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Evaluation des ressources forestières mondiales en 1990: Vue d'ensemble

K. Janz

Klaus Janz est forestier principal (évaluation et surveillance des ressources) au Département des forêts de la FAO.

L'évaluation des ressources forestières globales des pays tropicaux et des pays industrialisés entreprise en 1990 par la FAO, est achevée. Celle des pays en développement non tropicaux, encore manquante sera bientôt faite. Le moment est venu de poser un certain nombre de questions. Qu'est-ce qui a été accompli? A qui ce travail est-il utile? Parmi les leçons tirées de cette expérience, lesquelles peut-on appliquer aux évaluations futures?

Comme point de départ, il n'est peut-être pas inutile de faire quelques remarques générales sur les types de résultats que donnent les évaluations mondiales des ressources forestières et sur les bénéficiaires visés par ces évaluations. La publication des données obtenues sous forme de statistiques et de cartes est un des résultats les plus visibles. Le processus d'évaluation des ressources forestières a un résultat moins visible: il s'agit de l'expérience acquise dans les pays au cours des différentes phases du rassemblement et de l'analyse des données, c'est-à-dire de la création ou du renforcement de la capacité des pays (en particulier les pays en développement) à recueillir les informations nécessaires pour la planification et le suivi de leur propre secteur forestier. L'évaluation de 1990 a permis d'agir dans ce sens, d'une part grâce à des ateliers régionaux dans lesquels la méthodologie d'interprétation des données satellite était mise à l'essai et diffusée, d'autre part grâce à un dialogue actif à l'occasion du rassemblement des informations de départ.

Depuis 10 ans, les ressources forestières des pays industrialisés se sont accrues, tant en superficie qu'en volume

Ainsi, les bénéficiaires des évaluations des ressources forestières mondiales sont à la fois ceux qui utilisent les résultats publics et ceux qui tirent profit du processus. En ce qui concerne les résultats publiés, il faut noter qu'ils sont destinés à des utilisateurs et à des utilisations au niveau international (il en sera question plus loin). Ici, il suffit de préciser que les résultats des évaluations mondiales ne sont utiles pour la planification nationale que dans la mesure où la connaissance de la situation forestière d'autres pays influe sur les stratégies nationales. Les inventaires forestiers en vue de la planification des forêts aux niveaux national et local sont entrepris - et continueront à l'être - par les pays mêmes, avec ou sans aide technique ou financière extérieure.

L'évaluation concernant les pays en développement a essentiellement fourni des informations sur la superficie boisée en 1990, et sur les changements intervenus depuis 1980. Ces informations sont présentées par pays et par zone écofloristique. Les informations comportent une ventilation simple liée au type et à la qualité de la forêt.

Pour les pays industrialisés, l'évaluation a fourni des informations sur l'état et les changements, qui ne correspondent pas exactement à une année ou à une période donnée. D'autre part, les informations couvrent une gamme bien plus large de sujets, tels que la superficie par classe d'âge, le mode de propriété et d'aménagement, les peuplements sur pied, la croissance annuelle et les coupes annuelles. Pour les pays en développement, l'accent a été mis sur l'évaluation du changement de la superficie, tandis que pour les pays industrialisés il a porté sur la structure et l'utilisation des forêts. Il s'agit d'informations à utiliser au niveau international. L'unité la plus petite pour l'établissement de rapports est le pays: ainsi, les informations ne sont pas assez détaillées pour être utilisées au niveau national.

L'évaluation pour les pays en développement a également donné une assez bonne idée du type d'informations disponibles au niveau national. Il apparaît que seulement un petit nombre de pays en développement possèdent des informations suffisantes pour bien planifier les programmes nationaux de foresterie et d'utilisation des terres.

Le développement des capacités nationales à interpréter les images satellite à haute résolution constitue un aspect important de l'évaluation des ressources forestières. Ce développement a été, des le début, un des buts des évaluations et prendra davantage d'importance dans la prochaine évaluation mondiale. Il répond à de grandes directives formulées par la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), qui s'est tenue à Rio de Janeiro en 1992. Dans Action 21, la partie D du programme du chapitre 11. Lutte contre le déboisement, s'intitule «Création et/ou renforcement des capacités de planification, d'évaluation et d'observation systématique des forêt, ainsi que des programmes, projets et activités connexes». Dans ce domaine, l'évaluation et l'observation systématique se situent clairement dans le contexte de la planification à long terme, de l'étude des effets de la création des capacités nationales et de la correction des insuffisances. Il faut noter que le développement des capacités nationales est un aspect souvent négligé de l'aménagement, la conservation et la mise en valeur des ressources forestières. Il faudrait modifier cette situation, comme on le verra.

