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ANNEXE I


Biologie de l'Anchois (Engraulis encrasicolus, L.) en Mauritanie
par
I. BA1

1. INTRODUCTION

L'Anchois, Engraulis encrasicolus, est un poisson Téléostéen clupéiforme de la famille des Engraulidés d'une quinzaine de centimètres, caractérisé surtout par l'allongement du museau en rostre au-dessus d'une bouche infère largement fendue. Il est répandu dans tout l'Atlantique oriental, depuis les côtes de la Norvège au nord de Bergen (62°N) jusqu'en Afrique du Sud (23°S). Cette espèce se rencontre aussi dans la Mer Baltique, la Manche, la Mer du Nord.Elle est également répandue dans tout le Bassin méditerranéen y compris la Mer Noire et la Mer d'Azov.

Espèce pélagique formant souvent de grands bancs, Engraulis encrasicolus vit dans des eaux peu profondes et parfois jusqu'à 400 mètres; elle fréquente aussi les estuaires.

Sur les côtes mauritaniennes, l'Anchois ne fait l'objet d'aucune pêche commerçiale. Il y est pourtant rencontré en abondance notamment dans des eaux de températures comprises entre 18 et 20°C (Maigret, 1972). Ainsi, les campagnes de prospection acoustique effectuées dans la région ont en évidence un potentiel exploitable de l'ordre de 20.000 tonnes, localisé au sud immédiat du cap Blanc, le long de la façade ouest du Banc d'Arguin (Anonyme, 1985). Cette espèce n'ayant fait l'objet d'aucune étude particulière dans cette partie de l'Atlantique tropical, il nous a paru intéressant de présenter les principaux traits de sa biologie (reproduction et croissance) en Mauritanie.

2. MATERIELS ET METHODES D'ETUDES

Les données utilisées dans cette étude proviennent des échantillonnages effectués de février 1986 à novembre 1987 au niveau de la flottille pélagique soviétique et au cours des campagnes de prospection acoustique du navire du Centre National de Recherches Océanographiques et des Pêches (CNROP) le N/O N'Diago. Au cours de ces é chantillonnages, les poissons étaient mesurés au 1/2 cm inférieur de longueur à la fourche (LF); et sur chaque individu, deux poids ont été relevés:

Le sexe et le stade sexuel ont également été notés. D'autre part, pour la détermination de l'âge, trois à cinq paires d'otolithes par classe de taille ont été prélevées.

3. REPRODUCTION

3.1. METHODES D'ETUDE

3.1.1. Taille à la première mâturité sexuelle

Plusieurs définitions sont données de la taille à la première mâturité sexuelle. Celles le plus souvent admises sont:

1 Océanographe biologiste du CNROP, B.P.22, Nouadhibou. Rép. Islam.de Mauritanie

La détermination de la L50 (longueur à partir de laquelle 50 % des poissons sont matures) a été faite en regroupant les individus par sexe et par classe de taille de 1/2 cm LF. Ensuite, le pourcentage des individus matures de chaque classe de taille pendant la principale période de reproduction a été calculé en fixant le seuil de mâturité à partir du stade III qui correspond àla phase de développement des ovaires (Fontana, 1969; Conand, 1977).

3.1.2. Période(s) de reproduction

Pour déterminer avec précision la ou les période(s) de ponte d'une espèce de poisson donnée, il est nécessaire d'employer plusieurs méthodes. Dans le cadre de cette étude, deux types de données ont été utilisées:

Pour la détermination des stades sexuels, nous avons employé l'échelle de mâturité de FONTANA (1969) basée sur l'étude des sardinelles du Congo. Cette échelle comprend sept stades:

stades I et II: période d'inactivité sexuelle
stade III: en cours de maturation
stade IV: pré-ponte
stade V: ponte
stade VI: post-ponte
stade VII: fin de la dernière ponte et involution de l'ovaire.

Cependant, dans cette étude, nous avons assimilé le stade VII au stade VI car ils sont difficilement différentiables chez l'Anchois.

Le rapport gonado-somatique a été calculé comme suit:

où R.G.S. = rapport gonado-somatique;

Pg = poids des gonades;

Pp = poids total du corps.

4.CROISSANCE

En milieu tropical, la croissance est délicate à étudier car les méthodes usuelles se heurtent à des obstacles majeurs. En effet, si la ponte n'est pas périodiquement interrompue ou du moins fortement ralentie, il est très difficile de décomposer en modes distincts les distributions des fréquences de longueur pour l'étude de la croissance par la méthode des filiations modales. Pour déterminer l'âge de l'Anchois, nous avons donc eu recours aux otolithes, utilisant pour cela la technique des marques supposées journalières préconisée par Panella (1971, 1973).

