Page précédente Table des matières Page suivante


L'expérience de l'élevage de cerfs en Nouvelle-Zélande: Application aux pays en développement

A. de Vos

Antoon de Vos, ancien professeur de biologie de la faune et fonctionnaire de la FAO, est actuellement expert indépendant en aménagement de la faune sauvage. Il vit dans le Queensland (Australie).

Cet article examine les réalisations et les méthodes employées en Nouvelle-Zélande, qui pourront servir de guide pour les projets d'élevage de cerfs en cours ou envisagés dans des pays en développement de la région Asie-Pacifique. L'auteur se réfère plus particulièrement à un élevage pilote de Thaïlande, pour lequel il a effectué une consultation au titre du Programme de coopération technique (PCT) de la FAO.

EN NOUVELLE-ZÉLANDE, les cerfs sont devenus pratiquement des animaux domestiques

Toutes les espèces de cervidés actuellement présentes en Nouvelle-Zélande y ont été introduites au début du siècle dernier. Dans les années 60, il devint manifeste que les populations sauvages de cervidés, qui n'avaient pratiquement pas de prédateurs naturels, se multipliaient très rapidement dans les aires protégées et dégradaient les pâturages naturels. C'est pourquoi le gouvernement a recruté des chasseurs pour tenter de limiter leurs effectifs. Au début, la plupart des carcasses n'étaient pas utilisées, mais elles représentaient un potentiel économique qui a bientôt amené à développer une industrie pour traiter la venaison.

Au même moment, quelques agriculteurs se sont mis à étudier les possibilités de capturer les cerfs et de les élever dans des enclos. Malgré des résultats initiaux peu encourageants, en raison de difficultés administratives et techniques, cette activité s'est peu à peu organisée. Depuis 10 ans, le nombre d'éleveurs de cerfs s'est accru de manière spectaculaire, de même que les profits économiques, contrairement à l'inverse de la tendance générale constatée dans le secteur agricole.

Le nombre de femmes d'élevage de cerfs est passé de 979 en 1980 à environ 4500 aujourd'hui. Le nombre effectif d'animaux dans les femmes et ranches, qui était d'environ 104000 en 1980, a dépassé 600000 en juin 1989 (Thorley, 1989). Les cerfs sont devenus pratiquement des animaux domestiques et ils font maintenant l'objet d'un élevage intensif visant à obtenir un rendement maximal.

Au cours de la campagne annuelle se terminant en juin 1989, la Nouvelle-Zélande a exporté environ 32 millions de dollars néo-zélandais (18,6 millions de dollars U.S.) de venaison. Si on y ajoute les bois en velours, denrée médicinale recherchée (voir encadré) et autres produits, la valeur totale des exportations est de 45 millions de dollars N.Z. (26,1 millions de dollars U.S.).

L'élevage des cerfs est maintenant une activité économique bien établie non seulement en Nouvelle-Zélande, mais également en Australie, en Chine, dans plusieurs pays d'Europe, aux Etats-Unis et au Canada. Des quantités croissantes de produits étant mis sur le marché mondial, la concurrence entre les élevages devient plus vive, et il faudra donc des méthodes de gestion plus intensives. Nous examinerons ci-après quelques-unes des pratiques de gestion et de commercialisation appliquées actuellement en Nouvelle-Zélande, dans l'espoir que cette information donnera des idées utiles sur ce qui pourrait être fait dans d'autres pays pour organiser un élevage prospère de cervidés.

Plan et agencement des fermes d'élevage

C'est là un aspect important, qui a une forte incidence sur les conditions de travail et la facilité de gestion du cheptel. Il faut étudier avec soin la disposition des enclos, l'emplacement des ouvertures, le type de clôture, la conception et l'emplacement des parcs.

Selon l'expérience de la Nouvelle-Zélande et d'ailleurs, une femme d'élevage de cerfs, pour être rentable, doit avoir un cheptel minimal d'environ 400 têtes. Sur la base d'une capacité de charge d'une vingtaine de cerfs à l'hectare avec une bonne gestion, la taille minimale de l'exploitation sera d'environ 20 hectares.

