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II. LE PROGRAMME D'ENSEIGNEMENT À L'ÉCOLE RURALE

UNE CERTAINE IDÉE DU PROGRAMME DE BASE

Toute entité éducative (école, collège, lycée, université) organise son travail de sorte que ses élèves accèdent à un groupe d'objectifs pré-établis. Ces objectifs sont structurés de différentes manières: par niveaux ou années scolaires (premier, second, troisième, etc); par domaines (Lettres, Sciences, Beaux-Arts, etc.); par catégories, matières ou disciplines (Langues, Mathématiques, Histoire, etc.). Ces objectifs globaux, dûment répertoriés, répondent à ce que nous appellerons les "programmes".

Un programme énumère également des contenus, en particulier lorsqu'il est nécessaire d'encadrer les objectifs.

Exemples:

L'objectif "Résoudre des problèmes tirés de la vie réelle en appliquant la technique de l'addition" est explicite et ne nécessite pas une énumération de contenu. Mais: "Décrire avec précision le monde végétal ses processus" impose de délimiter le contenu, car la somme "monde végétal et processus" est trop vaste pour constituer un sujet d'étude tenant dans un intervalle de temps déterminé. Il est alors préférable de préciser ce contenu par un résumé des sujets qu'englobe l'objectif. Ici, par exemple, "Les végétaux. Classification selon leur structure. Les différentes parties de la plante. Les fonctions de la tige et des feuilles. Le processus nutritionnel de la plante et ses besoins en eau".

On le voit, le résumé du contenu, annexé à l'objectif, facilite la compréhension de ce dernier.

Nous définirons donc le programme d'enseignement comme "la somme des objectifs et contenus devant être atteints dans un cadre scolaire".

LE PROGRAMME DE BASE

Tout système d'enseignement national comporte un nombre considérable d'établissements. Il est globalement régi par un programme de base (PB), que l'on considérera comme un ensemble de régies affectant tous ces établissements.

Le PB embrasse tous les objectifs et contenus auxquels devront accéder les élèves, mais ne peut être actionné directement sous la forme dans laquelle il a été établi: il faut l'adapter. Ces adaptations sont rendues indispensables par la diversité inhérente à tout pays. Les régions présentent de grandes disparités géographiques, sociales, culturelles et économiques. Pour autant, le PB ne saurait les couvrir toutes; et il ne serait d'ailleurs pas souhaitable d'agir dans ce sens, bien au contraire. Un PB devrait être constitué par des éléments généraux laissant libre champ à un ajustement de ses composantes à chaque situation réelle, par le biais d'un processus d'adaptation.

ADAPTER LE PROGRAMME DE BASE

Le PB est l'assise de la planification des programmes dans les établissements scolaires (écoles, lycées ...), pour tous les systèmes éducatifs. Il autorise l'introduction de modifications sur les objectifs et les contenus, afin qu'ils répondent mieux aux besoins et aux potentiels des élèves auxquels il est destiné. La tâche d'adaptation du programme est généralement confiée aux autorités académiques régionales ou départementales.

Ces ajustements débouchent donc sur une diversité des programmes. Plus proches des situations réelles du terrain, ces derniers demeurent toutefois liés entre eux par leur base commune. La cohérence du système sera donc maintenue et, dans le même temps, un programme scolaire pourra être élaboré en liaison plus étroite avec la situation réelle.

Malheureusement, ce travail d'adaptation n'est pas toujours de mise et c'est PB qui est alors appliqué, au lieu d'un programme adapté à la région considérée: les élèves, aussi bien que les maîtres, en souffriront.

Les enseignants pâtissent toujours d'un programme mal adapté; leur travail ne les satisfait pas.

1) Tenus d'enseigner un contenu scolaire coupé de la réalité qui l'enveloppe, ils ne peuvent faire usage de techniques actives (visites, voyages, observation panoramique des paysages, etc.). Ils doivent se contenter d'expliquer verbalement les choses, sans permettre aux élèves de devenir les véritables architectes de leur éducation. L'enseignement devient répétitif.

