits budgétaires.

La situation d'avant 1988. En mars 1975, le gouvernement a annoncé des changements radicaux du régime foncier et des relations de travail en milieu rural. Les principaux éléments de la loi (Proclamation 31 de 1975) étaient les suivants: i) nationalisation des terres et abolition de la propriété privée; ii) interdiction des baux; iii) interdiction de recruter de la main-d'œuvre rurale sur des exploitations privées; iv) garantie d'accès à des terres cultivables pour tous les ménages.

Les fermes individuelles ont été regroupées en associations paysannes (AP) qui allouaient et réallouaient les terres entre ménages, percevaient les impôts et les quotas de production et organisaient la main-d'œuvre bénévole pour les travaux publics. Les AP formaient à leur tour des coopératives de services (CS) qui se chargeaient de l'approvisionnement, de la commercialisation et de la vulgarisation. Les coopératives de producteurs (CP) étaient composées de ménages individuels qui géraient collectivement leurs exploitations regroupées. On a aussi établi un certain nombre de grandes fermes d'Etat. En 1989, il y avait 17 000 AP et 3 700 CS, tandis que le secteur socialiste (CP et fermes d'Etat) comprenait 3 300 CP comptant 290 000 membres au total.

Malgré les efforts déployés pour «socialiser» l'agriculture, la structure de la production est restée essentiellement privée, les paysans ayant fait preuve d'une forte résistance à l'intégration en CP. En 1988, les exploitations paysannes individuelles représentaient environ 94 pour cent de la superficie totale des terres cultivées, le reste étant divisé en CP (2,5 pour cent) et en fermes d'Etat (3,5 pour cent). Les ressources publiques n'étaient pas réparties entre les secteurs socialisé et non socialisé proportionnellement à leur importance, le gros des ressources financières, des intrants modernes et des agents de vulgarisation étant affecté au secteur socialisé dont la productivité était loin de toujours justifier cette allocation disproportionnée.

En 1985, une politique nationale de «villagisation» (regroupement de la population en villages désignés) a été adoptée. En 1989, le tiers de la population rurale avait été transférée à des villages. En 1985, à la suite de la sécheresse, on a intensifié le programme de réinstallation sur des terres en friche de paysans vivant dans des zones touchées par la sécheresse. Une mauvaise organisation et des erreurs de sélection des colons ont rendu extrêmement coûteux ce projet, qui a dû être constamment subventionné pour survivre.

Les politiques de prix et de commercialisation ont aussi traduit la tendance à un lourd contrôle de l'Etat. La Société de commercialisation des produits agricoles (SCPA) était responsable de l'achat en gros des céréales, oléagineux et légumineuses et des importations de céréales. Elle était chargée de collecter tous les produits à vendre auprès des CP et des fermes d'Etat et obligeait les exploitations individuelles à livrer un quota calculé en fonction de leur capacité théorique à produire un excédent commercialisable. A partir de 1980, un barème de prix a été appliqué aux quotas sur l'ensemble du territoire et ces prix d'achat sont restés au même niveau jusqu'en 1988, où ils ont été relevés de 7,7 pour cent. Même après cette augmentation, les prix d'achat du teff, du blé et de l'orge ne représentaient respectivement que 37, 61 et 45 pour cent des prix au marché libre. Jusqu'en 1988, le gouvernement a, de temps à autre, interdit le négoce privé dans les grandes régions productrices. En outre, les commerçants privés étaient obligés de vendre à la SCPA une part de leurs achats (allant de 50 à 100 pour cent) à 4 ou 5 birr de plus que le prix qu'ils versaient aux agriculteurs. Le programme d'achats de la SCPA n'a pas été particulièrement efficace et sa part des achats de céréales a atteint un maximum de 11 pour cent de la récolte totale de céréales en 1986/87, les agriculteurs comme les commerçants ayant de bonnes raisons de se soustraire aux contrôles.

Le fonctionnement du système d'achats publics a créé un double marché. D'une part, il y avait un système de distribution public qui livrait des produits aux usines, aux hôpitaux, aux associations urbaines (kebeles), aux établissements d'enseignement et à l'armée; de l'autre, des marchés libres mal intégrés où céréales et légumineuses étaient vendues à des prix nettement plus élevés.

Les exportations de légumineuses et d'oléagineux, de café et de bétail étaient aussi assurées par des entreprises parapubliques. Les produits de l'élevage destinés à l'exportation étaient achetés aux prix du marché alors que le commerce intérieur était libre. Les prix du café à l'exploitation sont restés bas (35 à 45 pour cent de leur valeur f.o.b.) même lorsque le taux de change était surévalué.

Les réformes de 1988. Face à la stagnation économique et à la montée des problèmes sociaux, le gouvernement a, en 1988, lancé un programme de réformes économiques visant à libéraliser le système. Il a imputé la stagnation économique aux causes suivantes15: i) effets négatifs qu'avait eus la suppression de l'activité économique privée; ii) affectation déséquilibrée des investissements dans l'agriculture paysanne en faveur d'un secteur socialisé peu performant; et iii) adoption d'une planification centrale au détriment des forces du marché, ce qui a entraîné une sous-utilisation des ressources et des investissements inefficaces.

15 Discours présidentiel à la 9e session plénière du Comité central du Parti des travailleurs éthiopiens, novembre 1988.
Comme suite à ce diagnostic, le gouvernement a approuvé et commencé à mettre en œuvre une série de mesures, notamment des augmentations incitatives des prix et des réformes institutionnelles. Les prix officiels d'achat ont été relevés et les quotas de produits agricoles devant être livrés à la SCPA ont été réduits. Les prix du café ont été sensiblement majorés. Le nombre de commerçants agréés a été accru et les restrictions imposées au mouvement interrégional des produits agricoles ont été abolies. La participation aux CP est devenue facultative et, à la fin de 1989, 95 pour cent de ces coopératives s'étaient désintégrées. Plusieurs AP et CA avaient aussi disparu.

En 1990, un autre train de réformes a été lancé pour libéraliser le code des investissements étrangers et il a été prévu de permettre le recrutement de main-d'œuvre rurale. Ces réformes ne sont pas entrées en vigueur car le pays s'est enfoncé dans la guerre civile, accompagnée d'instabilité politique et d'une désintégration des institutions.

L'environnement économique après 1991. En mai 1991, le Gouvernement provisoire de l'Ethiopie a pris le pouvoir. Il s'est trouvé confronté à une économie dévastée par la longue période de guerre civile, caractérisée par la faiblesse des niveaux de vie et la détérioration de l'infrastructure et des conditions sociales. Outre les problèmes profondément enracinés de la pauvreté, il a fallu fournir des moyens de subsistance à 350 000 soldats démobilisés et à leurs familles ainsi qu'à un grand nombre de réfugiés et de civils déplacés.

Aux côtés de mesures visant à rétablir la paix et la sécurité dans le pays, le gouvernement, avec l'aide de la communauté des bailleurs de fonds, a adopté un vaste programme de réformes économiques et sociales.

Sur le plan macro-économique, il a dévalué le birr, qui est passé de 2,07 birr à 5 birr le dollar et en mai 1993, il a mis en place un système limité de vente aux enchères de devises pour l'achat d'articles de première nécessité.

Dans l'agriculture, le gouvernement a garanti le droit d'exploitation, de location et d'héritage de la terre. Pendant la période de transition, la redistribution des terres a été stoppée et il est désormais permis de recruter de la main-d'œuvre rurale. Le gouvernement provisoire a annoncé qu'un gouvernement élu règlerait la question du régime foncier par référendum. La SCPA a perdu son monopole, de sorte que la majorité des céréales est maintenant commercialisée par des négociants privés, et le système des quotas a été aboli. Depuis janvier 1993, toutes les taxes à l'exportation ont été supprimées, à l'exception de la taxe à l'exportation du café. Pour compenser en partie les effets de la dévaluation, on a instaure une subvention de 15 pour cent sur les engrais. Dans le secteur des transports, l'industrie des transports routiers a été libéralisée et il est prévu de diviser et de vendre l'entreprise publique de camionnage.

Effet des politiques sur l'agriculture

Les politiques macro-économiques et sectorielles suivies de 1974 à 1991, surtout celles d'avant 1988, ont créé un environnement peu propice à la croissance de l'agriculture, contribuant donc à la quasi-stagnation de la production agricole.

Les réformes institutionnelles du régime agraire ont très fortement réduit la taille des exploitations, qui, dans bien des cas, n'étaient plus assez grandes pour faire vivre une famille. Les incertitudes du droit de jouissance ont gravement compromis la protection de l'environnement, et les rendements16 n'ont pas progressé en raison de l'exiguïté des parcelles conjuguée au fait que les engrais et les semences (dont la distribution était exclusivement assurée par le secteur public) n'étaient pas distribués en temps voulu.

16 Les rendements céréaliers moyens sont de l'ordre de 1,2 tonne à l'hectare dans le secteur des petites exploitations, soit les deux tiers des rendements obtenus au Kenya sur des terres ayant un climat semblable et des sols d'une fertilité comparable. Les rendements des légumineuses et des oléagineux (0,65 tonne/ha et 0,5 tonne/ha respectivement) sont parmi les plus faibles du monde.
Il n'y a pas eu de recherches sur les technologies et les intrants (semences et engrais) appropriés et adaptés aux conditions agroclimatiques du pays. La Compagnie semencière éthiopienne n'a distribué qu'environ la moitié des 40 000 tonnes de semences dont, selon les estimations, les exploitations agricoles avaient besoin. Ne pouvant compter sur une distribution régulière de semences ni sur des services de vulgarisation, beaucoup de paysans ont préféré se rabattre sur les semences traditionnelles et refuser les variétés nouvelles.

Les terres placées sous le contrôle des CP et des fermes d'Etat ne représentaient en fin de compte qu'un faible pourcentage de la superficie cultivée totale, mais, selon le plan décennal 1982/83 à 1993/94, la plupart des agriculteurs devaient être organisés en coopératives de producteurs. L'objectif final était que 44 pour cent des terres cultivées soient allouées à des exploitations individuelles, 49 pour cent à des CP et 7 pour cent à des fermes d'Etat. Ce plan n'a jamais été mis en pratique mais ses dispositions, jointes aux incertitudes liées au régime foncier et à la fréquence des redistributions de terres à l'intérieur des AP, ont semé le trouble dans l'esprit des ménages agricoles et n'ont pas incité les agriculteurs à faire des investissements à long terme ni à adopter des pratiques culturales durables.

En outre, le système de commercialisation n'était pas propice à la production d'un excédent commercialisable et les produits livrés au titre des quotas étaient payés à vil prix. Les restrictions imposées aux mouvements internationaux empêchaient une intégration des régions déficitaires et excédentaires, situation encore aggravée par l'état des routes rurales, les contrôles serres qui pesaient sur le système de transport et de camionnage et la distance qui séparait la majorité des petites exploitations paysannes des routes carrossables par tous temps. Le peu d'attention dont l'infrastructure rurale a fait l'objet a aussi fortement réduit l'efficacité globale des investissements.

Il est difficile de déterminer l'effet exact qu'ont eu les mesures de libéralisation prises entre 1988 et 1990, car leurs répercussions ont été masquées par les graves perturbations des marchés causées par la guerre. Bien que les conditions de sécurité aient empiré, il semble bien que la libéralisation ait permis de réduire la dispersion géographique des prix et de mieux intégrer les marchés céréaliers.

Jusqu'à présent, l'économie et l'agriculture ont réagi de manière encourageante aux réformes d'après 1991, mais il est difficile d'établir avec précision une correspondance entre ces réformes et les résultats obtenus. Des facteurs exogènes (conditions météorologiques favorables) et des facteurs non économiques (amélioration de la paix et de la sécurité) ont en effet contribué à l'expansion de l'activité économique.

Sur le plan macro-économique, après avoir baissé de 5,2 pour cent en 1991/92, le PIB réel devrait progresser de 7,5 pour cent en 1992/93, soit 1 pour cent de plus que l'objectif gouvernemental. L'inflation est tombée de 45 pour cent pendant la période juin 1990-juin 1991 à 14 pour cent pendant la période correspondante de 1991/92. Il semble que le pays ait déjà absorbé les effets de la dévaluation, car un grand nombre de transactions de change ont lieu sur le marché parallèle au taux de 7 birr le dollar.

La projection d'une croissance réelle solide du PIB est liée aux bons résultats obtenus par le secteur agricole depuis trois ans. La production céréalière s'est fortement redressée, avec une production totale de 7,3 millions de tonnes en 1990/91 (récolte record), suivie par une récolte presque aussi bonne de 7,1 millions de tonnes en 1991/92 et une récolte qui, selon les projections, pourrait être de 7,7 millions de tonnes en 1992/9317. Ces variations traduisent des changements de conditions climatiques et des sécheresses localisées. L'augmentation de production est venue essentiellement du secteur paysan, alors que la production des fermes d'Etat est restée statique. La consommation d'engrais a augmenté de 30 pour cent en 1992 et la superficie récoltée a progressé en raison du prix élevé des céréales. Au cours des premiers mois de 1993, on a noté un accroissement des livraisons de café sur le marché d'Addis-Abeba.

17 Sources: Pour 1990/91, données du Bureau central de statistique; pour 1991/92, estimations du Ministère de l'agriculture éthiopien; pour 1992/93, FAO. 1993. Food supply situation and crop prospects in sub-Saharan Africa. Rome.

Note: Les données comprennent les utilisations non alimentaires.

Problèmes actuels de développement agricole

Les réformes récentes constituent la première phase des profonds changements structurels qui seront nécessaires pour placer l'économie éthiopienne sur la voie d'un développement durable; elle est et restera pendant quelque temps une économie en transition, à cheval entre deux modèles de développement économique. Deux des nombreux problèmes auxquels sont actuellement confrontés les dirigeants éthiopiens sont analysés plus en détail ci-après: i) la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté; et ii) la dégradation des ressources naturelles.

Pauvreté et insécurité alimentaire. Etendue du problème et causes fondamentales. L'insécurité alimentaire (définie dans sa forme la plus fondamentale comme une situation où tous les habitants n'ont pas à tout moment accès aux vivres nécessaires à une vie saine) est un phénomène à la fois chronique et transitoire en Ethiopie. On estime que la moitié de la population du pays (entre 23 et 26 millions de personnes) est sujette à l'insécurité alimentaire. Plus de 20 millions d'entre elles vivent en milieu rural. Lorsque des périodes de désastres naturels et de calamités causées par l'homme se succèdent, les ménages pauvres vendent leurs biens, épuisent leurs réserves de vivres, deviennent très vulnérables ou totalement démunis et ont constamment besoin d'aide alimentaire pour survivre. Depuis une vingtaine d'an nées, l'insécurité alimentaire provisoire s'est traduite par les famines qui ont suivi les sécheresses de 1972/73 et de 1984/8518. En Ethiopie, les réfugiés et les personnes déplacées par la guerre civile constituent des groupes très vulnérables qui ont besoin d'assistance.

18 Au cours de la sécheresse de 1987, des conséquences semblables ont été évitées grâce à une préparation adéquate et à une alerte rapide.

Quant à l'insécurité alimentaire chronique, les données montrent que, même en temps normal (lorsque les conditions climatiques ou socio-économiques ne sont pas exceptionnelles)19, la ration alimentaire moyenne des Ethiopiens est inférieure de 14 pour cent à la ration minimale requise, qui est l'équivalent de 500 g de céréales par jour et par personne. Les données «moyennes» risquent d'être trompeuses, car elles dissimulent des écarts dans l'accès qu'ont les habitants aux disponibilités alimentaires. Les chiffres du Ministère de l'agriculture révèlent que, en 1982-1983, les revenus moyens par ménage des régions pauvres représentaient moins du tiers de ceux des régions plus aisées. Les régions pauvres sont aussi des régions à déficit alimentaire et, compte tenu du manque d'intégration du marché, les prix des céréales étaient beaucoup plus élevés dans ces régions, ce qui aggravait encore le problème d'accès aux vivres20. On estime que, bien que l'aide alimentaire ait empêché les disponibilités alimentaires moyennes de tomber trop brutalement, 8 pour cent de la population a souffert de malnutrition aiguë pendant les périodes de sécheresse et de troubles civils21. La FAO a estimé que la production vivrière actuelle (céréales, légumineuses, légumes, fruits et produits de l'élevage) fournirait au total une ration de 1 600 à 1 700 calories par jour. L'aide alimentaire et les importations portent la ration journalière à 1 800 à 1 900 calories par habitant, soit moins que le minimum recommandé de 2 100 calories par personne et par jour.

19 Par exemple, de 1979 à 1984.

20 Pour plus ample information, voir FIDA. 1989. Mission spéciale de programmation en Ethiopie. Documents de travail nos 1 (Macro-economic performance and trends) et 7 (The dynamics of rural poverty). Rome.

21 Données de l'Institut national éthiopien. Voir I. Loerbroks. Statement on occasion of World Food Day 1992, 16 octobre, Addis-Abeba.

C'est la pauvreté qui est à l'origine du problème d'accès aux disponibilités alimentaires22. Dans le secteur rural, les pauvres ont peu d'avoirs productifs et ceux qu'ils ont sont médiocres (exploitation agricole de petite taille, sol de mauvaise qualité, précipitations aléatoires, cheptel peu nombreux); ils n'ont que des possibilités restreintes de trouver un autre emploi, un accès limité aux services sociaux et ils utilisent des techniques de production traditionnelles. Les pauvres dépensent aussi une grande part de leurs revenus pour se nourrir et se chauffer et épargnent très peu23. Ils sont donc très vulnérables en période de crise.
22 Outre le niveau du revenu par habitant, l'accès aux services sociaux est un autre aspect de la pauvreté car, lorsqu'il existe, il peut compenser certains effets de la pauvreté. Dans le présent rapport, nous n'avons examiné que les éléments de la pauvreté directement liés à l'accès aux vivres. On trouvera une analyse détaillée de différents aspects de la pauvreté dans The social dimensions of adjusment in Ethiopia: a study on poverty alleviation. Ministère du plan et du développement économique, mai 1992, Addis-Abeba.

23 A partir de données d'enquête de 1982/83, le FIDA a estimé que 5 pour cent seulement du revenu rural était mis de côté.

La pauvreté urbaine est causée par un chômage élevé et de bas salaires. Ces dernières années, ce problème a été aggravé par l'afflux de soldats démobilisés et de personnes déplacées et par la hausse des prix alimentaires sur le marché libre.

Mesures visant à atténuer la pauvreté et l'insécurité alimentaire. Pour que la vie des pauvres s'améliore de manière durable, il est essentiel que le développement économique repose sur de larges bases. En Ethiopie, le rôle de l'agriculture est primordial à cet égard. La croissance agricole permettra de parer au problème de la sécurité alimentaire sur le plan de l'offre (en accroissant la production vivrière et les ressources en devises pouvant servir à importer des vivres) et sur le plan de l'accès (en créant des emplois et des possibilités de revenu). Par ailleurs, les mesures qui visent à stimuler la croissance mettent souvent du temps à opérer, et il faut parfois plusieurs années de croissance pour résorber le chômage et le sous-emploi et améliorer les niveaux de vie des groupes les plus démunis24. Comme une restructuration radicale du système économique a été entreprise, certains des ajustements à court terme (notamment les hausses des prix des produits alimentaires) auront des effets négatifs sur les couches les plus vulnérables de la population.

24 Selon la Banque mondiale, si la croissance réelle du PIB est de 5 pour cent et l'accroissement démographique de 3 pour cent, le PIB par habitant de l'Ethiopie (120 dollars) mettra 35 ans à doubler.
Ainsi, outre des réformes axées sur la croissance, il faut prendre des mesures d'urgence bien ciblées pour s'attaquer à la pauvreté à court et moyen termes. Il faudra examiner les problèmes liés à la planification et aux secours d'urgence (en cas de sécheresse) et à la meilleure manière d'utiliser l'aide alimentaire accordée au pays, en tenant compte de l'évolution de la situation économique. On trouvera ci-après une analyse de certains de ces problèmes et des mesures que le gouvernement est en train de prendre pour les résoudre.

Mesures constituant un filet de sécurité. Autrefois, les mesures de lutte contre la pauvreté mettaient l'accent sur des subventions non ciblées aux produits, principalement administrées par l'intermédiaire du système public de distribution. Les bénéficiaires de ces subventions étaient les membres des kebeles, des CP et des coopératives qui recevaient des rations de vivres et autres produits subventionnés (savon, sel et kérosène). Les familles avaient accès aux mêmes rations quel que soit leur revenu car on pensait que, surtout en milieu urbain, les ménages aisés ne voudraient pas faire la queue dans les magasins des kebeles pour obtenir des produits de qualité médiocre, et que le système se ciblerait ainsi de lui-même. Ce système de distribution générale de produits présentait les inconvénients suivants: i) il était fortement biaisé en faveur des villes; en effet, les consommateurs urbains, qui ne représentaient que 15 pour cent de la population, bénéficiaient d'environ 60 pour cent des subventions; ii) tout en apportant un secours appréciable aux ménages pauvres, il profitait de manière disproportionnée aux ménages à revenus moyens ou élevés, car les ménages très pauvres n'avaient pas les moyens d'acheter leur ration aux prix subventionnés; et iii) les coûts économiques de ces programmes (calculés sur la base des prix frontière aux taux de change d'équilibre) étaient extrêmement élevés. Lorsque les prix ont été libérés et le birr dévalué, il est devenu impossible de maintenir ces programmes25.

25 Selon les calculs de la Banque mondiale, au taux de change de référence de 5 birr pour un dollar (qui est devenu le taux de change effectif après 1991), les avantages allant aux 30 pour cent les plus pauvres de la population urbaine représentaient environ 16 pour cent du coût total des subventions aux produits en milieu urbain. Dans le secteur rural, ce pourcentage était de 5 pour cent (une fois ajouté le coût de la subvention aux engrais). La part totale pondérée de ce groupe (urbain et rural) était de l'ordre de 12 pour cent.
A la suite de la libéralisation complète des marchés des produits en 1991, le gouvernement provisoire a, pour atténuer les effets des hausses de prix sur les pauvres, lancé un programme qui comportait diverses mesures constituant un filet de sécurité, notamment un modeste ajustement des salaires du secteur public pour couvrir les hausses des prix des produits alimentaires, des indemnités de licenciement et des programmes de recyclage pour les salariés des entreprises publiques liquidées; et un système de coupons permettant aux habitants les plus pauvres des villes d'obtenir des vivres et du kérosène. Le programme utilise l'infrastructure administrative des kebeles pour cibler les ménages les plus pauvres, qui, selon leur revenu, reçoivent le coupon soit à titre gratuit soit en échange d'une participation à des services communautaires ou à des travaux publics. Ce système de transfert ciblé de revenus est plus efficace que le système précédent de subventions non ciblées aux produits. En milieu rural, on étudie la possibilité de mettre en place un système de coupons qui permettrait aux paysans pauvres d'obtenir des engrais et autres intrants, ainsi qu'un programme de travaux publics ruraux qui aiderait à générer des revenus pour les chômeurs ruraux.