Cette femme sera divisée en parcelles clôturées de 2 ha, de façon à pouvoir séparer les animaux par âge et par sexe. Toutes les parcelles doivent être reliées par des portes et par une allée donnant accès à un parc central, et chacune doit avoir accès à un abreuvoir.

En ce qui concerne la clôture, le point essentiel à retenir est que la conduite du troupeau dépend de la taille des enclos et du degré de sécurité qu'ils offrent. Pour la clôture extérieure, rien n'a changé depuis les premiers élevages de cerfs: elle doit être résistante et sûre, et en règle générale le treillis métallique est préférable aux simples fils de fer tendus entre des pieux, tant du point de vue de la sécurité que parce qu'il constitue une barrière optique (Yerex et Spiers, 1987). Les clôtures périmétrales doivent avoir 2 m de hauteur, il ne faut pas oublier toutefois que, dans des circonstances exceptionnelles, un cerf effrayé peut franchir un obstacle d'une telle hauteur (de Vos, 1982).

En Nouvelle-Zélande, on admet maintenant en général qu'une hauteur de 1,6 m est suffisante pour les clôtures intérieures pourvu que, dans la conduite des animaux, on évite les causes de grande frayeur. Là aussi, le treillis métallique est préférable aux simples fils de fer, en particulier pour les faons. L'emploi de fil de fer peut être nécessaire, cependant, dans les zones accidentées où l'emploi de treillis serait peu pratique.

Pour rendre les déplacements d'animaux aussi aisés que possible, l'emplacement des portes doit être soigneusement étudié. On évitera de les placer au bas d'une pente car un cerf peut sauter par-dessus une barrière très haute s'il prend son élan dans une descente. Les avis sont partagés sur le meilleur emplacement des portes, dans un angle ou au milieu d'un côté de l'enclos. Certains éleveurs soutiennent qu'elles doivent se trouver au milieu d'un côté, de sorte que les animaux puissent s'en éloigner aussi vite que possible. D'autres affirment que des portes de coin sont tout aussi satisfaisantes. Quel que soit l'emplacement choisi, le plus important semble être que les animaux y soient bien habitués. Yerex et Spiers (1987) estiment que le meilleur emplacement pour une porte peut être déterminé en observant où les cerfs ont naturellement tendance à se rassembler.

La règle généralement admise en Nouvelle-Zélande était autrefois que les parcs devaient comporter un parc de tri compartimenté au centre, avec des enclos tout autour pour tenir les animaux. Les idées ont cependant évolué à ce sujet, et certaines femmes très récentes sont dotées d'une simple allée centrale avec un certain nombre de petits enclos de chaque côté. En fait, cette disposition est comparable aux premiers parcs construits, la principale différence étant la petite taille des enclos qui permet de s'occuper facilement des animaux (Yerex et Spiers, 1987).

LA FERME POUR L'ÉLEVAGE DES CERFS devrait être divisée en parcelles clôturées

Les bois des cerfs

UN JEUNE CERF après la coupe de ses cornes

Dans presque toutes les civilisations, l'homme a attaché une signification mystique aux bois des cervidés et aux cornes. C'est ainsi que la légende de la licorne semble être apparue de façon indépendante dans diverses cultures anciennes.

La mention la plus ancienne des vertus médicinales des bois de cerf se trouve dans un manuscrit sur soie découvert dans une tombe chinoise datant de la dynastie Han, il y a à peu près 2000 ans. On y donne des traitements et prescriptions médicales à base de bois de cerf pour 42 maladies différentes.

Depuis lors, des vertus médicinales ont été attribuées aux bois de cerf, et à pratiquement toutes les autres parties de l'animal - moelle osseuse, sang, dents, graisse, chair, pénis, testicules, sperme - dans les cultures orientales. Le cerf est de ce fait l'animal le plus important dans la médecine orientale.

