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Le sylvopastoralisme: Solution appropriée à l'aménagement du milieu au Burundi


Intégration de l'élevage à l'agriculture
Association de l'élevage ovin aux reboisements et aux palmeraies
Matériel et méthodes
Description des sites
Résultats et commentaires
Avenir de l'élevage ovin sous bois et sous palmeraie au Burundi
Conclusion

R. Branckaert et J. Mbayahaga

Le docteur Branckaert est spécialiste de la production animale (petits animaux) à la Division de la production et de la santé animales de la FAO. De 1978 à 1990, il était Chef du Département de zootechnie et Directeur du Centre universitaire de recherches sur le petit élevage à la Faculté des sciences agronomiques de l'Université du Burundi. J. Mbayahaga est ingénieur agronome et assistant au Département de zootechnie de la Faculté des sciences agronomiques de l'Université du Burundi. Il termine actuellement un doctorat en sciences sur la physiologie de la reproduction de la brebis d'Afrique de l'Est.

L'érosion des bassins versants représente une menace grandissante pour la fertilité des terres du Burundi, pays aux mille et une collines au cœur de l'Afrique tropicale humide des hauts plateaux.

Depuis une quinzaine d'années, les pouvoirs publics s'attellent à la conservation des eaux et des sols par le reboisement des crêtes et des bassins versants, l'introduction de l'agroforesterie dans les agrosystèmes cultivés et l'intégration de l'élevage à l'agriculture. Cet aménagement agroforestier suscite des conflits d'intérêts entre services d'aménagement et éleveurs. En effet, les vastes superficies reboisées, anciens parcours naturels communautaires ont acquis un statut domanial et, de ce fait, le bétail villageois n'a plus accès à l'herbe sous bois.

En outre, dans un contexte de démographie galopante, les pâturages s'amenuisent au profit des terres cultivées. Déjà en 1982, les pâturages ne se limitaient plus qu'à 760 900 ha, et les projections pour l'an 2000 prévoyaient une réduction ultérieure de près de 90 pour cent (tableau 1).

Enfin, ces parcours naturels, base traditionnelle de l'alimentation animale, s'appauvrissent irrévocablement en principes bromatologiques. Ils se limitent, en effet, de plus en plus aux terres les plus marginales, aux sols peu fertiles, où des espèces de faible valeur alimentaire (Eragrostis sp., Loudetia sp., Sporobolus sp., etc.) ont progressivement remplacé les bonnes graminées fourragères telles que Exotheca abyssinica et Hyparrhenia sp. qui formaient auparavant la base floristique des parcours communautaires (Branckaert, Habonimana et Mbayahaga, 1990). Cette substitution insidieuse sur des sols dégradés a été favorisée par le surpâturage et les feux incontrôlés.

Dans ces conditions, les bovins sont de plus en plus délaissés au profit des petites espèces: ruminants et monogastriques, mieux à même de valoriser les rares espaces encore disponibles, ainsi que les sous-produits agricoles, les résidus de culture et les écarts de récolte disponibles dans l'exploitation familiale.

Le déclin de l'effectif de gros bétail serait compensé par un accroissement significatif des troupeaux caprin et ovin. Toutefois, en l'absence de statistiques officielles fiables, il convient de considérer cette tendance avec prudence. En effet, les petits ruminants ne sont l'objet que d'un intérêt très récent de la part des services officiels de l'élevage, de sorte que les rares informations disponibles proviennent de projets de développement ayant un volet petits ruminants.

Avec une population de 5 356 268 habitants (Ministère de l'intérieur et du développement des communes, 1990), rurale à plus de 90 pour cent, et un taux d'accroissement annuel de 3 pour cent pour 2 594 268 ha de terres nationales (ISABU, 1983), il est normal que les problèmes d'exiguïté de la propriété agropastorale se fassent sentir avec acuité.

Face à ces contraintes, deux types de solutions sont envisagés pour l'intensification de la production du petit bétail en milieu paysan.

Intégration de l'élevage à l'agriculture

L'intégration de l'agriculture et de l'élevage se développe progressivement et ne se limite plus à la juxtaposition, souvent conflictuelle, de deux secteurs complémentaires (Branckaert et Nivyobizi, 1989). En effet, les systèmes traditionnels d'élevage des ruminants sont en mutation. L'élevage extensif privé de ces parcours faiblement nutritifs évolue vers des systèmes semi-intensifs, et le bétail se confine graduellement dans une stabulation plus ou moins permanente, avec instauration de différents types d'affouragement.