L'aide alimentaire pour le développement. L'aide alimentaire, qui représentait environ 3,5 pour cent des disponibilités alimentaires totales pendant la première moitié des années 80 (jusqu'en 1984), est passée à 17,2 pour cent dans la seconde moitié, ce qui traduit les effets de la sécheresse26. Dans sa programmation des ressources venant de l'aide alimentaire, le gouvernement provisoire s'est clairement déclaré opposé à la distribution gratuite de vivres, estimant qu'elle ne peut pas arrêter ou renverser la paupérisation et risque de détruire les mécanismes de survie des pauvres. On a donc proposé divers moyens d'utiliser l'aide alimentaire comme outil de développement par le biais de programmes de travaux publics créateurs d'emplois.

26 Voir note 20.
Ces propositions reposent sur les principaux éléments suivants: i) sélection de projets à forte intensité de main-d'œuvre, surtout en milieu rural, avec rémunération en vivres ou en espèces, cette dernière étant financée par le produit de l'aide alimentaire monétisée; ii) mécanisme d'autociblage selon lequel le salaire en vivres ou en espèces est fixé à un niveau inférieur à celui du marché, et n'attire donc que les travailleurs vraiment pauvres et vulnérables.

La mesure dans laquelle ce programme pourra être mis en oeuvre dépendra des capacités que démontreront les ministères d'exécution, la Commission d'alerte rapide et de services de planification des secours et de la réhabilitation, les ONG et les autorités régionales à résoudre un certain nombre de problèmes, notamment:

· Il faudra établir un système permettant de fixer les salaires à un niveau approprié.

· Il reste à décider de l'orientation principale des projets, c'est-à-dire à savoir s'ils seront choisis rigoureusement en fonction de critères de coûts-avantages économiques ou si la rentabilité économique passera au second rang en faveur de projets qui ont un effet appréciable sur l'emploi (ce qui revient à privilégier les caractéristiques des projets liées au filet de sécurité).

Dégradation des ressources naturelles27. La dégradation des ressources naturelles constitue l'un des principaux obstacles auxquels se heurte l'accroissement de la production agricole en Ethiopie. Selon la FAO, environ la moitié des hautes terres (270 000 km2) a déjà subi une érosion sensible, dont 140 000 km2 sont gravement érodés et n'ont plus que des sols relativement peu profonds. Près de 20 000 km2 de terres agricoles ont subi une érosion tellement grave qu'ils ne pourront probablement plus être cultivés. L'érosion balaie environ 1 900 millions de tonnes de sol par an, dont environ 10 pour cent sont emportés par les cours d'eau et sont irrécupérables, et le reste est redéposé sous forme de sédiment dans les hautes terres mais surtout à des endroits peu propices à l'agriculture. Si cette tendance se poursuit, d'ici 2010, les terres couvertes de moins de 10 cm de sol constitueront 18 pour cent de la superficie des hauts plateaux. Cela implique une baisse dramatique des rendements, de mauvaises récoltes fréquentes et une forte probabilité de famines, surtout dans les zones à faible potentiel agricole des hauts plateaux. Non seulement l'érosion réduit la production agricole mais elle raccourcit la vie utile des barrages et réservoirs en les ensablant et accroît l'ampleur et l'intensité des sécheresses et des inondations.
27 Cette section est en grande partie tirée du rapport de la FAO de 1985, Ethiopian Highlands Reclamation Study. Rome.

L'érosion des sols n'est pas une conséquence inévitable de l'agriculture; elle est imputable à de mauvaises façons culturales. Divers facteurs contribuent à cette érosion rapide: arrachage de la végétation naturelle pour la culture, le bois de chauffe, le pâturage et les travaux de construction; orages brefs et violents pendant la saison des pluies; forte propension à l'érosion due au déboisement; et relief très incliné. Dans les hautes terres éthiopiennes, les pressions démographiques ont conduit à la mise en culture de terrains de plus en plus pentus et au raccourcissement progressif des périodes de jachère entre les campagnes agricoles. On estime que les quatre cinquièmes de l'érosion des hautes terres sont dus à la surexploitation des terres agricoles et le reste à la surcharge en animaux des pâturages et des zones déboisées.

Le déboisement constitue un autre grave problème écologique. En moins d'un siècle, le couvert forestier du pays est tombé de 40 pour cent de la superficie totale à 16 pour cent dans les années 50 et à 4 pour cent aujourd'hui, selon les estimations.

Les politiques agricoles passées ont amplifié les effets que les facteurs agroclimatiques avaient exercé sur la dégradation et l'épuisement des ressources. En exigeant des matériaux de construction, les programmes de villagisation ont entraîné une surexploitation des ressources forestières. Aucun effort n'a été fait pour découvrir et introduire de nouvelles sources d'énergie dans le secteur rural, où le bois et la bouse sont restés les seuls moyens de chauffage. A mesure que la pression démographique a accru la demande de ces ressources, le déboisement s'est intensifié et la terre a été de plus en plus privée de précieux engrais. Incertains de leurs droits fonciers, les paysans n'ont pas voulu investir dans la conservation des sols. Les ressources consacrées à l'agriculture ayant été insuffisantes et attribuées de manière disproportionnée aux fermes d'Etat et aux coopératives, on a manqué de fonds pour faire des recherches sur des technologies paysannes appropriées. En général, les politiques ont découragé l'intégration des activités de conservation aux pratiques culturales des paysans et cette situation a été exacerbée par l'absence de mesures adéquates concernant l'utilisation des sols et des forêts. Si la réinstallation de populations rurales peut en principe constituer une méthode efficace de rééquilibrage des peuplements humains et des ressources disponibles, la manière dont elle a été pratiquée en Ethiopie l'a rendue inefficace.

Dans son étude de 1985 sur la mise en valeur des hautes terres, la FAO admettait que des mesures de conservation isolées seraient inévitablement coûteuses et inefficaces. Elle suggérait une stratégie de développement reposant sur de larges bases et axée sur la conservation des ressources, qui viserait à intégrer des mesures de conservation aux grandes activités de développement agricole à tous les niveaux (de l'exploitation, du secteur agricole, de l'économie nationale)28.

28 «L'expression Développement axé sur la conservation implique non seulement l'affectation de ressources accrues à la conservation mais surtout... l'intégration de meilleurs systèmes d'utilisation des terres aux objectifs et critères de développement rural. Il pourrait en résulter une réduction importante de la pauvreté absolue, sinon sa suppression.» Résumé (p. 12) de l'étude de la FAO de 1985 intitulée Ethiopian Highlands Reclamation Study. Rome.

Au sein du secteur agricole, la stratégie identifiait des systèmes et pratiques rationnels de culture et d'élevage à encourager dans chaque zone agro-écologique des hautes terres. Elle insistait sur la nécessité d'offrir des incitations suffisantes à la conservation et de suivre de bonnes méthodes de relocalisation. Elle reconnaissait que l'agriculture ne pouvait à elle seule résoudre tous les problèmes associés à la dégradation de l'environnement (tels que faible croissance et pauvreté) et suggérait d'exploiter les liens entre l'agriculture et d'autres secteurs et de lancer des activités complémentaires (petite industrie, activités agroforestières, production d'énergie) pour créer d'autres sources de revenu, surtout dans les zones à faible potentiel. Au niveau national, elle recommandait une augmentation des dépenses globales consacrées à l'agriculture en faveur du secteur paysan, soulignait la nécessité d'améliorer les capacités des ministères à exécuter des programmes de conservation et suggérait d'utiliser au mieux les moyens et les compétences du secteur privé.

Certaines des mesures recommandées dans l'étude sur la mise en valeur des hautes terres ont déjà été mises en vigueur (droits fonciers plus assurés, meilleure marge de manœuvre pour le secteur privé, réinstallation volontaire et octroi de meilleures incitations aux paysans), mais il reste beaucoup à faire. Des mesures concernant l'utilisation des terres et des ressources forestières sont indispensables à la réussite d'une stratégie de conservation des ressources naturelles. Le gouvernement a l'intention d'établir, d'ici avril 1994, une stratégie nationale de conservation, dont un plan d'action forestier constitue un élément important. Dans le cadre d'une série de règles bien établies de gestion et de protection des forêts, le secteur privé aura la possibilité de participer davantage à l'exploitation et à la transformation du bois. Les paysans et les communautés rurales se verront offrir des incitations pour reboiser et planter des arbres.

ASIE ET PACIFIQUE


Vue d'ensemble
Bangladesh
Sri Lanka

Vue d'ensemble


Accroissement des échanges entre pays de la région et des flux d'investissement
Les défis de la transition économique
Environnement et agriculture durable
Politiques sectorielles faisant suite aux réformes macro-économiques et structurelles

En 1992, les pays de la région Asie et Pacifique ont poursuivi leur croissance économique solide et régulière. Selon les estimations de la Banque asiatique de développement (BAsD), le PIB de la région a progressé en moyenne de 7 pour cent en 1992, contre 6,3 pour cent en 1991. Malgré la récession prolongée de l'économie mondiale, la BAsD estime que le PIB régional augmentera de 7,2 pour cent en 1993. Trois facteurs importants contribuent au maintien d'une croissance aussi solide: i) l'augmentation continue des revenus disponibles, qui soutient la demande intérieure; ii) la poursuite de l'expansion des échanges entre pays de la région; et iii) les résultats positifs des réformes que beaucoup de pays d'Asie avaient déjà faites.

Voici quelques résultats individuels obtenus par certains pays en 1992:

· La production industrielle de la Chine a augmenté de 20 pour cent en 1992, contribuant à la croissance impressionnante de 12,8 pour cent du PIB. Bien que la sécheresse ait frappé de nombreuses régions du pays, la production totale de céréales a augmenté de 1,7 pour cent, pour atteindre un volume estimé à 443 millions de tonnes. La production de thé, de sucre, de tabac, de fruits et de légumes a également augmenté par rapport à 1991.

· Tous les secteurs économiques de l'Inde se sont améliorés en 1992 et le PIB du pays a augmenté de 4,2 pour cent. L'agriculture, aidée par une bonne mousson, a progressé de 3,5 pour cent. La production céréalière a atteint un volume record de 177 millions de tonnes, contre 167 millions de tonnes en 1991. Les fortes pluies de mousson et les inondations de juillet 1993 risquent toutefois de compromettre gravement la production céréalière de cette année.

· Au Pakistan, une augmentation de 30 pour cent de la production cotonnière a permis au PIB agricole de progresser de 6,4 pour cent en 1992. La bonne récolte de coton est attribuée à la hausse des prix à l'exploitation, à une utilisation accrue de semences améliorées et à des conditions météorologiques favorables. Ces conditions ont, au contraire, été mauvaises en 1992 au Népal, dont le PIB agricole n'a augmenté que de 0,5 pour cent, et la production céréalière a diminué de 6,5 pour cent.

· L'Asie du Sud-Est a obtenu des résultats agricoles divers. Le PIB agricole a augmenté de 3,5 pour cent en Thaïlande et de 1,2 pour cent en Malaisie, mais a baissé de 1 pour cent aux Philippines. En Malaisie, la production d'huile de palme, de grumes, de bétail et de poisson a augmenté, alors que celle de caoutchouc et de cacao a diminué. Aux Philippines, une grave sécheresse a réduit la production de maïs et de riz et, à la suite des interdictions de coupes forestières et autres mesures de conservation, la production forestière a reculé en 1992.

· Le Viet Nam a obtenu une récolte record de riz de 21,1 millions de tonnes, soit 1,2 million de tonnes de plus qu'en 1991. La production vivrière totale a augmenté de 9 pour cent et le PIB agricole a progressé de 6,3 pour cent en 1992. L'amélioration des rendements et l'expansion de la superficie cultivée sont portés au crédit de la bonne disponibilité des intrants et des réformes agricoles. Au Laos, le secteur agricole a également connu une année exceptionnelle en 1992. Le PIB agricole a progressé de 8,3 pour cent, la production de riz augmentant de plus de 20 pour cent.

Figure 8

ASIE ET PACIFIQUE

PRODUCTION AGRICOLE ET PRODUCTION VIVRIÈRE PAR HABITANT

COMMERCE AGRICOLE

EXPORTATIONS AGRICOLES (Indice 1979-1981 = 100)

IMPORTATIONS AGRICOLES (Indice 1979-1981 = 100)

Source: FAO

Accroissement des échanges entre pays de la région et des flux d'investissement

Malgré le ralentissement de l'économie mondiale en 1992, les pays en développement de la région Asie et Pacifique ont continué à faire preuve de dynamisme dans le domaine du commerce international. Les exportations ont augmenté de 13 pour cent grâce à une meilleure efficacité de production, à une faible inflation et aux effets favorables des réformes lancées ces dernières années.

Un facteur clé qui a mis les économies asiatiques à l'abri de la récession mondiale a été la croissance significative des échanges intrarégionaux et des investissements. En 1991, le commerce entre pays de la région a augmenté de 23 pour cent, alors que les exportations vers le reste du monde progressaient de 15 pour cent. Cette évolution est nettement facilitée par la répartition du travail, la spécialisation et la relocalisation de la production entre pays de la région en réponse aux possibilités qu'offrent les ressources, les politiques macro-économiques, et par conséquent les avantages comparatifs des divers pays.

Outre l'afflux de gros investissements étrangers directs, les apports substantiels de capitaux d'investissement du Japon et des pays nouvellement industrialisés d'Asie vers les pays en développement de la région se sont poursuivis. En particulier, les énormes possibilités d'investissement et le taux de croissance spectaculaire de la Chine ont attiré des millions de dollars d'investissements de Chinois vivant hors de Chine.

On attend avec grand intérêt les résultats des négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay Round, vu l'importance qu'ils revêtent sur l'application des principes de non-discrimination et d'accès au marché pour les exportations de la région. La signature de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) est toutefois vue d'un mauvais œil car elle risque de détourner des investissements étrangers directs des pays asiatiques.

Alors que se dessinent ces changements de l'environnement extérieur, les pays asiatiques ont entrepris de créer et de promouvoir des accords commerciaux sous-régionaux. Les Etats membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) ont créé la zone de libre-échange de l'ANASE qui vise à supprimer au cours des 15 prochaines années les tarifs douaniers applicables à la plupart des marchandises faisant l'objet d'échanges intrarégionaux. De même, l'Association sud-asiatique de coopération régionale (ASACR) a, lors de son sommet de Dhaka au début de l'année, adopté une résolution créant une zone de libre-échange pour l'Asie du Sud. Toutefois, en raison des différences de taille et de développement économique des pays membres, de nombreuses questions difficiles restent à résoudre avant que ces accords régionaux puissent devenir un moyen efficace d'action concertée.

Les défis de la transition économique

Au cours des deux dernières années, le nombre de pays asiatiques qui sont passés d'une économie centralement planifiée à un système économique axé sur le marché a plus que doublé lorsque six républiques asiatiques de l'ex-Union soviétique (Azerbaïdjan, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkémistan) se sont lancées sur cette voie aux côtés de la Chine, du Laos, de la Mongolie et du Viet Nam. Les problèmes de transition que rencontrent ces pays, les approches qu'ils ont adoptées et le degré de réussite qu'ils connaissent varient fortement d'un pays à l'autre. La plupart d'entre eux ont besoin de subir une transformation structurelle qu'ils ne pourront réaliser que sur un certain nombre d'années par des efforts persistants et cohérents. Ils connaissent aussi des problèmes de stabilisation à court terme et de gestion macro-économique et doivent créer et renforcer les institutions nécessaires à une économie de marché. Ce double problème semble plus aigu dans le cas des anciennes républiques soviétiques que dans celui des autres pays.

Si, initialement, tous les pays en transition ont connu des taux élevés d'inflation, de chômage et de sous-emploi, la Chine, le Viet Nam et dans une certaine mesures le Laos ont réussi à réduire ces taux en stimulant la production agricole, l'investissement prive et l'investissement étranger direct. Par contre, la Mongolie et les républiques asiatiques de l'ex-URSS sont aux prises avec de graves chocs de transition.

Par exemple, en 1992, alors que la Chine a enregistre un taux de croissance économique de 12,8 pour cent et un taux d'inflation de 6,4 pour cent, le PIB de la Mongolie a baissé de 7,6 pour cent et son taux d'inflation a grimpé à 320 pour cent. En Chine et au Viet Nam, les communautés rurales, dont les systèmes de production reposent sur l'unité familiale et qui utilisent des technologies à forte intensité de main-d'œuvre, ont bien réagi aux signaux du marché. Au contraire, les communautés agricoles de Mongolie et des républiques asiatiques de l'ex-URSS, qui pratiquent depuis longtemps l'agriculture collective au moyen de grosses machines et d'intrants provenant d'entreprises d'Etat, ont plus de mal à s'adapter à la nouvelle situation. Il semble aussi que, dans ce dernier groupe de pays, la libération des prix n'a pas amené la réaction attendue de l'offre du fait que des entreprises monopolistes contrôlent les intrants et qu'elles ont tendance à réduire la production et à relever les prix.

A en juger par ce qui s'est passé dans certains pays en transition (la Chine et le Viet Nam), qui ont initialement souffert d'instabilité macro-économique et d'inflation à court terme, il semble qu'une bonne structure institutionnelle soit tout aussi indispensable à la réussite de la transition que la stabilité macro-économique. Le processus de transition exige que le secteur public et les bailleurs de fonds extérieurs soutiennent activement l'établissement et le renforcement d'un cadre de politiques propices à l'expansion et d'un milieu institutionnel qui permette à une économie de marché de bien fonctionner. En outre, il est essentiel d'améliorer la capacité de l'Etat à assurer des biens collectifs (infrastructure de recherche, vulgarisation, transports et communications, services de santé, d'éducation et autres services sociaux), qui continuent à relever de la compétence du secteur public même dans un système de marché très développé.

Environnement et agriculture durable

La pression démographique qui s'intensifie rapidement, l'urbanisation, l'usage excessif de produits chimiques dans les processus de production et l'utilisation insoutenable à long terme des ressources naturelles contribuent aux graves problèmes de pollution de l'air et de l'eau, de déboisement, d'érosion des sols, de désertification et d'inondations que connaît l'ensemble de la région.

La technologie d'utilisation de semences améliorées et d'engrais, jointe à l'énorme expansion des ouvrages hydrauliques, a délivré de nombreux pays fortement peuplés d'Asie du spectre de la famine, mais, dans certains cas, elle a aussi contribué à la dégradation de l'environnement. En outre, pour maintenir ou accroître les rendements actuels, il faut utiliser plus intensivement les ressources naturelles, ce qui se répercute sur l'environnement. Pour les pays du Pacifique, le réchauffement de la planète et le relèvement du niveau de la mer qui en résulte sont des menaces écologiques très graves, bien qu'incertaines. Les facteurs externes liés à ces types de problèmes écologiques exigent des actions collectives concertées de la part de la communauté internationale.

Les pays en développement d'Asie ont pris conscience des liens étroits qui existent entre la pauvreté rurale et la dégradation de l'environnement. La pression démographique de plus en plus forte qui s'exerce sur l'agriculture, causée par la croissance insuffisante des possibilités d'emploi non agricole et le manque d'accès à des technologies permettant d'accroître les rendements, force beaucoup d'agriculteurs asiatiques à cultiver des terres marginales et à surexploiter d'autres ressources naturelles pour assurer leur survie immédiate. Dans beaucoup de pays d'Asie qui s'efforcent d'arriver à un développement équitable et durable, la lutte contre la pauvreté constitue un élément central du plan de développement national.

Nombreux sont les pays qui s'attaquent à la tâche complexe de lutter contre la pauvreté tout en protégeant l'environnement en établissant un programme quelque peu contradictoire, contenant d'une part des engagements socio-politiques à l'égard de l'équité et d'autre part des mesures de libéralisation du marché visant à résoudre les déséquilibres macro-économiques.

Il est possible que les instruments de politique axés sur le marché, qui mettent l'accent sur la suppression des subventions aux intrants, des prix de soutien à la production et des tarifs douaniers protectionnistes, soient une arme à double tranchant. En décourageant une utilisation des intrants qui ne serait ni économique ni viable à long terme, ces politiques présentent des avantages pour l'environnement et permettent aux pratiques culturales d'évoluer dans le sens de la pérennité; par ailleurs, elles ont tendance à accroître les prix des produits alimentaires et, par conséquent, à réduire les revenus des pauvres, qui sont sou vent acheteurs nets de vivres, et freinent donc à court terme la réalisation des objectifs de lutte contre la pauvreté. Dans de telles situations, il faudrait peut-être trouver un compromis entre l'efficacité économique et la prise en considération pragmatique de la situation politique et socio-économique à court terme.

Enfin, il est très coûteux de renverser la dégradation de l'environnement. Pour investir dans ces activités, la plupart des pays asiatiques en développement seraient obligés de détourner des ressources d'autres projets importants de développement. On s'est aussi rendu compte qu'il est moins coûteux d'éviter de nuire à l'environnement que de réparer les dégâts. C'est pourquoi on s'efforce donc de plus en plus d'incorporer les questions de protection de l'environnement à la formulation des politiques et au choix des projets de développement ainsi qu'à la mise en place progressive de systèmes de production appropriés.

Politiques sectorielles faisant suite aux réformes macro-économiques et structurelles

Ayant établi un cadre de politiques macro-économiques orientées vers la croissance pendant la mise en oeuvre de leurs programmes de stabilisation et d'ajustement structurel, plusieurs pays asiatiques à économie de marché, comme le Bangladesh, l'Indonésie et les Philippines, sont passés à des réformes sectorielles. Ils se sont en effet rendu compte que les réformes macro-économiques ne pouvaient totalement réussir à améliorer l'efficacité et à libérer le potentiel de production des agriculteurs si les obstacles sectoriels freinant la croissance n'étaient pas levés.

Un programme global de réformes du secteur agricole comporte généralement la suppression des subventions aux intrants, l'abolition des systèmes coûteux de distribution publique de vivres et l'élimination du crédit subventionné et des tarifs douaniers protectionnistes ainsi que d'autres barrières. Il prévoit aussi la levée des restrictions imposées aux importations, l'encouragement à la participation du secteur privé et la réalisation d'investissements dans l'infrastructure pour promouvoir le fonctionnement efficace des mécanismes de marché.

Il n'est toutefois pas facile de concevoir des politiques à la fois efficaces et équitables pour le secteur agricole. Les décideurs doivent notamment tenir compte des répercussions différentes qu'auront les réformes sur diverses couches de la société et traiter avec des coalitions et groupes de pression divers qui réagissent différemment aux réformes. Ces dernières sont donc menées de manière sélective et l'une après l'autre, compte tenu des réalités socio-politiques existant dans les pays intéressés. Par exemple, dans certains cas, les subventions aux engrais ont été progressivement réduites (Inde et Indonésie), mais le secteur public a continué à jouer un rôle actif dans l'achat des céréales alimentaires, leur distribution et la gestion des stocks régulateurs.

Dans certains pays d'Asie, les réticences à mener des réformes de la politique agricole semblent avoir été renforcées par les retards auxquels se heurte l'aboutissement des négociations du GATT (Uruguay Round) et par les politiques protectionnistes et les blocs commerciaux établis à l'extérieur de la région.

Bangladesh


Le secteur agricole
Politiques rizicoles et céréalières

Avec un PNB par habitant estimé à 225 dollars en 1992, le Bangladesh est l'un des pays les plus pauvres du monde. En outre, comptant environ 115 millions d'habitants pour une superficie de 149 000 km2, il est trois fois plus densément peuplé que l'Inde et sept fois plus que la Chine. Cette pression démographique intense qui s'exerce sur une base de ressources relativement restreinte, jointe à des catastrophes naturelles fréquentes, constituent d'énormes obstacles à surmonter pour les programmes de lutte contre la pauvreté du Bangladesh.