Selon Yoon (1989), des produits tirés du cerf sont prescrits en Corée pour les vertiges, la toux, les palpitations, l'insomnie, l'impuissance, le lumbago, le diabète, les états fébriles.

Bien que la recherche scientifique occidentale visant à établir une base pharmacologique rationnelle pour l'emploi des bois de cerf en velours ait été lente à donner des résultats significatifs, il est difficile d'attribuer sa survivance comme médicament naturel uniquement à l'effet placebo.

Pour préparer le bois de cerf, on commence par brûler les poils formant le velours - la cendre est conservée pour être utilisée comme hémostatique -, puis on découpe le bois en petits morceaux que l'on fait macérer dans l'alcool pendant au moins 24 heures; ensuite, on le broie ou on le coupe en fines tranches, que l'on fait bouillir à feu doux avec des herbes médicinales, et que l'on sert sous forme de potage. Un adulte peut faire jusqu'à 20 traitements par an.

Les vertus curatives du bois de cerf semblent être étroitement lices à sa taille, à sa forme et à son degré de maturité. En conséquence, les prix des bois exportés de Nouvelle-Zélande vont de 240 dollars N.Z. (140 dollars U.S.) à 80 dollars N.Z. (47 dollars U.S.), selon la qualité. Même au plus bas prix, cependant, c'est l'une des denrées agricoles les plus chères produites dans le pays.

Créer un environnement naturel

Pour tenir les cerfs en bon état physique et également pour répondre à leur comportement naturel, il est essentiel de maintenir un environnement présentant le plus possible d'éléments de leur habitat naturel, notamment un certain degré de couvert, leurs plantes fourragères de prédilection et un abreuvement permanent.

En Nouvelle-Zélande, la plupart des élevages de cerfs visent à éloigner les cerfs des forêts et des pâturages naturels, où ils causaient de grands dégâts, pour les installer dans des prairies clôturées. Mais en l'absence de couvert arboré et avec une forte concentration d'animaux, l'érosion a causé de graves dommages dans les fermes d'élevage. Depuis peu, on tend à réintroduire des arbres sur les femmes. Dans la nature, les cerfs sont des habitants des forêts des «bêtes de brout», qui se nourrissent surtout de feuillage et de jeunes pousses d'arbres.

Les arbres peuvent fournir en abondance un fourrage de haute valeur nutritive, tout en protégeant les sols et en régularisant le régime des eaux. Ainsi, Hakkaart (1989) rapporte qu'un éleveur néo-zélandais qui avait planté un réseau de rideaux-abris tout autour de ses enclos a obtenu «une meilleure protection contre les inondations et une meilleure conservation des sols. La protection contre le vent commence à faire sentir ses effets bénéfiques sur les cultures et sur l'enherbement.»

Le couvert arboré est également important pour créer un environnement plus proche des conditions naturelles, et réduire ainsi les risques de stress pour les animaux. A différentes époques de l'année, les cerfs sont soumis à des stress dus à des causes diverses: capture et relâchage, parquage, sevrage, ablation des bois, gestation et mise-bas, etc. Un environnement naturel aide considérablement à réduire le stress, d'où une amélioration de la fécondité et de la santé générale des animaux.

Conduite du troupeau

BOIS DE CERF en velours récemment coupés

La conduite du troupeau exige une bonne connaissance du comportement et des besoins des cerfs, ainsi que des objectifs bien définis, notamment choix entre production de venaison ou de bois en velours, ou des deux. Les méthodes optimales de conduite de l'élevage différent selon l'espèce. En Nouvelle-Zélande, on élève surtout des cerfs d'Europe, des métis de cerf d'Europe et de wapiti, et des daims. Les cervidés que l'on trouve dans d'autres pays de la région Asie-Pacifique, tels que porte-musc (Moschus sp.), rusa deer (Cervus timorensis), cerf axis (C. axis) et sambar (C. unicolor), peuvent avoir des exigences très différentes.