4.1. PREPARATION ET INTERPRETATION DES OTOLITHES

Après extraction, les otolithes sont lavés puis placés sur une lame et inclus dans une résine synthétique puis chauffés. Une fois l'inclusion sèche, l'otolithe est abrasé sur ses deux faces à l'aide de la poudre de carborandum pour bien dégager les stries, puis attaqué à l'acide chlorydrique (2%) pendant 10–20 secondes afin d'augmenter le contraste. Après rinçage abondant à l'eau, l'otolithe est “lu” au microscope optique au grossissement 400. Seules sont comptées les marques qui apparaissent comme l'association d'une bande claire et d'une bande sombre en assimilant le nombre de marques ainsi obtenu à l'âge exprimé en jours.

4.2. EQUATIONS DE CROISSANCE

4.2.1. Croissance linéaire

Le modèle retenu pour décrire la croissance de l'Anchois de Mauritanie est celui de von Bertalanffy (1935). Son expression est:

Lt = L∞ (1-exp (-K (t-to)))

avec Lt = longueur du poisson à l'instant t ;

Loo = longueur asymptotique qui serait atteinte par le poisson à l'âge théorique infini,

K = coefficient de croissance caractérisant la vitesse avec laquelle l'espèce croît vers sa taille asymptotique,

to = âge théorique pour lequel la taille est nulle.

Les trois paramètres (Loo, K, to) de l'équation de von Bertalanffy ont été estimés par la méthode d'Abrasson-Tomlinson (1961) qui repose sur le principe général d'optimisation des estimations par le critère des moindres carrés des écarts entre la courbe estimée et les données de base.

4.2.2. Croissance pondérale

Les lois et courbes de croissance de von Bertalanffy permettent également de décrire la croissance pondérale des poissons dont il est nécessaire de connaître la loi pour estimer les biomasses et les productions. Pour cela, il est nécessaire déterminer la relation qui lie la longueur du poisson à son poids ou relation taille-poids.

  1. Relation taille-poids:

    Chez la plupart des poissons, la longueur et le poids peuvent être reliés par une équation du type:

    W= a.Lb

    où W = poids du poisson,

    L = longueur à la fourche,

    a = constante,

    b = coefficient d'allométrie.

    Après transformation logarithmique, cette relation devient:

    Log W = Log a + b Log L

    La régression utilisée pour déterminer a et b est l'axe majeur réduit connu également sous le nom de droite de Tessier.

  2. Equation de la croissance pondérale:

    L'équation de la croissance en poids s'obtient par combinaison de l'équation de la croissance linéaire et de la relation taille-poids. Elle s'écrit:

    Wt = Woo (1-exp (-K (t-to)))b

    avec W = poids au temps t,

    Woo = poids asymptotique correspondant à la longueur asymptotique Loo,

    a et b = paramètres de la relation taille-poids,

    K et to = paramètres de la croissance linéaire.

5. RESULTATS

5.1. REPRODUCTION

5.1.1. Taille à la première mâturité sexuelle.

Pendant toute la durée de la période de reproduction, les plus petits individus matures capturés mesuraient 4,5 cm chez les femelles et 4 cm chez les mâles, Les plus grands individus immatures rencontrés chez les deux sexes avaient une taille de 10 cm. En revanche, les tailles correspondant au point L50 (longueur à laquelle 50% des individus de la population considérée sont matures) sont de 10,1 cm pour les femelles et de 10,4 cm pour les mâles (Figure 1). Les deux tailles étant très proches l'une de l'autre, il est possible de considérer que 50% des Anchois sont sexuellement mûrs à partir de 10 cm (LF).

Les observations provenant d'études réalisées dans d'autres régions sont indiquées dans le tableau 1. Bien que les résultats de la présente étude (L50) soient proches de ceux obtenus en Oranie (Algérie), la comparaison des différentes observations est difficile. En effet, de nombreux auteurs n'indiquent ni la méthode de détermination retenue, ni le critère de mâturité adopté, ni la taille de référence utilisée. Il apparaît cependant, comme caractère constant, que dans toutes les régions où des observations ont été faites, Engraulis encrasicolus atteint sa première mâturité sexuelle dès sa première année d'existence.