Un programme de fermettes a été mis en place à partir de 1985, d'abord à titre expérimental, par la Faculté des sciences agronomiques (FAC-AGRO) à Murongwe (Nord-Kirimiro) et l'Institut des sciences agronomiques (ISABU) à Mahwa (Bututsi). Dans ce dernier site, l'élevage bovin laitier a été privilégié, tandis qu'à Murongwe on a préféré l'élevage caprin à viande. Le succès de ce programme expérimental a abouti, en 1990, au financement par le PNUD et à l'exécution par la FAO d'un vaste programme d'intégration dans une zone densément peuplée du Kirimiro (projet BDI/90/013), ainsi qu'au financement conjoint par le FIDA et le PNUD et à l'appui technique de la FAO au projet de développement intégré du Bututsi de 1990 à 1992 (projet BDI/90/011).

Dans ces différents projets, l'approvisionnement fourrager se pratique essentiellement à partir des haies anti-érosives de Setaria sphacelata, Pennisetum purpureum, Tripsacum laxum, d'arbustes fourragers: Leucaena leucocephala ou diversifolia, Calliandra calothyrsus et Acanthus pubescens, et de résidus de culture: fanes d'arachide et de haricot, feuilles et lianes de patate douce, feuilles de colocase et de taro, feuilles et troncs de bananier (Branckaert, 1990).

Association de l'élevage ovin aux reboisements et aux palmeraies

Au dire des éleveurs, c'est le manque de surface qui représente le principal obstacle au développement de l'élevage ovin (Branckaert et Habonimana, 1987). Or, il existe actuellement dans le pays des terrains qui pourraient utilement être valorisés par l'élevage ovin, comme cela a été démontré dans d'autres régions comparables, à savoir: les reboisements et l'élæiculture ou culture du palmier à huile (Elaeis guineensis).

Les objectifs de l'élevage ovin sous bois/élæiculture sont les suivants:

· Utiliser l'importante masse végétale dans les superficies reboisées et, ainsi, mieux gérer cette biomasse renouvelable qui risque de favoriser les incendies de forêts.

· Diminuer les frais d'entretien des boisements. En effet, la végétation adventice doit être régulièrement rabattue pour éviter les risques de feu et favoriser la croissance des arbres implantés. De plus, le pâturage sous palmeraie facilite le libre accès aux parcelles. Bien entendu, le contrôle des adventices suppose un équilibre judicieux avec la dent de l'animal, car le surpâturage favorise au contraire la repousse des adventices les plus envahissantes et les moins appétables.

· Apporter une plus-value au reboisement en kg d'ovins sur pied ou en carcasse.

· Faire bénéficier la palmeraie d'un apport supplémentaire de fumier abandonné par les animaux au pâturage. Les cultures avoisinantes peuvent également profiter du fumier produit la nuit en bergerie (0,5 tonne par unité zootechnique petit ruminant [UZPR] et par an). La valeur de la fumure dépendant de la richesse des apports alimentaires, une supplémentation azotée et minérale sera, à cet effet, particulièrement bénéfique, sous réserve qu'elle soit procurée à un coût économique.

· Intégrer la population rurale au reboisement/élæiculture, car la présence permanente d'éleveurs dans le sous-bois garantit une surveillance continue, et donc une protection accrue (voir la figure).

Matériel et méthodes

Les essais d'association élevage ovin-reboisements ont été conduits par le Département de zootechnie de la Faculté d'agronomie en collaboration avec le Département des forêts, sur trois sites - Rugazi, Vyanda et Ryarusera -, depuis 1981, 1985 et 1987 respectivement (voir la carte).

Sur chaque site, des placeaux agrostologiques (4 x 4 m divisés en quatre parcelles) ont été posés aux endroits représentatifs du couvert végétal, le rythme de coupe étant de 30, 45, 60 jours en fin de période active de végétation. On ne présentera ici que les résultats généraux de productivité.