Les décisions que l'éleveur doit prendre dans la gestion de son cheptel concernent notamment le nombre d'animaux à abattre, le moment de l'abattage, la proportion de mâles et de femelles, et la répartition des âges assurant la meilleure rentabilité des investissements. En Nouvelle-Zélande, l'expérience a montré que pour la production de venaison, le meilleur moment pour abattre les cerfs mâles se situe à peu près à l'âge de 15 mois, alors qu'ils ont atteint un poids optimal mais ont encore peu de «suif». Les biches sont éliminées en proportion croissante au fur et à mesure qu'elles vieillissent, à raison d'environ 10 pour cent par an de la population de 2 à 13 ans (Yerex et Spiers, 1987).

Pour la production de venaison de qualité, en particulier pour l'exportation, les installations d'abattage doivent être bien équipées, hygiéniques et contrôlées par les services de santé publique. Les abattoirs destinés aux animaux domestiques tels que bovins et moutons pourraient être utilisés pour les cerfs, mais la réglementation sanitaire s'y oppose et exige des installations destinées exclusivement aux cerfs, ce qui coûte très cher. En Nouvelle-Zélande, des abattoirs pour les cerfs ont été établis par des coopératives d'éleveurs.

Pour ce qui est de la production de bois en velours, il faut tout d'abord bien comprendre ce qu'est le «velours». Les bois du cerf sont des excroissances qui se développent à partir du pivot, structure osseuse permanente qui fait saillie sur le crâne du cerf mâle. Sur le pivot se développe, lors du «refait», un bois recouvert d'une peau finement velue appelée «velours»; tout d'abord de nature cartilagineuse, il s'ossifie ensuite par minéralisation. Lorsqu'il est coupé ou brisé, le bois est capable de se régénérer, et c'est chez les mammifères le tissu qui a la croissance la plus rapide.

Les bois en velours sont très prisés en Asie et en Océanie (voir encadré) pour leurs vertus médicinales et sont un produit d'exportation très profitable pour les éleveurs néo-zélandais, qui les vendent principalement en République de Corée.

Avec les fortes densités d'animaux atteintes dans les élevages, il est de toute façon nécessaire de supprimer les bois pour éviter les risques de blessures; les bois coupés au stade de velours peuvent constituer une importante source supplémentaire de revenus. C'est ainsi qu'en 1988/89 le velours de premier choix se vendait plus de 240 dollars N.Z. (140 dollars U.S.) le kilogramme (Bryant, 1989).

Le stade auquel le bois en velours est coupé est un élément décisif. Si on le coupe trop tôt, il y a perte de poids (et d'argent); si on le coupe trop tard, il y a un risque de calcification et de perte de qualité. En règle générale, les bois sont bons à couper environ 60 jours après l'apparition des «bosses». A ce stade, les bois peuvent peser de 0,5 kg à plus de 2 kg, selon l'espèce; les meilleurs cerfs d'Europe peuvent produire plus de 3 kg de bois en velours en Nouvelle-Zélande.

Pour prélever le bois, il faut tout d'abord anesthésier le cerf, soit totalement soit au moyen d'un anesthésique local injecté juste en arrière des bois. Le procédé le plus courant en Nouvelle-Zélande est l'anesthésie locale avec un produit nommé xylazine, mais la présence d'un vétérinaire est nécessaire. Une fois l'animal insensibilisé, on applique un tourniquet à la base du pivot, et on coupe le bois à petits coups rapides à l'aide d'une scie de boucher en acier inoxydable à fine denture. Il n'est pas nécessaire de laisser le tourniquet en place plus de 20 minutes.