5.1.2. Variations mensuelles des stades sexuels

Les pourcentages mensueles des différents stades de mâturité sexuelle des mâles et des femelles sont présentés sur la figure2. Des individus à tous les stades sont présents toute l'année avec cependant des fréquences variables. Les poissons au stade II (repos) et en cours de maturation (stade III) sont surtout abondants en février, mars, septembre, novembre et décembre. Contrairement aux autres mois, aucun Anchois en reproduction n'a été rencontré en septembre.

La plus forte proportion de poissons en fin d'ovogénèse ou aptes à se reproduire (stades IV, V et VI) est observée d'avril à juillet en 1986 et d'avril à octobre 1987. Cependant, le pourcentage élevé d'individus mûrs (stades III, IV, V) observé en novembre(36%) et décembre(98%) 1986 indique une seconde période possible de forte ponte.

5.1.3. Evolution du rapport gonado-somatique

Les moyennes mensuelles des R.G.S. sont comprises entre 1,65 et 5,12% (Figure 3, Tableau2). Les plus faibles valeurs sont observé es en février, mars et septembre 1986; les plus fortes en mai 1986 (5,12%), avril (3,51%), juin (4,66%) et octobre (4,19%)1987.

Le décalage d'une année à l'autre des pics du rapport gonado-somatique sembleêtre dû à:

5.1.4. Période de reproduction

Le suivi du rapport gonado-somatique associé aux variations mensuelles des différents stades de mâturité sexuelle ont permis de situer la principale période de ponte de l'Anchois de'avril à octobre. Cependant, la reproduction ne cesse pas totalement puisque des individus mûrs s'observent toute l'année. En effet, chez cette espèce, tous les individus de grande taille (LF > 10 cm) se reproduisent quelle que soit la saison (Tableau 4). Une reproduction étalée sur toute l'année a aussi été observée au Sénégal par Conand (1970) avec un maximum d'oeufs en janvier et novembre et par Marchal (1966) en Côte d'Ivoire avec deux pics: le premier de janvier à mars et le second de septembre à octobre.

5.1.5. Facteurs hydrologiques et reproduction

En zone tropicale, la reproduction est souvent considérée comme continue du fait de la faible amplitude des variations de l'environnement au cours d'un cycle annuel. Cependant, l'existence le long des côtes mauritaniennes de phénomènes d'upwelling fait apparaître des variations saisonnières bien marquées. L'on sait également que le processus de maturation et la ponte sont soumis à l'influence de nombreux facteurs extérieurs qui peuvent accélérer, déclencher ou retarder l'ensemble des phénomènes liés à la reproduction. Parmi ces facteurs, la température et la salinité sont les paramètres généralement observés en raison de leur facilité de mesure. Toutefois, en ce qui concerne l'Anchois, E. encrasicolus, il a été établi que le rôle de la salinité était très négligeable (Furnestin et Furnestin, 1959; Sobral, 1975 et Rê et al., 1983). Selon ces auteurs, il est possible de trouver des rapports entre la salinité et la reproduction de cette espèce uniquement dans la mesure où l'évolution de ce paramètre est liée à une élévation de la température. Nous nous limiterons donc à examiner les relations existant entre la température et la reproduction de l'Anchois.