Au fil des années, inondations, sécheresses et cyclones ont sapé le progrès et entravé les efforts que fait le pays pour stimuler la croissance et réduire la pauvreté. Les cyclones et les tempêtes qui en résultent sont particulièrement destructeurs. Le golfe du Bengale, qui a été frappé par 15 cyclones depuis 25 ans, est la région du monde où les cyclones sont les plus fréquents. Ces catastrophes naturelles causent d'immenses souffrances humaines, dévastent des cultures sur de vastes surfaces et détruisent bâtiments et infrastructures. Selon les estimations du gouvernement, le cyclone d'avril 1991 aurait tué environ 140 000 personnes. De tels désastres freinent le progrès économique et social en tournant l'attention et les ressources vers la gestion des crises au dépens des programmes de développement.

Malgré tous ces obstacles, le Bangladesh a fait des progrès économiques appréciables depuis 10 ans. Il a réduit ses déficits extérieurs et intérieurs, stabilisé son inflation, encouragé les exportations de produits non traditionnels et obtenu une modeste croissance. Les politiques de stabilisation ont aidé à faire passer le déficit budgétaire d'environ 8 pour cent en 1990 à 5 pour cent en 1992. Le taux d'inflation est tombé à 5 pour cent environ en 1992, soit le taux le plus bas depuis 10 ans. De 1990 à 1992, la croissance réelle du PIB s'est située entre 3,5 à 6,5 pour cent et elle devrait, selon les prévisions, être de 5 pour cent en 1993.

Le Bangladesh a aussi lancé un certain nombre de réformes structurelles portant sur les secteurs industriel et financier, les entreprises publiques, la politique commerciale et celle des taux de change. Les réformes du secteur financier comprennent la suppression des plafonds de crédit et le recours accru à des normes minimales d'encaisse et de réserves liquides pour réglementer les liquidités. Les entreprises publiques se sont vu accorder une plus grande autonomie d'administration et de gestion. La politique commerciale s'oriente vers la promotion des exportations au lieu de la substitution aux importations et un système tarifaire commence à remplacer les interdictions et restrictions quantitatives dont les importations faisaient l'objet. L'économie a peut-être été encore plus stimulée par les politiques, programmes et projets agricoles qui ont encouragé l'utilisation de variétés de semences de riz à haut rendement, d'engrais et de forages peu profonds pour l'irrigation. En conséquence, la production rizicole a augmenté de plus de 40 pour cent au cours des 10 dernières années. Aujourd'hui, le Bangladesh est presque autosuffisant en riz et, pour la première fois de son histoire, le gouvernement envisage la possibilité d'exporter du riz.

Outre le programme de stabilisation et les réformes économiques, priorité reste au développement des ressources humaines et à la lutte contre la pauvreté. Les dépenses publiques consacrées aux soins de santé, à l'enseignement primaire et à la planification familiale ont augmenté en termes réels en 1992. On a réorganisé les programmes de distribution de vivres ciblés sur les groupes vulnérables et les pauvres de manière à réduire leurs coûts, à améliorer leur efficacité et à élargir leur couverture.

De nombreux programmes de développement humain ont été couronnés de succès au Bangladesh, tels que les programmes de planification familiale, qui ont fait baisser à 2,1 pour cent le taux d'accroissement démographique. Toutefois, le taux d'alphabétisation reste faible (aux environs de 35 pour cent), de même que le taux de scolarisation primaire (72 pour cent) et l'espérance de vie (56 ans). En outre, le taux global de mortalité est attribuable pour moitié aux décès d'enfants de moins de 5 ans, qui sont imputables directement ou indirectement pour plus de moitié à la malnutrition. La sécurité alimentaire des ménages constitue un autre problème persistant; la moitié des ménages n'ont pas les moyens de s'alimenter convenablement et 22 à 30 pour cent de la population, selon les estimations, vivent dans la pauvreté absolue (avec moins de 1 805 calories par personne et par jour).

Le secteur agricole

Le secteur agricole est la principale source de revenu, d'emploi, d'épargne et d'investissement du Bangladesh. Il contribue pour environ 40 pour cent au PIB et pour plus de 60 pour cent à l'emploi. Le riz domine non seulement tous les autres produits agricoles mais aussi toutes les autres activités économiques. La production, le commerce, l'usinage et le transport du riz entrent pour plus de 25 pour cent dans le PIB du pays. Le riz représente aussi 75 pour cent de la superficie cultivée, 95 pour cent de la production de céréales alimentaires, environ 80 pour cent de la ration calorique, 60 pour cent de la ration protéique et quelque 30 pour cent des dépenses totales des ménages - il compte pour environ 60 pour cent dans l'indice des prix à la consommation. C'est pourquoi les mesures touchant la production, le commerce et la consommation du riz ont une profonde influence sur l'ensemble de la population du Bangladesh.

Au cours des deux dernières décennies, les pouvoirs publics ont adapté les politiques de production et de distribution du riz en fonction de l'évolution des circonstances et des pressions économiques. La croissance de la production rizicole est principalement attribuée à une politique d'encouragement à l'utilisation des nouvelles techniques d'irrigation, des variétés de semences à rendement élevé et des engrais minéraux. C'est surtout grâce au développement de l'irrigation par forages, notamment par forages peu profonds à faible coût, que la superficie totale irriguée a rapidement augmenté et que les méthodes traditionnelles d'irrigation ont pu être abandonnées.

Politiques rizicoles et céréalières

Production du riz. Au cours des années 80, la superficie irriguée par forages peu profonds s'est accrue de près de 30 pour cent par an, passant de 227 000 ha en 1981 à 1,8 million d'hectares en 1991. Aujourd'hui, 55 pour cent des 3,3 millions d'hectares irrigués le sont par puits tubulaires, au lieu de 14 pour cent en 1980. En outre, l'irrigation par puits tubulaires a encouragé les agriculteurs à cultiver le riz davantage pendant la saison sèche et moins en début de mousson. En 1992, la culture irriguée du riz de saison sèche représentait 37 pour cent de la récolte record (18,25 millions de tonnes), contre 20 pour cent au début des années 80. Par contre, la superficie totale plantée en riz au début de la mousson est tombée de 3,2 millions d'hectares en 1982 à 1,9 million d'hectares en 1992.

Initialement, le gouvernement a encouragé la riziculture en fournissant directement du matériel hydraulique. Dans les années 70 et 80, la Bangladesh Agricultural Development Corporation (BADC) avait le monopole des importations et de la distribution intérieure (vente et location) de tout le matériel hydraulique. Toutefois, le nombre croissant de problèmes que posaient ses procédures a conduit à une série de réformes en 1989: restructuration des pratiques de vente des puits tubulaires par la BADC; octroi au secteur privé de l'autorisation d'importer et de commercialiser des puits tubulaires; et suppression de la licence pour les puits tubulaires peu profonds (de nombreuses restrictions restent néanmoins applicables aux puits tubulaires profonds).

Le matériel hydraulique est ainsi devenu plus accessible et disponible, ce qui, conjugué à une baisse des prix, a contribué à une expansion rapide de l'irrigation par forages. La moitié des 40 000 unités vendues en 1989 venaient du secteur privé. Pendant les trois années 1989 à 1991, la superficie irriguée s'est accrue de près de 700 000 ha, soit plus que l'augmentation de la superficie irriguée réalisée au cours des huit années précédentes.

Parmi les autres mesures d'encouragement à la production, on peut citer un prix minimal garanti et des subventions aux intrants, y compris semences à haut rendement, crédit, pesticides et engrais. Ces dernières années, le gouvernement a supprimé les subventions aux engrais et autorisé le secteur privé à importer et à vendre des engrais minéraux, bien que l'Etat conserve le monopole de production de la plupart des types d'engrais.

Distribution du riz et des céréales alimentaires. Pour assurer une ration alimentaire abordable aux consommateurs pauvres, le gouvernement gère divers programmes de distribution de vivres ainsi que des opérations de vente sur le marché libre visant à stabiliser les prix des céréales alimentaires. Les programmes publics de distribution de vivres fournissent environ 13 pour cent de la totalité des céréales alimentaires consommées dans le pays.

Dans le passé, les mesures suivantes concernant la distribution et les prix des céréales alimentaires ont été prises: interdiction d'exporter; monopole sur les importations; restrictions imposées au transport et au stockage du riz; vente au marché libre du blé et du riz à des prix plafonds prédéterminés, en période de pointe des prix; et achats par le secteur public à des prix planchers prédéterminés après la moisson. Les mesures de stabilisation des prix visent à protéger les consommateurs pauvres de hausses brutales des prix, à mettre les agriculteurs pauvres à l'abri d'un effondrement des prix après la moisson et à réaliser l'autosuffisance en céréales alimentaires.

Les programmes publics de distribution de vivres comprennent les programmes de secours en cas de catastrophe ou de famine, les projets de développement vivres contre travail et la distribution de rations à longueur d'année. Nombre de programmes de distribution de vivres et de politiques alimentaires ont récemment été restructurés, modifiés ou supprimés. Par exemple, en août 1992, le gouvernement a pour la première fois autorisé le secteur privé à importer des céréales alimentaires. Les commerçants privés ont réagi en important plus de 300 000 tonnes de blé avant la fin de l'année.

En mai 1992, le gouvernement a également supprimé le programme de distribution rurale de rations parce qu'il coûtait trop cher (60 millions de dollars par an selon les estimations) et faisait l'objet de fuites considérables (allant de 70 à 100 pour cent)29. Comme ce programme avait permis à l'Etat d'écouler la moitié de ses stocks de riz, sa suppression a entraîné l'accumulation de vastes réserves et donné lieu à plusieurs réformes supplémentaires des politiques d'achat. En novembre 1992, le gouvernement a abandonné la pratique des contrats à l'usine (selon laquelle le gouvernement signait des contrats avec les rizeries pour soutenir les prix du riz à l'exploitation), décidé de lancer des appels d'offres, abaissé les prix d'achat et relevé les normes de qualité à l'achat.

29 On trouvera des rapports bien documentés analysant les questions de distribution de vivres au Bangladesh dans la série de l'IFPRI Food Policy in Bangladesh, Documents de travail nos 1 à 6.
Les contrats à l'usine ont été remplacés par des achats sur appels d'offres parce qu'ils coûtaient trop cher, les prix d'achat étant supérieurs à ceux du marché. Les nouvelles normes de qualité ont été établies pour accroître la durée de stockage et obtenir un riz de qualité exportable.

Ces modifications et réformes diverses ont été faites pour différentes raisons. D'abord, la structure des marchés du riz a sensiblement évolué depuis une vingtaine d'années. Il y a 20 ans, les riziculteurs ne vendaient que 15 pour cent de leur production; aujourd'hui, ils en vendent plus de 50 pour cent. Deuxièmement, la proportion des stocks de riz aux mains du secteur privé a augmenté au fil des années, représentant maintenant 75 pour cent des stocks totaux. En outre, la part des stocks privés détenus dans les exploitations a augmenté, alors que celle détenue par les commerçants et industriels a baissé.

L'importance croissante d'une récolte de riz d'hiver irrigué influe aussi sur les politiques céréalières. En réduisant à la fois la fréquence et l'ampleur des changements de prix saisonniers, cette troisième récolte annuelle fait qu'il est moins nécessaire de prendre des mesures de stabilisation des prix. Enfin, les marchés du riz sont aujourd'hui beaucoup moins fragmentés et plus concurrentiels qu'autrefois: plus de 20 000 rizeries et 30 000 stations de décorticage assurent actuellement des services dans l'ensemble du pays.

Politiques rizicoles et agriculture: problèmes à court terme. A mesure que la production et la productivité rizicoles continueront d'augmenter et que la structure du marché continuera d'évoluer, il est probable que de nouveaux ajustements et de nouvelles réformes s'imposeront. La réalisation de l'autosuffisance en riz a déjà soulevé un certain nombre de grandes questions de politique. Par exemple, le Bangladesh peut-il rivaliser avec d'autres pays asiatiques, notamment la Thaïlande et le Viet Nam, sur les marchés mondiaux du riz? Quel type de réformes du commerce et des taux de change faut-il prévoir pour que le pays soit mieux à même d'exporter du riz? Quel est le rôle du secteur privé par rapport à celui du secteur public dans cette nouvelle ère d'autosuffisance et d'exportations de riz?

ENCADRÉ 4
LE SECTEUR DES PÊCHES AU BANGLADESH

Bien que le secteur des pêches du Bangladesh soit relativement petit (environ 3 pour cent du PIB), il contribue à l'économie nationale de plusieurs manières significatives. D'abord, les pêches maritimes et en eau douce fournissent des emplois à plein temps à environ 1,7 million de personnes et un travail à temps partiel à plus de 11 millions d'habitants. Ensuite, la consommation de poisson constitue 80 pour cent de la ration de protéines animales et 7 pour cent des disponibilités totales de protéines de la population. Enfin, les crevettes surgelées et autres poissons comptent parmi les exportations du pays qui progressent le plus rapidement. Les exportations de crevettes surgelées ont augmenté d'environ 15 pour cent par an au cours de la dernière décennie et elles viennent désormais au quatrième rang des produits d'exportation après le prêt-à-porter, les produits en jute et le cuir.

Bien qu'elle soit appréciable, la contribution que fait le secteur à la croissance, au revenu, à l'emploi et aux recettes en devises reste néanmoins en deçà de son potentiel. Le territoire du Bangladesh est en grande partie constitué par un vaste delta traversé par trois grands fleuves et plus de 700 autres rivières et cours d'eau. La plaine alluviale est riche en aliments pour le poisson, et environ le tiers du pays est inondé pendant six mois de l'année.

Ces ressources en eau douce expliquent pourquoi les pêches intérieures représentent près des trois quarts de la production totale de poisson du pays. Or, en dépit de son importance, cette ressource est évincée ou perturbée par des ouvrages de lutte contre les inondations ou de drainage, des routes, des réseaux d'irrigation, des pesticides et des engrais. Paradoxalement, les politiques et projets agricoles qui ont permis aux riziculteurs d'accroître leur productivité et aidé certains paysans sans terre à trouver du travail ont souvent pour ce faire coupé l'accès à la pêche de capture. Les projets d'hydraulique qui visent à créer des conditions favorables à la production de riz réduisent souvent la durée et l'étendue des crues. La baisse des captures en eau douce qui en résulte menace particulièrement les personnes dont cette ressource accessible constitue la seule source de protéines animales.

Rares sont les projets ou politiques hydrauliques qui tiennent compte des besoins des pêches ou qui comprennent les ouvrages nécessaires aux objectifs halieutiques. Ces projets peuvent nuire à la pêche de plusieurs façons. Les remblais et les régulateurs empêchent les poissons de mener à bien leurs migrations reproductives. Les ouvrages servant à empêcher l'éboulement des rives et les inondations latérales causent une sédimentation en aval qui compromet la production de poisson dans les cours d'eau. Le défrichage à grande échelle de forêts sur les plaines alluviales pour créer des terres rizicoles dégrade les habitats de plaine alluviale et de marécages. Les essences qui ont une tolérance aux inondations diminuent progressivement, de même que les avantages qu'elles apportent à la pêche et à d'autres activités pouvant être pratiquées dans la plaine alluviale et les marécages.

La pêche est également compromise par la pollution provenant d'activités agricoles ainsi que par les effluents industriels et les eaux usées non traitées qui sont fréquemment déversées dans les fleuves ou entrent dans le milieu aquatique pendant les crues de mousson. En même temps, certaines méthodes de pêche contaminent l'eau et dégradent l'environnement, telles que les mauvaises pratiques d'évacuation des aliments pour crustacés, des excréments ou des coquilles de crevettes qu'adoptent les établissements d'aquaculture intensive ou le défrichement excessif des mangroves.

Le Bangladesh s'efforce de s'attaquer à beaucoup de ces problèmes écologiques en y sensibilisant l'opinion publique, en appliquant des règlements antipollution, en renforçant les évaluations de l'impact écologique et en appliquant des mesures visant à atténuer les dégâts que la pêche cause à l'environnement.

Ces améliorations prévues et beaucoup d'autres encore peuvent mettre le Bangladesh mieux à même de produire pour le marché intérieur et pour l'exportation. Pour exploiter ce potentiel, il lui faudra toutefois accroître l'investissement privé et public dans la capture, le traitement, la commercialisation, la vulgarisation, la recherche, la formation et le développement communautaire. En outre, le secteur bénéficierait d'une amélioration des intrants, de la technologie et du crédit, ainsi que d'une meilleure coordination entre les organismes publics et d'analyse plus approfondie des politiques. Il reste beaucoup à faire pour que le secteur puisse contribuer bien davantage au développement socio-économique du pays.

Source: FAO. 1993. Fishery Sector Programming Mission to Bangladesh. TSS-1. Rome.

Au cours des 20 dernières années, le Bangladesh s'est fortement concentré sur la production et la distribution du riz, souvent aux dépens d'autres produits agricoles et d'autres secteurs économiques, à la fois du point de vue financier et écologique (voir encadré 4). Les dirigeants doivent maintenant décider comment réduire les subventions au riz et aux céréales alimentaires tout en maintenant des stocks sûrs, des prix stables et des programmes de secours bien ciblés.

En même temps, même dans les hypothèses les plus optimistes quant aux avantages qui pourraient découler d'une libéralisation plus poussée, il est peu probable que l'agriculture puisse absorber le nombre croissant de personnes à la recherche d'un emploi. Pour réduire la pauvreté et absorber le million de personnes qui arrivent chaque année sur le marché du travail, il faudra accélérer la croissance de l'industrie manufacturière, des services et du commerce, qui représentent quelque 60 pour cent du PIB.

Sri Lanka


Le secteur agricole
Le secteur des petites exploitations
Le secteur des grandes plantations

L'une des caractéristiques les plus frappantes de Sri Lanka est la persistance de son engagement à l'égard de politiques progressives de protection sociale. Même avant son accession à l'indépendance en 1948, Sri Lanka avait lancé trois grands programmes sociaux: un programme de subventions alimentaires, un enseignement entièrement gratuit et un système de soins de santé gratuit pour tous. Dans les années 70, Sri Lanka était devenu un exemple exceptionnel de pays en développement capable d'offrir un niveau très élevé de sécurité sociale à sa population tout en ayant un revenu par habitant très faible. De nos jours, le pays se classe en bonne position parmi les pays en développement comme les pays développés pour toute une gamme d'indicateurs sociaux. Ses habitants ont une longue espérance de vie, des normes de santé avancées et l'un des taux d'alphabétisation les plus élevés du monde.

Ces résultats remarquables sur le plan du développement social et humain ne se sont toutefois pas assortis de progrès semblables de la croissance économique. L'accroissement démographique et le marasme économique persistant ont maintenu les revenus par habitant à un faible niveau. En outre, comme le pays n'a pas pu dégager d'excédents budgétaires ou commerciaux, l'épargne publique et privée a été restreinte, et le taux d'investissement faible en conséquence. Si des politiques sociales éclairées ont contribué au développement du capital humain, il n'y a pas eu de croissance correspondante de la formation de capital qui aurait été nécessaire pour accroître la productivité et développer l'économie.

Avec le temps, dans un contexte de chômage élevé, de forte inflation, de déficits de la balance des paiements et de stagnation économique, les gouvernements successifs ont eu de plus en plus de mal à financer les programmes alimentaires, sanitaires et éducatifs du pays. Pour essayer de compenser la détérioration des conditions économiques, les dirigeants ont peu à peu tourné l'économie vers l'intérieur, adoptant une stratégie de développement dont le moteur était industriel et qui reposait sur des mesures de remplacement des importations. Au milieu des années 70, le gouvernement avait nationalisé les plantations de thé, imposé des contrôles rigoureux aux changes et à l'investissement étranger et de sévères restrictions au commerce intérieur et international.

Ces politiques de remplacement des importations n'ont toutefois pas donné lieu à une croissance suffisante du revenu et de l'emploi et, en 1977, un nouveau gouvernement a totalement retourné la politique de développement économique du pays, passant d'une économie tournée vers l'intérieur et contrôlée par l'Etat à une économie axée sur l'exportation et le marché. Les dirigeants ont assoupli les contrôles imposés aux transactions de change et à l'investissement étranger, unifié les taux de change multiples en un taux unique flottant, remplacé les monopoles d'Etat et les quotas commerciaux par des tarifs douaniers et libéralisé les prix à la production et à la consommation et les taux d'intérêt.

Pendant près de 10 ans, l'économie a répondu avec un dynamisme spectaculaire à cette nouvelle politique. La croissance du PIB, qui n'avait été que de moins de 3 pour cent en moyenne de 1970 à 1977, a atteint plus de 6 pour cent en moyenne entre 1978 et 1986. Elle a aussi été bien équilibrée - agriculture, industrie, services et commerce international obtenant tous de bons résultats. Néanmoins, l'économie n'a pas pu profiter de cet élan ni le maintenir et, à la fin des années 80, la croissance économique s'est ralentie, le chômage a monté et le secteur agricole est redevenu peu performant.

Ce fléchissement économique s'explique par diverses raisons. D'abord, les troubles civils persistants que connaît le pays et qui se sont aggravés après 1983 ont détourné des ressources publiques et découragé l'investissement étranger. Ensuite, de mauvaises conditions météorologiques, y compris des sécheresses périodiques, ont freiné la production et les exportations agricoles. En troisième lieu, les politiques de stabilisation qui visaient à contenir le déficit budgétaire et à lutter contre l'inflation ont déprimé la demande et freiné la croissance économique. Enfin, comme de nombreux dirigeants ont continué à s'occuper essentiellement des grands agrégats macro-économiques, le gouvernement n'a pas fait les importantes réformes sectorielles qui s'imposaient.

Depuis 1989, le gouvernement s'intéresse davantage aux réformes sectorielles. Diverses commissions de haut niveau, comprenant des représentants des secteurs public et privé, ont analysé la situation et recommandé des mesures à prendre pour résoudre des problèmes économiques précis. Actuellement, des réformes sont prévues ou déjà en cours dans les domaines de la taxation, des tarifs douaniers, de l'administration publique, des entreprises publiques, du système bancaire, de la gestion par le secteur privé des plantations de thé et de la diversification agricole. Le secteur agricole fait en particulier l'objet de réformes substantielles.

Au cours des dernières années, l'économie a progressé à un rythme assez rapide. Le PIB a augmenté de 4,8 pour cent en 1991 et de 4,6 pour cent en 1992, essentiellement grâce à l'industrie et aux services. La production industrielle s'est accrue de 6,1 pour cent en 1992, principalement par suite de la croissance de l'industrie des textiles et des vêtements destinés à l'exportation. La demande de services de transport et de services touristiques, commerciaux, bancaires et financiers a stimulé la croissance du secteur des services. Ce dernier a progressé de 6,1 pour cent en 1991 et en 1992 et représente maintenant la moitié du PIB.

Contrairement aux secteurs de l'industrie et des services qui ont connu une solide croissance, le secteur agricole n'a pas progressé en 1992, n'obtenant qu'une croissance de 0,1 pour cent. Ses résultats continuent à souffrir des conditions météorologiques et des troubles civils. La grave sécheresse qui a sévi pendant le premier semestre a réduit d'environ 25 pour cent la production de thé, mais a moins affecté la production de caoutchouc et de noix de coco, qui est restée proche des niveaux de 1991.

