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ARBRES ET ARBUSTES RESISTANTS A LA SECHERESSE POUR LES PLANTATIONS EN SEC A BAHREIN 1 2

par

C. Cossalter
Fonctionnaire forestier (Ressources génétiques)
Subdivision de la mise en valeur des ressources forestières, FAO
Rome, Italie

INTRODUCTION

Le terme de plantation en sec désigne dans cet article une plantation avec une période initiale d'irrigation, par opposition aux plantations irriguées dans lesquelles l'irrigation se poursuit - de manière permanente ou intermittente - pendant toute la durée de la vie des arbres. En raison de la rudesse des conditions de milieu décrites ci-dessous, il est impossible de planter sans aucune irrigation à Bahrein, même avec des essences xérophiles; il est indispensable d'arroser au début pour aider les plants à s'installer.

Le choix d'essences proposé ci-dessous pour les différents types de stations résulte d'une analyse des informations fournies par les rapports et articles sur les plantations forestières dans les pays du Golfe et les régions avoisinantes. Cette “sélection livresqe” n'a encore, à son stade actuel, qu'un caractère préliminaire; une investigation plus poussée de toutes les sources d'information publiées ou non sur le sujet permettra aisément de l'améliorer.

De nombreuses activités de plantation forestière ont été menées ou sont en cours dans la région, mais on a peu d'informations écrites à leur sujet. Un inventaire soigné des informations actuellement disponibles sur l'adaptabilité des essences ainsi que sur tous les autres aspects du reboisement en zone aride serait susceptible de fournir un guide utile et de réduire au minimum les erreurs.

Dans le contexte de Bahrein, qui se caractérise par des contraintes de milieu très dures et une absence d'expérience en matière de plantations en sec, un tel inventaire constitue un préliminaire indispensable.

Le choix du matériel de plantation à utiliser est dans une large mesure lié au type de station, en ce sens qu'il doit dans chaque cas s'accorder à une combinaison bien particulière de paramètres écologiques et socio-économiques.

L'extrapolation d'informations venues d'ailleurs, bien que constituant une première étape indispensable, est insuffisante car elle ne permet pas de déceler l'adaptabilité d'une espèce ou d'une provenance à de nouvelles conditions écologiques et son aptitude à fournir les biens et services attendus. Le meilleur moyen d'obtenir cette information est de procéder à des essais en petites parcelles implantées en des points représentatifs de la zone que l'on se propose de reboiser.

CONDITIONS DE MILIEU

Situation géographique et topographie

L'Etat de Bahrein se compose d'un groupe de 33 îles situées dans le golfe Persique à 26°N de latitude et 21°E de longitude. L'île principale, Bahrein, est reliée par une digue aux grandes îles voisines d'Al Muharraq et Sitrah. Au sud se trouve l'archipel des Huwar, qui est peu peuplé.

Tableau 1. Comparaison climatique avec des pays voisins de la région du Golfe où l'on a une expérience de plantations en sec

 BAHREIN-MUHARRAQ BAHREINDUBAI E.A.U.SHUWAYKH KOWEÏT
Lat.:   26°16 NLat.:   25°15 NLat.:   29°20
Long.: 50°37 ELong.: 55°20 ELong.: 48°03
Alt.:    2mAlt.:    8mAlt.:    11m
  1.Température moyenne annuelle (°C)24.6-26.7-25.2-
  2.Température minima du mois le plus froid (°C)14.4janvier13.6janvier  7.8janvier
  3.Température maxima du mois le plus chaud (°C)38.3août40.4juil/août43.9juil/août
  4.Amplitude thermique maxima (max-min) (°C)23.9-26.8-36.1-
  5.Temp. diurne moyenne du trim. le plus froid (°C)19.4déc/fév21.8déc/fév15.6déc/fév
  6.Temp. diurne moyenne du trim. le plus chaud (°C)34.9juil/sept36.1juin/août38.4juin/août
  7.Temp. nocturne moyenne du trim. le plus froid (°C)17.2déc/fév17.8déc/fév11.9déc/fév
  8.Temp. nocturne moyenne du trim. le plus chaud(°C)32.0juil/sept31.5juin/août32.7juin/août
  9.Pluviométrie annuelle moyenne (mm)74.0-77  -119    -
10.Nombre de mois de pluviométrie > 20 mm0-1fév2déc/janv
11.Nombre de mois de pluviométrie < 10 mm8avr/nov9avr/déc6mai/oct
12.Nombre de mois de pluviométrie < 1 mm5juin/oct6mai/oct4juin/sept
13.Trimestre d'ensoleillement minimum (%) (1)62  janv/mars72  janv/mars72  nov/janv
14.Trimestre d'ensoleillement maximum (%) (1)81  août/oct82  août/oct85  août/oct
15.Evapotranspiration totale annuelle (mm)1807     -1843     -2183     -
16.Trimestre d'evapotranspiration minima (mm)334   déc/fév204   déc/fév179    nov/janv
17.Trimestre d'evapotranspiration maxima(mm)702   juin/août698   mai/juil934    juin/août
18.Saison sèche (durée et période)365   -365   -331     
19.Saison intermédiaire (durée et période) (3)0-0-34  16déc/19jan
20.Saison humide (durée et période) (2)0-0-0 