Dans les pays en développement, le déboisement s'est poursuivi et même accéléré

Les objectifs de l'évaluation de 1990 pour les pays en développement ont été approfondis et élargis après un modeste départ en 1989, grâce à un soutien supplémentaire des donateurs. La méthodologie a elle aussi évolué au cours du processus. Les possibilités d'évaluation des variations se sont notamment améliorées. En conséquence, des informations de base de sources varices et de dates différentes ont pu être utilisées avec succès pour donner un tableau mondial correspondant à une année ou à une période spécifiques. En particulier, les nouvelles méthodes mises au point ont permis d'établir une «matrice de changement» produite à l'aide d'informations satellite de plusieurs dates, qui décrit approximativement l'orientation des changements dans les types de couvert végétal. La technique utilisée consiste à superposer des images satellite à haute résolution prises à deux dates différentes et sur lesquelles une classification des terres a été opérée pour un grand nombre de points d'un quadrillage. Les changements de catégorie de terre sont représentés dans la matrice de changement. Les données satellite utilisées constituent un échantillon représentatif de la zone tropicale. Ces informations apportent une contribution vraiment neuve pour comprendre le processus de déboisement. De plus, elles fournissent une quantification de la dégradation, déduite de la fréquence du changement de haute à faible densité forestière ou de forêts continues à un modèle fragmenté.

L'évaluation des ressources forestières se fait maintenant en associant l'analyse de données provenant du terrain à l'analyse de données de la télédétection

Résultats et analyse

A l'heure où nous écrivons, l'analyse des résultats de l'évaluation a à peine commencé, mais un certain nombre d'observations peuvent déjà être faites. Les ressources forestières des pays industrialisés augmentent légèrement si elles sont mesurées en unités de superficie, et considérablement si elles sont mesurées en unités de volume Comme le montrent Korotkov et Peck, cela ne signifie pas nécessairement que d'autres caractéristiques des forêt, se soient aussi améliorées. Les responsables forestiers devraient se demander clans quelle mesure l'augmentation du volume de bois sur pied, qui a été notable dans certaines zones, devrait pouvoir continuer, et comment influer sur ce processus.

Dans les pays tropicaux, l'intérêt s'est concentré sur le taux global de déboisement. Pour la décennie 1980-1990, ce taux a été estimé à 15,4 millions d'ha par an, contre 11,4 millions d'ha par an vers 1980, selon l'estimation précédente. Même en tenant compte de la possibilité d'une sous-estimation lors de la précédente évaluation, il est clair que le déboisement s'est accéléré par rapport au taux antérieur, déjà alarmant. Pour mieux comprendre la situation, il est particulièrement révélateur d'étudier les données concernant les zones forestières restantes et le taux de déboisement dans différentes zones écologiques, ainsi que la densité et la croissance de la population, une telle analyse révèle que, en zone de forêt tropicale humide de plaine, les forêts recouvrent encore en moyenne 76 pour cent de la superficie des terres (moins en Asie). Dans ces zones, la densité et la croissance de la population, ainsi que le taux de déboisement, se situent au-dessous de la moyenne pour les pays tropicaux. Les taux de déboisement les plus élevés se rencontrent en région de montagne (800 m ou plus au-dessus du niveau de la mer); là, les forêts restantes couvrent seulement 29 pour cent de la superficie totale des terres. Ces régions ont une densité et une croissance de la population relativement élevées.

La possibilité d'établir un lien entre le déboisement et les zones écologiques ou la densité de la population mérite une analyse détaillée, étant donné que ce lien facilite la compréhension du processus et de ses causes. Les résultats de cette analyse seront utiles pour une bonne mise au point des politiques de développement Les données quantitatives concernant les rapports entre différentes forêts du point de vue du déboisement peuvent également finir par influencer les débats publics qui se sont axés d'une manière parfois exagérée sur les forêt, tropicales humides.