Un troupeau de base de 30 brebis (1 brebis reproductrice suivie de sa descendance représente 1 UZPR) de race locale burundaise (East African Fat tailed Sheep) est conduit en permanence sous jeunes boisements filtrant la lumière solaire. Dans chacun des sites, la surface disponible pour l'expérimentation excédait largement les besoins des troupeaux. Ceux-ci sont menés en rotation sur des parcelles délimitées et numérotées, selon une charge variable suivant l'époque de l'année, saison des pluies ou saison sèche. De même, compte tenu de la valeur alimentaire du pâturage sous bois selon la période de l'année, une supplémentation appropriée est apportée sous forme de fourrage frais ou de concentré. Le troupeau est mené en sous-bois 10 heures par jour et passe la nuit en bergerie, où est distribuée la supplémentation (tableau 2).

Echanges entre les reboisements et les cultures par l'intermédiaire du mouton - Exchange between reforestation and crops by means of sheep - Intercambio entre la reforestación y los cultivos por intermedio de los corderos

Localisation des principaux reboisements industriels mis en place au Burundi - Location of main industrial reforestation sites in Burundi - Localización de las principales zonas de reforestación industrial en Burundi

Une bergerie en matériaux locaux a été construite près du boisement (1,5 m²/UZPR).

Les analyses bromatologiques des fourrages ont été effectuées au laboratoire d'agrochimie de la FAC-AGRO.

Les animaux ont été pesés à la naissance, puis à chaque fin du mois-calendrier, à l'aide d'un peson portatif.

On a procédé selon les étapes suivantes:

· Inventaire floristique du sous-bois selon la méthode de Braun Blanquet.

· Mise en place des placeaux agrostologiques.

· Estimation de la valeur bromatologique et de la charge des parcours. Le taux de refus est la différence de moyennes de matière sèche entre placeaux non broutés et broutés (n = 30 par site).

· Inventaire forestier par la méthode de sondage systématique (à Ryarusera).

· Proposition d'un aménagement sylvicole adéquat (à Ryarusera).

Description des sites

Le premier essai a été conduit à Rugazi (voir la carte) en 1981/82, dans un périmètre de 860 ha sur les contreforts ouest de la crête Zaïre-Nil, sous Pinus oocarpa et P. hondurensis.

Le site d'essai, situé à une altitude de 1 000 à 1 600 m, se caractérise par un relief accidenté et bénéficie d'une pluviométrie de 1 700 mm et d'une température moyenne de 20 °C. Son profil pédologique sablono-argileux ocre et jaune est dérivé des formations quartzite-grèseuse (50-100 cm de profondeur et pente de 0-100 pour cent) (Nijimbere, 1983).

Les alentours des reboisements ont une densité humaine élevée: 263 habitants au km², contre une moyenne nationale de 207 habitants au km² (Ministère de l'intérieur et du développement des communes, 1990).

Des relevés agrostologiques effectués en divers endroits révèlent une grande variabilité de la composition floristique dans l'espace.

La végétation originelle est une forêt mésophylle. La strate herbacée est constituée surtout d'hémicryptophytes graminéens typiques des savanes: Hyparrhenia spp., Loudetia spp., Andropogon spp., Rhynchelytrum spp., et abritant un cortège de géophytes (Pennisetum clandestinum, Imperata cylindrica, etc.) et de thérophytes divers (Sorghum sp., Ctenium elegans). Les résultats d'analyse du fourrage sous bois sont repris au tableau 4.

Faute de financement, l'essai conduit à Rugazi a dû être interrompu au bout de deux ans.

Le même programme se poursuit à Vyanda (voir la carte) depuis 1985 sous Pinus sp. plantés en 1982. Au total, les reboisements couvrent 5 000 ha situés en zone sud de la crête Zaïre-Nil, région à relief tourmenté, à forte érosion et à vallées étroites et encaissées (Kaboneka, 1986). Les sols squelettiques sont des lithosols à vocation sylvopastorale. Un climat doux règne sur l'ensemble de la zone d'action, située à une altitude de 900 à 2 000 m et bénéficiant d une pluviométrie de 1 500 mm et d'une température moyenne de 18°C.

L'ensemble de la région a un faible peuplement humain: 93 habitants au km² (Ministère de l'intérieur et du développement des communes, 1990).

Reflet de la végétation dégradée des collines surpâturées du Bututsi, le couvert herbacé sous bois est dominé par Eragrostis sp. Néanmoins, suite à une bonne gestion de ces parcours, Hyparrhenia sp., Exotheca abyssinica et d'autres bonnes graminées réapparaissent, surtout dans les boisements de Pinus elliottii, qui laissent passer plus de lumière que les autres pinèdes.