Dès que le bois est coupé, il est étiqueté et suspendu à un ratelier, l'extrémité coupée vers le haut. Un morceau de treillis métallique fait un excellent ratelier. Une fois refroidi, le bois est placé dans un sac en plastiques

TROUPEAU DE JEUNES CERFS prêts à recevoir un traitement médical préventif

Lutte contre les maladies et parasites

Les cervidés sont exposés à de nombreuses maladies virales et bactériennes et à une large gamme de parasites. Avec l'accroissement du nombre d'animaux en captivité, les pertes augmentent si l'on ne prend pas de mesures préventives appropriées. La lutte contre les maladies exige avant tout une bonne prévention, notamment une alimentation convenable, des tests sanitaires et vaccinations, et des potions ou bains antiparasitaires à intervalles réguliers.

L'importance d'une bonne santé générale de la harde est soulignée par le docteur J.C. Thonard, président de la Fédération des éleveurs de cerfs d'Australie:

«Lorsqu'on nous appelle pour diagnostiquer ou traiter une maladie sur un animal, dans une grande proportion des cas..., le cerf malade est victime de sa propre flore microbienne normale, qui a pu proliférer ou se transférer dans d'autres organes parce que la résistance de l'hôte a diminué au point que le délicat équilibre entre hôte et parasite a été faussé au détriment de l'hôte. Même lorsque la maladie est due à des agents pathogènes externes, ses manifestations peuvent être tenues en échec par un animal qui a une résistance optimale et des défenses intactes.

Il appartient donc à l'éleveur de traiter ses animaux de telle sorte qu'ils soient constamment en bonne santé et aient une résistance optimale aux agents infectieux. En dépit de nos interventions d'urgence, la majorité d'entre nous admettent à contrecoeur le bien-fondé du dicton: un cerf malade est un cerf mort. Une bonne prévention vaut donc mieux que le meilleur des traitements.» (Yerex et Spiers, 1987).

Une des menaces les plus sérieuses pour les cerfs en Nouvelle-Zélande est la tuberculose. Cette maladie a été identifiée pour la première fois en 1978 sur des cerfs d'élevage, et en 1989 la Nouvelle-Zélande a adopté un programme de tests obligatoires de la tuberculose; c'est le premier grand pays d'élevage du cerf à prendre une telle mesure (Hakkaart, 1989).

Un programme de médication interne est également nécessaire pour prévenir la strongylose broncho-pulmonaire (bronchite vermineuse) et les parasitoses stomacales chez les jeunes cerfs. En Nouvelle-Zélande, on administre aux cerfs une potion préventive tous les mois, de la douzième semaine à l'âge de neuf mois (de Vos, 1982).

Potentiel de l'élevage de cerfs dans les pays en développement de la région Asie-Pacifique

S'appuyant sur le succès de l'élevage de cerfs en Nouvelle-Zélande et sur la présence de cervidés dans de nombreux pays de la région Asie-Pacifique, plusieurs pays en développement de la région s'intéressent à la création d'élevages sur leur territoire.

Les informations présentées dans cet article montrent qu'un élevage bien conduit de cervidés demande un investissement initial élevé, un personnel qualifié et une superficie et des effectifs de cerfs suffisants pour que l'opération soit rentable. En outre, il faut assurer des débouchés permanents pour les produits et des prix suffisamment élevés. On doit pour cela mettre en place une organisation pour la commercialisation. En Nouvelle-Zélande, par exemple, la commercialisation est assurée par la Deer Farmers' Association Inc., qui informe également les producteurs de l'évolution du marché mondial.

La Consultation internationale sur les ressources de la faune au service du développement rural, qui s'est tenue en juillet 1980 à Hyderabad (Inde), considérant la complexité de l'élevage d'animaux sauvages, a noté que:

«pour réussir et être rentable, un tel élevage doit faire appel à des espèces animales soigneusement choisies; il exige des connaissances approfondies sur des aspects tels que taux de reproduction, rendement en viande, résistance aux maladies, comportement en conditions d'élevage, facilité d'élevage, qualité des produits, débouchés pour les produits, économie de l'entreprise» (FAO, 1981).

