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VARIATION GENETIQUE, CONSERVATION ET UTILISATION DE PARKIA BIGLOBOSA EN AFRIQUE OCCIDENTALE: RESUME D'UNE THESE

par

A.S. Ouédraogo
Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI)
Rome, Italie

La recherche avait pour objet de renforcer les bases scientifiques et techniques de la conservation et de l'utilisation de la diversité biologique de Parkia biglobosa (néré). La méthode de recherche comprenait notamment la collecte de données techniques et ethnobotaniques. Cette information peut servir à la mise au point de méthodes et de stratégies pour la conservation, l'utilisation et l'amélioration des essences agroforestières à usages multiples en Afrique occidentale et centrale.

La surexploitation des terres, en particulier dans les régions sèches et densément peuplées, influe sur la régénération de cette espèce. Cela entraîne un vieillissement général des vergers de néré, notamment dans la partie sud de son aire de répartition.

Plus de 1 600 arbres de 5 pays ont été échantillonnés et diverses observations morphométriques et phénologiques ont été utilisées pour déterminer le niveau de variation dans P. biglobosa ainsi que la structure de cette diversité. Des données socio-économiques et culturelles ont été obtenues par le biais de questionnaires auxquels ont répondu plus de 500 personnes appartenant à divers groupes ethniques au Burkina Faso et au Bénin.

La recherche est partie de l'hypothèse suivante: un certain nombre de caractères phénotypiques de l'espèce présentent une variation clinale le long des gradients longitudinaux et latitudinaux. Cela a d'importantes implications pour la sélection, l'amélioration génétique et la conservation.

La recherche a établi la place et l'importance du néré dans la vie quotidienne de nombreuses communautés rurales et a déterminé les types de variation chez P. biglobosa et comment tirer parti de cette variation. Les riches connaissances traditionnelles présentent une image sociale de l'arbre, en tant que ressource commune, qui renforce la cohésion du groupe et est un symbole de paix, de continuité et de développement harmonieux dans ces communautés.

On utilise chaque partie de cet arbre à usages multiples. Il sert à diversifier la production et les sources de revenu dans le système agricole. Les graines fermentées produisent un condiment riche en protéines, appelé soumbala ou dawadawa, qui relève le goût de la plupart des sauces. La pulpe qui enrobe l graines est riche en sucre et les enfants en raffolent. L'écorce et les feuilles, comme les graines et la pulpe, ont des propriétés curatives et servent à traiter une quarantaine d'affections.

L'arbre a un nom différent pratiquement dans chaque communauté. Cette diversité linguistique reflète les connaissances traditionnelles anciennes sur l'espèce. Le grand nombre de coutumes, rites, légendes et manifestations folkloriques témoigne de l'interdépendance profonde, durable et harmonieuse et des avantages mutuels entre les habitants dans le village et les arbres dans le verger. Ces connaissances portent sur de nombreuses caractéristiques de l'arbre comme l'adaptation, les divers emplois, sa vigueur, sa résistance aux parasites et à certaines maladies, la texture de son écorce et sa capacité de production de fruits (quantité, qualité et périodicité). Les diverses formes de néré sont réparties en fonction des conditions de milieu.

Les femmes, qui sont les mieux informées sur l'arbre, sont les dépositaires des connaissances concernant les aspects des fruits et des graines. Elles manipulent les graines, échangent du matériel de plantation et préparent les aliments. Quant aux hommes, ils conservent les connaissances sur les pratiques sylvicoles pour optimiser la production. Cela signifie équilibrer l'interaction entre l'arbre et les cultures afin d'éviter les parasites et les maladies. Les récoltes futures de matériel de plantation devraient prendre en compte l'importance des connaissances traditionnelles qui contribuent à l'entretien de la diversité à l'intérieur d'une population et entre populations. Cela concerne les noms vernaculaires, l'aspect de l'arbre, sa capacité de produire des fruits, ses propriétés curatives, ses origines et les conditions de milieu particulières où il se développe.

La variation entre les arbres est importante, mais la variation entre les populations est relativement faible comme celle entre les pays. La nature, le niveau et la structure de la diversité phénotypique observée chez P. biglobosa résultent de plusieurs facteurs, parmi lesquels les aspects génétiques et l'environnement.

L'achitecture de l'arbre est souple et s'approche du modèle de Champagnat; elle s'adapte aux facteurs écologiques, comme le font de nombreuses Leguminosae. L'espèce a développé diverses stratégies adaptatives qui transparaissent dans les divers stades de son développement et dans son système de reproduction. Les feuilles sont toujours présentes, mais tombent peu à peu durant les dernières semaines avant que les nouvelles feuilles se déploient.

Les organes végétatifs et reproducteurs se disputent les sources d'énergie disponibles. L'apparition de la floraison est décalée du sud au nord, de novembre-décembre dans le sud à fin mars dans le nord, créant une différence de 3 à 4 mois. En conséquence, la fructification est elle aussi décalée, de mars dans le sud à juillet dans le nord. En revanche, dans la direction est-ouest, le décalage de la floraison et de la frutification est moins marqué, environ deux semaines seulement. La variation phénologique le long du gradient longitudinal est progressive. Les précipitations et donc la disponibilité d'eau dans le sol jouent un rôle important, mais non exclusif, en déterminant la production de feuilles et la floraison. Les variations phénologiques individuelles importantes semblent être liées à des conditions pédologiques très localisées et au génotype de chaque arbre.

Le système de reproduction est de préférence allogame, mais l'autogamie est toujours possible, même si elle est limitée par l'auto-incompatibilité. Les abeilles sont (au Burkina Faso) sont les principaux pollinisateurs, avec les chauves-souris. L'activité des chauves-souris est plus importante dans la région méridionale. Les pollinisateurs influent sur la place des fruits et la structure de la diversité entre populations. L'homme contribue dans une grande mesure aux changements dans le niveau et la structure de la diversité à l'intérieur d'une même population et entre populations. Ses interventions sont très importantes dans les savanes et sont liées à l'importance attribuée à l'espèce. Dans les zones forestières, l'arbre est peu apprécié.

Compte tenu de l'importance de P. biglobosa, il faut élargir les activités de recherche et développement au niveau national, régional et international afin d'assurer sa conservation et son amélioration génétique. Il est également nécessaire de promouvoir les pratiques agricoles traditionnelles afin de profiter de la plus grande partie des ressources disponibles et d'accroître la production dans le système agricole existant.

Etant donné la répartition de la diversité phénétique observée, la sélection d'un maximum d'individus à partir d'un nombre limité de populations au niveau national et de certaines populations au niveau régional, représente une stratégie adaptée pour saisir le maximum de diversité génétique. Les connaissances indigènes favorisant le rôle des femmes au moment de l'obtention des données sont indispensables pour améliorer la sélection. La recherche en cours pour comprendre le niveau et la structure de la diversité génétique interet intra-spécifique fournira sans aucun doute des informations supplémentaires utiles.

La présente étude a été réalisée avec la participation active de départements nationaux des forêts et d'instituts de recherche forestière de divers pays - Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d'Ivoire, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Tchad et Togo, qui ont fourni un appui important aux activités sur le terrain. Y ont également participé des instituts de recherche des Pays-Bas, de la France et de la Belgique.

REFERENCES

Ouédraogo, A.S. (1995). Parkia biglobosa (Leguminosae) en Afrique de l'Ouest: Biosystématique et Amélioration. Thèse, Université d'agronomie de Wageningen. En français, avec des résumés en anglais et en hollandais. 205 pp.

Ressources Génétiques Forestières No 23, FAO, Rome (1996)
Manuscrit reçu en juillet 1995


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