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L’urbanisation et l’évolution de la demande alimentaire

L’élévation rapide du taux d’urbanisation (5 pour cent en Afrique subsaharienne) constitue l’un des phénomènes démographiques les plus frappants de la seconde moitié du vingtième siècle. L’urbanisation influence tous les aspects de la production et de la consommation des aliments.

L’urbanisation est la conséquence obligée du développement économique et social, mais elle se produit dans certains pays à un rythme effréné, plus rapide que l’expansion des services et des emplois. C’est alors que les taudis se multiplient au centre des villes et que les bidonvilles s’étendent en périphérie. Dans ces conditions, il n’y a pas assez d’eau potable pour laver et cuisiner, ni d’égouts et de poubelles pour éliminer les déchets et les immondices. L’habitat n’est plus assuré par l’aide communautaire ou l’initiative personnelle, mais devient une affaire commerciale comme le reste; il faut payer un loyer, même pour une place sur le sol d’une chambre. Dans de tels logis, l’espace peut manquer même pour cuisiner. Les membres de la famille qui sont physiquement aptes ont tous le même objectif: trouver un travail salarié et gagner de l’argent. S’il est difficile de décrocher un emploi dans le secteur officiel, du travail peut se trouver dans le secteur informel, qu’il s’agisse de petit négoce, de réparations, de services d’entretien ou de commerce ambulant. Toutefois, la majorité des migrants urbains des pays en développement vivent en situation précaire, et leur pouvoir d’achat est très modeste. Il est de plus en plus urgent de mettre à la portée de ces populations des aliments à bon marché et en même temps nutritifs.

Certains facteurs déterminants de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages urbains relèvent du domaine des politiques et des initiatives déjà évoquées à propos des populations rurales. Ces facteurs communs aux uns et aux autres comprennent la protection sociale, la politique des prix et des revenus, les opportunités d’emploi et de salaire, les transferts alimentaires et les transferts de revenus. L’accessibilité générale des aliments disponibles dans le pays exerce aussi une forte influence sur la viabilité d’une situation nutritionnelle urbaine acceptable. Cependant, de nombreux autres aspects revêtent une importance plus grande en ville qu’à la campagne. L’évidence la plus frappante concerne l’obligation d’acheter la plus grande partie des aliments nécessaires au ménage et, par conséquent, la plus grande dépendance où se trouvent les citadins à l’égard du marché et des produits alimentaires conditionnés pour la vente.

L’urbanisation rapide porte au premier plan l’importance de la transformation et du commerce des produits alimentaires. Selon les estimations, 47,5 pour cent de la population des pays en développement vivront dans les villes et les agglomérations urbaines en 2010 (ONU, 1994b).Un transfert de population de cette ampleur devra s’accompagner d’une augmentation de la productivité agricole, d’une amélioration des conditions de transport, de transformation et de commercialisation des denrées alimentaires et d’une modernisation des infrastructures de contrôle alimentaire, afin de maintenir la qualité des produits introduits sur le marché et de garder la confiance des consommateurs. Les moyens de transport sont souvent insuffisants pour acheminer vers les marchés le produit des jardins de rapport ou domestiques, ce qui contribue à aggraver les pertes après la cueillette et à ôter aux exploitants l’envie de produire davantage. Un système commercial dynamique est nécessaire pour assurer la distribution des aliments frais ou transformés depuis les marché de gros jusque chez les détaillants et pour réduire les pertes au minimum. Le système commercial englobe aussi tous les aspects du contrôle des denrées alimentaires, qui doit garantir la qualité et l’innocuité des produits offerts aux consommateurs (voir aussi la figure 11 au chapitre 3).

L’urbanisation implique généralement un certain degré de modernisation et d’occidentalisation, qui peut influencer les habitudes et les comportements alimentaires. En s’urbanisant, les populations qui consommaient des racines amylacées et des céréales secondaires tendent le plus souvent à délaisser sans retour ces aliments de base traditionnels en faveur du blé et du riz. Le tableau 19 donne une estimation, dérivée des chiffres sur les disponibilités, des quantités de céréales consommées au Sénégal par les urbains et par les ruraux. Dans le secteur urbain, la prédominance du riz, suivi du blé, est évidente, alors qu’en zone rurale la présence du blé est pour ainsi dire négligeable dans un régime alimentaire dominé par les produits du mil et du sorgho. Le tableau 20 montre comment en Côte d’Ivoire l’urbanisation a déplacé les aliments de base amylacés, tels que l’igname et le manioc, en faveur d’aliments transformés et préparés comme l’attiéké, un plat de couscous de manioc, ainsi qu’en faveur de la banane plantain, souvent vendue dans les villes sous forme de frites ou de chips de plantain.