2) Pour présenter un cas réel avec lequel les enfants n'ont aucun contact, ils devraient utiliser des matériels dont ils ne disposent pas (images, photographies, diapositives), et se cantonnent donc à de descriptions verbales, généralement insuffisantes.

3) Lorsqu'ils travaillent sur des sujets non reliés à la vie effective des enfants, ils ne peuvent utiliser le potentiel éducatif ambiant, ni espérer la coopération de la communauté.

4) Ils doivent vivre avec des élèves distraits, qui ne participent pas, dont l'absence de motivation est imputable à des contenus éducatifs de toute évidence étrangers à leur vécu. Les enseignants finissent par mépriser les enfants des campagnes, auxquels ils attribuent injustement certains traits de caractère: paresse, absence d'intérêt, faible aptitude à la concentration, etc.

Ces enfants souffrent également de l'inadaptation du programme. Ceux qui en sont le plus victimes sont ceux vivant dans les zones rurales, dans les petites villes et les régions très différentes de la région principale. Citons quelques faits particulièrement regrettables:

La mémorisation ne fournit pas une bonne base à l'étude. La transmission purement verbale du savoir n'engendre pas facilement la motivation et l'intérêt. Les élèves ne participent pas activement. Les mauvaises notes, la nécessité de repasser des examens, l'école buissonnière, augmentent sans cesse.

Exemples:

1) La question de l'eau potable, ses avantages, ses caractéristiques, les techniques de purification de l'eau apparaissent souvent dans les PB nationaux. Ce sujet, sans nul doute utile aux petits citadins, est-il si indispensable à leurs camarades des campagnes, qui ignorent ce service? Sont-ils seulement à même de comprendre le concept d'eau "potable"? Pourtant, on leur demande souvent d'étudier cette question exactement comme l'indique le PB. Et il est rarissime, si cela se produit jamais, qu'ils abordent des questions sans doute plus pertinentes, comme les règles d'hygiène en matière d'utilisation de l'eau des rivières, les méthodes permettant de ne pas les polluer, nécessité de conserver sources et fontaines.

2) Nombre de PB traitent de sujets liés à la mer (littoraux, courants marins, importance économique de la pêche, etc.). Et, si le programme n'a pas encore été convenablement adapté, les enseignants vivant dans les montagnes devront "expliquer" le sujet, c'est à dire décrire verbalement la mer, peut-être avec l'aide de photographies, mais à l'intérieur de la salle de classe. Il n'est pas question d'aller sur la côte pour que les élèves puissent en faire l'expérience physique, observer le littoral, bavarder avec des pêcheurs, manipuler leur matériels, et même apprendre à connaître quelques-uns des poissons capturés. Rien de tout cela ne sera possible. Par contre, la référence à la géographie régionale, à l'organisation du bassin hydrographique et à sa dynamique aura été laissée de côté. Si, moyennant adaptation, l'on avait introduit des sujets plus proches d'eux, les enfants auraient pu faire des maquettes, dessiner des cartes, voyager, observer les paysages, en bref, profiter d'une méthode de travail active qui, seule, peut garantir non seulement l'apprentissage du contenu, mais aussi l'acquisition de compétences et d'aptitudes.

LE PROCESSUS D'ADAPTATION DU PROGRAMME DE BASE

Réflexions préliminaires

Le PB sera adapté selon deux grands axes: la prise en considération des particularités des élèves avec lesquels on travaille et l'attention portée au contexte géographique, social et économique de la région.

1) Modifications en fonction de la situation personnelle des élèves

L'élaboration d'un PB se fonde sur un profil idéal d'élève, en fait un idéal moyen. Bien entendu, certains élèves sont au-dessus du niveau proposé et d'autres au-dessous. De sorte que l'adaptation d'un programme oblige à effectuer des modifications prenant en compte les caractéristiques effectives des enfants auxquels il s'adresse.

Ces changements permettront de mettre le programme au niveau des enfants visés et les buts qui leurs seront proposés les tireront toujours vers l'avant, mais sans jamais être inaccessibles.