Tableau 1 Taille et âge de première maturité sexuelle d'Engraulis encrasicolus dans le bassin méditerranéen et dans l'océan Atlantique
RégionsTaille (cm)Age (an)MéthodesAuteurs
Méditerranée12–131 an-Fage, 1911
Golfe de Gascogne11–121 an-Furnestin, 1945
Méditerranée Occidentale (Costa Brava)11.81 an-Bas et Morales, 1954
Oranie (Algérie)11.01 an-Arrignon, 1966
Côtes Basques Espagnoles8.2lère annéeplus petit individu matureNavaz et Lozano Cabo, 1966
Adriatique centrale♂8.6 ♀ 9.7lére annéeplus petit individu matureSinovcic, 1978
 ♀ 4.5 ♂ 4.03 moisplus petit individu mature 
Mauritanie   Présente étude
 10.08 moisLo o 
Tableau 2 Variations mensuelles du rapport gonado-somatique moyen des anchois femelles (et intervalles de confiance au seuil de 95%)
 1986 1987
MoisNR.G.S. NR.G.S.
F1301.73 ± 0.91 691.65 ± 1.28
M432.12 ± 0.55 2272.01 ± 1.63
A1433.98 ± 1.33 2173.51 ± 2.77
M1125.12 ± 1.46 1533.15 ± 2.51
J1974.59 ± 2.16 1014.66 ± 1.36
J293.21 ± 0.69 1972.94 ± 1.37
A-- 803.14 ± 1.29
S1342.58 ± 1.12 --
O-- 794.19 ± 1.54
N883.02 ± 1.96 802.66 ± 1.01
D1043.32 ± 2.48 --
Tableau 3 Fréquences mensuelles (en nombre d'individus), par stade sexuel, chez Engraulis encrasicolus
 StadesJFMAMJJASOND
≤ 10 CM L.F.II 11310111035153143-6327
 III 42655633245-9124415
 IV 7524232131-93235
 V 13814286--11010
 VI ---7-3 --45
> 10 CM L.F.II ---- ------
 III 520212013503- 11
 IV 19409246455730-2456
 V 11213358726331-3963
 VI 4151629803614-465
Tableau 4 Couples âge-longueur d'Engraulis encrasicolus en Mauritanie
Nb.marq.AgeL.observ.L.calc.
journal.(an)(cm)(cm)
970.274.04.2
1030.284.54.5
1080.305.04.7
1220.335.55.4
1370.376.06.1
1510.416.56.8
1610.447.07.2
1700.467.57.6
1770.488.07.8
1860.518.58.2
2030.559.08.9
2120.589.59.2
2340.6410.010.0
2590.7110.510.8
2660.7311.011.1
2810.7711.511.5
2980.8212.012.0
3170.8712.512.56
3350.9213.013.0
3470.9513.513.3
Figure 1

Figure 1 Taille à la première sexuelle d'Engraulis encrasicolus

Figure 2

Figure 2 Evolution mensuelle des stades de maturité sexuelle d'Engraulis encrasicolus

Figure 3

Figure 3 Evolution mensuelle du rapport gonado-somatique moyen des femelles d'Engraulis encrasicolus

Figure 4

Figure 4 Evolution des R.G.S. moyens et du pourcentage des femelles d'Engraulis encrasicolus mures en fonction de la température de surface.

La figure 4 montre que l'augmentation du pourcentage des femelles mûres et du R.G.S. est parallèle à l'accroissement de la température de surface. Cependant, l'intensité maximale de ponte ne correspond pas au maximum thermique, mais a lieu lors du réchauffement progressif des eaux (transition saison froide-saison chaude) et quelques fois pendant la transition saison chaude-saison froide (novembre-décembre).

La prédominance des saisons de transition sur la reproduction a été également notée par Domanevsky (1968) et par Domain (1979) chez la plupart des espèces pélagiques et démersales de la région sénégalo-mauritanienne.

5.1.6. Conclusion

En Mauritanie, la reproduction de l'Anchois a lieu toute l'année, mais du fait de l'existence de saisons hydrologiques assez marquées, certaines périodes sont plus favorables que d'autres. Ainsi, chez cette espèce, la transition saison froide-saison chaude est la plus favorable et induirait le déclenchement de la ponte. La température semble être le facteur essentiel dans le déclenchement de la ponte soit par stimulation des mécanismes physiologiques, soit par enrichissement trophique du milieu. En effet, des études effectuées en Méditerranée et dans l'Océan Atlantique (Furnestin et Furnestin, 1959; Demir, 1965; Aldebert et Tournier, 1971, 1977; Arbault et Lacroix, 1972; Sobral, 1975; Chavance, 1980; Rê et al., 1983) montrent que pour l'Anchois E. encrasicolus, l'optimum thermique pour la reproduction se situe entre 14 et 24°C. En Mauritanie, pendant toute la période d'étude, les températures étaient comprises entre 16,5 et 24° C. C'est vraisemblablement ces facteurs thermiques favorables qui sont à l'origine de la ponte étalée sur toute l'année, la nourriture ne constituant probablement pas, dans cette région à très forte productivité, un facteur limitant.

5.2. CROISSANCE

5.2.1. Croissance linéaire

Le dénombrement des marques journalières sur les otolithes a permis d'obtenir pour chaque classe de taille un couple de données “nombre de marques-longueur” qui, en supposant qu'une marque se fasse chaque jour, correspond à un couple âge-longueur. Les paramètres de l'équation de von Bertalanffy ainsi obtenues sont:

Loo = 21,80 cm,

K = 1,056(annuel),

to = 0,0675 (annuel).

