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AMELIORATION DU TECK EN INDE

par

K.N. Subramanian, A. Nicodemus et A. Radhamani
Institute of Forest Genetics & Tree Breeding
Coimbatore 641 002 (Inde)

INTRODUCTION

Le teck (Tectona grandis L.f.) est l'arbre le plus réputé en Inde. Son histoire en tant qu'essence de reboisement remonte à 1844, année où le Receveur des impôts de Malabar, Mr. Conolly, avait prédit une pénurie probable de bois de teck en raison de l'épuisement de ses peuplements naturels (Troup, 1924). Aujourd'hui, on plante en Inde près de 100 000 hectares de teck par an.

La mise en place de “parcelles d'échantillonnage d'origine de semences de teck” au début des années trente a été le premier pas dans la recherche sur la génétique du teck. L'amélioration génétique systématique du teck eut pour point de départ la soumission au Gouvernement indien d'un rapport de Matthews (1961). En 1962, Kedharnath et Matthews formulèrent un programme pour l'amélioration génétique du teck. A partir de là, les activités dans ce domaine s'intensifièrent, et presque tous les Etats où pousse le teck se sont maintenant joints aux programmes d'amélioration.

Le principal objectif de ces programmes d'amélioration du teck est d'obtenir, par sélection et croisement, une forme de fût et une qualité du bois supérieures, une croissance rapide (en hauteur et diamètre), un tronc dépourvu de cannelures, de contreforts et de branches adventives, et des feuilles résistantes à la teigne, aux insectes phyllophages, à la sécheresse et au gel.

Les forêts de teck de l'Inde sont classées en cinq types principaux, en fonction principalement de la pluviométrie: très sèches, sèches, subhumides, humides et très humides. On peut observer une variation génétique du teck distincte dans ces différents types, et ce fdait est pris en considération dans les programmes d'amélioration.

AIRES DE PRODUCTION DE SEMENCES

Etant donné les vastes surfaces à planter chaque année, il faut de grandes quantités de semences de teck de qualité. On a identifié des peuplements ou des zones de production de semences, qui sont entretenus en vue de satisfaire les besoins immédiats. Ce sont les seules dispositions intérimaires prises en attendant de disposer de semences provenant de vergers à graines. On a délimité à ce jour plus de 3000 hectares de peuplements semenciers et zones de production de semences, qui sont aménagés en vue de la production de graines de teck (voir Figure 1).

Figure 1

Figure 1. Peuplement de production de semences de teck à Seechalai, Tamil Nadu, Inde (Photo: B. Gurudev Singh).

ESSAIS DE PROVENANCES

Afin de mieux connaître l'importance des sources de semences et la variation écotypique du teck, on a mis en place en 1934–36 un réseau de parcelles d'échantillonnage dit “All India Teak Seed Origin Sample Plots”, qui constitue des essais de provenance parmi les plus anciens pour le teck dans le monde. Ces essais ont montré qu'il existe chez le teck des différences génétiques dues à l'origine, et que les sources locales se comparent souvent favorablement avec les sources introduites. Par exemple, les résultats d'un essai de provenances à Topslip, Tamil Nadu (Inde), qui comprenait quatre provenances, ont indiqué que la provenance locale était la meilleure (Kumaravelu, 1993). Ces essais anciens ont aussi indiqué que l'interaction station/provenance pouvait être importante, et que des expérimentations plus précises seraient nécessaires pour clarifier cette question.

Au cours des années soixante-dix, une série d'essais de provenances ee teck coordonnés internationalement fut conduite au titre d'un programme d'action suivant une recommandation faite en 1969 par le Groupe FAO d'experts des ressources génétiques forestières. Ces essais internationaux étaient coordonnés par le Centre DANIDA de semences forestières (Danemark). Sur un total de 64 provenances récoltées dans toute l'aire de culture du teck, plus de la moitié (35 provenances) venaient de l'Inde. Un essai de proveances fut établi avec 11 provenances à Maredumilli, Andhra Pradesh (Inde). L'évaluation finale de cet essai en 1981–83 montra que les provenances indiennes avaient les les meilleures performances en matière de vigueur et ede croissance, tandis que les provenances thaïlandaises l'emportaient sur les provenances indiennes en forme et en qualité du bois. La seule race locale africaine incluse dans l'essai s'avéra supérieure en croissance (Keiding et al., 1986).