Le programme de reforestation se poursuivant, le Département de zootechnie de la FAC-AGRO a continué à implanter d'autres essais d'association ovins-reboisements.

Le dernier essai en date se situe à Ryarusera (voir la carte), dans un périmètre de 150 ha d'eucalyptus plantés en 1987. Un des points culminants de la crête Zaïre-Nil, à une altitude de 1 900-2 100 m, il connaît un climat frais (17 °C) et pluvieux (2 000 mm). Jadis sous couvert forestier, le sol n'a subi que faiblement l'érosion, ainsi qu'en témoignent son profil pédologique (ferralsol humifère) et sa végétation actuelle sous eucalypteraie.

La commune de Muramvya, où se trouve Ryarusera, a une densité démographique très élevée: 315 habitants au km². Ryarusera se situe dans la région naturelle du Mugamba qui, comme le Bututsi, était auparavant une zone traditionnelle d'élevage.

Deux graminées prédominent dans l'étage herbacé du sous-bois: Panicum chionachne et Digitaria vestita. Toutefois, Eragrostis sp. et Hyparrhenia sp. occupent une place non négligeable, ce qui permet de distinguer deux associations végétales:

· association à Panicum chionachne-Digitaria vestita;
· association à Eragrostis sp. - Hyparrhenia sp.

Les principales caractéristiques des reboisements sont reprises au tableau 3.

Résultats et commentaires

Les résultats sont synthétisés aux tableaux 4 et 5.

La qualité du fourrage est particulièrement médiocre sur le plan azoté à Rugazi et à Vyanda. En conséquence, les animaux doivent soit faire un prélèvement très sélectif - ce qui reste possible tant que la charge n'est pas trop élevée, mais qui va évidemment à l'encontre de l'objectif d'entretien du taillis -, soit ils nécessitent une supplémentation appropriée. Cette supplémentation a été régulièrement apportée afin de corriger le déficit du fourrage en énergie, matières azotées digestibles et minéraux, mais elle a été assez diversifiée selon les sites, la période de l'année et les disponibilités alimentaires locales à faible coût (voir le tableau 2).

1. Superficie des pâturages au Burundi, 1982

Grazing area in Burundi, 1982

Superficie de los pastizales en Burundi, 1982

Régions naturelles

Pâturages pour bovins

Pâturages pour ovins

Total

Pâturages soustraits pour l'extension des boisements

Total


(hectares)

1. Bugesera

27 300

7 000

34 300

10 000

24 300

2. Buragane

19 300

2 800

22 100

10 000

12 100

3. Bututsi

90 300

4 700

95 000

15 000

80 000

4. Buyenzi

44 300

26 200

70 500

-

70 500

5. Buyogoma

114 700

13 500

128 200

-

128 200

6. Bweru

35 200

17 300

52 500

-

52 500

7. Imbo

70 400

8 600

79 000

-

79 000

8. Kirimiro

95 400

24 400

119 800

-

119 800

9. Mosso

44 800

2 800

47 600

2 000

45 600

10. Mugamba

84 000

8 700

92 700

2 100

90 600

11. Mumirwa

59 900

11 600

71 500

13 200

58 300

Total

685 600

127 600

813 200

52 300

760 900

Future extension des boisements




487 700


Pâturages restants en 2000





273 200

Source: ISABU, 1983.

2. Supplémentation journalière

Daily supplements

Ración suplementaria diaria

Supplémentation

Rugazi et Vyanda

Ryarusera


Saison humide

Saison sèche

Saison humide

Saison sèche


(kg/UZPR)

Fourrage vert (Tripsacum/Setaria)

1

2

-

2

Son de blé



-

0,3

Tourteau de coton



-

0,2

Tourteau de palmiste

0,1

0,2



Pierre à lécher complète en permanence

+

+

+

+

3. Principales caractéristiques des reboisements expérimentés

Main characteristics of experimental reforestation

Principales características de los ensayos de reforestación

Caractéristiques

Rugazi

Vyanda

Ryarusera

Année de plantation

1980

1981

1985

Essence arborée sous laquelle sont conduits les moutons

Pinus hondurensis

Pinus elliottii

Eucalyptus grandis
Eucalyptus saligna
Eucalyptus delegatensis

Ecartement

3 x 3 m

3 x 2,5 m

3 x 2,5 m

Régime sylvicole (mode de gestion)