(1) Ensoleillement %:       durée relative d'insolation journalière par mois et pour l'année, exprimée en pourcentage de la durée astronomiquement possible d'insolation.

(2) Saison humide:          période au cours de laquelle les précipitations sont en moyenne supérieures à l'évapotranspiration potentielle. Durant cette période le bilan hydrique est normalement positif, et une certaine quantité d'eau est emmagasinée dans le sol. Les besoins en eau d'un peuplement moyen sont pleinement couverts à cette saison.

(3) Saison intermédiaire: période au cours de laquelle les précipitations sont comprises entre 0,5 ETP et ETP, plus une période au cours de laquelle les réserves d'humidité du sol (jusqu'à 100 mm) sont transpirées au rythme de l'évapo-transpiration potentielle. Dans les zones où existe une saison humide, la saison intermédiaire comprend généralement les périodes précédant et suivant la saison humide.

Trimestre:                        pris ici dans le sens de période de 3 mois consécutifs.

Ces îles sont basses et plates, ou présentent un relief peu marqué. Le point culminant, le Jabal Ad Dukhan (122 m), se trouve sur Bahrein. C'est un affleurement rocheux situé au centre de l'île, et entouré d'un bassin intérieur que limite un bourrelet d'une cinquantaine de mètres de hauteur.

Climat

Le climat reflète la situation de Bahrein dans le golfe Persique, à moins de trois cents kilomètres au nord du tropique du cancer. Il a un caractère aride prononcé, avec une sécheresse estivale prédominante.

La pluviométrie annuelle est de 74 mm (moyenne de 41 années), dont environ les deux-tiers tombent entre décembre et mars, répartis en 7 jours de pluie environ. Elle présente des fluctuations importantes d'une année à l'autre, tombant parfois presque à zéro pour atteindre d'autres années deux ou trois fois la moyenne annuelle. Toutefois, la période qui va de la deuxième quinzaine de mai à fin-septembre a une pluviométrie qui est constamment voisine de zéro.

Les températures maxima journalières dépassent 38°C durant les mois d'été, tandis que les six mois d'hiver se caractérisent par un climat relativement frais, les températures diurnes excédant rarement 25°C. En raison de la proximité de la mer qui entoure les îles, la différence entre température diurne et nocturne est généralement modérée. Il faut noter toutefois que dans les nuits d'hiver le thermomètre descend occasionnellement à 5°–10°, ce qui peut nuire à certaines essences.

Du fait de leur situation et de leur absence de relief, les îles sont balayées par les vents, et sont notamment exposées aux forts vents du secteur nord-ouest qui soufflent toute l'année. Les vents soufflant d'autres secteurs sont généralement faibles à modérés.

L'humidité relative est plus élevée que dans de nombreuses autres parties de la sous-région, les maxima moyens journaliers variant de 79% en mai et juin à 89% en janvier, et les minima moyens journaliers de 40% en mai et juin à 59% en janvier.

Géologie et sols

L'intérieur des îles est constitué d'une série de formations carbonatées, et les plaines côtières de dépôts marins quaternaires ou récents.

Les sols ont été brièvement décrits par Mohammed S. Ali (1982), et une étude complète en a été publiée par Doornkamps, Brunsden et Jones (1980), avec une carte au 1:10 000.