Exemple:

Les PB d'apprentissage de la langue stipulent que les élèves de cours moyen doivent pouvoir "Lire des textes simples en silence ....". Mais, dans toutes les écoles primaires, chacun reconnaît que les élèves, à leur arrivée à ce niveau, font toujours des erreurs en lisant à haute voix (leurs intonations ne respectent pas la ponctuation, ils ne reviennent pas correctement au début de la ligne suivante, changent ou omettent des mots, etc.). Réalisant qu'il ne convient pas d'exiger déjà une lecture silencieuse, l'enseignant décide alors d'intégrer à son travail cet objectif non atteint du niveau précédent: "Lire à haute voix, avec l'intonation appropriée et de façon audible, des textes ... etc. ". Ce faisant, il introduit un changement qui prend en compte le niveau de lecture des enfants, à savoir leur situation personnelle. II s'est montré souple et réaliste.

2) Modifications en fonction des contextes géographiques, sociaux et économiques effectifs du milieu

Toute région a des caractéristiques propres, fait face à des problèmes spécifiques, élabore des plans, a déjà réalisé des choses qui lui sont particulières. En bref, elle présente des signes distinctifs qui la différencient des autres et qui sous-tendent son identité. Le PB doit donc être restructuré en fonction de ces traits, pour répondre effectivement aux besoins éducatifs de la communauté correspondante.

Exemple:

Le PB de Sciences Sociales de fin d'enseignement primaire stipule que les élèves seront capables de "Décrire les principales activités économiques locales: agriculture, élevage, industrie". Mais l'activité économique principale d'une région donnée peut parfaitement ne correspondre à rien de tout cela; ce peut être l'exploitation minière, ou la pêche. Confrontés à cette situation, les enseignants de la localité incorporeront le sujet présentant le plus d'intérêt et le mettront en exergue, se contentant d'effleurer simplement les autres: ils modifieront le PB pour tenir compte de la vie réelle sur place.

3) Éléments modifiables

Lorsque le programme est adapté, les modifications portent principalement sur les objectifs de celui-ci.

Les buts du programme présentent généralement trois axes qu'il conviendra de reconnaître pour y introduire les adaptations jugées indispensables:

La compétence correspond à ce qui est attendu de l'enfant en termes d'apprentissage ou d'amélioration (écriture..., dessin..., semailles... etc.).

Le niveau qualitatif est le degré d'efficience avec lequel l'élève est censé mettre en œuvre la compétence retenue, ou ce qu'il devrait faire pour être réputé l'avoir acquise (écrire lisiblement, dessiner avec précision, semer en ligne etc.).

Le contenu est l'objet auquel s'applique la mise en œuvre de la compétence (écrire des textes simples de façon lisible, dessiner avec précision les diverses partie d'une fleur, semer les graines d'une espèce d'arbre en ligne, etc.)

Il est fréquent que l'exposé de ces trois éléments manque de simplicité. Ou que leur énoncé soit flou. Il arrive que le niveau de coapétence soit considéré comme acquis ("Additionner des nombres de 0 à 9"); il arrive aussi que ces éléments soient livrés sans ordre apparent ("Résoudre des problèmes tirés de la vie réelle en appliquant les techniques de la multiplication et de la division"). En tout état de cause, il faudra s'efforcer d'identifier et comprendre les éléments constitutifs de l'objectif.

L'on peut effectuer des modifications lorsque ces éléments ont été identifiés. Celles-ci seront introduites au niveau qualitatif ou dans le contenu; il est rarement utile de modifier la compétence.

Exemples:

1) On pourra reformuler l'objectif "Concevoir et écrire un texte simple avec une écriture lisible" de la manière suivante: "Écrire un texte dicté avec une écriture lisible". Dans ce cas, l'exigence posée a été réduite puisque l'on ne demande plus à l'élève de bâtir personnellement le texte qu'il/elle doit écrire; il lui suffira d'écrire des "textes dictés".