Au sujet de l'importante question de l'état des informations, l'évaluation a révélé que, tandis que 86 pays tropicaux sur 104 au total pouvaient fournir des informations sur la superficie des forêt, au niveau national, dans seulement 41 de ces pays les informations dataient d'après 1980, et seuls 14 pays possédaient des informations sur le volume de bois sur pied au niveau national. Il semble donc que très peu de pays tropicaux possèdent les informations nécessaires pour une planification efficace des forêts nationales et des programmes d'utilisation des terres. Cela a sans aucun doute amené le Comité des forêts (COFO) de la FAO à estimer que le prochain programme d'évaluation mondiale des forêts de l'Organisation devrait comporter un élément important de création de capacités dans les pays.

Utilisations et utilisateurs

L'évaluation des ressources forestières de 1990 est mondiale et s'adresse à des utilisations et à des utilisateurs au niveau international Lors des premières années d'existence de la FAO, l'Inventaire mondial des forêts représentait un point important de l'ordre du jour de la Conférence, organe suprême de l'Organisation. L'idée maîtresse, durant ces années, était l'observation permanente de la capacité des forêts à produire du bois. On assistait alors à une demande croissante du bois industriel et on craignait que les forêts ne soient surexploitées. On pensait que des inventaires répétés permettraient de déceler des changements, et que la connaissance de ces changements servirait de base pour formuler des directives judicieuses pour les politiques forestières nationales. L'expérience a révélé que les inventaires répétés n'étaient pas suffisants pour permettre de détecter les changements, et en particulier les variations de la capacité de production. Des méthodes spéciales d'identification des variations de la superficie forestière ont été appliquées lors des évaluations mondiales de 1980 et 1990, mais elles ne couvrent pas encore les variations de la capacité de production.

Récemment, la communauté internationale s'est préoccupée davantage du déboisement et de la dégradation des forêts des pays en développement. Cette question a dominé les évaluations de 1980 et 1990 pour ces pays. En même temps, les pays industrialisés prenaient de plus en plus conscience de deux phénomènes différents: une base croissante de ressources pour la majorité des pays: et l'effet potentiel de la pollution de l'air sur la santé des forêts. Le premier a influé sur l'évaluation pour le groupe de pays concernés, tandis que le deuxième est devenu l'objet d'observations au niveau international, indépendamment des évaluations mondiales des ressources forestières [NDLR: voir l'article de Kandler].

Les utilisateurs et les utilisations des informations rassemblées ne sont pas faciles à identifier. Cependant, on peut distinguer trois groupes principaux d'utilisateurs:

Les planificateurs et les décideurs dans le secteur des forêts et les secteurs de développement connexes. Ce groupe comprend les planificateurs travaillant au niveau national, par exemple ceux qui ont besoin d'informations sur la production, la consommation, les marchés et le commerce internationaux des produits du bois pour la planification du secteur forestier national: et les planificateurs travaillant avec des organisations internationales ou des organismes multilatéraux et bilatéraux s'occupant de la coopération au développement. Les planificateurs ont besoin de précision dans le cas de paramètres importants, par exemple les données au niveau sous-régional (l'ensemble des pays tropicaux comprend 13 sous-régions). Les rapports devraient être établis par pays, bien que l'objectif ne soit pas de fournir des informations d'une précision suffisante pour la planification au niveau national.

La communauté scientifique des universités et des équipes de recherche nationales et internationales. Les besoins d'informations sur les ressources forestières de la communauté scientifique sont principalement liés, tout d'abord, au potentiel d'offre au sens large, c'est-à-dire à la mesure dans laquelle les forêts et les ressources forestières peuvent continuer à satisfaire les besoins des populations, ensuite, aux processus dynamiques tels que le déboisement et la dégradation des forêts ainsi que l'effet qu'ils peuvent avoir sur le changement climatique, la biodiversité et leurs causes. La communauté scientifique sert également d'intermédiaire entre les producteurs d'informations de base et les autres utilisateurs qui ont besoin des informations faciles à assimiler. Elle participe à l'élaboration des méthodes d'évaluation.

Le grand public. Ici, il est nécessaire de sensibiliser et d'informer les gens aussi objectivement que possible sur l'état et l'évolution des forêts et des ressources forestières. Cela peut se faire par le biais des médias et de toutes les formes d'enseignement, particulièrement l'enseigne ment écologique dans les écoles primaires et secondaires. L'opinion publique, qu'elle parie ou non d'informations exactes, influence les politiciens et est donc importante.