Ce qui permet d'écrire l'équation de la croissance linéaire en fonction du temps:

Lt = 21,8 (1 -exp(- 1,056 (t - 0,0675)))

Limites de validité : 4 à 13.5 cm L.F.

Les couples âge-longueur sont donnés dans le tableau 4 et la courbe de croissance linéaire correspondante dans la figure 5.

5.2.2. Croissance pondérale

  1. La relation taille-poids:

    La relation taille-poids obtenue à partir d' un effectif de 90 individus est la suivante:

    W = 1,47. 10-3 LF.3,75 (r = 0,96).

    Limites de validité ente 6,5 et 13 cm LF.

    Cette relation est du type allométrie majorante, le coefficient b étant significativement supérieur à 3. La courbe correspondante, tracée en coordonnées logarithmiques est présentée à la figure 6.

  2. Estimation de la croissance pondérale:

    L'équation de la croissance en poids en fonction de l'âge est:

    Wt = 153,6(1-exp(-1,056(t-0,0675))) 3,75

    Le graphique correspondant est présenté à la figure 7.

Figure 5

Figure 5 Croissance en longueur d'Engraulis encrasicolus

Figure 6

Figure 6 Relation taille-poids d'Engraulis encrasicolus

5.3. DISCUSSION

En Mauritanie, Engraulis encrasicolus a une croissance très rapide. Sa longévité apparente est environ d'un an. Ces résultats diffèrent de tous ceux précédemment obtenus sur cette espèce aussi bien en Mer Méditerranée que dans le Nord Atlantique où la longévité de cette espèce est estimée au moins à trois ans (Tableau 5). Par ailleurs, la comparaison avec les études réalisées par différents auteurs montre, qu'en Mauritanie, E. encrasicolus a une croissance plus élevée pendant la première année; ce qui pourrait s'expliquer par un environnement plus favorable.

Faute de pouvoir contrôler l'âge lu sur les otolithes par une autre méthode et ne disposant d'aucune donnée de croissance sur Engraulis encrasicolus effectuée dans des conditions similaires, une comparaison avec une espèce voisine, Engraulis capensis, a été effectuée. Cette espèce a été choisie parce qu'elle présente beaucoup de caractères communs avec Engraulis encrasicolus:

Prosch (1986) estime que cette espèce, bien que l'on continue à l'appeler Engraulis capensis, est très vraisemblablement la même qu'Engraulis encrasicolus ou tout au moins très apparentée à elle.

Melo (1984) et Prosch (1986), utilisant le comptage des marques journalières sur les otolithes obtiennent respectivement:

Melo: L00=13,5;K=1,49;t0=0,00033
Prosch: L00=14,0;K=1,58;t0=0,0012

pour des tailles comprises entre 5 et 14 cm.

L'âge maximum observé est de trois ans pour un poisson de 13,2 cm de long. Si au départ L00 n'est pas fixée, sa valeur est alors de 22 cm comme celle obtenue en Mauritanie sur E. encrasicolus. Melo (1984) et Prosch (1986) jugent une telle valeur“ biologiquement impossible” et fixent Loo entre 13,5 et 14 cm correspondant à la taille maximale observée pour cette espèce. Rappelons toutefois que Loo est paramètre mathématique et non biologique.

Le tableau 6 présente les résultats des rétrocalculs âge-longueur à partir des équations établies sur les anchois de l'Afrique du Sud et de Mauritanie. L'on remarquera que le deux espèces ont la même croissance jusqu' à 10 cm, qui correspond à la taille de première mâturité pour les deux espèces2. En revanche, dans les grandes tailles, la différence est grande. Cette différence pourrait être due à une surestimation de la croissance, dans le cas de l'Anchois de Mauritanie, Après la premièe mâturité où les arrêts de croissance ne seraient pas pris en compte.

2 Engraulis capensis atteint sa première mâturité sexuelle à 9,5 cm de longueur standard (Le Clus, 1979); ce qui correspond environ à 10 cm de longueur à la fourche.