2) La modification pourrait se présenter sous une autre forme: "Concevoir et écrire des textes simples avec une écriture lisible, sans fautes d'orthographe". À l'évidence, une nouvelle exigence, non stipulée par la première version, a été ajoutée (" sans faute d'orthographe". Le niveau qualitatif a été modifié dans les deux cas.

Il peut aussi arriver que l'objectif demeure inchangé et que des modifications interviennent dans le détail du programme.

Exemple:

Dans un PB, l'objectif "Disposer d'informations fondamentales sur la situation géographique du pays", est explicité dans son contenu de la façon suivante: "Situation sur le continent. Latitude et longitude. Limites actuelles. Principales voies de communication avec les autres pays". Mais l'on estime devoir procéder à quelques modifications: la latitude et la longitude n'ont pas besoin d'être détaillées; il conviendra de montrer comment le pays est relié aux autres. Ainsi, sans toucher à l'objectif, le programme détaillé, une fois modifié, stipule: "Situation du pays dans le continent. Limites actuelles. Voies de communication avec les pays voisins et ceux entretenant des liens économiques avec la région".

Répétons encore que l'adaptation est un réajustement qui intervient principalement sur deux des éléments du PB: ses objectifs et son contenu. Ce réajustement peut consister en le remplacement, l'ajout ou la suppression de l'un et/ou l'autre des composants.

Méthodologie

Les étapes de l'adaptation d'un programme sont les suivantes:

Il convient tout d'abord de définir des critères d'adaptation, en indiquant clairement la signification des changements envisagés. Pour ce faire, l'état final du PB après adaptation sera énoncé.

Exemple:

À l'examen du PB, nous pouvons affirmer: "Le PB ne souligne pas suffisamment le rôle de la femme dans la société; les modifications nécessaires lui seront donc apportées pour que la femme soit reconsidérée en tant qae personne disposant des mêmes droits que l'homme. Il devra montrer aussi le rôle de la femme dans la vie familiale, sociale et économique de la communauté". Ce faisant, nous avons instauré un critère d'adaptation.

Le document est revisité à la lumière de ce critère. Les parties où l'on peut procéder à un réajustement pour y satisfaire sont identifiées.

Exemple:

Un objectif énonce: "Reconnaître la participation des membres de la communauté dans son organisation". II sera reformulé ainsi: "Reconnaître la participation de la communauté, et particulièrement des femmes, dans ses organisations sociales". Nous avons là un cas d'adaptation par modification de l'objectif.

De la même manière, un contenu être modifié par la prise en compte du critère sur lequel on travaille.

Exemple:

Le détail d'un programme évoque les "Principaux éléments constitutifs de l'environnement: vallées, montagnes, rivières". Cela peut éventuellement suffire, mais pour donner une tournure écologique à l'enseignement, nous pourrions ajouter te climat (température, pluviosité, vents, etc.), les catégories de sol (pierreux, limoneux, etc.), et la végétation. Le critère d'adaptation pré-établi sera donc respecté, mais cette fois en travaillant sur le contenu.

OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES

II est toujours possible de procéder à un second réajustement en mettant en œuvre un autre critère. S'orienter, par exemple vers une réévaluation de la culture locale. L'on recherche alors les occasions qu'offre le PB de s'intéresser à des sujets liés à l'art, aux coutumes familiales, à l'expression religieuse, etc.

Ce travail d'adaptation ne sera pas obligatoirement entrepris à tous propos. Si tel est le cas cependant, de nombreuses voies restent envisageables. Il se peut par exemple que le PB d'apprentissage de la langue soit adapté, mais que celui de mathématiques reste inchangé. Parfois, tel critère sera appliqué à une discipline donnée, et tel autre à une autre.

Il importe cependant que ces adaptations n'affectent ni la cohérence ni l'équilibre de la structure qui en résultera; il ne faut pas oublier non plus que cette dernière doit conserver l'esprit et tenir le cap du PB. C'est pourquoi un petit nombre de critères seulement seront pris en compte; les propositions adoptées devront avoir une vraie valeur, et une longévité certaine.

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