Une organisation telle que la FAO peut rassembler des informations et les communiquer à un public relativement limité, mais elle ne peut pas contrôler les courants d'informations qui atteignent le grand public. Ces courants passent par un réseau complexe et très variable d'intermédiaires qui suivent leurs propres règles et qui peuvent avoir des intérêts particuliers, et il n'est pas certain que l'interprétation correcte et impartiale des informations de base soit toujours jugée primordiale. De toute façon, on peut constater que les informations qui atteignent le grand public sont parfois déformées. Il est nécessaire d'étudier comment les activités d'information de la FAO pourraient atteindre plus efficacement ce groupe d'intermédiaires.

Le renforcement des capacités nationales en matière d'évaluation des ressources forestières, notamment en ce qui concerne l'analyse des données de la télédétection, doit être une priorité pour l'assistance au développement

Leçons tirées du passé et plans d'avenir

L'évaluation des ressources forestières de 1990 donne une assez bonne description - en tout état de cause, la meilleure qui existe - de la superficie forestière actuelle et des changements qu'elle a subis entre 1980 et 1990. Ces informations ne sont cependant pas suffisantes pour apporter des réponses aux questions soulevées au niveau international concernant la façon dont les forêt, remplissent leurs diverses fonctions, en particulier pour savoir comment et pourquoi leur capacité de le faire est en train de changer. La qualité des ressources forestières est fondée sur toute une série complexe de facteurs, dont les changements ne peuvent être décrits à l'aide d'un seul indicateur (comme le déboisement), mais seulement facteur par facteur. Par exemple, après une forte dégradation (comme la perte de la majeure partie de la biomasse), un terrain peut encore être classe comme forêt. En outre, un changement donné peut avoir un effet positif sur une fonction et un effet négatif sur une autre, ce qui accentue encore la complexité de l'évolution. Ainsi, la plantation en monoculture d'essences à croissance rapide produit du bois industriel de valeur et emmagasine, en moyenne par rotation, une grande quantité de carbone. Mais, selon le type de végétation antérieure et la superficie plantée, elle peut entraîner une perte de biodiversité.

La coopération des utilisateurs et des milieux scientifiques est nécessaire pour identifier les facteurs pertinents, et donner des avis sur les méthodes de description de ces facteurs dans le contexte d'une évaluation forestière mondiale. Les travaux ont été commencés sur des composantes qui ont trait à la biomasse, à la biodiversité et aux sols. Grâce à la coopération généreuse de nombreux scientifiques, le rapport d'évaluation de 1990 comporte des parties qui montrent ce qui peut être accompli avec les instruments et les moyens actuellement disponibles. On s'efforce d'inclure une évaluation plus directe et plus spécifique des informations concernant ces problèmes.

Le programme d'évaluation des ressources forestières mondiales de la FAO est - et continuera à être - établi à partir de données provenant de multiples sources, en particulier à partir des recommandations formulées par les organes directeurs de l'Organisation, de l'esprit et des clauses du programme Action 21, des leçons tirées de l'évaluation de 1990, de recommandations de réunions et d'études d'experts concernant l'évaluation de 1990, et de la pression générale du grand public transmise par les médias et les milieux scientifiques. Les objectifs et les méthodes de l'évaluation de 1990 ont été jugés fondamentalement bons, mais il est évidemment nécessaire de mettre l'accent sur la création et le renforcement des capacités nationales, et sur l'identification et l'introduction de nouveaux paramètres se rapportant aux problèmes mondiaux de développement et d'environnement.

En conséquence, la FAO a l'intention d'adopter une approche quadruple pour son programme d'évaluation des ressources forestières:

i) Recueillir et analyser Les données sur les ressources forestières disponibles au niveau national, et soumettre régulièrement à la communauté internationale des rapports comparables. Le projet actuel a permis d'établir le Système d'information sur les ressources forestières (FORIS) et un modèle qui peut servir d'instrument de base pour cette activité. Des données de satellites à faible résolution seront utilisées pour combler les lacunes et vérifier les données nationales.

ii) Constituer et renforcer la capacité nationale de mener des enquêtes ou des études pour une planification et un suivi efficaces de la mise en valeur des ressources forestières nationales, et d'améliorer progressivement la qualité et la pertinence des informations nationales pour pouvoir Les utiliser au niveau mondial.