SELECTION D'ARBRES PLUS

Le choix d'arbres plus dans les peuplements naturels et les plantations de teck a été effedctué dans le cadre des programmes d'zamélioration. Un arbre plus (Figure 2) est un individu phénotypiquement supérieur combinant un certain nombre de caractères désirables. Lorsqu'on sélectionne un arbre plus, on le compare avec au moins 5 autres individus dans un rayon de 50 mètres. Pour déterminer la supériorité de l'arbre plus, on applique un système de notation pour des caractères tels que la hauteur, le diamètre, la hauteur de fût libre de branches, la rectitude du fût, le mode de ramification, la résistance aux parasites et maladies, la production de semences.

Figure 2. Arbre plus de teck à Topslip, Tamil Nadu, Inde (Photo: B. Gurudev Singh)

Figure 2

A ce jour, un millier d'arbres plus et arbres candidats ont été sélectionnés dans tout le pays dans les différents écotypes de teck. On récolte en général des bourgeons sur ces arbres, et l'on constitue des banques de clones en les greffant sur des porte-greffes élevés à partir de graines disponibles localement. La con stitution de banques de clones facilite la récolte ultérieure de graines et de greffons des arbvres plus, et assure que le matériel génétique reste ainsi disponible si l'arbre plus lui-même venait à disparaître. On a d'autre part tenté de caractériser chaque clone par analyse d'isozymes (Kumaravelu, 1979).

VERGERS A GRAINES

Le premier verger à graines clonal expérimental de teck a été mis en place sur le nouveau campus forestier de l'Institut de recherche forestière de Dehra Dun. Il comprenait 20 clones, qui ont commencé à produire des graines à partir de la cinquième année. Par la suite, plusieurs Etats tels que l'Andhra Pradesh, le Gujarat, le Madhya Pradesh, le Tamil Nadu et l'Uttar Pradesh mirent en place des vergers à graines de teck. Trois vergers à graines clonaux pilotes comprenant 50 clones chacun ont été établis par l'Institut de recherche forestière du Kerala. La superficie totale de vergers à graines de teck dans les différents Etats est de près de 1 000 hectares (Kumaravelu, 1983). Les travaux qui y sont menés comprennent aussi l'étêtage, lka fertilisation et l'application de régulateurs de croissance.

Le problème le plus couramment rencontré dans les vergers à graines de teck en Inde est l'asynchronisme de la floraison entre les diiférents clones rassemblés dans le verger. Certains clones fleurissent précocement (par exemple à 4–5 ans), tandis que d'autres ne fleurissent qu'après 10–15 ans. Il arrive parfois qu'un clone appartenant à un certain écotype (par exemple de zone sèche) introduit dans un verger à graines dans une zone appartenant à un autre écotype ne fleurisse pas du tout jusqu'à l'âge de 40 ans ou plus1.

TESTS DE DESCENDANCE

Dans l'idéal, l'établissement de vergers à graines devrait être précédée par des tests de descendance sur les arbres plus sélectionnés phénotypiquement afin d'évaluer leur valeur génétique. Cela permet d'écarter les arbres dont la supériorité peut être due au fait d'avoir poussé dans un milieu favorable de ceux qui sont supérieurs en raison de leur génotype. Cependant, pour satisfaire la demande immédiate de semences de qualité, et en raison de la longue durée de révolution du teck, les tests de descendance sont effectués soit en même temps que la mise en place des vergers à graines, soit plus tard en utilisant des semences récoltées dans le verger à graines lui-même.

Des plants provenant de graines issues de pollinisation libre (demi-frères) de 20 clones différents du verger à graines de Walayar (Kerala) ont été plantés en 1991 à Nilambur (Kerala) en vue de tests de descendance. L'analyse de variance sur les données de plants d'un an a révélé des différences significatives entre le clones pour les valeurs moyennes. Six clones: KLS 1, KLN 2, KLN 4, TNT 3, TNT 10 et TNT 11 ont enregistré des valeurs moyennes dans des caractéristiques importantes significativement plus élevées que des sujets de la race locale de Nilambur. Des différences notables ont été observées entre coefficients de variabilité phénotypiques et génotypiques. Comme on s'y attendait, l'héritabilité (au sens restreint) et le gain génétique étaient de peu d'ampleur. Les clones KLS 4, KLN 4 et TNT 10 ont montré une bonne aptitude générale à la combinaison et une valeur génétique additive élevée.