Futaie

Futaie

Taillis

4. Valeur bromatologique et productivité du fourrage sous bois

Nutrient composition and productivity of understorey fodder

Valor bromatológico y productividad forrajera del sotobosque

Composition

Rugazi 1981/82

Vyanda 1985/86

Ryarusera 1987/88



Saison humide

Saison sèche

Digitaria-Panicum

Eragrostis-Hyparrhenia


(pourcentage de MS)

Matières azotées totales

4,6

5,9

4,4

13,3

8,8

Cellulose brute

41,6

38,6

39,2

37,2

38,0

Matières minérales

5,7

4,9

5,0

5,0

5,2

Ca (g/kg MS)

1,5

2,4

2,3

2,4

2,4

P (g/kg MS)

0,7

0,3

1

1

1

Ca/P

2,1

8,0

2,3

2,4

2,4

Coefficient d'encombrement

1,8

2,0

2,0

3,1

2,4

UF/kg MS

0,33

0,52

0,48

0,56

0,51

Production (tonnes MS/ha)

5,1

4,2

4,2

1,5

1,8

Production (UF/ha)

1 682

1 236

1 236

840

920

Taux de refus (% MS)

60

63,5

63,5

17,7

20

Charge potentielle (UZPR/ha)

3-4

1-2

1-2

4-6

4-6

Source: Nijimbere 1983. Kaboneka, 1986: Mbayahaga, 1988.

5. Performances zootechniques de l'élevage ovin sous boisement

Performance levers of sheep fed understorey fodder

Rendimiento zootécnico de la cría de ovinos en el sotobosque

Paramètres

Rugazi

Vyanda

Ryarusera

Poids à la naissance

2,2

2,3

2,5

Gain quotidien moyen de 0 à 120 jours (g)

60

65

80

Fertilité (%)

95

95,8

97,6

Prolificité (%)

110

100

120,8

Intervalle entre mises bas (IMB) (mois)

10

8,6

8

Indice de fécondité (IF)1

1,25

1,34

1,77

Taux de mortalité (TM) de 0 à 1 an (%)

20

17,9

8,0

Indice de productivité (IP)²

1

1,1

1,63

Poids moyen à 1 an

18,0

19,0

23,0

Productivité annuelle par brebis (kg de poids vif)

19,0

20,9

37,5

1 IF = fertilité x (12 mois/IMB) x prolificité.
² IP = IF [TM 0-1].

6. Principaux sites reboisés entre 1979 et 1990

Main reforested areas from 1979 to 1990

Principales lugares reforestados entre 1979 y 1990

Sites

Superficie (ha)

Espèces

1. Rugazi

3 200

Pinus sp.

2. Vyanda

5 000

Pinus sp.

3. Mugamba-Bututsi

10 000

Pinus-Callitris

4. Mosso-Ruvyironza

2 000

Pinus-Callitris

5. Mageyo-Ryarusera

600

Eucalyptus

6. Gakara-Gahuni

2 200

Eucalyptus

7. Ruyigi

11 500

Pinus-Callitris

8. Mumirwa Nord

2 000

Eucalyptus

9. Vugizo-Mabanda

2 000

Pinus-Eucalyptus

Un faible taux de refus reflète la qualité propre du pâturage et l'aptitude indéniable du mouton à tailler l'herbe bas et systématiquement.

La charge potentielle est un concept purement théorique et peut être atteinte par le biais d'une charge momentanée importante jointe à une rotation accélérée des parcelles, et différente tout au long de l'année selon la saison. Si cette charge a plus ou moins été respectée à certaines périodes, grâce à la supervision rapprochée d'encadreurs consciencieux, elle n'a pas été pratiquée en continu, et il est probablement utopique d'espérer atteindre ce niveau technique en milieu villageois.

Par ailleurs, certaines des graminées présentes dans le sous-bois se lignifient très rapidement, et si elles ne sont pas consommées au stade végétatif opportun, elles deviennent rapidement inappétables.

