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Formation des agents du Service public des forêts en Inde: recommandations de changement


S.K. Datta and M. Ray

S.K. Datta, fonctionnaire de l'Indian Forest Service et ancien professeur au State Forest Service College de Dehra Dun, est directeur du Projet d'aménagement du bassin versant de la vallée du Doon, à Dehra Dun. Malabika Ray, membre du Conseil indien de la recherche et de l'enseignement forestiers à Dehra Dun, est actuellement boursier Fulbright aux Etats-Unis.

C'est à la fin du XIXe siècle qu'a démarré en Inde la formation forestière. Même si les programmes d'étude ont été révisés plusieurs fois, il est aujourd'hui indispensable, pour améliorer l'efficacité de cette formation, de moderniser les méthodes didactiques et de restructurer le corps enseignant.

La gestion scientifique des forêts a commencé en Inde en 1864, avec la nomination du premier inspecteur général des forêts, Sir Dietrich Brandis (Aggarwal, 1954). Sur sa recommandation, des forestiers professionnels allemands et français ont été nommés pour gérer les forêts du pays, et c'est en 1866 que l'Imperial Forest Service a commencé à fonctionner.

En Inde, la formation des forestiers n'a pas suffisamment évolué

Il est rapidement apparu que la formation dispensée dans les établissements spécialisés allemands ne convenait pas pour des forestiers qui allaient être chargés de gérer les forêts tropicales de l'Inde; par ailleurs, il fallait aussi organiser une formation pour les gardes forestiers et autres personnels techniques de niveau moyen et subalterne. C'est pourquoi la Central Forest School a été créée à Dehra Dun en 1878 (The Indian Forester, 1945; 1952); c'est en 1881 que la formation a véritablement commencé en Inde avec le démarrage du premier cours théorique (The Indian Forester, 1941).

Cependant, même si la formation des gardes forestiers était désormais assurée en Inde, les étudiants destinés à des postes de niveau supérieur dans l'Indian Forest Service (IFS) ont continué, avec seulement une brève interruption, d'être formés en France et en Allemagne jusqu'en 1885. En 1920, le gouvernement a décidé de centraliser la formation des futurs cadres de l'IFS; il a pour cela créé le Forest Research Institute de Dehra Dun où la formation a effectivement commencé en 1926 (The Indian Forester, 1932; Mobbs, 1939). En 1935, cependant, la responsabilité de la foresterie a été décentralisée au niveau des provinces, ce qui s'est traduit par la suppression de la formation pour l'IFS en tant que telle. D'un autre côté, il était évident qu'il fallait former les forestiers des nouveaux State Forest Services (SFS); c'est à cet effet qu'a été créé en 1938 l'Indian Forest College (IFC) (IFC, 1940).

L'IFS a été réinstauré en 1966 (Malhotra, 1986); ses cadres et ceux des SFS ont été formés à l'Indian Forest College jusqu'en 1975, date à laquelle des établissements distincts ont été créés pour la formation des cadres des SFS à Burnihat (Assam), Dehra Dun (UP) et Coimbatore (Tamil Nadu).

UNE ÉVOLUTION INSUFFISANTE

Bien que la foresterie en Inde ait beaucoup évolué depuis Brandis en 1864 et que, comme on l'a brièvement évoqué plus haut, beaucoup de modifications soient intervenues au niveau de l'infra-structure administrative et matérielle de formation, cela ne s'est pas accompagné de changements équivalents du cadre conceptuel. Les programmes d'étude destinés à la formation de forestiers aux différents niveaux n'ont pas évolué en fonction des besoins actuels, et en particulier des changements majeurs d'orientation intervenus dans la foresterie en Inde au cours des dernières décennies. Des tentatives ad hoc sporadiques ont été faites pour remanier les cours, ce qui s'est traduit par l'addition ou la suppression d'une ou plusieurs disciplines ou matières, mais une étude sérieuse indique que les programmes d'étude et les cours sont restés pratiquement inchangés depuis les années 60 ou même avant. L'examen des programmes de la Forest Academy, des Forest Colleges et des Forestry Training Institutes montre qu'ils continuent de mettre l'accent sur la gestion des terres boisées pour la production de bois d'œuvre. Or, un forestier aujourd'hui n'est pas seulement un gestionnaire du bois d'œuvre chargé de procurer des recettes à l'Etat; il a un rôle capital à jouer dans la gestion de tout un éventail de ressources naturelles. Il faudrait refondre complètement le programme des études forestières de façon à donner l'importance qui leur est due à tout un ensemble de questions relatives à ce domaine. Cela n'a pas été fait.