La récolte de riz n'a pas non plus gravement souffert de la sécheresse du fait qu'elle a commencé en mars, vers la fin de la moisson. A Sri Lanka, le riz est cultivé en deux saisons, correspondant aux deux moussons. La récolte principale est produite pendant la mousson de nord-est qui va d'octobre à février, que l'on appelle la saison Maha. La récolte secondaire a lieu pendant la saison Yala - celle de la mousson de sud-ouest allant de mai à septembre. La sécheresse n'a que légèrement retardé le repiquage de la saison Yala de 1992.

Le secteur agricole

A bien des égards, l'économie agricole et la vie rurale ont peu changé depuis 30 ans. Par exemple, la part de l'agriculture dans le PIB est restée relativement stable - à 28 pour cent en 1965 et 25 pour cent en 1992. L'agriculture reste la principale source de revenu et d'emploi pour les ruraux; aujourd'hui, elle emploie environ la moitié de la population active, comme à la fin des années 60.

L'économie du pays repose toujours sur quatre cultures - le thé, l'hévéa, le cocotier et le riz, comme il y a 30 ans. Le thé reste le principal produit agricole d'exportation; il représentait 67 pour cent des exportations agricoles de 1969 à 1971 et 62 pour cent de 1989 à 1991.

De même, l'agriculture comprend toujours deux secteurs distincts: celui des grandes plantations, qui produit l'essentiel du thé et du caoutchouc et celui des petites exploitations, qui produit du riz et la plus grande partie des noix de coco et des épices destinées à l'exportation.

A d'autres égards, le secteur agricole a subi des transformations structurelles radicales. Les réformes macro-économiques de 1977 et les mesures sectorielles qui leur ont fait suite ont eu des répercussions différentes pour le secteur des petites exploitations et pour celui des grandes plantations.

Le secteur des petites exploitations

Les petites exploitations produisent du riz sur environ 40 pour cent des terres agricoles et des fruits, des légumes et des produits d'exportation non traditionnels sur environ 10 pour cent. La plupart des exploitations rizicoles sont très petites et de plus en plus fragmentées. Plus de 50 pour cent du riz est actuellement produit sur des parcelles de moins de 0,5 ha, contre environ 12 pour cent au milieu des années 60. Des cultures telles que celles de la cannelle, du cacao, du café, de la cardamome, des piments, des poivrons, du clou de girofle et de la citronnelle sont pratiquées à assez petite échelle mais elles gagnent en importance et représentent maintenant 4 pour cent des exportations totales.

La politique rizicole a les quatre mêmes objectifs depuis des décennies: assurer la sécurité alimentaire nationale; créer des emplois; améliorer les revenus agricoles et la protection sociale; et réduire les importations. Mais les mesures adoptées pour atteindre ces objectifs ont largement varié. Avant les réformes de 1977, la production et la distribution de riz étaient rigoureusement contrôlées par l'Etat. Le Conseil de commercialisation du paddy était seul responsable des achats à l'intérieur du pays et le Commissariat à l'alimentation contrôlait la distribution à des prix officiels. Non seulement les prix à la production et à la consommation étaient contrôlés, mais le riz ne pouvait être librement vendu ou transporté de l'un des 25 districts de l'île à l'autre.

Les réformes de 1977 ont servi à: libérer les prix agricoles; remplacer la ration de riz par un programme de coupons alimentaires sélectif; transformer le système de prix garantis aux riziculteurs en un système de prix minimal à la production pour mettre les agriculteurs à l'abri de grosses fluctuations saisonnières des prix du riz; et autoriser les commerçants privés à exercer dans l'ensemble du pays. L'amélioration des marchés et le relèvement des prix réels à la production ont eu un effet remarquable sur la production de riz, qui a progressé à un rythme annuel très supérieur à 10 pour cent de 1977 à 1980.

De 1978 à 1985, la production de riz est passée de 1,7 à 2,7 millions de tonnes et les rendements de 2 500 à 3 500 kg à l'hectare. Cela représentait un progrès important pour l'économie sri-lankaise puisque, dans les années 60 et la plus grande partie des années 70, le pays importait de 40 à 50 pour cent de sa consommation totale de riz. De 1970 à 1977, les importations de riz se sont chiffrées à 400 000 tonnes par an en moyenne, avant de tomber à 150 000 tonnes de 1978 à 1985. Au milieu des années 80, le pays était à 90 pour cent autosuffisant en riz.

Les riziculteurs ont répondu aux réformes de 1977 en accroissant leur production, pour un tiers en élargissant la superficie cultivée et pour les deux tiers en augmentant leurs rendements. Les réussites des travaux de recherche et des services de vulgarisation, l'utilisation de semences à haut rendement et l'amélioration des réseaux d'irrigation ont également contribué à la progression des rendements. Aujourd'hui, plus de 80 pour cent de la superficie cultivée en riz est irriguée et la plupart des riziculteurs utilisent des variétés à haut rendement et des engrais.

Contrairement au début des années 80, où la production avait rapidement augmenté, elle a ralenti et est devenue très irrégulière vers la fin de la décennie. C'est en 1985 que la production de paddy a atteint son maximum de 2,7 millions de tonnes et au milieu des années 80 que les rendements ont été les plus élevés, à 3 500 kg l'hectare. En 1989, la production était tombée à 2,1 millions de tonnes, les troubles civils et les mauvaises conditions météorologiques ayant entraîné une réduction de la superficie cultivée. Ces dernières années, les rendements ont aussi souffert de la diminution de l'emploi d'engrais. Les subventions aux engrais ont été supprimées en 1990, ce qui a doublé les prix payés par les agriculteurs et fait baisser d'environ 20 pour cent la consommation d'engrais.

La politique actuelle encourage les petites exploitations à pratiquer des cultures à fort potentiel d'exportation. On revoit actuellement de nombreux systèmes de réglementation, tels que les procédures de quarantaine imposées aux semences importées, en vue de les rationaliser, de les simplifier ou de les supprimer. Les règlements agraires qui limitaient à la riziculture l'utilisation de certaines terres ont été assouplis et un plus grand choix de spéculations est désormais permis. Le secteur public s'est débarrassé de plusieurs entreprises commerciales agricoles et réduit son niveau d'intervention.

Le secteur des grandes plantations

Le secteur des grandes plantations a subi des transformations structurelles importantes depuis 20 ans. Par exemple, le thé ne représente plus 80 pour cent des exportations totales du pays comme c'était le cas au début des années 70. Les textiles ont dépassé le thé comme principal produit d'exportation, contribuant pour quelque 40 pour cent aux recettes totales d'exportation, alors que les grands produits agricoles d'exportation (thé, caoutchouc, noix de coco) n'y participent plus qu'à raison de moins de 30 pour cent.

Deux décennies de politique de remplacement des importations révélaient un biais assez marqué à l'égard de l'agriculture et surtout de l'agriculture d'exportation. Pendant ce temps, le gouvernement a accru les taux d'imposition sur les cultures d'exportation, contrôlé les prix à la production, géré la distribution des intrants et des produits et nationalisé les grandes plantations.

Les réformes de 1977 visaient à encourager les exportations traditionnelles en réduisant les taxes à l'exportation sur le thé, le caoutchouc et les noix de coco. Les taux d'imposition, qui étaient de 40 à 50 pour cent en 1977 étaient tombés entre 10 et 20 pour cent en 1987. Néanmoins, les plantations n'ont pas autant profité des réformes que le secteur des petites exploitations. Les moyennes maximales de la production arboricole sont aujourd'hui inférieures à celles des années 50 et 60. En 1990 et en 1991, la production de thé n'a été que marginalement supérieure au maximum obtenu depuis le milieu des années 60. La production de caoutchouc n'a cessé de diminuer, le volume produit en 1990 étant inférieur de 40 pour cent à celui de 1960 et de 20 pour cent à celui de 1984.

Malgré ces baisses de production, le secteur des grandes plantations continue de jouer un rôle important dans l'économie du pays, pour ce qui est des revenus, de l'emploi, de l'utilisation des terres et des exportations - surtout de produits transformés du thé, du caoutchouc et de la noix de coco. Aujourd'hui environ 20 pour cent de la population rurale travaille dans les grandes plantations où les cultures pérennes occupent environ la moitié de la superficie cultivée (40 pour cent en thé et en hévéa et 10 pour cent en autres cultures pérennes).

Les producteurs de thé et de caoutchouc se sont heurtés au problème persistant de la baisse des cours mondiaux de ces produits; celle-ci ne les incite pas à replanter, ce qui, au bout d'un certain temps, fait baisser la productivité et amoindrit leur capacité économique à s'adapter aux cycles des cours mondiaux. Pour ce qui est des cocoteraies, les grandes et moyennes plantations, dont les propriétaires sont généralement absents, pratiquent peu la régénération et les cultures intercalaires.

Jusqu'en 1992, les plantations de thé, qui occupaient plus de 200 000 ha et employaient 425 000 personnes, étaient aux mains de deux entreprises d'Etat qui en étaient propriétaires et exploitants. Mais la baisse des rendements, l'ampleur des subventions de l'Etat et les retards pris par l'investissement dans la régénération et l'entretien ont forcé le gouvernement à lancer le programme de privatisation de la gestion. En janvier 1992, 449 plantations d'Etat ont été regroupées en 22 entreprises régionales indépendantes, comprenant chacune entre 15 et 25 plantations. Le gouvernement a alors lancé des appels d'offres et choisi 22 sociétés privées qui ont été chargées de gérer ces plantations dans le cadre d'accords de partage des bénéfices. Ces contrats de gestion privée couvrent actuellement environ 95 000 ha de plantations de thé, 59 000 ha de plantations d'hévéas et 11 000 ha de cocoteraies.

La privatisation de la gestion des plantations, conjuguée à la réalisation, ces dernières années, d'investissements substantiels consacrés à la rénovation des plantations et à la plantation de nouveaux arbres devrait améliorer les perspectives agricoles à court terme. Selon les projections, la production agricole progresserait d'environ 3 pour cent en 1993 et en 1994. Néanmoins, la transformation relativement lente de Sri Lanka en une économie plus industrialisée exerce une énorme pression sur son secteur agricole et surtout sur ses ressources naturelles.

Le secteur agricole n'a qu'une capacité limitée à absorber de la main-d'œuvre et toutes les bonnes terres agricoles sont déjà mises en valeur. A long terme, les dirigeants sri-lankais devront s'attaquer à la tâche ardue qui consiste à élargir la base industrielle et à diversifier à la fois les produits et les marchés d'exportation. Faute d'accès à des emplois dans des entreprises agro-industrielles et agro-alimentaires, la population rurale du pays risque d'être forcée d'exploiter des terres économiquement marginales et écologiquement fragiles.

AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES


Vue d'ensemble
Mexique

Vue d'ensemble


Le secteur agricole
Politiques agricoles

Dans la région de l'Amérique latine et des Caraïbes, l'ensemble de l'activité économique a progressé d'environ 2,3 pour cent en 1992, contre 3,1 pour cent l'année précédente. Ce ralentissement de la croissance traduit principalement la situation économique déprimée au Brésil, où le PIB a baissé de 1,5 pour cent dans un environnement économique dominé par l'hyperinflation et de forts déséquilibres du budget et des comptes extérieurs. Abstraction faite du Brésil, la croissance du PIB régional a été de 4,3 pour cent en 1992 (5 pour cent en 1991), ce qui représente encore une belle performance dans le contexte des tendances antérieures et, surtout, eu égard à l'état déprimé de l'économie des pays de l'OCDE. Plusieurs pays ont consolidé le processus de stabilisation et certains semblent avoir amorcé la reprise que l'on attendait depuis longtemps. Les efforts de stabilisation ont parfois permis de réduire de manière spectaculaire les taux d'inflation, ceux-ci, par exemple, étant tombés de 1 400 pour cent en 1991 à 20 pour cent en 1992 au Nicaragua et de 173 à 23 pour cent en Argentine.

Dans le secteur extérieur, on remarque principalement un renversement de la balance commerciale, qui est devenue négative en 1992 pour la première fois depuis que la crise de la dette a éclaté au début des années 80. De fait, les importations ont atteint 132 milliards de dollars (19 pour cent de plus qu'en 1991), tandis que les exportations étaient de 126,1 milliards de dollars (4 pour cent seulement de plus qu'en 1991). Bien que la balance commerciale négative soit pour une large part due à l'immense déficit commercial du Mexique, d'autres pays tels que l'Argentine, la Bolivie, le Paraguay et divers pays d'Amérique centrale ont également enregistré des déficits commerciaux importants.

Si une bonne partie des importations était représentée par des biens de consommation - phénomène typique des premières phases d'ouverture économique -, il semble que les importations de biens d'équipement ont aussi progressé sensiblement ces dernières années. La balance commerciale nette négative a contribué à creuser le déficit des comptes courants, qui représentait près de 19 pour cent des exportations de biens et services de la région, contre 11 pour cent environ en 1991.

Parallèlement, et en rapport avec cette évolution, on a observé une forte augmentation des entrées de capitaux qui ont plus que compensé l'accroissement du déficit courant, et ont permis une augmentation des réserves de devises. Ce phénomène traduisait dans une large mesure le climat de confiance renouvelée dans les perspectives économiques de la région.

Figure 9

AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES

PRODUCTION AGRICOLE ET PRODUCTION VIVRIÈRE PAR HABITANT

COMMERCE AGRICOLE

EXPORTATIONS AGRICOLES (Indice 1979-1981 = 100)

IMPORTATIONS AGRICOLES (Indice 1979-1981 = 100)

Source: FAO
Aussi appréciés qu'ils soient, les afflux soudains et massifs de capitaux ont aussi été à l'origine d'un certain nombre de problèmes nouveaux. La mesure dans laquelle ils contribuent réellement à la formation de capital et n'ont pas un caractère spéculatif est une question qui demeure ouverte. En outre, comme c'est le cas au Mexique, mais aussi dans plusieurs autres pays, les apports massifs de capitaux s'accompagnent d'une série de problèmes complexes. D'abord, ils ont contribué à une surévaluation des monnaies, ce qui va à l'encontre d'un des objectifs essentiels des stratégies de développement adoptées actuellement, à savoir l'expansion des exportations. En outre, les afflux de capitaux ont introduit des risques d'inflation et ont entraîné des politiques monétaires plus restrictives. La hausse des taux d'intérêt pèse à son tour sur les perspectives de croissance et accentue le fardeau de la dette publique au-delà de ce que laisserait prévoir l'ampleur des déséquilibres budgétaires. Enfin, l'afflux de capitaux a créé une interdépendance plus grande avec les marchés financiers internationaux et une vulnérabilité accrue à l'évolution des conditions macro-économiques externes.

A court terme, le plus important de ces problèmes est sans doute la surévaluation des monnaies. En effet, un problème majeur pour les pays qui, jusqu'à présent, ont fait des progrès importants sur la voie de la stabilisation sera de surmonter le dilemme des taux de change d'une façon qui ne conduira pas à un regain d'instabilité et d'inflation. L'autre problème majeur à long terme demeure celui de comment étendre les avantages de la stabilisation et de l'ajustement aux secteurs les plus larges possibles de la population, notamment aux plus pauvres.

Le secteur agricole

Conformément à une caractéristique désormais bien établie dans la région, les performances agricoles ont été largement déterminées par des facteurs exogènes au secteur, à savoir les politiques intérieures macro-économiques et les conditions du marché international, la politique spécifique appliquée dans le secteur agricole ne jouant qu'un rôle relativement mineur. C'est la surévaluation des monnaies qui a été le principal facteur de la faiblesse du secteur des exportations agricoles. A cela, il faut ajouter la chute brutale du prix des produits qui a touché plusieurs des grandes exportations de la région30. En contraste avec ces facteurs extérieurs généralement déprimants, l'agriculture a bénéficié de la tournure globalement favorable qu'ont pris les événements sur le plan intérieur, dans la mesure où la demande et les investissements dans le secteur agricole ont été stimulés.

30 En 1992, les principaux produits d'exportation de la région ont connu les baisses de prix suivantes: bananes, -10,1 pour cent; cacao, -7 pour cent; café, -25 pour cent; viande de boeuf, -8,8 pour cent; maïs, -3,2 pour cent; soja, -0,4 pour cent; et coton, -15,8 pour cent.

Dans l'ensemble, l'année 1992 a vu une croissance relativement terne de la valeur ajoutée agricole, qui est estimée à moins de 2 pour cent. Il y a eu cependant de larges variations selon les pays. Une combinaison de conditions favorables - climat, prix et crédit - s'est traduite par des augmentations de la valeur ajoutée agricole de plus de 6 pour cent au Brésil, en El Salvador, en Equateur et en Uruguay. Le Chili, le Costa Rica, le Guatemala et le Honduras ont réalisé des augmentations tournant autour de 3 pour cent, tandis que la Bolivie, la Colombie, le Mexique, le Paraguay et le Pérou ont connu une stagnation ou une chute de la production agricole. Dans certains cas, comme au Paraguay, la cause la plus importante des mauvais résultats agricoles a été la chute des prix des denrées d'exportation (soja et coton). Au Brésil, la forte augmentation de la production agricole a été due principalement aux politiques d'appui à l'agriculture, tandis que l'Uruguay a profité d'une amélioration des termes de l'échange et de meilleurs débouchés commerciaux dans le cadre de l'accord sur le Marché commun austral (MERCOSUR).

Dans le secteur extérieur, plusieurs pays ont réussi à augmenter les recettes tirées de leurs exportations agricoles malgré l'effondrement des prix de certains de leurs principaux produits d'exportation. Cela a été le cas pour le Brésil, le Chili, le Guatemala, le Honduras et l'Uruguay. D'autres pays ont connu un déclin de leurs recettes d'exportations agricoles bien qu'ils aient réussi, à des degrés divers, à développer le volume de ces exportations. Parmi ces pays, on compte le Nicaragua, le Paraguay, et la République dominicaine. D'autres encore, par exemple la Bolivie, ont enregistré une baisse à la fois en volume et en prix.

Politiques agricoles

Les politiques générales orientées vers le marché qui sont maintenant appliquées dans l'ensemble de la région assignent à l'Etat un rôle plus neutre en tant qu'agent économique. Néanmoins, on a constaté ces récentes années une tendance générale à impliquer plus largement et plus activement le gouvernement dans les politiques sectorielles. Il existe cependant de grandes différences entre les écoles de pensée actuelles et celles qui déterminaient les politiques suivies auparavant. L'Etat a renoncé à son omniprésence dans l'agriculture et à sa politique volontariste de transfert de ressources subventionnées. Maintenant, la tendance générale est plutôt de chercher à aider les agriculteurs à s'aider eux-mêmes et de promouvoir les réformes agricoles et institutionnelles nécessaires à cette fin. Un autre leitmotiv de la pensée politique récente est l'intégration à deux niveaux généraux: à l'intérieur de l'agriculture, en maximisant la complémentarité interrégionale et intercultures tout en réduisant l'écart entre l'agriculture moderne et l'agriculture traditionnelle; et entre l'agriculture et les activités d'amont et d'aval. Il ne s'agit pas là d'idées nouvelles mais, dans bien des cas, elles ont récemment inspiré une action plus décisive que par le passé.

Dans ce contexte général, on peut citer comme exemple spécifique la réforme profonde qui s'est engagée au Mexique avec une révision de sa législation agraire, des mesures incitatives et compensatoires pour faciliter la transition vers un régime de marché entièrement libéral et l'engagement pris envers l'Accord de libre-échange nord-américain. Cette expérience remarquable est examinée plus en détail dans la section consacrée au Mexique.

En Argentine, l'application de la loi sur la convertibilité31, introduite en mars 1991, a contribué à renforcer le processus d'ajustement et d'ouverture économique, mais a également introduit un régime de parité dollar-peso qui s'est traduit par une forte surévaluation du peso. Afin de compenser le secteur du négoce pour les pertes encourues, le gouvernement a introduit un certain nombre de mesures à la fin de 1992. Parmi celles-ci figuraient une réduction des taxes sur les exportations agricoles, un assouplissement des conditions du crédit agricole, l'application d'une taxe «statistique» de 10 pour cent (3 pour cent auparavant) sur les importations et un relèvement des droits d'importation pouvant aller jusqu'à 20 pour cent pour certains produits. En outre, un important train de mesures de soutien à l'agriculture a été introduit en mai 1993 à l'intention plus particulièrement des producteurs en dehors de la pampa. Ces mesures comprenaient notamment un soutien financier aux coopératives, des taux d'intérêt préférentiels pour les producteurs dans une situation critique ou travaillant dans des zones sujettes aux catastrophes naturelles, des facilités de financement pour les petits producteurs, un soutien au développement régional et le paiement rapide de la valeur des expéditions aux exportateurs agricoles selon le principe du «crédit-confiance».

31 La loi sur la convertibilité a instauré la libre convertibilité de la monnaie nationale à un taux de change fixe.

Le cas du Brésil illustre un recours plus actif aux instruments traditionnels de soutien tout en adhérant aux principes de base de la libéralisation du marché. Dans un contexte d'instabilité macro-économique majeure, qui rendait les décisions des producteurs particulièrement difficiles à prendre, le gouvernement a annoncé des prix garantis pour les principales denrées agricoles en 1991-1992 ainsi que des facilités spéciales pour le crédit rural. Ces mesures ont contribué à une importante reprise du secteur, dont les résultats ont augmenté de 5 pour cent en 1992. Cette performance positive du secteur agricole a aidé, une fois de plus, à amortir les effets négatifs de la récession industrielle qui a suivi l'échec du plan Collor.

Plusieurs pays ont introduit ou renforcé des mesures de réforme des institutions agricoles dans le dessein général de redéfinir le rôle de l'Etat dans les activités agro-économiques et de promouvoir la décentralisation. C'est ce qui a été fait, par exemple, au Pérou, par une nouvelle loi organique du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation; à la Jamaïque par la réorganisation de l'Autorité de développement rural; et en Bolivie, où le Ministère des affaires paysannes a lancé une initiative importante de décentralisation institutionnelle.

Divers pays d'Amérique centrale ont également pris d'importantes mesures de réforme institutionnelle et juridique touchant les structures agraires. Au Honduras, le Congrès a approuvé, en mars 1992, la loi pour la modernisation et le développement du secteur agricole. Cette loi trace le cadre normatif d'une réorganisation institutionnelle et met en place un conseil du développement agricole, une direction des sciences agricoles et de la technologie et une banque foncière. La nouvelle loi apporte également d'importants changements à l'ancienne loi sur la réforme agraire de 1975.

Les terres allouées aux agriculteurs leur reviennent en pleine propriété, ce qui permet de louer ces terres à des fins productives ou de les utiliser comme caution pour obtenir un crédit. En outre, la période d'occupation requise avant d'obtenir des droits de pleine propriété a été ramenée à trois ans; enfin, les femmes ont été reconnues comme bénéficiaires des attributions de terres consenties dans le cadre de la réforme agraire. Ces mesures visent généralement à améliorer la stabilité des structures agraires afin de favoriser l'investissement et la formation de capital dans ce secteur.

En El Salvador, les accords de paix conclus en 1992 ont créé un environnement favorable au renforcement de la formulation et de la mise en œuvre d'une politique sectorielle. Parmi les mesures prises figurent la réforme des institutions du secteur public et l'introduction d'un nouveau code agraire.