ÉLEVAGE PILOTE de cerfs mâles en Thaïlande

Le projet pilote thaïlandais d'élevage de cervidés

Cette consultation avait recommandé que la FAO apporte son assistance à la création d'élevages d'animaux sauvages. Comme suite à cette recommandation, et à la demande du Gouvernement thaïlandais, la FAO a, au titre de son Programme de coopération technique (PCT), aidé à la création d'un élevage dans le refuge de faune de Khao Soi Dao, dans la province de Chanthaburi, qui a démarré en octobre 1985.

Quatre-vingts pour cent de la population thaïlandaise vivent dans les zones rurales, où sévissent la malnutrition et de graves carences protéiques. La faune sauvage riche et variée était traditionnellement une importante source de protéines pour les populations rurales, mais cette ressource s'est fortement amenuisée depuis une trentaine d'années par suite de la chasse incontrôlée et du déboisement.

Néanmoins, en dépit de la raréfaction du gibier, les populations rurales restent largement tributaires de la viande de brousse pour leur alimentation protéique. On estime par exemple que cette viande fournit 80 pour cent de la ration de protéines des villageois de la province de Chanthaburi (FAO, 1986).

Au voisinage du refuge de faune, on compte quelque 35 villages de 50 familles chacun en moyenne. Chaque famille dispose d'environ 2 ha de terre. Les principales cultures sont le maïs, les légumes et les fruits; les animaux domestiques sont les volailles et quelques bovins.

L'objectif général du PCT était de lancer un élevage pilote de cervidés pour améliorer les ressources alimentaires de la population rurale et les revenus des ménages grâce à l'exploitation rationnelle de la faune sauvage. Ce devait aussi être un projet de démonstration que les villageois pourraient aller voir sur place.

Choix des espèces

On trouve en Thaïlande cinq espèces de cervidés: le sambar, le cerf-cochon (Cervus porcinus), le thameng (Cervus eldi), le muntjac (Muntiacus muntjak) et le chevrotain (Tragulus sp.). Le sambar, le muntjac et le chevrotain sont largement répandus, mais les deux derniers ont été considérés comme trop petits et fragiles pour l'élevage. Les cerfs-cochons sont rares à l'état sauvage, mais il en existe des effectifs suffisants dans les zoos et les centres de propagation d'animaux sauvages. Quant au thameng (encore appelé thamin ou cerf d'Eld), il est en voie d'extinction, sinon totalement disparu.

Le sambar a été considéré comme l'espèce la plus appropriée, en raison de sa grande taille, de son abondance à l'état sauvage et de la dimension de ses bois. On a d'autre part une bonne documentation sur sa biologie et son écologie.

Le cerf-cochon, bien que de plus petite taille, a aussi été retenu parce qu'il s'adapte bien aux formations graminéennes de bambous et d'Imperata qui succèdent à la culture sur brûlis (Miller, 1975). En outre, sa venaison est très appréciée par la population locale.

Activités et résultats du projet

En octobre-novembre 1985, on a choisi un site pour la ferme d'élevage, et on y a installé une clôture périmétrale ainsi qu'un compartimentage intérieur.

La FAO a fourni une formation en matière de techniques d'élevage des cerfs, notamment méthodes de domestication, conduite du troupeau, aménagement pastoral et capture. Une attention particulière a été apportée au suivi et à l'enregistrement des résultats.

Chaque cerf a reçu une marque d'oreille numérotée, et on a noté avec soin les espèces de plantes spontanées consommées ainsi que les compléments de fourrage apportés, l'état physiologique de chaque animal, la rapidité de croissance, le taux de reproduction, la pathologie, etc.

Outre la production intensive de viande, le projet s'intéressait à la production de bois en velours.

Les résultats du projet pilote et les observations recueillies dans les petits élevages privés démontrent clairement le potentiel de l'élevage de cerfs, tant pour la production alimentaire que pour les revenus qu'il procure. Toutefois, la législation en vigueur, destinée à réprimer la chasse illicite, restreint la vente des cerfs et de leur venaison autrement que par les autorités officielles. Le gouvernement étudie actuellement les modifications à apporter à la législation afin de permettre la création d'élevages de cerfs privés ou communautaires.