iii) Evaluer l'état et les variations des ressources forestières au moyen d'un échantillon représentatif de données obtenues par télédétection à haute résolution, en coopération avec les Etats Membres concernés. On peut pour cela utiliser la méthodologie mise au point par le projet de 1990 [NDLR: voir l'article de Singh]. Dans ce contexte, l'absence d'études systématiques sur le terrain pour étayer l'interprétation des données satellite pose un problème. Par conséquent, les connaissances techniques et la capacité des Etats Membres sont des éléments essentiels pour cette activité.

iv) Identifier des paramètres intéressant l'environnement, tels que biomasse, biodiversité et dégradation des terres, et élaborer des méthodes et des aménagements institutionnels pour les intégrer dans les évaluations forestières. La question est à présent abordée en étroite collaboration avec le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) dans le cadre du Plan vigie qui englobe tout le système des Nations Unies.

On s'est demandé si l'élargissement de l'évaluation mondiale des ressources forestières pour y inclure certains aspects de l'environnement, un renforcement des capacités nationales et des études diverses n'entraverait pas la réalisation de l'objectif principal, qui est de fournir des informations à jour, pertinentes et fiables sur les ressources forestières En principe, l'activité fondamentale de ce programme devrait être de recueillir, analyser, interpréter et diffuser Les informations pertinentes. Cela implique que la FAO soit très attentive à l'évolution des besoins et qu'elle adapte l'ensemble des paramètres à évaluer en conséquence. Comme dans le passe, l'évaluation des ressources forestières aura tendance à être de plus en plus complexe, et cela nécessitera une combinaison de méthodes plus efficaces et de ressources appropriées. Les progrès méthodologiques seront utiles pour toutes les évaluations, du niveau mondial au niveau local.

Beaucoup de pays membres de la FAO mettent l'accent sur le développement des capacités nationales. Dans un examen récent de l'évaluation de 1990, il est explicitement recommandé que le programme d'évaluation des ressources forestières de la FAO insiste davantage sur ce point. Cette tâche fait certainement partie du mandat de la FAO. Il reste à savoir si elle doit être comprise dans le programme d'évaluation des ressources forestières lui-même, et dans quelle mesure. Cette question est également en rapport avec une autre: quels utilisateurs la FAO devrait-elle écouter - ceux qui réclament des chiffres mondiaux rapides sur une seule grande question (comme le déboisement actuellement) à brefs intervalles, ou bien ceux qui souhaitent en priorité promouvoir le développement d'une meilleure information de base au niveau national? Les deux partis cherchent énergiquement à faire entendre leur voix à la FAO.

Etant donné les limitations de ses ressources, la FAO ne saurait accepter totalement ces deux démarches. La méthode rapide est plus simple et probablement meilleure pour ce qui est de l'information du grand public (d'autant plus qu'on s'imagine souvent que le simple fait de connaître le taux mondial de déboisement permet de résoudre les problèmes des forêts tropicales). Travailler au développement des capacités nationales exige beaucoup de patience et d'énergie. Ce qu'il n'est pas facile de savoir, c'est dans quels cas et dans quelle mesure l'apport de résultats rapides à courts intervalles a un effet de goulet d'étranglement sur les travaux de politiques et de planification entrepris au niveau international. En quoi la stratégie des activités forestières internationales changera-t-elle vraiment si l'équipe de planification sait que le déboisement annuel des pays tropicaux atteint actuellement 15,4 millions et non 11,4 millions d'ha?

Dans ses futures évaluations des ressources forestières, la FAO a prévu de mettre désormais l'accent sur le développement des capacités nationales - et ce, pour de nombreuses raisons. L'une d'elles réside dans le fait qu'elle a pour mission, d'une façon générale, d'apporter une assistance aux pays. L'idée fondamentale est que l'information à elle seule ne résoud pas les problèmes, mais qu'elle doit être replacée dans son contexte et mise en pratique. Le développement des capacités nationales est un premier pas vers la réalisation de cet objectif. Il devrait expressément comprendre un élément permettant de mobiliser l'attention sur les problèmes nationaux et internationaux de planification - et par là même, sur les besoins essentiels en matière d'information, une autre raison est que la FAO est en position de force dans ses contacts avec les pays, du fait qu'elle est acceptée en tant que partenaire neutre et qu'elle est présente dans tous les pays en développement possédant d'importantes ressources forestières, pays avec lesquels elle coopère de façon suivie.