Les sols sont en majorité des sables grossiers, des sables limoneux, et parfois des limons argilo-sableux. Les sols les plus profonds reposent généralement sur un sous-sol sableux ou sur un horizon cimenté gypseux ou calcaire. La teneur en argile varie entre 3 et 35%, et la perméabilité est élevée. Ces sols ont une faible fertilité naturelle. Le taux de matière organique est bas (moins de 1%), de même que le phosphore assimilable, et les nitrates solubles varient entre 1 et 5 ppm dans l'extrait saturé de sol superficiel.

Ce sont généralement des sols salins à très salins: 4–120 mmhos/cm dans l'horizon superficiel, 7–64 mmhos/cm dans le sous-sol. Le chlorure de sodium est le sel prédominant. La salinité du sol est en général considérablement modifiée par l'eau d'irrigation, qui est elle-même saline.

Hydrologie

A l'exception des côtes nord et ouest, la plus grande partie de l'île de Bahrein n'a pas de ressources en eau souterraine pour l'agriculture et pour la croissance des arbres. Là où l'on trouve de l'eau souterraine, elle est toujours saumâtre. Des analyses faites sur 18 puits de la côte ouest ont donné les résultats suivants:

La salinité des eaux souterraines s'accroît à l'heure actuelle dans des proportions considérables en réaction à une demande excessive sur la nappe phréatique, conséquence de l'urbanisation croissante, de l'élévation du niveau de vie et du développement industriel. Cette tendance est particulièrement perceptible à l'extrême ouest et à l'extrême nord de l'île de Bahrein, et dans les îles de Sitrah et d'Al Muharraq.

Le gouvernement a amélioré l'approvisionnement en eau en installant des usines de désalinisation et une station d'épuration des eaux à Tubli, cependant la consommation d'eau douce reste voisine de la capacité de production, et l'on ne peut prévoir de surplus d'eau dans un avenir proche. C'est pourquoi toute utilisation supplémentaire d'eau doit être attentivement considérée, et les plantations forestières ne peuvent compter que sur les quantités minimales d'eau de qualité médiocre.

Figure 1. Principales caractéristiques des types de stations de reboisement le plus largement représentées dans les zones arides

Figure 1

1.Mangrove 
2.Marécage salé: sol salin hydromorphe (dépôts marins)
3.Cordon littoral légèrement surélevé: dépôts marins de salinité élevée, recouverts par des sables éoliens. Nappe phréatique (saumâtre) proche de la surface. stations de reboisement en sec possibles
4.Plaine côtière sableuse: dépôts alluviaux et fluviaux de salinité moyenne à élevée, recouverts par des sables éoliens. Nappe phréatique (saumâtre) à plusieurs mètres de profondeur.
5.Système d'oueds: dépôt fluvial de salinité moyenne. Nappe phréatique proche de la surface.
6.Piémonts: dépôts fluviaux grossiers de salinité moyenne. Nappe phréatique à plusieurs mètres de profondeur.

ESSENCES CONVENANT AUX DIFFERENTS TYPES DE STATIONS

Essences combinant la tolérance au sel, la résistance à la sécheresse et la résistance au vent (essences prioritaires pour les “plantations en sec”).

Classement en fonction de la tolérance au sel (conductivité électrique de la solution du sol maxima toléré, exprimée en valeurs relatives C.E. x 103).

C.E × 103Types de stations selon Fig. 1
convenant à l'essence

 Types de station :3456
-50-Prosopis juliflora (race locale de Koweït)XXXX
-35-Atriplex nummulariaX   
  -Atriplex canescensX   
-30-Prosopis juliflora (race locale de l'Inde)XXXX
  -Ziziphus mauritiana (provenance de l'Inde) XXX
  -Tamarix aphylla syn T. articulataX X 
-18-Parkinsonia aculeataXXX 
 
Essences dont la tolérance au sel est potentiellement bonne mais demande plus ample information (classées par ordre alphabétique)
 
 -Prosopis cineraria (provenance de stations salées: zones de marée et de sebkha à Qurum et Qurayat en Oman)XXX 
-Prosopis juliflora (race locale de Bahrein)XXXX
-Salvadora persicaXXX 
-Ziziphus spina-cristiiXXX 

Essences présentant une résistance à la sécheresse excellente à bonne, une tolérance au sel bonne à assez bonne et une bonne résistance au vent (essences dont la capacité de supporter des salinités élevées demande plus ample étude)

Classement en fonction de la tolérance au sel (conductivité électrique de la solution du sol maxima tolérée, exprimée en valeurs relatives C.E. × 103).