Facteurs à prendre en compte avant d'entreprendre un élevage de cerfs

Avant de se lancer dans l'élevage des cerfs, on doit absolument procéder à une analyse coûts/avantages sur la base des meilleures informations disponibles. Les données de base d'une telle analyse comprendront les éléments suivants:

· Dépenses en capital: prix d'achat (ou de location) du terrain; prix d'achat des cerfs; frais de transport; dépenses d'amélioration foncière; prix des machines et des équipements;

· Frais fixes: frais généraux; entretien et renouvellement des machines; frais de gestion et de main-d'œuvre; frais de nourriture et de vétérinaire; fonctionnement et entretien des véhicules; frais de commercialisation;

· Recettes provenant de la vente de venaison, de bois, de peaux et autres produits.

On évaluera en outre les coefficients suivants concernant la productivité: durée de vie utile des animaux, première mise-bas, taux de reproduction, taux de sevrage, poids vif. Il faudra aussi disposer de données sur la mortalité, le nombre d'animaux commercialisables, le rendement en venaison, le poids des carcasses. La disponibilité de personnel qualifié et la participation active de la population rurale sont également des conditions importantes.

Les frais de premier établissement pour lancer un élevage de cerfs seront en général considérables par rapport aux normes locales, et des prêts ou subventions seront nécessaires pour le démarrage. Il semble donc évident que les autorités nationales ou une organisation internationale devront intervenir de façon suivie pour aider au développement de l'entreprise, en suivre les résultats et aplanir les difficultés, notamment rechercher des débouchés et supprimer les obstacles juridiques.

Des projets de démonstration seraient utiles pour convaincre la population rurale de la viabilité de femmes d'élevage de cerfs dans leur région. On pourrait aussi lancer des coopératives sous contrôle du gouvernement, qui passeraient ensuite éventuellement au secteur privé.

Pour l'auteur, il ne fait aucun doute que l'élevage de cerfs est techniquement viable dans les pays en développement. Il existe une demande pour les produits de cet élevage qui ne peut qu'augmenter avec la croissance démographique. Il y a à l'heure actuelle de nombreuses zones marginales pour l'agriculture et l'élevage classique, où l'élevage de cerfs pourrait s'avérer une forme appropriée de mise en valeur. L'unité de démonstration du Centre de propagation et de développement de la faune sauvage de Khao Soi Dao en Thaïlande, qui a donné jusqu'ici des résultats encourageants, offre un exemple qui pourrait être suivi par d'autres pays de la région Asie-Pacifique.

Bibliographie

Bryant, D. 1989. Velveters lot a pretty happy one. The Deer Farmer, No. 54 (February 1989): 11.

De Vos, A. 1982. Deer farming: guidelines on practical aspects. FAO Animal Production and Health Paper No. 27. Rome.

FAO. 1981. Proceedings of the International Consultation on Wildlife Resources for Rural Development. Rome.

FAO. 1986. Deer farming in Thailand. FO (TCP/THA/4511). Field Document No. 1. Rome.

Hakkaart, L. 1989. Deer put back in the woods: why one Wairarapa farmer is going against the grain. The Deer Farmer, No. 56 (April 1989): 27-29.

Miller, R. 1975. Notes on the behaviour of hog deer in an enclosure. Nat. Hist. Bull. Siam Soc., 6 (1-2): 105-131.

Thorley, A. 1989. The Cinderella sector: deer farming in good shape as it nears the end of an eventful decade. The Deer Farmer, No. 54 (February 1989): 31.

Yerex, D. & Spiers, I. 1987. Modern deer farm management. Carterton, New Zealand, Ampersand Publishing Associates Ltd.

Yoon, P. 1989. Some mysteries of the East revealed: why deer is the most important animal in Oriental medicine. The Deer Farmer, No. 58 (June 1989):17-23.


Page précédente Début de page Page suivante