La FAO a également orienté son programme vers l'évaluation dont elle a fait une activité continue. Cela signifie que la base de données FORIS devra être mise à jour en permanence, à mesure que de nouveaux renseignements deviendront disponibles et qu'un échantillon couvrant la zone tropicale tout entière sera prélevé chaque année. Des bilans complets seront dressés à intervalles réguliers de cinq ans au maximum car cela exige des efforts particuliers, comme la normalisation des informations de base FORIS. Des rapports intérimaires pourront être établis à intervalles plus rapproches. Pour que ces idées deviennent réalité, il faudrait disposer d'un financement suffisant. La FAO projette de créer, à son siège, un poste supplémentaire pour l'évaluation des ressources forestières, qui sera imputé sur son budget ordinaire, et, d'après de premiers indices, les donateurs semblent également intéressés par ces initiatives.

Coordination des activités

L'évaluation des ressources forestières mondiales est devenue une tâche de plus en plus complexe, qui nécessite une mobilisation accrue des moyens humains et financiers. En même temps, nombreux sont ceux qui agissent dans ce domaine au sein d'institutions nationales et internationales. Une bonne coordination des différentes activités devient de plus en plus importantes, notamment dans l'intérêt des divers participants. Cependant, pour attirer les financements, chaque participant met en valeur son caractère unique, et en fait personne ne veut être «coordonné», même s'il existe une volonté générale de coopération. Une initiative a été lancée par le PNUE et la FAO en vue de recenser les différents participants, en indiquant la portée et la teneur de leurs activités. Le simple fait qu'une telle enquête a été effectuée devrait permettre d'éviter, en grande partie, les chevauchements d'activités et faciliter l'échange d'informations utiles. Il faudrait s'assurer que les résultats de l'enquête soient aussi distribués aux organismes de financement.

Rôle de la FAO

La collecte de données sur la foresterie et la planification internationale clans ce domaine est une tâche immense, qui représente un réel défi. Les ressources dont on dispose sont jugées insuffisantes en regard du travail à accomplir. Cela apparaît de façon particulièrement évidente lorsqu'on voit la nouvelle importance que la CNUED accorde à cet aspect. Comme on l'a évoqué plus haut, les participants sont nombreux dans ce domaine, chacun ayant sa propre formation et ses compétences spécifiques, et c'est pourquoi il est d'autant plus justifié de définir avec précision le rôle de la FAO.

Deux considérations viennent à l'esprit si l'on essaie de déterminer quels sont les «avantages comparatifs» de la FAO. Les pays membres qui, aux termes de l'Acte constitutif de la FAO, ont confié à l'Organisation la lâche de rassembler, analyser, interpréter et diffuser des renseignements sur les forêts - tâche sans cesse réaffirmée par ses organes directeurs sont toujours prêts, de ce fait, à lui donner accès à leurs registres. C'est cette facilité d'accès, au sens large du terme, qui est la première considération. Représentant presque tous les pays du monde, la FAO se sent d'une certaine façon «chez elle» dans chacun d'entre eux. La seconde considération dérive de ce caractère universel: la FAO est neutre, et par conséquent l'objectivité de son rôle d'information est facilitée. L'Organisation et son personnel n'ont pas d'intérêts à protéger et ne sont influencés par aucun groupe de pays, ni par aucune formation politique ou géopolitique.

Tout cela implique que la FAO, à l'instar des autres organisations des Nations Unies, possède une force particulière en ce sens que les méthodes qu'elle utilise exigent la collaboration de tous les pays. Dans cette optique, le programme à long terme de la FAO pour le développement des capacités, décrit ci-dessus, semble particulièrement adapté. Si, par ailleurs, l'objectif est de répondre rapidement à de nouvelles questions, dont la portée est limitée tant sur le plan géographique que sur celui des problèmes à résoudre, d'autres organisations semblent alors mieux adaptées à la tâche du fait qu'elles possèdent la souplesse d'action nécessaire pour réaffecter leur personnel à de nouvelles fonctions et acquérir les équipements requis dans des délais raisonnables.


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