C.E. × 103Types de stations selon Fig. 1
convenant à l'essence

 Type de station:3456
 -8.5-Calligonum commosum X  
 -8.0-Acacia tortilis (provenance d'Oman: côte de Batinah) XX 
   -Prosopis cineraria XX 
au minimum 7.5-Moringa peregrina   X
 -6-Balanites aegyptiaca XXX
au minimum 5.5-Calotropis proceraXX  
au minimum 3.5-Acridocarpus orientalis  XX
au minimum 3.0-Leptadenia pyrotechnica XX 
  3.0-Acacia tortilis XX 
   -Adenium obesum   X
  2.5-Acacia mellifera XX 
 
Essences dont la tolérance au sel est potentiellement bonne mais demande plus ample information (classées par ordre alphabétique):
 -Acacia ehrenbergiana XX 
-Boswellia sacra  XX
-Capparis decidua XXX
-Capparis spinosa   X
-Cordeauxia edulis X  
-Mimusops angel X  
-Ziziphus mauritiana XXX

Essences présentant une tolérance au sel excellente à bonne, une résistance à la sécheresse bonne à assez bonne et une bonne résistance au vent (essences dont l'aptitude à la plantation en sec dans les conditions de Bahrein demande plus ample étude).

Classement en fonction de la tolérance au sel (conductivité électrique de la solution du sol maxima tolérée, exprimée en valeurs relatives C.E. x 103)

C.E. x 103Types de station selon Fig. 1
convenant à l'essence

 Type de station:3456
 
-40-Tamarix jordaniX X 
  -T. maris-mortuiX X 
-T. passerinoïdesX X 
 
-35-Prosopis tamarugoX X 
  -Tamarix dioicaX X 
-T. floridaX X 
 
-30-Casuarina equisetifoliaX   
  -Kochla indicaXX  
 
-25-Acacia ligulata XX 
  -Tamarix nilotica  X 
-Ziziphus vulgaris XX 
 
-16-Acacia farnesiana XX 
  -A. salicina XX 
-Callistemon lanceolatusXXX 
-Callistemon x “kingspark special”XXX 
-Casuarina cristataX   
-Prosopis chilensis XX 
 
-14-Acacia nilotica  X 
 
-8.5-Pithecellobium dulce XX 
 
-8.0-Lawsonia inermis  X 
  -Nicotiana glauca  X 
 
-6.0-Acacia cyanophylla syn. A. salignaXXX 

Essences dont la tolérance au sel est potentiellement bonne mais demande plus ample information (classées par ordre alphabétique).

C.E. x 103Types de stations selon Fig. 1
convenant à l'essence

 Types de station:3456
-Acacia amplicepsX X 
-A. victoriae XX 
-Conocarpus lancifoliusX X 
-Melaleuca bracteataX X 
-M. leucadendraX X 
-Salsola sodaXXX 
-Sueda fructicosaX   
-Tamarix gallicaX X 
-T. pentandraX X 

REFERENCES

Booth, F.E.H. & G.E. Wickens: 1988 Non timber uses of selected arid zone trees and shrubs in Africa. FAO Conservation Guide No.19. Rome. 176 pp.

FAO: 1971 Report to the Government of Kuwait - Afforestation. Based on the work of R. Firmin. FAO/KU/TF 46.

Khan, I.R.: 1981 Afforestation and Agricultural Development in the Western region of Abu Dhabi. The Pakistan Journal of Forestry (Jan.1981): 4–11.

Khan, I.R.: 1981 Natural Vegetation of Abu Dhabi Emirate. The Pakistan Journal of Forestry (April 1981): 45–50.

Sheikh, M.I., S.M. Khan & S.R. Khan: 1985 A Report on the Study Tour to United Arab Emirates. Pakistan Forest Institute, Peshawar. 41 pp.

Von Maydell, H.J.: 1983 Arbres et arbustes du Sahel - Leurs caractéristiques et leurs utilisations. GTZ, Eschborn. 531 pp.

Wood, P.J., A.F. Willens & G.A. Willens: 1974 An irrigated plantations project in Abu Dhabi. Commonw. For. Rev. 54.2: 139–146.

1 Manuscrit rédigé en juin 1989
2 Article rédigé dans le cadre du projet FAO/PNUD BAH/87/001/ 01/12, (“Participation des jeunes à la conservation de l'environnement”).


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