MULTIPLICATION VEGETATIVE (Y COMPRIS CULTURE DE TISSUS)

Le teck est propagé principalement par semences. Bien qu'on ait mis au point des techniques de boutures de racines (Mahmood Hussain, 1976) et de greffage (Kedharnath et Venkatesh, 1963), elles ne sont pas employées couramment pour les reboisements industriels de teck en Inde. Néanmoins, ces techniques sont utiles pour des programmes génétiques comportant l'établissement de vergers à graines clonaux. Des techniques de culture de tissus ont également été& mises au point pour le teck (Mascarenhas et al., 1987). Des plantules obtenues par culture de tissus ont été mises en place sur le terrain pour tester leurs performances par comparaison avec des plants issus de semence. Les données sur la croissance initiale de ces essais indiquent que les plants issus de culture de tissus provenant d'arbres âgés ont une meilleure croissance que les plants issus de pollinisation libre à partir des même arbres (Kumaravelu, 1993). Bien que ce résultat semble logique, il demande à être vérifié.

STRATEGIES FUTURES

Des actions ont été entreprises en Inde pour mettre sur pied un plan bien défini de génétique du teck, afin de réaliser une amélioration continue de cette essence. Ce plan comprendra diverses étapes: essais de provenances, sélection d'arbres plus, mise en place de peuplements de production de semences et de vergers à graines cloanxu, tests de descendance. Les techniques de multiplication végétative seront perfectionnées, afin de chercher à rendre les plantations clonales économiquement viables. Le plan comprendra aussi un travail de sélection et de croisement pour lutter contre les dégâts de la teigne et des phyllophages du teck, en croisant Tectona grandis et T. hamiltoniana; cette dernière espèce s'est avérée relativement résistante à ces insectes. Jusqu'à présent, les croisements tentés entre ces deux espèces ont donné des graines ratatinées, qui ne germaient pas. Des études embryologiques ont révélé que la fécondation se produit chez l'hybride, mais que l'embryon avorte aux premiers stades de développement. La culture d'embryons in vitro pourrait permettre de sauver l'embryon et de développer des plants hybrides.

BIBLIOGRAPHIE

Kedharnath, S. & Matthews, J.D. (1962). Improvement of teak by selection and breeding. Indian Forester 88:277–284.

Kedharnath, S. & Venkatesh, C.K. (1963). Grafting as an aid to the breeding of teak (Tectona grandis L.f.) and Semul (Salmalia malabarica Schott ex Endl.) FAC Fogen, Vol.II(63):5–6.

Keiding, H.; Wellendorf, H & Lauridsen, E. (1986) Evaluation of an international series of teak provenance trials. (DANIDA Forest Seed Centre. Misc. paper) 81 pp.

Kumaravelu, G. (1979). Isozyme characterization of teak clones. Indian Forester 95.

Kumaravelu, G. (1993). Teak in India. In Henry Wood (ed.) Teak in Asia, FORSPA Publication No.4, Bangkok. pp. 27–34.

Mahmood Hussain, A.M., Somasundaram, T.R., & Subramanian, K.N. (1976). A recent advance in teak culture. Indian Forester 102(8): 531–532.

Mascarenhas, A.F., Kendurkar, S.V., Gupta, P.K., Khuspi, S.S. & Agrawal, D.C. (1987). Tissue culture in Teak. In Bonga, J.M. & Durzan, J. (eds.) Cell and Tissue Culture in Forestry, Vol.II.

Matthews, J.D., (1961). A programme of forest genetics and forest tree breeding. FAO/ETAF Report No. 1349. Rome.

Troup, R.S. (1921). The Silviculture of Indian Trees, Vol.II Oxford University Press, Oxford.

1 Note du rédacteur: C'est un problème courant également avec d'autres essences, qui apparaît lorsqu'on mélange différentes provenances dans un même verger à graines. Dans le cas où les époques de floraison coïncident ou se recouvrent, le mélange de provenances génétiquement distinctes conduira à la formation d'hybrides de provenances. Les caractéristiques et les exigences écologiques de ces hybrides ne seront pas connues tant que l'on n'en aura pas effectué des essais de terrain spécifiques. Tous ces facteurs soulignent l'avantage qu'il y a à établir des vergers à graines distincts pour les différentes provenances, tout en assurant en même temps le maintien d'une large base génétique en incluant dans chacun d'eux un nombre suffisant de clones.

Ressources Génétiques Forestières No 22. FAO, Rome (1995)
Manuscrit reçu en juillet 1994


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