Toutefois, à Rugazi et à Vyanda, la charge moyenne réelle a été assez proche de la charge potentielle, tandis qu'à Ryarusera elle a été très différente, en particulier dans le sous-bois à Eragrostis et Hyparrhenia pour les raisons expliquées ci-dessus.

Le tableau 4 reflète clairement la supériorité alimentaire du taillis de Ryarusera par rapport à celui de Rugazi et de Vyanda, ce qui explique les meilleurs résultats zootechniques, tant sur le plan de la reproduction que sur celui de la croissance (tableau 5).

Les résultats obtenus à Vyanda recoupent ceux de Rugazi, ce qui n'est guère étonnant compte tenu de la valeur alimentaire comparable des sous-bois exploités.

Des trois essais déjà conduits au Burundi, il apparaît que les meilleures performances sont obtenues à Ryarusera, à tel point que la quantité d'agneau (en kg sur pied) sortie par UZPR est près du double de celle produite dans les autres sites. Deux explications peuvent être avancées: la bonne valeur alimentaire des parcours sous bois et un meilleur encadrement.

On remarquera, en outre, qu'une supplémentation de saison des pluies n'a pas été nécessaire à Ryarusera. Par conséquent, la rentabilité du système y est plus élevée, compte tenu de la quantité d'agneau sortie annuellement par UZPR par rapport à la quantité d'intrants distribuée. Toutefois, cette comparaison économique n'a qu'un intérêt relatif, étant donné que l'objectif essentiel du système est la rentabilisation optimale du boisement, en fonction de ses caractéristiques propres.

Pour ce faire, la supplémentation dans chacun des sites s'est effectuée à doses limitées en fonction des produits localement disponibles à faible coût. La vulgarisation de la technique requiert également le regroupement des troupeaux individuels afin de limiter les coûts de gardiennage et de respecter le plan de rotation des parcours.

Ryarusera - Pâturage sous eucalyptus - Ryarusera - grazing under eucalyptus trees - Ryarusera: pastizal bajo Eucalyptus

Rumongé - Pâturage sous palmeraie - Rumongé - grazing under palm trees - Rumongé: pastizal bajo palmeras

Vyanda - Vue générale - Vyanda - general view - Vyanda: vista general

Avenir de l'élevage ovin sous bois et sous palmeraie au Burundi

Reboisements

En l'an 2000, la couverture forestière devrait être de 540 000 ha, dont 200 000 ha en boisements domestiques, à raison de 300 arbres par foyer. A vrai dire, cet ambitieux programme est loin de pouvoir être atteint, puisqu'en 1992 80 000 ha seulement avaient été reboisés, dont la moitié sous forme de projets. La localisation de ces grands projets de reboisement est reprise dans la carte, et leurs caractéristiques sont détaillées au tableau 6.

De l'avis des experts forestiers, les boisements 1, 2, 4, 5, 7, 8 et 9 se prêteraient parfaitement à une association avec l'élevage ovin. Ils représentent une superficie totale de 26 300 ha et pourraient très certainement accueillir au moins 80 000 moutons.

Il est évident, toutefois, qu'une telle association suppose une bonne expérimentation préalable tendant à préciser l'âge des boisements exploitables (trop tôt, l'arbrisseau serait cisaillé, trop tard, le sous-bois aura progressivement disparu) ainsi que le rythme de rotation des parcours.

Chaque boisement a ses caractères propres qui doivent être pris en compte, mais, grosso modo, la période d'association se situe entre la 2e et la 6e année, sauf lorsque l'essence forestière permet le maintien du taillis.

La pérennité de ce système d'élevage dépend du mode d'exploitation forestière: régime de taillis ou régime de futaie. Moyennant un aménagement adéquat, il est plus facile, en régime de taillis de diviser le reboisement en parcelles plus ou moins homogènes devant accueillir les animaux au cours des différentes rotations. Sous futaie, en dépit des opérations sylvicoles d'élagage et éclaircies, la pâture se limite à la fermeture des peuplements, pour reprendre au début de la révolution suivante. Cependant, les essences à port filiforme tel Pinus elliottii laissent passer la lumière et, partant, maintiennent toujours un assez abondant couvert herbacé.

Les travaux ultérieurs pourront utilement s'inspirer des essais poursuivis par Vauron et Mbayahaga à Ryarusera de 1987 à 1990 (Vauron et Mbayahaga, 1990).