Tant au Honduras qu'en El Salvador, le nouveau cadre institutionnel s'efforce de développer les marchés et d'améliorer l'efficacité des circuits commerciaux existants qui vont de l'exploitation au traitement industriel et au commerce extérieur. A cette fin, les entreprises parastatales ont été privatisées, les offices de commercialisation des denrées alimentaires de base abolis et le commerce extérieur libéralisé. En même temps, l'Etat s'efforce de promouvoir les organisations de producteurs, le crédit octroyé par les banques privées et coopératives et les services fondamentaux de vulgarisation.

Les programmes d'intégration sous-régionaux ont pris un nouvel élan et se sont approfondis dans le but non seulement de renforcer la complémentarité commerciale mais aussi de favoriser l'intégration au niveau productif ou financier. ALENA, le premier de ces programmes qui rassemble des pays développés et des pays en développement, est examiné ci-après dans l'encadré 6 sous l'angle de ses répercussions éventuelles sur le Mexique. Des pourparlers préliminaires sont en cours avec pour objectif de s'appuyer sur ALENA pour réaliser une zone de libre-échange à l'échelle de l'hémisphère. Les membres du MERCOSUR (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) sont convenus d'instaurer un tarif douanier extérieur commun de 20 pour cent pour la plupart des produits dès juin 1993. Le système d'intégration centre-américain (SICA) est entré en vigueur en février 1993 et a remplacé l'ancienne organisation des Etats d'Amérique centrale. L'accord agricole de Panama, signé dans le cadre du SICA, vise à éliminer les systèmes existants de permis, licences et quotas affectant le commerce agricole dans la sous-région. En même temps, il a été décidé d'harmoniser les tarifs applicables au maïs et au sorgho dans le système de fourchettes de prix commun pour les importations en El Salvador, au Guatemala, au Honduras et au Nicaragua.

Malgré l'accent continu mis sur l'intégration régionale, l'importance d'améliorer les relations commerciales avec des pays situés en dehors de la région est largement perçue. On estime que si les systèmes régionaux de libre-échange sont compatibles avec les principes du GATT - dans la mesure où ils tendent à abaisser les obstacles au commerce et à réduire le déplacement des échanges - les politiques commerciales devraient, en dernier ressort, viser à l'intégration mondiale. Les pays de la région ont été vivement incités à favoriser une conclusion heureuse de l'Uruguay Round des négociations du GATT.

ENCADRÉ 5
LA DETTE ET LE FINANCEMENT EXTÉRIEUR EN AMÉRIQUE LATINE ET AUX CARAÏBES

En 1992, l'encours de la dette extérieure de la région s'élevait à 447 milliards de dollars, soit environ 2 pour cent de plus que l'année précédente. Quatre pays seulement - Argentine, Honduras, Paraguay et République dominicaine - avaient enregistré un déclin de l'encours de leur dette.

Le ratio total service de la dette/exportations a été estimé à 30,5 pour cent en 1992, soit une légère augmentation par rapport à l'année précédente. Le service total versé sur toutes les dettes de la région a été de 54,5 milliards de dollars en 1992, contre 50,2 milliards en 1991.

Au plan institutionnel, les derniers faits marquants dans le domaine de la dette sont notamment l'accord du Club de Paris de restructurer la dette de l'Argentine et du Brésil pour un montant consolidé de 13 milliards de dollars. Il est prévu, au titre de ces accords, un calendrier d'amortissement progressif qui devrait rendre superflu tout rééchelonnement ultérieur. Le Club de Paris a également convenu de consolider les dettes de l'Equateur et de la République dominicaine aux conditions de Houston.

La réduction de la dette envers les banques commerciales et du service de cette dette s'est poursuivie en vertu du plan Brady. En décembre 1992, l'Argentine a signé un important accord qui réduira d'un montant équivalant à 11 milliards de dollars (c'est-à-dire plus d'un tiers du montant de la dette publique) les 23 milliards de dette commerciale et les 9 milliards d'arriérés d'intérêt que devait le pays. Un autre important accord, conclu par le Brésil, porte sur 44 milliards de dette bancaire remplissant les conditions requises et prévoit parallèlement un accord pour la conversion des arriérés d'intérêt de 1991 et 1992 en obligations.

Une évolution d'importance majeure pour la région a été la forte augmentation des entrées nettes de capital, provenant principalement de sources privées, phénomène qui s'explique par l'amélioration générale des perspectives économiques, les différentiels de taux d'intérêt et les effets catalytiques des accords de réduction de la dette commerciale pour nombre de pays de la région. Les flux de capitaux provenant de portefeuilles privés ont atteint 15,3 milliards de dollars en 1992, soit quatre fois le niveau de 1990. Les investissements étrangers directs nets se sont montés à 13,8 milliards de dollars, les principaux pays bénéficiaires étant le Mexique (6,2 milliards de dollars), l'Argentine (2,5 milliards de dollars) et le Brésil (2 milliards de dollars).


Mexique


Cadre général
Le cadre économique
Le nouveau cadre politique et les performances économiques
Le rôle économique de l'agriculture
La réforme agricole
Problèmes en suspens et perspectives de l'agriculture

Cadre général

L'expérience mexicaine est une référence importante dans l'histoire récente du développement. C'est le moratoire mexicain en 1982 qui a marqué le début de la crise de la dette des années 80. Dix ans plus tard, le Mexique a de nouveau attiré l'attention mondiale, cette fois en tant que cas exemplaire d'une audacieuse réforme orientée vers le marché et d'une stabilisation initiale remarquable. Le pays a encore beaucoup de chemin à parcourir avant que la guérison soit complète et de nombreuses incertitudes planent sur l'horizon à moyen et à long terme, mais les améliorations économiques réalisées au cours des trois à quatre dernières années sont de bon augure pour la consolidation du processus de stabilisation. La récente décision des plus grands pays industriels du monde de permettre au Mexique de se joindre à l'OCDE témoigne de la confiance internationale dans l'avenir du pays32.

32 Le Conseil ministériel de l'OCDE tenu en juin 1993 a demandé que soit approfondi le dialogue avec les économies non membres dynamiques et que l'on étudié la possibilité d'accepter comme membres l'Argentine, le Brésil, le Chili et le Mexique. Le Mexique participe depuis longtemps aux activités de l'OCDE et les conditions d'une entrée rapide dans l'organisation sont actuellement à l'examen.
A l'origine des améliorations récentes, on trouve un ensemble de mesures de politique générale, lancées à la fin des années 80, qui ont introduit dans le pays des changements profonds, voire révolutionnaires. Parmi ces mesures, on peut citer les suivantes: une réduction de la taille du secteur public et une redéfinition de son rôle économique; une réforme budgétaire impliquant une compression rigoureuse des dépenses publiques; enfin, une adhésion aux principes du libre-échange, notamment la libéralisation unilatérale des échanges et la signature de l'Accord de libre-échange nord-américain.

La libéralisation de l'agriculture, qui a peut-être été l'élément le plus radical et le plus mobilisateur du programme de réforme, a comporté la réduction des subventions aux produits agricoles et aux prix des facteurs, la privatisation des services d'appui, la réforme du statut juridique des ejidos33, et l'ouverture à la concurrence extérieure.

33 L'ejido est une forme d'association rurale communautaire qui a pris de l'importance après la réforme agraire de 1917 mais qui a ses racines dans l'époque précolombienne.

On s'attend à ce que cette expérience entraîne une amélioration des performances agricoles dans la mesure où les occasions et les risques inhérents à la libéralisation du marché auront pour effet d'accroître la concurrence et l'efficacité. Cependant, comme dans toute révolution, il y aura des gagnants et des perdants. Les secteurs les plus compétitifs, notamment ceux qui produisent des fruits et des légumes, profiteront de l'ouverture des débouchés à condition que leur avantage compétitif ne soit pas étouffé par la surévaluation de la monnaie. Par contre, la pleine application des mesures de libéralisation des échanges et l'adhésion probable du pays à l'ALENA entraîneront des risques importants pour les paysans et les agriculteurs moyens qui assurent la majeure partie de la production de denrées de base. L'ouverture à la concurrence extérieure, associée à un accès plus restreint aux intrants subventionnés, obligera nombre d'entre eux à subir un processus d'ajustement difficile.

Le gouvernement fait un grand effort pour surmonter les difficultés de la transition en offrant des programmes de soutien rural et d'aide sociale ainsi que des services financiers et de développement agricole.

Le cadre économique

Les grandes réformes politiques exécutées depuis la fin des années 80 peuvent être considérées à la lumière de la situation économique critique qui précédait leur introduction. Après la crise de 1982-1983, alors que l'ensemble de l'activité économique avait diminué de 5 pour cent, une thérapie de stabilisation orthodoxe a permis une légère reprise. Toutefois, celle-ci s'est arrêtée brutalement au milieu des années 80 lorsque a commencé une nouvelle période de chocs successifs: un tremblement de terre catastrophique à la fin de 1985 (le montant des dégâts étant estimé à 2 pour cent du PIB) et un effondrement des prix du pétrole qui a entraîné une chute du PIB de 4 pour cent en 1986. La croissance demeurant faible l'année suivante, la situation économique et financière s'est fortement détériorée.

En 1987, le déficit budgétaire avait atteint l'équivalent de 13 pour cent du PIB, l'inflation était partie en flèche, pour atteindre 132 pour cent et le service de la dette absorbait 36 pour cent du total des recettes d'exportation. Dans l'ensemble, la croissance a été pratiquement nulle au cours de la période 1983 à 1988, tandis que la consommation publique augmentait de 1,6 pour cent par an, que la consommation privée stagnait et que les investissements publics diminuaient en moyenne chaque année de plus de 11 pour cent. Les exportations, par contre, se sont développées plus vite que les importations, ce qui a permis un excédent commercial qui est passé de 4,7 pour cent du PIB en 1982 à 8,7 pour cent en 1988. Toutefois, comme une grande partie de cet excédent était absorbé par le service de la dette, le compte des opérations courantes ne s'est pas amélioré en proportion - en fait, la balance du compte courant est devenue négative pendant plusieurs années consécutives au cours des années 80 et s'est encore détériorée de façon alarmante ces dernières années.

Le nouveau cadre politique et les performances économiques

Confronté avec une situation aussi difficile, le nouveau gouvernement qui est entré en fonctions à la fin de 1988 a lancé un programme audacieux de stabilisation et de réforme structurelle. La nouvelle stratégie a introduit des mesures orthodoxes sur les plans budgétaire, monétaire et en matière de change; des mesures non orthodoxes en ce qui concerne les salaires et les revenus, associant la rigueur budgétaire et le contrôle des prix et des salaires; enfin, une réforme structurelle comportant la privatisation, la déréglementation, une redéfinition du rôle de l'Etat et la libéralisation du régime d'investissement. Le secteur extérieur a également été largement libéralisé, ce qui a accéléré le processus qui avait déjà commencé au milieu des années 8034. Les droits de douane maximaux à l'importation ont été ramenés de 45 à 20 pour cent, leur moyenne pondérée tombant à 11 pour cent environ, et le volume des importations soumises à un régime de licences a été réduit à moins de 4 pour cent du total. Ainsi, le régime commercial mexicain, qui était strictement réglementé au début des années 80, est devenu l'un des plus ouverts du monde. En outre, le gouvernement s'est engagé activement dans les négociations sur l'ALENA qui, si l'accord est ratifié, fera encore progresser la libéralisation et l'intégration régionale (voir encadré 6).

34 Un pas important sur cette voie a été l'entrée du Mexique au GATT en 1986.
Le cadre normatif pour le nouvel ensemble de mesures économiques était le plan de développement national 1989-1994, qui visait à porter le taux de croissance du PIB à 6 pour cent à la fin de la période et à ramener les taux d'inflation à un niveau analogue à ceux des principaux partenaires commerciaux du Mexique. Comme moyen de juguler l'inflation, le Pacte pour la stabilisation économique et la croissance, accord entre l'Etat, le patronat et les syndicats, a été signé en décembre 1988 et périodiquement renouvelé depuis lors. Ce pacte prévoit un ajustement du salaire minimum ainsi que des prix et tarifs du secteur public et un taux de dépréciation annoncé à l'avance du peso mexicain par rapport au dollar des Etats-Unis.

L'ensemble des mesures de stabilisation et de réforme ont remarquablement réussi jusqu'à présent. Pendant la première partie de la période du plan (1989-1991), la croissance économique a dépassé la fourchette de 2,9 à 3,5 pour cent prévue, quoique, selon les estimations, elle soit tombée à 2,7 pour cent en 1992. Le taux d'inflation a été ramené à 12 pour cent environ en 1992 et pourrait encore diminuer en 1993. Alors que le déficit du secteur public atteignait le chiffre astronomique de 13 pour cent du PIB en 1987, on a enregistré en 1992 un excédent équivalant à 1 pour cent du PIB.

Ces résultats s'expliquent largement par le succès des mesures de stabilisation et de réforme introduites par le gouvernement, mais d'autres facteurs ont également joué un rôle positif. En particulier, les opérations d'allégement de la dette dans le cadre du plan Brady et les transferts de ressources par le FMI et la Banque mondiale ont contribué à desserrer la situation financière. Des apports de capitaux ont également été attirés par les différentiels de taux d'intérêt, le regain de confiance des investisseurs - notamment à la suite de la privatisation des banques et des entreprises parastatales - et l'espoir qu'a fait naître l'ALENA.

Un domaine où le Mexique n'a pas réussi, cependant, est celui de la réduction du déficit courant, qui a atteint quelque 20 milliards de dollars en 1992, soit plus de 6 pour cent du PIB. La difficulté éprouvée à freiner la demande d'importation et la crainte de l'inflation ont conduit à un resserrement des politiques monétaires, ce qui a eu un effet inhibiteur sur la croissance économique. En effet, il semble maintenant peu probable que le taux de croissance annuel de 5,3 à 6 pour cent qui avait été fixé pour la période 1992-1994 sera atteint. En outre, la surévaluation constante du peso a contribué à accentuer le déficit commercial et touché en particulier le secteur agricole qui était déjà pénalisé par la suppression de la plupart des subventions.

Le rôle économique de l'agriculture

L'agriculture a joué un rôle inégal et déclinant dans l'économie du Mexique. Alors que le secteur fournit 7 pour cent du PIB, la population rurale représente encore 27,5 pour cent de la population totale, tandis que la population économiquement active de l'agriculture représente environ 23 pour cent du total de cette population à l'échelle du pays. Les résultats agricoles se sont progressivement détériorés depuis le milieu des années 60 malgré quelques reprises provisoires (par exemple, de la fin des années 70 au début des années 80, lorsqu'une campagne d'autosuffisance menée dans le cadre du Système alimentaire mexicain a contribué à faire augmenter la production de maïs). Dans l'ensemble, la production agricole a progressé d'environ 4 pour cent par an au cours des années 70, ce qui a permis un relèvement modeste de la production alimentaire par habitant, mais de 2,3 pour cent seulement par an lors de la «décennie du développement perdue» des années 80, époque à laquelle la production alimentaire par habitant est restée complètement étale. Dans cette dernière période, seules les cultures les plus fortement orientées vers l'exportation ont continué à se développer vigoureusement sous l'effet, notamment, de la dévaluation de la monnaie. Mais ce mouvement s'est inversé ces dernières années. Jusqu'à présent, les années 90 ont vu une suite de résultats médiocres. Après n'avoir connu pratiquement aucune croissance en 1991, la production agricole n'a progressé que modérément en 1992.

ENCADRÉ 6
ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN

En juin 1990, les Présidents du Mexique et des Etats-Unis ont annoncé leur décision d'entamer des négociations en vue d'un accord de libre-échange entre les deux pays. Peu après, le Canada a exprimé son souhait de se joindre aux négociations, qui ont eu lieu entre mai 1991 et août 1992.

Dans une première phase, un texte d'accord élargi a été établi et signé par les Présidents des trois pays le 17 décembre 1992. Ce texte a ensuite été soumis pour approbation aux parlements des trois pays. En cas de ratification - le point d'interrogation subsiste surtout en ce qui concerne la décision du Congrès des Etats-Unis - l'ALENA entrerait en vigueur le 1er janvier 1994.

L'ALENA élargi comporte des engagements bilatéraux séparés entre le Mexique et ses partenaires commerciaux, Etats-Unis et Canada. Il incorpore également l'accord de libre-échange Canada/Etats-Unis et laisse intactes les dispositions sur les barrières tarifaires et non tarifaires en matière d'agriculture et les clauses transitoires de sauvegarde qui sont entrées en vigueur en 1989. Certaines dispositions trilatérales traitent de l'aide intérieure et des subventions à l'exportation. Le Mexique et les Etats-Unis se sont mis d'accord pour négocier des «accords annexes» portant sur les questions d'environnement et de droit du travail pour essayer d'apaiser les inquiétudes de la nouvelle administration américaine et des critiques de l'accord au sein du Congrès.

En vertu de l'accord, les deux pays convertiraient toutes leurs barrières non tarifaires en matière d'agriculture soit en quotas de tarif douanier (TRQ) soit en tarifs ordinaires. Pendant une période de transition de 10 à 15 ans selon le produit, aucun droit de douane ne serait appliqué aux denrées faisant l'objet des TRQ. Des périodes de transition plus longues sont prévues pour certains produits hautement sensibles tels que le maïs et les haricots secs pour le Mexique et le jus d'orange et le sucre pour les Etats-Unis. Les droits de douane imposés sur les produits dépassant les TRQ - prévus initialement pour remplacer la protection fournie par les anciennes barrières non tarifaires - seraient progressivement ramenés à zéro à la fin de la période de transition. Les tarifs existant sur un large éventail de produits agricoles seraient supprimés immédiatement. Parmi les principales exportations agricoles des Etats-Unis - qui comprennent notamment les céréales pour le bétail, les oléagineux, la viande et les produits laitiers -, ce sont les céréales et les oléagineux qui devraient bénéficier le plus de l'accord. En ce qui concerne le Mexique, dont les principales exportations vers les Etats-Unis sont les produits tropicaux, ce sont les exportations agricoles telles que les fruits et légumes qui seraient sans doute les plus favorisées.

L'accord contient également des clauses spéciales de sauvegarde des importations s'appliquant à des produits déterminés dont le niveau de déclenchement augmenterait progressivement au cours des 10 premières années de l'accord. Les pays de l'ALENA ne se sont engagés que d'une manière très générale à appliquer des politiques agricoles intérieures ayant moins d'effets de distorsion sur le commerce, les nouvelles politiques devant être conformes aux obligations du GATT. En règle générale, l'utilisation de subventions aux exportations agricoles dans la zone de l'ALENA a été considérée inappropriée, sauf en tant que moyen de contrer les exportations subventionnées provenant de pays non membres de l'ALENA.


Les résultats médiocres du secteur alimentaire ont entraîné une demande croissante d'importations et une détérioration marquée de la balance des échanges agricoles. Après avoir eu un excédent net en devises jusqu'en 1987, l'agriculture est devenue l'un des grands secteurs déficitaires: en effet, le ratio exportations/importations de l'agriculture est tombé de 130 en moyenne au cours des années 70 à un niveau à peine supérieur à 60 ces dernières années, tandis qu'actuellement les importations agricoles absorbent quelque 17 pour cent des recettes d'exportation totales du pays.

Qu'est-ce qui a déterminé cette stagnation à long terme de l'agriculture? Les multiples facteurs d'ordre naturel, infrastructurel, politique, socio-économique et commercial qui ont joué un rôle ne sauraient être examinés exhaustivement dans la présente étude. Mais l'un d'entre eux qui a eu une importance majeure en raison de l'importance de la population agricole concernée a été la faible productivité du secteur des petits exploitants qui se sont trouvés marginalisés, étant dans une large mesure privés du soutien de l'Etat ainsi que de l'accès aux marchés, au crédit et aux services publics. D'autres facteurs concomitants ont été les rigidités du cadre juridique de l'ejido et les interventions peu judicieuses de l'Etat qui ont accentué les distorsions. La stratégie de réforme agricole qui est actuellement appliquée vise essentiellement à faire disparaître ces contraintes.

La réforme agricole

Si la nouvelle orientation politique bouleverse profondément tous les secteurs économiques, c'est l'agriculture qui sera l'un des plus touchés. La libéralisation des marchés agricoles a entraîné une rupture avec les rigidités structurelles profondes et les normes législatives datant des premières décennies du siècle.

Les grandes orientations des nouvelles politiques ont été définies dans le Programme national pour la modernisation rurale, 1990-1994, qui a été publié en 1990. Les principes généraux du programme sont que l'agriculture commerciale (petites exploitations) doit se développer en tant que secteur faisant preuve de la croissance la plus dynamique, tandis que le secteur «social» (ejidos et collectivités agricoles) doit se moderniser grâce à des arrangements coopératifs permettant des économies d'échelle, une redéfinition du rôle de l'Etat dans les activités de production et de commercialisation et des contrats d'association avec l'agriculture commerciale et l'agro-industrie.

C'est la législation sur le mode de faire-valoir qui a été le plus bouleversé par la politique de réforme. L'importance des changements introduits dans ce domaine doit être appréciée dans un contexte historique. Sous le régime agraire antérieur, qui découlait de l'article 27 de la Constitution mexicaine de 1917, il appartenait à l'Etat de fournir des terres à tout groupe de citoyens qui en fasse la demande. L'objectif était de réduire les inégalités flagrantes qui caractérisaient la propriété foncière à cette époque et d'atténuer la pauvreté rurale. Ceux à qui on accordait des terres entraient dans le système ejido qui s'est peu à peu étendu à la grande majorité de la population rurale du Mexique. En 1988, le secteur «social» (constitué d'ejidos et de communautés) était estimé à quelque 28 000 unités comptant plus de 3 millions de ménages ayant à leur tête un ejidatario (membre d'ejido) ou un comunero (membre d'une communauté). Ce secteur constituait 70 pour cent du nombre total d'exploitants agricoles. Environ 15 millions de personnes (19 pour cent de la population du pays) étaient totalement ou partiellement tributaires de la production et de l'emploi générés par le secteur social.

Conçu comme instrument politique visant plutôt à satisfaire la demande populaire qu'à créer des unités de production économiquement viables, le système ejido est devenu rigide et inefficace. L'amenuisement progressif de la superficie à redistribuer a conduit à un morcellement extrême des terres, 61 pour cent des unités ejido étant en moyenne inférieures à 4 ha. En outre, en vertu des anciennes dispositions de l'article 27, les terres ejido ne pouvaient être ni vendues, ni louées, ni utilisées comme garanties pour obtenir des prêts35. Ces dispositions ont entravé les investissements agricoles et la modernisation du secteur et ont fini par aller à l'encontre de l'objectif déclaré qui était de réduire la pauvreté (selon la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes [CEPALC], 24 pour cent de la population rurale du Mexique vit dans une pauvreté extrême, comparé à 8 pour cent de la population urbaine). L'ejido était également soumis à une lourde intervention de l'Etat génératrice de distorsions et à des mécanismes de tutelle qui réglementaient la vie économique de l'ejido tout en exerçant sur le système un contrôle politique.

35 Bien que la loi l'interdise, les terres étaient souvent vendues ou louées en sous-main. Ainsi, on estime que 25 à 30 pour cent de toutes les terres productives étaient louées avant même que l'article 27 ne soit amendé.

Ces problèmes ont été à l'origine d'une réforme radicale du régime ejido. La nouvelle loi agraire, qui est entrée en application en février 1992, a modifié l'article 27 dans les principaux domaines suivants:

· Les membres de l'ejido possédant des titres fonciers en règle peuvent, avec l'approbation de 75 pour cent de l'assemblée de l'ejido, obtenir le droit sans restriction de vendre, louer ou céder de toute autre façon leurs terres. Toutefois, les terres ejido communales, qui sont en général des forêts et des pâturages, ne peuvent être vendues ni servir de nantissement.