Figure 7

Figure 7 Croissance pondérale d'Engraulis encrasicolus

Tableau 5 Couples âge-longueur d'Enqraulis encrasicolus en mer Méditerranée et dans l'Océan Atlantique
RégionsAuteursLongueur (cm)Méthodes
  1 an2 ans3 ans4 ans 
MéditérranéeFage, 19209.515.018 Scalimétrie
Golfe de GascogneFurnestin, 19451214.015.8 Scalimétrie
Oranie (Algérie)Arrignon, 196610–1213–15.9>16 Fréquences de taille
Golfe de GascogneGuerrault et Avrilla, 19749.415.018.0 Otolithométrie
CastellonSuau, 197410.014.517.5 Fréquences de taille
Golfe de GascogneCort et al., 197610.514.417.2 Fréquences de taille
Golfe de CadizRodriguez-Roda, 197710.613.816.2 Scalimétrie
Golfe de GascogneJunquera, 198611.715.117.018.5Otolithométrie
Golfe de GascogneUriarte et Astudillo, 198710.816.317.418.7Otholithométrie
MauritaniePrésente étude13.5-- Otolithométrie
Tableau 6 Comparaison des croissances des anchois de l'Afrique du sud et de la Mauritanie
AgeAfrique du Sud
(taille en cm)
Mauritanie
(taille en cm)
3 mois4.04.2
5 mois6.56.5
8 mois10.010.0
1 an11.113.5
2 ans12.5--
3 ans13.2--

Ayant vu que la croissance des immatures d'Engraulis capensis était identique à celle d'Engraulis encrasicolus, nous admettrons qu'il en est de même pour les individus matures. En effet, Brothers et al. (1974) et Le Guen (1976) avaient déjà montré que les marques journalières ne sont déposées régulièrement que chez les individus immatures, alors que chez les adultes des arrêts de croissance se produisent notamment au moment de la reproduction. Pour cette même raison, Le Guen (1976) indique que l'âge d'un poisson adulte (par exemple Pseudotolithus elongatus) pouvait être minoré de 30 % . Dans le cas de l'Anchois de Mauritanie, cette sous-estimation peut aussi provenir de la difficulté de lecture des marques localisées près du nucléus et à la périphéric de l'otolithe, qui, dans la plupart des cas, sont difficilement identifiables.

5.4. CONCLUSION

L'étude de la croissance de l'Anchois de Mauritanie à l'aide des marques supposées journalières sur les otolithes a conduit à des résultats douteux chez les poissons matures. Faute de pouvoir comparer ces résultats avec ceux obtenus par une autre méthode et à défaut de pouvoir vérifier directement la périodicité des marques, nous considérons, dans une première approche, que les paramètres de croissance obtenus par Prosch (1986) sur Engraulis capensis sont les mêmes que ceux de l'Anchois de Mauritanie soit:

Loo = 14 cm; K = 1,58 (annuel) et to = 0,0012 (annuel).

L'équation de la croissance linéaire s'écrira donc:

Lt = 14 (1-exp (-1,58(t-0,0012))).

De la même façon, la croissance en poids en fonction de l'âge sera:

Wt = 29,19 (1-exp(1,58 (t-0,0012)))3,75

Toutefois, ces chiffres sont à prendre avec beaucoup de circonspection et doivent être considérés uniquement comme une première approximation qui doit être précisée par la suite par des études plus suivies.

6. CONCLUSION GENERALE

L'étude du cycle sexuel par les méthodes des stades de mâturité et du rapport gonado-somatique a permis de situer la principale période de reproduction de l'Anchois d'avril à octobre. Toutefois, celle-ci ne cesse pas totalement et tous les grands individus (LF > 10 cm) sont susceptibles de pondre quelque soit la saison. Cependant, du fait de l'existence de saisons hydrologiques plus ou moins marquées, certaines périodes semblent plus favorables que d'autres. Ainsi, en Mauritanie, la transition saison froide-saison chaude serait la plus favorable au déclenchement de la ponte de l'Anchois. La reproduction de cette espèce serait donc sous la dépendance principale de l'élévation de la température, mais un autre facteur pourrait jouer un rôle non négligeable, il s'agit de la richesse trophique du milieu.

Chez l'Anchois de Mauritanie, du fait de la longue période de ponte et de la présence d'individus en reproduction tout au long de l'année, les techniques d'étude ne permettent pas de mettre en évidence les valeurs modales sur les histogrammes de fréquence de longueur. Nous avons donc eu recours aux otolithes pour déterminer la croissance de cette espèce, utilisant pour cela la technique des marques supposées journalières. Toutefois, les résultats de cette méthode ont été jugés douteux chez les individus mûrs. En conséquence, la croissance obtenue sur une espèce voisine, Engraulis capensis (l'Anchois d'Afrique du Sud), a été retenue pour décrire celle de l'Anchois de Mauritanie. La connaissance de ce paramètre biologique est indispensable pour une bonne analyse de la dynamique des populations et les résultats provisoires obtenus devront être confirmés.

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