Palmeraies

L'élevage sous palmeraie n'est qu'une forme spéciale d'élevage sous boisement, avec l'avantage qu'on associe au palmier, en culture industrielle, une plante de couverture de grande valeur alimentaire pour le bétail, généralement Pueraria javanica, Mucuna pruriens, mais aussi Desmodium intortum ou Centrosema pubescens. Ces légumineuses peuvent ainsi, pendant les premières années (de la 2e à la 6e année, voire plus tard) de croissance d'Elaeis, être utilement valorisées par le mouton. De nombreux essais concluants ont été menés sur cette association en Afrique tropicale, en particulier au Cameroun et en Côte d'Ivoire ainsi qu'en Asie du Sud-Est. Dans cette dernière région, on a conduit également avec succès d'autres essais d'association avec le cocotier (FAO, 1988; Simonnet, 1990) et l'hévéa (Wan Mohamed, 1986).

Au Burundi, les palmeraies industrielles de l'Imbo-Sud (Rumongé) couvrent une surface de 5 000 ha qui pourrait aisément supporter une charge de 40 000 moutons. Très récemment, la Société régionale de développement de Rumongé a débuté le programme d'association élevage ovin-palmeraie. Des résultats plus éloquents encore que ceux obtenus à Ryarusera y sont espérés.

Conclusion

Le sylvopastoralisme, pratiqué depuis bien longtemps à travers le monde mais progressivement abandonné dans les pays industrialisés du fait du coût prohibitif de la main-d'œuvre nécessaire à la conduite des animaux, pourrait s'avérer une solution prometteuse dans les régions où l'expansion démographique jointe à une reforestation opérée aux dépens des parcours traditionnels réduit de plus en plus les superficies pâturables.

A première vue, on pourrait penser que ce type de gestion n'est guère productif. Toutefois, il ne faut pas oublier que les sols reboisés sont généralement très peu fertiles et qu'ils ne se prêteraient à aucune autre utilisation. Il est également apparu (à Rugazi et à Vyanda) que les protocoles d'expérimentation n'étaient que très imparfaitement suivis; la durée du pâturage et le plan de rotation étaient peu respectés, les cultures d'appoint de saison sèche étaient installées en retard et la gestion du troupeau était irrationnelle.

L'acceptation de ces nouvelles techniques suppose l'appui permanent d'un personnel d'encadrement consciencieux et motivé, capable d'expliquer clairement le bien-fondé des innovations proposées, ainsi que leurs retombées socio-économiques à moyen terme.

Le niveau d'encadrement et de suivi étaient nettement supérieurs à Ryarusera, ce qui, dans un biotope également plus favorable, explique les meilleurs résultats enregistrés.

Ce système de production peut être pratiqué dans différents types de reboisement, tout comme dans certaines cultures arboricoles tropicales, qu'il s'agisse de plantes oléifères (palmier, cocotier), à caoutchouc (hévéa), textiles (sisal, kapokier), fruitières, ou même médicinales (quinquina) ou tannifères (Black Wattle).

Néanmoins, chacun de ces systèmes présente un certain nombre de caractéristiques propres, qui sont à prendre en compte lorsqu'on veut y introduire une composante élevage: type d'exploitation, âge, écartement des arbres et arbustes, type de sol, composition floristique et bromatologique du taillis, etc.

Les diverses composantes de tels systèmes doivent judicieusement se compléter afin de s'intégrer dans un système équilibré et durable de production agricole.

Pour ce faire, le regroupement des éleveurs représente un préalable essentiel à une gestion rationnelle et harmonieuse de cette nouvelle forme de parcours communautaire.

Une telle organisation coopérative est encore mal acceptée par les exploitants. Dans les région reboisées subsiste, chez les éleveurs traditionnels de bovins - qui s'estiment dépossédés de leurs parcours -, un certain sentiment de frustration. Certains d'entre eux vont même, en saison sèche, jusqu'à mettre le feu à certaines parcelles afin de pouvoir les récupérer par la suite.

Vyanda - Vue générale - Vyanda - general view - Vyanda: vista general

Ryarusera - Pâturage à Digitaria et Panicum - Ryarusera - grazing on Digitaria and Panicum - Ryarusera: pastizal de Digitaria y Panicum

L'avenir de ce type de système supposera donc la résolution, dans le moyen tertre, des différentes contraintes susmentionnées.

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