· Les droits d'héritage et de succession ne sont plus prioritairement dévolus à la famille des membres de l'ejido. En d'autres termes, les propriétaires ejido peuvent choisir librement leurs successeurs, ce qui constitue une rupture par rapport à l'ancien concept de société rurale basée sur la famille.

· Les terres ejido peuvent être vendues ou louées à des entreprises privées ou à des sociétés qui peuvent les exploiter directement. Néanmoins, la taille de l'exploitation contrôlée par de telles entreprises ne peut pas dépasser 25 fois la superficie d'une petite exploitation («petite» signifie jusqu'à 100 ha de terres irriguées ou l'équivalent de cette superficie dans une zone non irriguée). Les participants ejido détenteurs d'actions spéciales (type T) bénéficient d'un droit préférentiel à récupérer la terre au cas où l'entreprise fermerait ses portes. L'objectif de cette règle est d'encourager l'association d'agriculteurs avec des entrepreneurs agricoles et de promouvoir la modernisation des techniques et de la production.

· Conformément au principe général qui octroie une autonomie au secteur, les fondements juridiques de la participation de l'Etat aux ejidos ont été démantelés, ce qui a mis fin à un paternalisme bureaucratique fort critiqué.

L'autre grand domaine de la réforme de la politique agricole a été la libéralisation des marchés agricoles. Les mesures ci-après ont été prises dans ce domaine:
· Libéralisation du commerce, notamment réduction de 57 pour cent (1988) à 35 pour cent (1991) de la proportion des importations agricoles sujettes à des licences d'importation. Les produits qui sont encore soumis au régime des licences comprennent le maïs, les haricots et le blé. Parallèlement, les droits de douane moyens pour les importations de produits agricoles sont tombés à 4 pour cent seulement en 1991.

· Libéralisation des prix, notamment élimination des garanties de prix pour toutes les denrées de base à l'exclusion du maïs et des haricots (environ 1,3 milliard de dollars ont été affectés au soutien des prix du maïs et des haricots en 1993). L'ALENA envisage l'élimination progressive du système de soutien des prix pour le maïs et les haricots au cours d'une période de transition de 15 ans. Pour les autres céréales et le soja, l'achat par l'Etat à des prix garantis a été remplacé par un système de «prix convenus» en vertu duquel les négociants privés doivent acheter l'ensemble de la récolte à un prix convenu avant que des importations ne soient autorisées. Pour les produits animaux, les prix à la consommation et les marges de commercialisation continuent à être fixés, les prix du bœuf et du porc étant généralement inférieurs à ceux des marchés internationaux et les prix de la volaille supérieurs.

· Réduction ou élimination des subventions pour les intrants. Les subventions consenties pour les intrants agricoles, qui représentaient plus du tiers de la valeur de la production agricole au début des années 80, n'en constituaient plus que 17 pour cent en 1989. L'une des conséquences a été l'alignement des prix des engrais sur les niveaux du marché international. Les subventions à la production d'eau et d'électricité ont également été fortement réduites, tandis que la société parastatale qui vendait des aliments concentrés pour animaux a été privatisée. Les importations d'intrants et de machines agricoles ont été libéralisées, ce qui a compensé en partie l'augmentation du prix des intrants et des coûts de production. L'aide au crédit a également été réduite et le contrôle des taux d'intérêt supprimé, ce qui s'est traduit par une forte augmentation des taux d'intérêt réels qui sont passés de - 37 pour cent en 1987 à 19 pour cent en 1989.

· Réduction de l'intervention de l'Etat avec l'élimination ou la forte réduction du contrôle par les organismes parapublics du marché du sucre, du cacao, du maïs, du tabac et du henequen. Les institutions spécialisées qui s'occupaient auparavant du crédit, des assurances, de l'assistance technique et de la commercialisation ont été privatisées ou dissoutes, ou alors leur rôle a été redéfini. Le nombre des entreprises semi-publiques relevant du Secrétariat d'Etat pour l'agriculture et les ressources en eau (SAHR) a été ramené de 94 en 1982 à 20 seulement en 1992, et 11 de celles-ci devaient être éliminées en 1993.

Appui de l'Etat à l'agriculture. Afin de compenser les agriculteurs pour le double choc représenté par la réforme agricole et l'ouverture des frontières, d'importants programmes de soutien à l'agriculture et au secteur rural, comportant à la fois des mesures de protection sociale et de développement, ont été introduits ou renforcés. Les critères fondamentaux auxquels doit répondre le soutien à accorder sont les suivants: il doit i) s'appliquer à tous les producteurs quelles que soient leur taille et leur situation géographique; ii) apporter une aide compensatoire contre les effets de l'agriculture subventionnée dans d'autres pays; iii) favoriser la constitution d'associations de producteurs ainsi que d'agriculteurs et d'entrepreneurs afin d'améliorer la compétitivité.

Un nouvel instrument important pour favoriser le bien-être rural et la modernisation des campagnes est le Programme de solidarité nationale (PRONASOL). Lancé en décembre 1988, ce programme consacre quelque 60 pour cent de son budget à des activités de protection sociale et le reste au développement régional et au financement de projets de production. Ses principales caractéristiques résident dans sa forte décentralisation et la participation des populations locales dans la conception et l'exécution de ses projets et activités. Par le truchement de ses bureaux régionaux, et en association avec les centres de coordination autochtones, le PRONASOL finance des programmes conçus par les communautés locales elles-mêmes. Avec une représentation au sein du Conseil consultatif du programme, les principales collectivités paysannes ont accès aux niveaux les plus élevés de la direction et de l'exécution.

Depuis sa création, le PRONASOL a considérablement étendu et diversifié son action. Les crédits fédéraux pour ce programme, qui étaient au départ en 1989 de 621 millions de dollars, ont augmenté en termes réels de 54 pour cent en 1990, 36 pour cent en 1991 et 19 pour cent en 1992. Le PRONASOL apporte actuellement son aide à plus de 150 000 activités et projets qui sont exécutés par 82 000 comités de solidarité. Environ 1 million de paysans travaillant sur 3 millions d'hectares reçoivent une aide financière du PRONASOL, tandis que plus de 1 100 organisations paysannes bénéficient de fonds régionaux pour le développement des populations autochtones. Un grand nombre d'agriculteurs ont également recours au PRONASOL pour obtenir des prêts dans le cadre du programme crédito a la palabra (crédit sur parole). En 1992, 2,5 millions d'hectares de maïs ont été financés au titre de ce programme, c'est-à-dire quelque 500 000 ha de plus que l'année précédente. Entreprises solidarité, organisme constitué récemment dans le cadre du programme, fournit également des crédits et des capitaux à risque aux entreprises dirigées par des organisations de producteurs.

Les principales sources de financement agricole demeurent cependant les banques de développement et les banques commerciales. Le crédit officiel passe par trois circuits principaux: Fideicomiso Instituido en Relación con la Agricultura (FIRA), Banco Nacional de Crédito Rural (BAN RURAL) et Nacional Financiera (NAFINSA). FIRA, qui est maintenant le plus important des trois établissements, associe des opérations de prêts avec des programmes d'assistance technique, de recherche et de mise au point des technologies. Ses bénéficiaires comptent actuellement quelque 50 000 unités agricoles, surtout des exploitations moyennes et importantes, mais aussi des exploitations ejido et communautaires. Orientée plus spécifiquement vers le développement rural, BANRURAL a constitué la principale source de financement agricole et rural jusqu'à la fin des années 80. Toutefois, des défauts de paiement massifs ont conduit à une forte réduction des crédits octroyés par cet établissement, au transfert au PRONASOL des créances douteuses et à une révision des politiques de prêt et de gestion. On s'efforce actuellement de reconstituer les ressources de BANRURAL (qui devraient augmenter de 15 pour cent en 1993 par rapport à l'année précédente) et à assainir ses opérations de soutien au développement rural. L'autre grande source de crédit officiel, NAFINSA, travaille essentiellement avec les entreprises de traitement et de commercialisation des produits agricoles.

Malgré les efforts entrepris pour renforcer le volume et l'efficacité des prêts officiels, le problème essentiel reste l'accès au crédit, surtout pour le secteur des petites exploitations, à la suite de la réduction des subventions, de la forte augmentation des taux d'intérêt et de la diminution des opérations de soutien rural menées par BANRURAL.

Une autre contrainte majeure qui freine le développement agricole est le sous-investissement massif hérité de l'ancien régime foncier qui ne permettait guère l'accès au crédit et au financement privé. Ce problème a été encore accentué pendant les années de stabilisation de 1982 à 1988 lorsque des coupes sombres ont été opérées dans les dépenses publiques. Si l'on s'attend à ce que la réforme rurale crée un environnement plus favorable pour le financement privé, l'Etat aussi fait un gros effort pour augmenter les investissements publics. Entre 1988 et 1991, les investissements dans le développement de la SAHR ont progressé de 59 pour cent en termes réels et les investissements dans le développement agricole de 61 pour cent. En comparaison, l'investissement public total n'a augmenté que de 20 pour cent pendant la même période. Les domaines prioritaires de l'investissement public sont l'irrigation, l'agro-industrie et l'infrastructure petite et moyenne. Une autre initiative pour promouvoir l'investissement rural a été la création du Fonds pour l'investissement rural et la capitalisation (FOCIR). Si l'on ajoute les ressources fournies par le PRONASOL, ce nouveau fonds d'investissement a reçu une allocation totale de 400 millions de pesos pour 1993, à laquelle s'ajoutent 30 millions de pesos supplémentaires pour des programmes visant à renforcer l'élaboration des projets et la capacité d'exécution36.

36 Un dollar équivalait à environ 3 pesos durant le premier semestre de 1993.

Problèmes en suspens et perspectives de l'agriculture

La réussite future de la réforme agricole est étroitement liée au caractère durable de la reprise économique générale. Après la période d'euphorie qui a suivi les premiers résultats de la réforme, le ralentissement de l'activité économique et le creusement du déficit du compte courant ont conduit à une évaluation plus réservée des perspectives économiques du Mexique. Si le déficit du compte courant est en grande partie dû aux apports de capitaux étrangers, une certaine incertitude subsiste sur la question de savoir si ces apports sont de nature spéculative ou des investissements stables à long terme (par exemple, participations étrangères à la privatisation des entreprises semi-publiques). Quoi qu'il en soit, les apports de capitaux ont contribué à une hausse des taux de change réels, ce qui a soulevé une autre série de problèmes. La surévaluation de la monnaie risque de réduire la compétitivité de l'industrie nationale et de l'agriculture d'exportation et de substitution des importations. D'un autre côté, il serait difficile de procéder à une dévaluation à un moment où le pays a besoin de la confiance des investisseurs dans sa stabilité financière.

Les perspectives à long terme pour l'investissement et, d'une manière plus générale, pour l'ensemble de la situation économique dépendent également en grande partie de l'ALENA. Si l'on s'attend à ce que l'accord ouvre la voie à une forte expansion du commerce mexicain, les principaux avantages se traduiraient surtout par une stabilité économique et politique plus grande et un climat plus favorable pour les investissements étrangers. L'accroissement de ces investissements permettrait, à son tour, de réduire les taux d'intérêt et peut-être d'augmenter les dépenses publiques, ces deux facteurs ayant pour effet de stimuler l'activité économique. L'importance que pourrait avoir l'ALENA pour l'avenir du Mexique est mise en lumière par la sensibilité des marchés financiers aux voix de l'opposition aux Etats-Unis, l'examen attentif des implications de l'accord parle Congrès et, plus récemment, les doutes émis sur sa compatibilité avec la constitution.

Dans le domaine plus restreint de la réforme agricole, l'issue de la période actuelle de transition demeure également incertaine. D'une manière générale, la possibilité de vendre des terres ejido et la concentration des exploitations qui en résultera se traduiront sans doute par des économies d'échelle, des investissements accrus et un marché plus dynamique. Mais cette évolution comporte aussi des risques. Bien que la nouvelle législation contienne des clauses destinées à éviter que n'apparaissent de nouveaux latifundia, d'aucuns craignent qu'à la longue les forces du marché et la concentration de capital ne détournent la réglementation37. De plus, même une concentration limitée des terres risque d'accentuer les inégalités. Si de nombreux exploitants agricoles bénéficieront sans doute d'une augmentation de leur revenu et de leurs possibilités d'emploi, bien d'autres sont confrontés au risque de ventes forcées, de migration et de prolétarisation. Ce risque est également latent dans l'association plus étroite que l'on recherche entre membres d'ejido et entrepreneurs privés. On peut se demander en effet si les premiers seront capables de conserver une part équitable d'influence et de contrôle dans une telle association.

37 La législation interdit les concentrations de plus de 2 500 ha de terres irriguées et limite à 5 pour cent les terres ejido pouvant être détenues par un seul membre.
Certains analystes estiment que ces craintes sont largement sans fondement étant donné la nature quasi «viscérale» des liens entre les agriculteurs et leur terre. La plupart des agriculteurs préféreraient sans doute louer leur terre que la vendre pour ne pas en perdre la propriété ou le contrôle38. Le fort sentiment d'identité et de solidarité parmi les agriculteurs serait également un facteur de résistance aux influences désintégrantes. On a également fait remarquer que, quel que soit le chemin qu'emprunte le mouvement, il ne pourra s'agir que d'une évolution graduelle qui prendra du temps. Les transactions foncières ne seront en effet possibles qu'après régularisation des titres de propriété, opération qui demandera peut-être encore au moins trois à cinq ans.
38 Bien qu'interdite par la loi, la location des terres était assez fréquente avant la réforme. Cependant, en raison du caractère clandestin de l'opération, les loyers étaient très faibles, ne représentant qu'environ 10 à 15 pour cent des coûts de production. Ces loyers risquent d'augmenter considérablement avec la légalisation de l'opération.
En tout état de cause, il appartiendra au gouvernement de lutter contre toute évolution indésirable en suivant de près le processus, en veillant à l'application effective des lois et, surtout, en aidant les agriculteurs à s'adapter au changement. Dans cette optique, la pierre angulaire des stratégies actuelles est la promotion d'associations d'agriculteurs mieux organisées et compétentes qui leur donneront un pouvoir de négociation plus étendu et permettront de réduire les coûts de l'accès au crédit, à la technologie et aux informations sur le marché. Ainsi, en même temps que l'on poursuit un objectif prioritaire d'efficacité par la libéralisation et l'élimination du paternalisme d'Etat, on ne néglige pas pour autant la recherche de l'équité.

L'autre grand sujet de préoccupation pour de nombreux agriculteurs est l'ALENA. Si cet accord profiterait immédiatement à une minorité d'agriculteurs compétitifs, la grande majorité des exploitants, surtout les producteurs de maïs, ne pourraient qu'en souffrir à des degrés divers.

Les effets immédiats sur les agriculteurs vivant en économie de subsistance, pour lesquels les forces du marché ne comptent guère, seraient relativement faibles, encore que les possibilités d'emploi temporaire non agricole puissent se réduire. De toute façon, la marginalisation de ces exploitants risque d'empirer, malgré le fait qu'on pourrait les aider à moderniser leurs systèmes de production et à abaisser le coût des denrées qu'ils consomment.

D'un autre côté, on trouve les agriculteurs commerciaux relativement compétitifs qui représentent 10 pour cent des unités productrices de maïs et pour lesquels les subventions ne couvrent actuellement que 18 pour cent de leur production. Ce sous-secteur survivrait probablement à la concurrence extérieure, et c'est aussi celui qui a le plus grand potentiel de diversification sans que les revenus en souffrent beaucoup.

Le vrai problème est celui de la grande majorité des producteurs de maïs qui sont tributaires de la partie de leur production qui est vendue sur le marché mais qui ne peuvent absolument pas demeurer compétitifs dans un régime de marché libre. Combien d'entre eux devront abandonner la production de maïs, on ne saurait le dire. Cela dépendra en grande partie de l'effet des mesures compensatoires et de sauvegarde envisagées dans l'accord. Pour ceux qui sont contraints de quitter l'agriculture, il faudra mettre en oeuvre des programmes sociaux tels que PRONASOL, créer des emplois non agricoles et prévoir les modalités d'une migration dans des conditions satisfaisantes. Ce sont là des tâches redoutables qu'il faudra aborder dans la période de 10 à 15 ans avant que la libéralisation ne soit complète.

Ces problèmes posent des questions fondamentales pour le long terme. Dans quelle mesure le secteur pourra-t-il à l'avenir contribuer au revenu, à l'emploi et à la sécurité alimentaire? Est-ce que les transformations profondes qui sont en cours peuvent être réalisées sans créer des problèmes massifs de prolétarisation et de migration rurale? Les ressources nécessaires pour l'action de développement, d'indemnisation et de protection sociale seront-elles suffisantes pour assurer un processus ordonné de diversification et de modernisation évitant l'apparition de perturbations politiques et sociales majeures? Dans quelle mesure le déterminisme du marché peut-il être rendu compatible avec la consolidation d'une démocratie populaire?

Au-delà de la spécificité de la situation mexicaine, la réponse à ces questions a un intérêt beaucoup plus large. Pour de nombreux pays autour du monde, qui se sont engagés de manière analogue sur la voie de la libéralisation, la capacité du Mexique à résoudre les problèmes de la réforme sera un point de référence et, on peut l'espérer, un encouragement pour leurs propres efforts.

PROCHE-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD


Vue d'ensemble
Egypte
République arabe syrienne

Vue d'ensemble


Evolution des politiques
Incidences des réformes de la politique agricole

En 1992, la reprise économique du Proche-Orient après la fin de la guerre du Golfe s'est affirmée. Les exportations de pétrole ont augmenté en volume, bien que les prix soient revenus aux niveaux d'avant-guerre, ce qui a favorisé les pays importateurs de pétrole de la région. Des activités de reconstruction ont aidé à dynamiser l'économie de la région en créant de nouveaux emplois pour les travailleurs migrants et en augmentant le montant des revenus renvoyés dans les pays d'origine de ces travailleurs. Les recettes du commerce et du tourisme sont également reparties, tandis que la baisse de la demande d'importation, les remises de dette et les transferts étrangers - y compris l'appui accordé à l'Egypte, à la République arabe syrienne et à la Turquie par le Groupe de coordination financière de la crise du Golfe - ont contribué à améliorer la balance courante.

Cette évolution positive a cependant été assombrie par la poursuite de tensions politiques dans la région qui ont découragé les investissements privés et ralenti les réformes du marché dans certains pays, freinant ainsi les perspectives de croissance à long terme.

La production agricole a augmenté dans la plupart des pays en 1992. Les bonnes conditions météorologiques ont été la principale cause de cette augmentation dans les pays qui ont surtout une agriculture non irriguée, notamment l'Algérie, Chypre, la République arabe syrienne, le Soudan, la Tunisie et la Turquie. Au Maroc, la sécheresse a entraîné une forte baisse de la production agricole en 1992 et on pense que, celle-ci se poursuivant, la récolte de 1993 devrait également s'en ressentir. En Egypte, une évolution des prix incitatifs et la déréglementation des plantations se traduisent, depuis 1986, par un changement notable dans la composition des cultures pratiquées. Les superficies emblavées ont augmenté, et cette extension, jointe à l'adoption généralisée de variétés à haut rendement, a permis à l'Egypte d'avoir en 1992 une récolte de blé record pour la sixième année consécutive.

La production agricole régionale a progressé de 40 pour cent entre 1979-1981 et 1992. Cette progression a permis en général à la production alimentaire régionale de suivre le rythme de la croissance démographique, sauf lorsqu'il y a eu de mauvaises récoltes dues aux conditions météorologiques. Les résultats sont variables selon les pays, mais la plupart des principaux producteurs agricoles ont réalisé des gains substantiels de production vivrière par habitant depuis 1979-1981; c'est notamment le cas pour l'Algérie, le Royaume d'Arabie Saoudite, l'Egypte, la République islamique d'Iran et le Maroc.

Figure 10

PROCHE-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD

PRODUCTION AGRICOLE ET PRODUCTION VIVRIÈRE PAR HABITANT

COMMERCE AGRICOLE

EXPORTATIONS AGRICOLES (Indice 1979-1981 = 100)

IMPORTATIONS AGRICOLES (Indice 1979-1981 = 100)

Source: FAO
Les importations de produits agricoles dans la région ont augmenté en volume de 40 pour cent entre 1979-1981 et 1991, mais, en raison de la baisse des prix, la valeur des importations est restée constante. Les exportations agricoles régionales ont augmenté en valeur entre 1979-1981 et 1991, car leur volume a presque doublé, ce qui a permis de compenser la baisse des prix des produits exportés. Dans l'ensemble, la balance du commerce agricole de la région reste fortement déficitaire. En 1991, les importations agricoles de la région ont diminué de 8 pour cent, tombant à 21,3 milliards de dollars. Quant aux exportations agricoles, elles ont augmenté de 11 pour cent, pour atteindre 7,8 milliards de dollars.

Evolution des politiques

Le bilan économique et agricole de la région en 1992 s'inscrit dans le contexte de près de 10 ans de changement profond des politiques. Nombre des pays de la région, parmi lesquels l'Algérie, l'Egypte, l'Iran, la Jamahiriya arabe libyenne, la Jordanie, le Maroc, le Soudan, la Tunisie, la Turquie et le Yémen, ont mis en chantier pendant les années 80 d'importants programmes de réforme visant, avec une intervention massive des pouvoirs publics, à transformer l'économie, naguère repliée sur elle-même, et à l'ouvrir sur le marché extérieur. En général, les réformes de politiques ont été entreprises pour faire face aux crises économiques qui étaient apparues pendant les années 80 et qui se traduisaient par un important déficit courant et budgétaire, un endettement insoutenable à l'égard de l'étranger, une inflation et un taux de chômage élevés. Les deux axes des programmes de réforme étaient la stabilisation à court terme des déficits grâce à des politiques d'austérité et la restructuration économique à long terme. Les stratégies à long terme visaient à réduire ou à supprimer les distorsions de prix, à libéraliser les échanges et les marchés des devises et à réformer les institutions.

Les grandes réformes mises en chantier ont contribué à stimuler l'activité économique dans ces pays, avec l'ouverture des marchés commerciaux et intérieurs qui a développé la compétitivité et favorisé la croissance économique. La Turquie, par exemple, a été le premier pays de la région à mettre en oeuvre un programme global d'ajustement structurel, commencé en 1980. Ce programme a permis une croissance accélérée du PIB, qui a atteint 5,1 pour cent en moyenne annuelle pendant la période 1980-1990. Plus récemment, l'Iran a connu une croissance économique impressionnante, qui s'est élevée à 9 pour cent en moyenne en 1990/91. Depuis la fin de la guerre qui l'opposait à l'Iraq, l'Iran s'est attaché à revitaliser et à libéraliser son économie, supprimant la plupart des contrôles qui avaient été imposés à l'époque de la guerre.