Plusieurs raisons expliquent cette lacune. La principale a été l'absence d'un lien véritable entre la politique nationale des forêts (dans ses diverses évolutions) et les programmes nationaux de formation dans le domaine forestier. Aucune politique forestière n'a jamais précisé comment il faudrait structurer la formation du personnel pour atteindre les objectifs préconisés.

Une autre raison est qu'on ne s'est pas attaqué au problème du bon équilibre à trouver entre la formation théorique et la formation pratique, que ce soit sur le plan général et surtout sur celui des différences à prendre en compte entre les niveaux - gardes-forestiers, forestiers, conservateurs adjoints des forêts, etc. En effet, les programmes d'étude destinés aux futurs cadres de l'IFS et des SFS et aux futurs gardes forestiers ne sont pas aussi différents que la logique le voudrait. Ainsi, chaque fois qu'une nouvelle matière telle que l'économie forestière est introduite dans le programme d'étude pour l'une des catégories, on a tendance à l'introduire aussi pour les autres sans se préoccuper de savoir si elle est vraiment nécessaire à ce niveau. Il s'agit maintenant de concevoir des cours de formation différents selon les niveaux des fonctionnaires forestiers et leurs descriptions d'emploi.

Une troisième raison essentielle pour laquelle les tentatives de restructuration des programmes d'études forestières n'aboutissent pas aux résultats souhaités est que les experts en valorisation des ressources humaines (élaboration des programmes d'étude, pédagogie, etc.) n'ont pas été suffisamment consultés. Les révisions des programmes ont presque toujours été exclusivement effectuées par des spécialistes des forêts. Il est sans aucun doute nécessaire que des cadres forestiers interviennent pour prendre en compte les problèmes et les priorités de leur secteur, mais la plupart du temps ils ne sont pas préparés à prendre des décisions relatives à la conception et à la mise au point des programmes éducatifs.

Une quatrième raison, peut-être la plus importante, est l'absence d'un système efficace de retour d'informations de la part des State Forest Departments, qui sont les employeurs du personnel après sa formation. Les instituts de formation ne conservent pas de liens avec leurs anciens étudiants, et les State Forest Departments ne disposent d'aucun mécanisme pour rendre compte aux instituts de formation de l'efficacité des fonctionnaires forestiers ou de la validité de leur formation, de sorte que ces instituts ne savent pas quels sont les points faibles et les points forts de leurs programmes. Il faudrait mettre en place un mécanisme de dialogue permanent entre les State Forest Departments et les instituts de formation, de façon que ces programmes puissent être régulièrement mis à jour.

MÉTHODES DE FORMATION

La formation à la foresterie en Inde est depuis le début essentiellement une formation dispersive. Avant leur entrée en fonction, les stagiaires de l'Office des forêts reçoivent un enseignement dans plus de 30 disciplines, qui vont de la botanique à la biométrie, de l'écologie à l'ingénierie, de la sylviculture à la topographie, de la faune sauvage aux industries du bois, de la gestion des forêts aux influences qu'elles exercent, etc. Ce système en soi risque de poser des problèmes (voir l'encadré sur la nécessité d'une formation spécialisée). En outre, lorsqu'une fois diplômés les étudiants retournent dans leur Etat pour commencer leur carrière, ils ont peu d'obligations ou de possibilités de suivre une formation complémentaire. En effet, une fois entré en fonction, le stagiaire de l'IFS peut grimper les échelons sans aucune formation complémentaire. Quelques privilégiés se voient offrir des possibilités d'études à l'étranger, mais c'est plutôt l'exception que la norme. La situation est analogue pour les agents forestiers des échelons inférieurs: après la formation de base, un garde forestier peut être promu sans formation complémentaire. Récemment, de brefs stages de perfectionnement ont été organisés pour les forestiers en fonction; c'est là un pas dans la bonne direction, mais ces cours ne durent que de une à trois semaines, et ils sont difficilement accessibles et mal organisés, de sorte qu'ils ne représentent qu'un début très timide. La formation devrait être continue et s'étendre sur toute la carrière d'un forestier en activité.