Les politiques agricoles et vivrières diffèrent largement selon les pays de la région. La plupart des pays qui ont entrepris des programmes de réforme profonde sont en même temps les principaux producteurs agricoles de la région, et leur politique agricole a également été modifiée. Jusque pendant les années 80, les pouvoirs publics intervenaient largement dans le secteur agricole au moyen de politiques axées en même temps sur les producteurs et les consommateurs. En général, les objectifs des politiques vivrières axées sur les consommateurs étaient de garantir un approvisionnement alimentaire suffisant à des prix acceptables, d'améliorer le régime alimentaire et de maintenir la stabilité politique dans les zones urbaines. Ces politiques comprenaient diverses mesures, dont la fixation des prix au détail, la subvention des produits alimentaires et, dans certains pays, un système de rationnement. Les politiques axées sur les producteurs visaient à stimuler la production agricole locale dans un contexte de prix du marché peu élevés. Ces politiques comportaient notamment la subvention des intrants, des contrôles ou des quotas sur la plantation et les achats, des prix producteurs fixes et un monopole du gouvernement sur la commercialisation et le négoce. D'une manière générale, ces politiques dirigistes axées sur la consommation et la production se déroulaient dans un contexte macro-économique de taux de change surévalués et de faible investissement public dans l'agriculture qui était défavorable à la production agricole locale.

Dans le secteur agricole, les facteurs qui ont stimulé la réforme ont été la faiblesse des performances agricoles, le coût insoutenable des interventions de l'Etat et le glissement général des politiques dans la région vers une économie à base de marché. En effet, la réforme des politiques agricoles en Algérie, en Egypte, en Jordanie, au Maroc, en Tunisie, en Turquie et au Yémen ont toutes eu certaines caractéristiques communes, qui ont été l'élimination des prix garantis pour tous les produits agricoles ou la plupart d'entre eux, la réduction ou l'élimination des subventions à la production et à la consommation, la privatisation de l'approvisionnement en intrants et la libéralisation du commerce agricole.

La réforme des politiques agricoles a été mise en œuvre progressivement. En 1992, on peut noter, parmi les faits nouveaux importants dans la libéralisation du commerce agricole, la privatisation des importations de blé au Maroc et en Turquie et celle des importations de farine de blé en Egypte. La sécheresse qui a sévi au Maroc en 1992 a accéléré les plans de libération des importations en raison de l'énorme demande d'importation de blé dans le pays. En Egypte, la privatisation des importations de farine a été liée à la libération des prix à la consommation de la farine et du pain de qualité supérieure. La Tunisie a encore réduit ses subventions sur les denrées de base en 1992, tout en relevant l'aide aux ménages à faible revenu. L'Algérie a supprimé ses subventions alimentaires en 1992, sauf pour le lait, le pain, la farine et la semoule.

En contraste, l'agriculture a été exclue de l'action de libéralisation du marché dans certains pays. Le cinquième plan de développement de l'Arabie Saoudite (1990-1994) insiste sur la diversification de l'économie et le rôle accru du secteur privé dans l'industrie mais maintient le rôle de l'Etat dans le secteur agricole (voir La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1992). L'Iran a adopté certaines réformes pour la libéralisation du marché, mais a maintenu une politique d'auto-suffisance alimentaire, avec des intrants contrôlés et subventionnés et des prix à la production qui dépassent les prix mondiaux.

Incidences des réformes de la politique agricole

Les réformes de la politique agricole auront des incidences importantes pour le développement et les résultats du secteur agricole et elles auront aussi des conséquences importantes du point de vue de l'environnement: en particulier, la nécessité de conserver les ressources limitées en eau et en terre est devenue l'un des problèmes les plus critiques auxquels sont maintenant confrontés les pays de la région. Le problème de l'eau est particulièrement grave dans la Jamahiriya arabe libyen ne et les pays du golfe Persique, notamment l'Arabie Saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, la Jordanie, le Koweït, l'Oman et le Quatar, qui risquent de manquer d'eau pendant cette décennie. En Egypte, la recherche d'une utilisation plus efficace des ressources limitées en terre et en eau est au cœur de la stratégie agricole du pays pour les années 90.

Ce sont les politiques agricoles menées dans la région qui sont en partie responsables de la consommation excessive d'eau et de la dégradation de la qualité de l'eau. En effet, la gratuité de l'eau d'irrigation a conduit à une surexploitation des nappes phréatiques et a créé des problèmes de salinité et d'engorgement qui ont réduit le rendement des cultures à Bahreïn, en Egypte et en République arabe syrienne. Les subventions accordées pour les engrais et les pesticides ont contribué à la pollution dés ressources en eau disponibles. La croissance démographique rapide et le développement des besoins industriels se sont également traduits par une augmentation de la demande régionale d'eau, tandis que la gestion médiocre des déchets humains et industriels a été à l'origine d'une grande partie de la pollution dont souffrent les ressources hydriques de la région.

De nombreux pays de la région ont maintenant adopté des politiques qui comptent sur les signaux du marché pour améliorer l'efficacité de l'utilisation de l'eau et en encourager la conservation. Il s'agit en l'occurrence de rendre l'eau d'irrigation payante, d'éliminer les subventions sur les engrais et les pesticides et de fournir aux agriculteurs des incitations pour qu'ils adoptent des techniques d'irrigation plus efficaces. Ainsi, l'Egypte a supprimé les subventions sur les pesticides et les engrais, sauf pour le coton, et étudie la possibilité d'introduire des redevances pour l'eau d'irrigation. La Jordanie a fait d'importants progrès techniques dans l'utilisation de l'irrigation au goutte-à-goutte et le traitement des eaux usées. La Tunisie a élaboré une stratégie à long terme pour la conservation des sols et de l'eau, notamment par la construction de plus de 1 000 petits barrages. L'Arabie Saoudite a resserré le contrôle de l'Etat sur le forage de puits et a instaure une réglementation plus stricte sur l'utilisation de l'eau.

De nombreux pays de la région sont tributaires des mêmes sources d'approvisionnement en eau. La recherche d'un approvisionnement en eau adéquat fera surgir des problèmes épineux de répartition, tandis que la conservation de ces ressources exigera une coopération régionale. Parmi les pays qui sont tributaires de ressources en eau communes sont Israël, la Jordanie et la République arabe syrienne qui se partagent la rivière Yarmuk. L'Arabie Saoudite, la Jordanie et la République arabe syrienne puisent en commun dans des aquifères souterrains, tandis que l'Egypte et le Soudan dépendent tous deux du Nil.

Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, seulement 4 pour cent des terres sont arables. La désertification, le déboisement et l'extension des villes sont les principaux problèmes auxquels se confronte la région dans la gestion et la conservation de ses ressources foncières limitées. Deux éléments des réformes de politique agricole ont des incidences sur l'amélioration des pratiques de gestion des terres. Le premier est la réforme de la politique des prix. La faiblesse artificielle des prix agricoles a déprimé les prix des terres dans de nombreux pays de la région. A son tour, ce phénomène a découragé tout investissement dans des pratiques de gestion durable des terres et a rendu l'utilisation non agricole des terres relativement profitable. Le renchérissement des produits agricoles, qui donne une plus grande valeur aux exploitations, devrait fournir aux agriculteurs un ensemble de stimulants les encourageant à mieux gérer et conserver leurs terres. Deuxièmement, les mesures touchant la législation sur la propriété foncière peuvent contribuer à améliorer la gestion des terres en clarifiant les droits de propriété sur les investissements dans la conservation à long terme et en permettant l'accès au crédit pour financer l'adoption de techniques de conservation.

Une action dans le domaine de la propriété foncière a fait partie intégrante des réformes de politique agricole en Algérie, en Egypte, au Soudan et en Tunisie. En Algérie et en Tunisie, les exploitations d'Etat ont été démantelées et privatisées. L'Egypte a mis en oeuvre une réforme des loyers agricoles. Ces loyers, qui autrefois étaient fixés à sept fois la taxe foncière, seront librement déterminés d'ici 1997. La faiblesse des loyers agricoles en Egypte avait découragé tout effort d'utiliser efficacement les terres et l'eau. Le Soudan a entrepris de déterminer les droits de pacage pour essayer d'éviter le surpâturage des terres communales.

La réforme des politiques dans la région a eu des conséquences importantes sur le cadre institutionnel. Elle a changé le rôle du gouvernement, qui délaisse le domaine de l'intervention et de la réglementation pour s'attacher à créer un environnement stable dans lequel le secteur privé peut fonctionner efficacement et sans entrave. Ce changement institutionnel est peut-être l'aspect le plus difficile de la réforme politique à mettre en oeuvre. D'une part, la privatisation de nombreuses fonctions de l'Etat est censée réaliser des gains d'efficacité et générer des économies budgétaires pour le gouvernement. Cependant, la privatisation entraîne également un certain degré de dislocation dans la mesure où les emplois dans le secteur public s'amenuisent et la rentabilité d'activités économiques qui étaient basées sur l'intervention de l'Etat se trouve modifiée. En agriculture notamment, la politique volontariste avait donné aux pouvoirs publics un rôle prépondérant dans la fourniture des intrants, l'achat et la distribution des produits agricoles, le négoce et la fabrication de denrées alimentaires et le commerce de détail.

La privatisation de la fourniture d'intrants agricoles ainsi que de la commercialisation et du négoce a été réalisée, au moins en partie, dans de nombreux pays du Proche-Orient et d'Afrique du Nord, y compris l'Algérie, l'Egypte, le Maroc, le Soudan, la Tunisie, la Turquie et le Yémen. C'est en Egypte que les plans de privatisation sont probablement les plus vastes. Toutes les entreprises publiques ont été consolidées pour constituer des sociétés de holdings diversifiés en prévision de la vente de la plupart des actifs publics. Toutefois, cet élément de la réforme de la politique économique de l'Egypte a avancé moins vite que les autres.

La réforme de la politique agricole dans la région est de plus en plus axée sur une perspective à long terme. Ainsi, la réforme de la politique agricole en Egypte a été formulée dans le contexte d'une stratégie pour les années 90. Le plan de conservation des ressources de la Tunisie vise l'horizon 2000, le Soudan a adopté une stratégie décennale pour le secteur agricole, tandis que l'élaboration d'une stratégie de développement agricole à long terme est en cours au Yémen. Cette perspective plus longue de la planification agricole traduit la prise de conscience des liens intersectoriels dans l'économie ainsi que des incidences sectorielles de la politique macro-économique. La plupart des pays qui ont entrepris une réforme profonde de la politique agricole ont associé ces modifications sectorielles à des réformes économiques d'ensemble entrant dans le cadre de programmes d'ajustement structurel. La planification à long terme a également été influencée par l'urgence croissante des problèmes environnementaux auxquels la région est confrontée. Ces problèmes appellent un changement immédiat de l'utilisation des ressources naturelles ainsi qu'un investissement pour leur conservation, qui profitera à long terme aux générations futures.

Egypte


Le rôle de l'agriculture dans l'économie égyptienne
La réforme de la politique économique
La stratégie agricole dans les années 90
Incidences sur les résultats agricoles

Le rôle de l'agriculture dans l'économie égyptienne

L'Egypte a privilégié l'agriculture, en même temps que le tourisme et l'industrie, comme secteur susceptible d'apporter un appui vigoureux à la croissance générale de l'économie visée par le programme de réforme économique et d'ajustement structurel (ERSAP) adopté en mars 1990. Il s'agit d'un effort de réforme en profondeur conçu pour corriger les faiblesses structurelles de l'économie et parvenir à la stabilité macro-économique. Dans le cadre de l'ERSAP, l'objectif de l'Egypte est de restructurer l'activité économique afin de créer une économie décentralisée, fondée sur le marché et orientée vers l'extérieur. Cet effort marque une rupture complète avec la politique de planification centrale d'une économie orientée vers l'intérieur que l'Egypte a poursuivie pendant plus de quatre décennies.

Plusieurs facteurs expliquent l'espoir que l'agriculture est en mesure de contribuer à la réforme générale de l'économie et à la stabilisation. D'abord, la part de l'agriculture dans l'économie égyptienne, bien qu'en régression, continue à être importante. En 1990, l'agriculture représentait 17 pour cent du PIB égyptien, 41 pour cent de l'emploi et 20 pour cent des recettes d'exportation.

Deuxièmement, le secteur agricole est susceptible de réaliser des gains supplémentaires de productivité. Les agriculteurs égyptiens sont déjà parmi les plus productifs du monde, aidés en cela par des sols fertiles et un climat tempéré qui permet trois récoltes par an. On s'attend à ce que de nouveaux gains de productivité soient réalisés grâce à un rendement accru de diverses cultures, à l'amélioration de l'efficacité par le remplacement de certaines cultures par d'autres sous l'effet de l'élimination des dernières distorsions de prix, et à la meilleure gestion des ressources en eau limitées.

Troisièmement, le secteur agricole a déjà réalisé des progrès considérables sur la voie de la libéralisation du marché. Les grandes initiatives de politique économique mises en œuvre depuis 1986 ont supprimé la plupart des distorsions de prix sectorielles dans l'agriculture, familiarisé les agriculteurs égyptiens avec la prise de décisions dans un marché concurrentiel et mis en place le rôle du secteur privé.

La réforme de la politique économique

Les difficultés économiques qui assaillaient l'Egypte à la fin des années 80 ont rendu nécessaires d'importantes réformes de la politique économique. Dans les années 70 et au début des années 80, le pays avait réalisé un taux impressionnant de croissance du PIB grâce aux prix élevés du pétrole, aux envois de fonds par les travailleurs expatriés et à l'aide et aux prêts extérieurs. La croissance économique s'est ralentie dans la deuxième moitié des années 80 lorsque les prix du pétrole et les recettes d'exportation ont décliné, mais la politique égyptienne ne s'est pas adaptée à ce déclin des ressources. La poursuite des dépenses massives de l'Etat pour la subvention des denrées alimentaires et de l'énergie ainsi que pour le soutien des entreprises publiques a entraîné des déficits budgétaires importants, qui ont dépassé 20 pour cent du PIB annuel. L'Egypte a financé son déficit budgétaire et courant en partie par des emprunts à l'étranger, mais les entrées de capitaux se sont ralenties à mesure que la solvabilité de l'Egypte s'est détériorée et que les arriérés de paiement à l'étranger se sont accumulés. En 1990, la dette étrangère totale de l'Egypte avait atteint 51 milliards de dollars, soit 144 pour cent du PIB, et les obligations de remboursement équivalaient à la moitié des recettes d'exportation. Une politique monétaire expansionniste a également été utilisée pour aider à financer les déficits budgétaires et a ainsi contribué à une forte inflation.

Confronté à la détérioration de l'économie égyptienne, le gouvernement a lancé l'ERSAP en mars 1990. Les trois grands principes de ce programme sont les suivants:

· réalisation rapide d'un environnement macro-économique viable à terme;

· restructuration économique pour jeter les bases d'une croissance à moyen et à long terme;

· améliorations de la politique sociale pour minimiser les effets négatifs de la réforme sur les pauvres.

Pendant la première étape de l'ERSAP, les mesures suivantes ont été mises en œuvre: réduction des déficits courant et budgétaire; libéralisation des marchés des changes et des taux d'intérêt; privatisation et restructuration des entreprises publiques; enfin, réduction des barrières commerciales. En outre, un fonds social a été créé pour amortir l'effet des réformes du marché sur les populations vulnérables.

La mise en oeuvre de l'ERSAP se fait avec l'appui de la communauté internationale. Le FMI soutient l'élément de stabilisation macro-économique du programme. La Banque mondiale apporte son aide à l'ajustement structurel pour faciliter le passage du pays à une stratégie de croissance axée sur les exportations et le secteur privé. L'IDA et d'autres donateurs fournissent un appui au réaménagement des politiques sociales pour réduire au minimum les effets des réformes économiques sur les pauvres.

En outre, l'Egypte a reçu une importante assistance étrangère après la guerre du Golfe. Le Groupe de coordination financière de la crise du Golfe ainsi que les Etats-Unis et les donateurs arabes ont annulé près de 13 milliards de dollars de la dette égyptienne. Le Club de Paris des prêteurs a aussi accordé un allégement de la dette. Dans l'ensemble, ces mesures ont ramené la dette étrangère de l'Egypte à 38,3 milliards de dollars à la fin de l'exercice budgétaire 1992. De nouveaux allégements de la dette par le Club de Paris en 1994 sont prévus en fonction des progrès réalisés par l'Egypte dans l'application de son programme d'ajustement structurel.

Au cours des trois premières années de l'ERSAP, l'Egypte a réalisé des progrès considérables et, dans certains domaines, a devancé le calendrier de mise en oeuvre de la réforme. Elle avait réduit son déficit budgétaire à 7 pour cent du PIB en 1992, tandis que la croissance de la masse monétaire s'est ralentie, ce qui a ramené le taux d'inflation de 27 pour cent en 1989 à 14 pour cent en 1992. Le contrôle des changes a été aboli et le système de taux de change unifié avant la date prévue, en novembre 1991. La balance des paiements de l'Egypte s'est redressée et un excédent courant a été enregistré en 1991 et 1992. Cet excédent était dû en partie à la réduction de la dette étrangère, mais aussi à la remontée des recettes tirées du tourisme, des envois de fonds par les travailleurs expatriés et des revenus du canal de Suez ainsi qu'à l'effet de la baisse des importations. Les prix ont été libérés dans les secteurs de l'énergie, de l'industrie et de l'agriculture.

Seules la restructuration et la privatisation des entreprises du secteur public ont pris du retard. Les entreprises publiques ont été consolidées dans un petit nombre de sociétés de holdings diversifiés en prévision de la vente de leurs actifs au public. La lenteur de la privatisation illustre certains des problèmes auxquels l'Egypte est confrontée dans ses efforts de réforme économique. La privatisation a pris du retard à la fois en raison de l'inertie bureaucratique et du besoin de maintenir la stabilité économique du pays. Cette lenteur du processus de privatisation freine potentiellement la croissance économique à long terme de l'Egypte en décourageant les apports d'investissements étrangers. Une reprise de ces investissements est particulièrement nécessaire en raison de la conjoncture économique externe, notamment le niveau peu élevé des prix du pétrole et la faible croissance des économies industrielles.

La stratégie agricole dans les années 90

Jusqu'au milieu des années 80, la politique agricole de l'Egypte a été caractérisée par une forte intervention de l'Etat et une orientation autarcique. Les objectifs étaient de réaliser l'autosuffisance dans la production alimentaire de base; de fournir aux consommateurs des denrées à des prix peu élevés; de susciter un emploi rural suffisant pour absorber une main-d'œuvre en croissance rapide; enfin, de taxer l'agriculture pour appuyer la croissance industrielle et faire entrer des recettes dans les caisses du gouvernement. Les instruments de cette politique étaient un contrôle des prix à la production, des quotas sur les superficies et la production, un contrôle du commerce agricole et un monopole d'Etat en matière de circuits commerciaux.

Ce régime a entraîné un ralentissement de la croissance du PIB agricole, qui n'a augmenté en moyenne que de 2,5 pour cent par an pendant les années 80. La lenteur de la croissance s'explique surtout par les distorsions de prix qui ont découragé les agriculteurs et par le déclin des investissements publics dans le secteur.

A mesure que la production agricole perdait du terrain par rapport à la croissance démographique, la dépendance à l'égard des importations alimentaires augmentait. L'autosuffisance céréalière est tombée de 65 pour cent en moyenne pendant la période 1978-1980 à 52 pour cent en 1986, époque où les réformes de politique agricole ont débuté. Les importations alimentaires ont augmenté de plus de 10 pour cent par an au cours de cette période, pour atteindre 2,6 milliards de dollars en 1986. La lenteur de la croissance de l'agriculture a également contribué à la migration urbaine. Pendant la période 1980-1990, la population urbaine de l'Egypte a augmenté en moyenne de 3,1 pour cent par an, contre une croissance annuelle moyenne de 2,4 pour cent de la population du pays. En 1990, 47 pour cent des 52 millions d'Egyptiens vivaient dans les villes, où la densité est parmi les plus élevées du monde.

Pour tenir compte de ces tendances, l'Egypte a introduit en 1986 des réformes de la politique agricole qui ont été progressivement poursuivies jusqu'en 1992. Les dispositions prises sont notamment les suivantes:

· suppression des attributions de superficie cultivée avec contingent de livraison à un prix d'achat fixe, sauf pour le coton et la canne à sucre;

· libération des prix à la production pour toutes les cultures, sauf le coton et le sucre, le prix du coton étant porté à 66 pour cent de l'équivalent du prix frontière en 1992;

· réduction des subventions pour les engrais et pesticides;

· encouragement à la privatisation du traitement et de la commercialisation des produits et intrants agricoles;

· mise en oeuvre d'un programme de démantèlement des, terres détenues par les entreprises publiques,

· abaissement des barrières au commerce et passage à un régime de marché libre des échanges pour le commerce agricole.

La stratégie agricole de l'Egypte pour les années 90 est fondée sur les réformes de politique lancées en 1986. L'objectif est de compléter ces réformes et d'accroître la productivité et le revenu agricoles. Cette stratégie a permis d'augmenter la productivité agricole par unité de terre et d'eau - principales contraintes qui limitent l'agriculture égyptienne - grâce à un recours aux signaux du marché pour réaliser une allocation plus efficace des ressources. La stratégie pour les années 90 diffère du plan de 1986 dans la mesure où son action en faveur d'une meilleure performance agricole incorpore des programmes conçus pour atténuer les difficultés qui pèsent sur les pauvres, notamment les femmes et les paysans sans terre, pendant la période de transition.

Le plan prévoit une croissance de l'agriculture de 3 à 4 pour cent par an, ce qui permettrait d'augmenter la production agricole par habitant.

Le manque de terres est la principale contrainte qui pèse sur l'agriculture égyptienne. Trois pour cent seulement de la superficie totale de l'Egypte est constituée de terres cultivables. Les exploitations sont petites et appartiennent surtout à des propriétaires privés. Cinquante pour cent d'entre elles occupent moins d'un feddan (0,416 ha). Les ressources en eau sont également limitées. L'agriculture égyptienne est presque entièrement irriguée, le Nil étant la seule source d'approvisionnement en eau du pays. Il arrive de plus en plus que l'agriculture entre en compétition avec la demande d'eau pour des usages urbains et industriels.

Il y a plusieurs moyens d'accroître la productivité du sol. L'un consiste à améliorer les rendements des «vieilles» terres de la vallée du Nil. Bien que les rendements soient déjà élevés, on pourrait obtenir pour le blé, le riz et l'orge des gains supplémentaires grâce à l'emploi de semences de qualité améliorée, une mécanisation plus poussée, un renforcement des services de vulgarisation et une meilleure gestion de l'eau et du sol. La privatisation de la distribution des intrants devrait permettre d'améliorer la qualité des fournitures et les délais d'approvisionnement.

Certains des gains de productivité devraient provenir d'une meilleure utilisation des «nouvelles» terres gagnées sur le désert ou sur des étendues marginales attenantes à certaines zones agricoles et côtières. En effet, les résultats obtenus sur ces terres, qui représentent quelque 25 pour cent des terres agricoles totales de l'Egypte, ont été décevants, et leur productivité pourrait être améliorée par le renforcement des services de vulgarisation et un meilleur choix des agriculteurs appelés à s'y installer.

Une meilleure utilisation de l'eau en agriculture passe notamment par l'application de techniques appropriées et rentables pour économiser cette ressource. On envisage également l'introduction de redevances sur l'eau. Celles-ci permettraient de récupérer auprès des agriculteurs une partie des frais pour financer l'entretien d'un système d'irrigation de plus en plus coûteux. La facturation de l'eau créerait également un stimulant économique pour en faire une utilisation plus efficace et éviter la dégradation des ressources naturelles. Dans la région du delta, par exemple, les rendements ont diminué par suite d'une salinisation accrue résultant d'une utilisation abusive de l'eau d'irrigation gratuite. A long terme, pour assurer la viabilité de l'agriculture irriguée, il faudra s'attacher davantage à réduire la pollution de l'eau qui est en partie causée par l'utilisation de pesticides.

Malgré la libéralisation considérable des prix qu'a connue l'agriculture égyptienne depuis 1986, il restait encore d'importantes distorsions de prix en 1992. La plus importante de celles-ci concernait la gratuité de l'eau d'irrigation et la réglementation des loyers agricoles. Il s'ensuit une meilleure rentabilité des cultures irriguées telles que la canne à sucre et le riz, alors que le coton souffre de prix producteurs plus bas qui n'incitent guère à augmenter les superficies plantées ou à adopter des intrants améliorés.

L'évolution des prix sur les marchés des intrants et des produits devrait fournir aux agriculteurs une incitation pour remplacer certaines cultures existantes par d'autres qui sont caractérisées par une forte valeur ajoutée agricole par rapport à leur utilisation des ressources limitées en terre et en eau. Le blé, le coton et les légumes, par exemple, apportent une valeur ajoutée agricole élevée par rapport à leur consommation de ressources. Par contre, la contribution du sucre, du riz et du trèfle bersim est relativement faible. Ainsi, le blé représente 17 pour cent des superficies et 9 pour cent des ressources en eau et contribue pour 17 pour cent de la valeur ajoutée totale dans l'agriculture égyptienne. La canne à sucre, quant à elle, occupe 4 pour cent des superficies, utilise 9 pour cent des ressources en eau et contribue pour 4 pour cent de la valeur ajoutée totale en agriculture.

En Egypte, la production végétale et animale est intégrée et 85 pour cent du cheptel est élevé sur de petites exploitations. Comme les pâturages naturels sont limités, la plupart des animaux sont élevés en stabulation et nourris avec du trèfle bersim et divers autres produits et sous-produits végétaux. La stratégie agricole des années 90 vise à relever la productivité dans le secteur de l'élevage grâce à une meilleure sélection génétique et à la lutte contre les maladies. En outre, il est prévu d'encourager l'utilisation de cultures fourragères et de déchets végétaux comme alimentation animale, car la culture de produits d'affouragement entre directement en concurrence avec la production vivrière.

Les politiques de production agricole sont influencées par les politiques de consommation. Jusqu'à la fin des années 80, un objectif de la politique agricole égyptienne était d'assurer à la population urbaine un approvisionnement en denrées alimentaires peu coûteuses. Quatre-vingt-dix pour cent de la population égyptienne bénéficiait d'un système de rationnement qui fournissait aux ayants droit le sucre, l'huile végétale, le riz, le thé et autres aliments de base. Le pain, la farine, le poisson, la viande, les œufs, le fromage et d'autres produits étaient subventionnés et vendus dans des magasins d'Etat.

En 1991 et 1992, les pouvoirs publics ont pris des mesures pour réduire et cibler les subventions alimentaires. Certains produits ont été retirés du programme de rationnement. Le prix du pain et d'autres denrées de base a été augmenté en 1991. En décembre 1992, le gouvernement a augmenté le prix du sucre et des huiles comestibles et a libéré le prix marchand de la farine de blé de qualité supérieure. Il continue à subventionner le pain baladi, qui est un aliment de base fabriqué avec une farine grossière.

Incidences sur les résultats agricoles

En Egypte, les principales cultures sont le blé, le maïs, le riz, le trèfle bersim et le coton qui, ensemble, occupent plus de 80 pour cent de la superficie cultivée. D'autres cultures importantes sont les fèves, la canne à sucre, les fruits et les légumes. Depuis 1986, l'agriculture égyptienne a subi une transformation importante dans la composition des plantes cultivées à la suite de l'évolution des prix du marché et de la suppression des contraintes en matière de plantation et d'achat.

La superficie emblavée a augmenté de plus de 75 pour cent entre 1985 et 1992, tandis que la production de blé a connu une hausse de 150 pour cent sous l'effet combiné de l'accroissement des superficies consacrées à cette culture et de l'augmentation des rendements. En 1992, l'Egypte a enregistré pour la sixième fois consécutive une récolte de blé record, ce qui a entraîné une diminution de 14 pour cent des importations de blé, qui sont tombées à 6 millions de tonnes pendant la période 1985-1992. Les importations de farine de blé ont été libéralisées en 1992 pour permettre au secteur privé d'intervenir et de déterminer les prix selon les lois du marché.

La superficie plantée en céréales secondaires et en riz a augmenté de 11 et de 16 pour cent respectivement, tandis que celle plantée en coton et en fèves a diminué de 17 et de 13 pour cent.

L'élevage de la volaille et du bétail est devenu moins profitable avec la libéralisation du marché. Le gouvernement a réduit les importations de maïs en 1986 et a supprimé les subventions accordées à l'alimentation animale en 1988. La production de volaille notamment a commencé à diminuer à mesure qu'augmentaient les prix des intrants. Cette production avait progressé au rythme annuel moyen de 16 pour cent entre 1980 et 1988 en raison surtout des subventions dont bénéficiaient les céréales fourragères et l'équipement. Entre 1988 et 1992, la production de viande de volaille a chuté de 21 pour cent, car près de la moitié des producteurs ont dû fermer leurs portes. A l'heure actuelle, les importations de poulets sont interdites afin de protéger les producteurs restants, et l'on prévoit de remplacer cette interdiction par des tarifs douaniers en 1993. Les importations de viande de bœuf ont été interdites en 1989 mais autorisées de nouveau en 1992. A long terme, on s'attend à ce que la production de bétail et de volaille reprenne une certaine vigueur à mesure que des gains de productivité en assurent la rentabilité.

Les mesures de réforme de la politique agricole qui devraient entrer en vigueur prochainement comprennent la suppression des subventions aux engrais et aux pesticides, sauf pour le coton, d'ici novembre 1993. Pour le coton, le contrôle des prix et des superficies devrait être levé en 1994. Un prix plancher sera fixé pour le coton, le prix du marché devant être déterminé par une bourse du coton dont l'établissement est prévu. Les importations de blé seront libéralisées au milieu de 1993, et les loyers fonciers seront déterminés par le marché d'ici 1997.

République arabe syrienne


Panorama économique
Le rôle de l'agriculture
Développement de l'irrigation

Panorama économique

Après avoir connu des moments difficiles pendant une grande partie des années 80, l'économie syrienne a bien repris ces dernières années. Le PIB réel a augmenté de plus de 5 pour cent par an entre 1990 et 1992. (Néanmoins, avec l'une des croissances démographiques les plus rapides du monde, estimée à 3,5 pour cent, le PIB par habitant a progressé beaucoup moins.) Les estimations préliminaires pour 1993 laissent prévoir une nouvelle forte progression du PIB, de l'ordre de 6 pour cent. Cette période de bons résultats économiques est la bienvenue après une décennie où les revenus ont stagné ou même décliné. Le PIB par habitant est tombé de quelque 1 800 dollars au milieu des années 80 à 800 dollars en 1989.

Divers événements extérieurs et changements de politique intérieure ont contribué à ce bilan positif. Un événement extérieur d'importance a été la guerre du Golfe en 1990, qui a mis fin à une période de relatif isolement et s'est traduite par un accès renouvelé aux fonds d'aide au développement et à l'investissement étranger. En 1991 et 1992, les services publics syriens ont émis un nombre record d'appels d'offres, surtout pour des travaux de remise en état de l'infrastructure et d'expansion des activités du secteur public.

Un autre événement extérieur important a été la fin d'une sécheresse qui avait duré deux ans, ce qui a permis à l'agriculture et aux agro-industries de récupérer en 1991 et 1992. Pendant la sécheresse, le gouvernement a été contraint d'importer de grandes quantités de blé et d'orge, opérant des ponctions sur les réserves de devises. Le manque d'eau a entraîné une réduction de la production d'hydroélectricité, ce qui a gêné à la fois l'industrie manufacturière et les producteurs agricoles qui utilisent des pompes électriques pour l'irrigation. Ce déficit d'hydroélectricité a également augmenté les besoins d'énergie thermique, entraînant une baisse des exportations de pétrole brut.

Ces éléments extérieurs ont coïncidé avec un certain nombre de changements de la politique économique qui visaient à tirer meilleur parti de l'activité du secteur privé et à améliorer les résultats du secteur public. En 1991, la République arabe syrienne a promulgué une nouvelle loi d'investissement, la loi n° 10, dans le but de promouvoir l'investissement étranger et national dans les entreprises du secteur privé et intérieur.

Cette nouvelle loi, venant s'ajouter au taux de change officiel plus favorable fixé en 1991, a conduit à un développement du commerce et des investissements. Les exportations du secteur privé représentent maintenant quelque 50 pour cent du commerce total d'exportation, contre 10 pour cent environ au milieu des années 80. Depuis 1990, le pays enregistre des excédents commerciaux. On attribue également à la loi n° 10 l'augmentation des investissements: le Bureau d'investissement syrien signale qu'entre mai 1991 et décembre 1992 plus de 2 milliards de dollars de nouveaux investissements (étrangers et nationaux) ont été approuvés.

Le gouvernement a également desserré les restrictions qui entravaient le commerce, autorisé la liberté du commerce intérieur pour certaines denrées et encouragé la création d'un plus grand nombre d'usines et d'entreprises mixtes et privées. Ces changements de politique traduisent une transition graduelle vers une activité économique davantage orientée vers le marché. Par le passé, le secteur public dominait l'économie; aujourd'hui encore, les secteurs des mines, de l'industrie lourde, de l'énergie, des banques et de l'assurance sont aux mains de l'Etat. En outre, le gouvernement contrôle la plupart des prix ainsi que le crédit et le commerce international. Le secteur public emploie environ la moitié de la population active.

Le gouvernement assure également les services de santé publique et d'éducation pour les 13 millions d'habitants du pays. Les niveaux nutritionnels sont comparables à ceux des économies à revenu élevé et la mortalité infantile a diminué des deux tiers au cours des 20 dernières années.

Le rôle de l'agriculture

Même si les industries basées sur le pétrole, qui sont en expansion rapide, procurent plus de la moitié des recettes d'exportation et assurent le cinquième du PIB, l'agriculture n'en demeure pas moins le secteur le plus important de l'économie. L'agriculture emploie environ 30 pour cent de la population active, assure près de 30 pour cent du PIB et contribue pour plus de 60 pour cent aux exportations non pétrolières. En outre, les agro-industries dynamiques - par exemple dans les domaines des textiles, du cuir, du tabac et du traitement des denrées alimentaires - assurent 25 pour cent de la production du pays et, selon les estimations, 50 pour cent des emplois du secteur manufacturier.

La superficie cultivée dans la République arabe syrienne occupe en moyenne 4,8 millions d'hectares et n'a augmenté que marginalement depuis 10 ans. Le principal produit alimentaire de base, le blé, et la principale céréale fourragère, l'orge, occupent de 70 à 75 pour cent de la superficie cultivée. Le coton est la culture d'exportation la plus importante du pays et assure de 20 à 25 pour cent des exportations agricoles. L'élevage est également répandu et il y a une grande variété de fruits, légumes, cultures arbustives et légumineuses. La production animale représente le tiers en valeur de la production agricole et les exportations de moutons ont dépassé celles de coton pour devenir l'exportation agricole la plus importante. L'élevage extensif des moutons se pratique sur des pâturages marginaux non irrigués et dans la steppe.

Deux des principaux objectifs du pays en matière de développement national sont de parvenir à une autosuffisance alimentaire afin de réduire la dépendance à l'égard des importations et de développer les exportations agricoles pour gagner plus de devises. Les importations alimentaires exercent une ponction importante sur les réserves de devises du pays et représentaient pendant les années 80 de 20 à 30 pour cent des importations totales. Pour favoriser ces objectifs, le gouvernement a consacré une grande partie de ses dépenses à l'agriculture et à l'irrigation. En 1993, les fonds publics consacrés à l'agriculture représentaient environ 25 pour cent des dépenses totales.

Le gouvernement favorise également l'autosuffisance alimentaire et les exportations par sa politique dans le domaine du commerce, de la production et des prix. Ainsi, pour influer sur les décisions agricoles (et pour améliorer les revenus ruraux), le gouvernement a établi des prix d'achat pour le blé, l'orge et les principales cultures industrielles - coton, tabac et betteraves à sucre. En raison du contrôle qu'il exerce sur les taux d'intérêt et les prix des semences, des engrais, des pesticides, des transports et de l'énergie, le gouvernement influence fortement la structure des cultures, le niveau de production et l'utilisation des intrants.

Le prix des intrants et le prix de vente officiel sont conçus pour accroître la production totale, encourager la plantation de telle culture plutôt que de telle autre (ou, dans le cas du blé, encourager le blé tendre plutôt que le blé dur) et accroître les quantités vendues aux organismes officiels d'achat. Parfois, des mesures complémentaires spéciales sont utilisées. Ainsi, les organismes publics d'achat ont offert en 1992 à la fois une prime de livraison et une prime de livraison massive pour s'assurer de fournitures supplémentaires de blé.

Le gouvernement contrôle également les prix du pain, du riz (tout le riz est importé), du sucre et du thé. Les prix de nombreux autres produits de base sont en cours de libération graduelle. Les fruits et légumes suivent maintenant la loi du marché, tant pour les producteurs que pour les consommateurs. De même, les huiles végétales ne font plus partie du système de cartes de rationnement du gouvernement, et les négociants privés ont maintenant le droit d'importer du maïs et du riz. Quelque 200 000 tonnes de maïs ont été importées en 1992, entièrement par des producteurs de volaille et entreprises privées.

Au nombre des autres réformes récentes ayant une incidence sur la production d'exportations agricoles, on peut citer les nouvelles politiques commerciales qui permettent aux exportateurs privés de conserver 100 pour cent des devises tirées des exportations agricoles (75 pour cent pour les produits industriels). Les recettes d'exportation sont limitées à l'achat d'intrants agricoles et de denrées de base telles que le thé, le sucre et le riz. Le gouvernement conserve son monopole sur les importations de blé et de farine. En 1992, les exportateurs agricoles pouvaient utiliser jusqu'à 75 pour cent des recettes d'exportation pour importer des véhicules agricoles.

Développement de l'irrigation

En agriculture, le développement de l'irrigation absorbe la majeure partie des investissements et des dépenses publics. Depuis 10 ans, de 60 à 75 pour cent de l'ensemble du budget agricole a été consacré à l'irrigation. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance dominante. En premier lieu, si la superficie irriguée ne couvre que 15 pour cent des terres cultivées, elle produit plus de 50 pour cent de la valeur totale de la production agricole. Toutes les cultures de coton, de betterave à sucre, de tabac et de sésame se pratiquent exclusivement sur des terres irriguées. Le coton et les produits textiles représentent 25 pour cent des exportations totales et plus de 50 pour cent de toutes les exportations non pétrolières. Ces dernières années, les fruits, les légumes et le blé sont de plus en plus cultivés sous irrigation.

La deuxième raison qui explique l'effort consacré au développement de l'irrigation tient à ce que la production des cultures pluviales, qui représentent 85 pour cent de la superficie totale, varie fortement d'une année à l'autre. Depuis 1988, la production a connu des variations de 35 pour cent en moyenne. Si les importations agricoles sont plus faibles en années de bonne pluviosité, une année de sécheresse entraîne des importations considérables de denrées pour l'alimentation humaine et animale.

L'investissement public syrien dans le domaine de l'irrigation privilégie les projets relativement importants, notamment dans le bassin de l'Euphrate. Les projets du secteur public fournissent de l'eau aux exploitations privées, aux fermes d'Etat et aux agriculteurs qui exploitent en location des terres publiques. Le secteur de l'irrigation privée comprend les agriculteurs qui forent des puits pour extraire l'eau souterraine et pompent l'eau des lacs, rivières et sources.

Les données disponibles donnent à penser qu'il y a environ 1,25 million d'hectares de terres potentiellement irrigables à partir de l'eau de surface. En 1992, la superficie totale irriguée par les eaux de surface et les eaux souterraines atteignait environ 900 000 ha. Les puits creusés par les agriculteurs assuraient l'irrigation de 415 000 ha en 1991.

L'Euphrate, dont les eaux sont partagées par la Turquie, la République arabe syrienne et l'Iraq, est la principale source d'eau d'irrigation du pays, et si les projets de mise en valeur de ses eaux ont été conçus pour irriguer quelque 650000 ha dans le bassin de l'Euphrate, la superficie actuellement irriguée est très inférieure en raison de la salinité, de l'engorgement et du débit réduit du fleuve.

A l'heure actuelle, des efforts sont en cours pour récupérer des terres endommagées par l'engorgement et la salinité pendant les années 60. Il faut signaler aussi que les projets de mise en valeur des ressources hydriques réalisés en Turquie pendant la dernière décennie ont réduit le débit moyen de l'Euphrate d'un tiers environ.

Si l'irrigation de surface s'est développée lentement au cours des cinq dernières années, le pompage des eaux souterraines a connu une expansion rapide. Les puits représentent 80 pour cent de l'approvisionnement en eau des terres nouvellement irriguées depuis 1987. Plus de 60 pour cent de l'augmentation de la superficie totale irriguée par eau souterraine a eu lieu dans le nord-est du pays.

Cette rapide expansion de l'utilisation de l'eau souterraine préoccupe sérieusement le gouvernement syrien. Si l'extension de la superficie irriguée apporte à court terme une contribution importante à la croissance économique, la poursuite de l'exploitation non contrôlée de l'eau souterraine risque d'avoir des conséquences sociales, économiques et écologiques à long terme. On a déjà relevé une baisse importante de la nappe phréatique dans les bassins de Damas, d'Aassi et d'Alep, entre autres. Cette baisse de l'approvisionnement, jointe aux besoins croissants des usagers industriels et privés, accroît le sentiment d'urgence.

L'efficacité de l'irrigation est un autre sujet de préoccupation: la plupart des études et des observations s'accordent pour dire qu'au niveau de l'exploitation agricole l'efficacité de l'irrigation est de 35 à 50 pour cent. Le Ministère de l'irrigation, des travaux publics et des ressources en eau et le Ministère de l'agriculture et de la réforme agraire cherchent à trouver des méthodes appropriées pour améliorer l'efficacité du système d'irrigation et la gestion de l'eau sur les exploitations qui bénéficient d'une irrigation du secteur public.

Actuellement, l'agriculture absorbe environ 85 pour cent de la consommation d'eau du pays, mais la compétition d'autres usagers se fait plus vive. Pendant les années 80, la demande d'eau de l'industrie a augmenté de près de 900 pour cent. Selon les projections actuelles, la demande d'eau des ménages sera deux à trois fois plus grande en 2010. En outre, à mesure que la population et la capacité industrielle continuent à croître, l'agriculture risque de se trouver confrontée à des problèmes qualitatifs toujours plus aigus découlant des eaux usées et de la pollution industrielle. Les producteurs agricoles des régions de Damas, Homs et Alep ont déjà connu des problèmes dus à la pollution.

L'irrigation permet aux agriculteurs d'obtenir des rendements plus élevés, une production plus stable et de meilleurs profits. Depuis 1989, les agriculteurs sont tenus de s'acquitter chaque année de redevances fixes par hectare irrigué. Ce taux forfaitaire ne couvre qu'en partie les coûts d'exploitation et d'entretien du système. Il n'encourage cependant pas à une utilisation efficiente de l'eau, puisque la redevance est la même quelle que soit la quantité d'eau utilisée par l'exploitant. Selon des estimations récentes, il semble qu'une irrigation par hectare appliquée à des exploitations de l'Etat coûte environ quatre fois la redevance annuelle; certaines cultures ont besoin de cinq à dix irrigations dans la saison.

Les seules dépenses liées à l'irrigation avec l'eau souterraine sont le forage du puits et le matériel de pompage, c'est-à-dire un coût d'investissement fixe et non renouvelable. Avant d'exploiter un puits, les agriculteurs doivent obtenir deux permis du Ministère de l'irrigation, des travaux publics et des ressources en eau, l'un pour creuser le puits et l'autre pour en retirer l'eau. Les permis précisent les conditions d'utilisation de l'eau et doivent être renouvelés tous les 10 ans. Dans la pratique, une grande partie des puits, aussi bien anciens que nouveaux, fonctionnent sans permis.

Ces avantages économiques ne sont pas les seuls facteurs qui contribuent à l'augmentation du nombre des puits. Une autre raison est le grand nombre d'agriculteurs ayant de petites exploitations. Environ 80 pour cent des agriculteurs syriens exploitent des parcelles de moins de 10 ha; la taille moyenne de l'exploitation agricole va de 3 ha dans les zones à forte pluviosité à 45 ha dans les zones arides. En outre, la plupart de ces exploitations sont caractérisées par leur morcellement. Une exploitation moyenne comprend quatre parcelles, et il y a même des exploitations d'un hectare qui comptent trois parcelles distinctes. La plupart des cultivateurs souhaitant disposer d'un accès sûr à de l'eau en temps voulu, ils creusent des puits séparés sur chaque parcelle lorsque c'est possible. Au fil des ans, à mesure que les exploitations sont morcelées parmi les héritiers, il arrive que les puits se multiplient.

De plus, la loi sur la réforme agraire de la République arabe syrienne impose des tailles maximales pour les exploitations irriguées: 16 ha pour les exploitations bénéficiant de l'irrigation publique et de 15 à 45 ha pour les exploitations recourant à l'irrigation privée, selon l'emplacement et la méthode d'irrigation. La loi encourage fortement les grands domaines à se subdiviser en exploitations ne dépassant pas la limite maximale et ensuite à forer des puits sur chaque nouvelle exploitation séparée. Depuis quelques années, la structure favorable des prix de nombreux produits agricoles a également incité les grands propriétaires fonciers à subdiviser leurs biens entre les membres de la famille.

D'autres forces économiques influent également sur la décision des agriculteurs de forer des puits et de développer l'irrigation. Ainsi, à mesure que les revenus augmentent dans les zones urbaines, les consommateurs demandent davantage de fruits et légumes. En même temps, les changements survenus récemment dans les politiques en matière de commerce et de taux de change rendent les produits agricoles syriens plus compétitifs sur les marchés régionaux. Les agriculteurs, qui à l'origine ne prévoyaient qu'une irrigation d'appoint pour le blé d'hiver, s'aperçoivent maintenant que la production de légumes d'été et de fruits irrigués devient de plus en plus profitable.

Deux défis importants qui se présentent maintenant aux responsables politiques syriens consistent à identifier et exécuter des politiques, programmes, projets et techniques pour améliorer l'efficacité au niveau de l'exploitation et mieux maîtriser l'exploitation des ressources en eau de surface et en eau souterraine. La pénurie croissante d'eau risque d'avoir des incidences importantes à court et à long termes pour l'ensemble du développement social et économique du pays. Parmi les grandes questions dans le domaine de l'eau auxquelles le gouvernement s'attaque actuellement se trouvent les suivantes: améliorer la gestion des systèmes d'irrigation du secteur public; introduire des techniques de conservation de l'eau aux niveaux des réseaux d'irrigation et de l'exploitation; appliquer des techniques de réutilisation de l'eau et de collecte hydrique; réduire les pertes d'eau dans les réseaux d'alimentation des villes.


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