Des méthodes didactiques perimées

Dans presque tous les instituts de formation forestière du pays, l'enseignement se dispense encore selon un modèle didactique très ancien, qui consiste presque exclusivement en cours magistraux donnant des "solutions" uniques à un nombre limité de "problèmes" décrits une fois pour toutes, les étudiants ayant peu de possibilités de discuter ou de s'exprimer. Cela dit, l'étude quantitative des interactions entre les différents facteurs contribuant à la croissance et à l'installation des arbres et de leurs interactions avec l'ensemble de l'écosystème n'est pas terminée (elle ne le sera d'ailleurs jamais). Par conséquent, les méthodes de formation dans le domaine forestier doivent être remaniées de façon à inciter les élèves à réfléchir par eux-mêmes aux diverses solutions qui peuvent être apportées à un problème ou à une situation donnés. Il faut mettre davantage l'accent sur l'amélioration de la réflexion logique et des capacités d'analyse. Pour rendre la formation plus valable, il faudrait remplacer ou au moins compléter l'enseignement magistral traditionnel par des processus d'apprentissage interactifs plus efficaces. On peut le faire en instituant des discussions de groupe, des débats, des études de cas, des critiques de livres, des dissertations, etc. (Stracey, 1960). Cela ne signifie pas que les cours peuvent ou doivent être totalement remplacés, mais ils pourraient être rendus plus efficaces par une approche multimédia. Dans certains cas, des investissements supplémentaires non négligeables seraient nécessaires, car la plupart des instituts de formation dans le domaine forestier, surtout ceux qui relèvent des gouvernements des Etats, sont chroniquement sous-financés et fonctionnent dans des installations vétustes. On pourrait souligner, cependant, que la réorientation des méthodes d'enseignement par le recours notamment à des séminaires et à des groupes de travail peut se faire dans le cadre de budgets limités.

Les cours sont complétés par des visites sur le terrain, mais qui sont souvent une pure formalité ou au mieux comportent un monologue de l'instructeur ou du représentant du Département des forêts concerné sur les aspects pratiques des techniques de gestion. Une discussion animée entre les stagiaires, les fonctionnaires du Département des forêts de l'Etat et l'instructeur accompagnant les stagiaires serait fort utile.

Formation des formateurs

Il faut aussi examiner les structures du corps enseignant dans les instituts indiens de formation dans le domaine forestier. Certains des chargés de cours de la National Forest Academy, des State Forest Service Colleges et des Forestry Training Institutes sont de véritables enseignants, mais la majorité sont des fonctionnaires détachés des services forestiers. La qualité de l'enseignement dépend donc beaucoup de l'aptitude et de l'expérience de ces fonctionnaires. Bien que l'idée d'un apport constant d'expérience du terrain soit valable pour la formation, on n'applique malheureusement pas de critères suffisants pour la sélection des forestiers détachés dans l'enseignement. Il faudrait que ceux-ci aient à la fois assez d'expérience du terrain et une aptitude démontrée à enseigner. La sélection pourrait être facilitée par l'établissement de listes de forestiers répondant à ces critères, aussi bien au niveau national qu'au niveau des Etats. De plus, pour assurer le haut degré de qualité qui doit être celui du corps enseignant permanent, il importe de renforcer les programmes de perfectionnement des cadres et de formation des formateurs.

CONCLUSION

L'infrastructure indienne d'enseignement forestier, bien qu'elle soit plus ancienne et plus structurée que celle de la plupart des pays en développement, et qu'elle forme un plus grand nombre d'élèves, a absolument besoin d'être revue et modifiée. Il faudra pour cela abandonner l'approche traditionnelle exclusivement hiérarchique que tous les départements des forêts (aussi bien au plan national qu'au niveau des Etats) ont adoptée. Si l'on veut élaborer un cadre valable pour la formation, une étude approfondie est indispensable afin de trouver des solutions qui soient adaptées au contexte indien. Il faudrait que cette étude prenne en compte les programmes de formation non gouvernementaux, y compris les programmes en cours de mise au point dans un certain nombre d'universités agricoles, ainsi que ceux du secteur privé et commercial.

Bibliographie

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Gouvernement indien. 1952. National Forest Policy for India. New Delhi, Ministère de l'environnement et des forêts.

Gouvernement indien. 1976. National Forest Policy for India. Avant-projet présenté à la réunion du CBF en décembre 1976.

Gouvernement indien. 1988. National Forest Policy 1988. New Delhi, Ministère de l'environnement et des forêts.

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Malhotra, P.P. 1986. Forestry education and training in India. Indian Forester, 112(11): 957-959.

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Stracey P.D. 1960. Improvements in forestry training with particular reference to India. Proceedings of the Fifth World Forestry Congress (1960). Indian Forester, 87(6): 349-353.

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The Indian Forester. 1952. Convocation of the Indian Forest College and the Indian Forest Ranger College, Dehra Dun, 1952. Indian Forester, 78(5): 253-264.


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