Une raison majeure du déplacement des aliments de base traditionnels est la commodité. Par exemple, le riz blanc est facile à cuire, et les produits du blé, tels que le pain, offrent de nombreux avantages aux consommateurs qui empruntent les transports publics pour aller au travail et prennent d’habitude le repas de midi à l’extérieur, sous forme de casse-croûte et de sandwichs.

La tendance à se détourner des aliments locaux, constatée chez certains consommateurs urbains, a probablement un effet négatif sur la production rurale, d’autant plus que la demande alimentaire urbaine devrait ouvrir à la production domestique un marché nouveau. Les services de vulgarisation agricole, les instituts de technologie alimentaire et les services d’éducation de masse ont tous un rôle significatif à jouer dans le rapprochement de la demande alimentaire urbaine avec le secteur de la production et de la transformation locales.

TABLEAU 19

Estimation des quantités de céréales consommées, dérivée des chiffres sur les disponibilités, Sénégal, 1983-1985
(kg/personne/an)

Céréales

Dakar

Total urbain

Total rural

Mils/sorgho

16

33

147

Riz

119

110

51

Maïs

6

7

13

Blé

63

54

4

Source: Delisle, 1989.

TABLEAU 20

Consommation d’aliments amylacés,
Côte d’Ivoire, 1979 (kg/personne/an)

Aliment

Abidjan

Autres villes

Zones rurales

Igname

21,8

46,6

142,7

Manioc

38,4

30,2

87,7

Attiéké

5,0

4,4

1,8

Taro/patate douce

2,2

7,2

11,8

Banane plantain

65,0

42,2

45,9

Autres

1,2

0,2

-

Total

133,6

130,8

289,9

Source: Delisle, 1989.

Le fait de se tourner vers les aliments de confort reflète un autre changement majeur du profil de la demande alimentaire, qui va de pair avec l’urbanisation. Alors que les ménages ruraux préparent et consomment la plupart de leurs repas chez eux, beaucoup de ménages urbains prennent un repas, sinon deux, hors du foyer. Même dans les ménages qui ne manquent pas d’espace pour cuisiner, la hausse continuelle du prix du combustible rend la cuisson journalière du repas trop chère pour nombre de familles urbaines. Les hommes de ces familles préfèrent souvent acheter leurs repas dans la rue, où l’économie d’échelle rend avantageux le prix des portions commerciales.

Le tableau 21 donne un relevé de la quantité d’aliments préparés en dehors du foyer, en pourcentage de la consommation totale des ménages de Côte d’Ivoire. Il a été estimé qu’en 1979 les aliments consommés au dehors représentaient 23 pour cent du budget alimentaire moyen des ménages urbains d’Abidjan (Delisle, 1989). Une bonne part de cette dépense avait sans doute servi à l’achat d’aliments de rue.

L’expansion du commerce des aliments de rue s’explique en partie par la demande importante de collations toutes prêtes de la part des écoliers, des travailleurs urbains et même des femmes au foyer qui n’ont ni le temps ni les moyens de cuire des repas dans des logis surpeuplés et mal équipés. Il s’agit d’un vrai besoin, satisfait par un nombre croissant de chômeurs urbains qui trouvent un gagne-pain dans la restauration de rue. En 1987, Abidjan comptait près de 12 500 échoppes mobiles, en plus d’environ 1 300 maquis, restobárs et buvettes servant aussi des casse-croûte (Delisle, 1989).

Un des emplacements préférés des vendeurs de rue du monde entier n’est autre que le portail des écoles urbaines et des lycées. En effet, les écoliers sont partout friands de collations et, dans certains pays, ces dernières constituent une part significative de la ration journalière de ces jeunes.

TABLEAU 21

Aliments préparés en dehors du foyer, en pourcentage de la consommation totale des ménages, Côte d’Ivoire, 1979

Aliment

Abidjan

Autres villes

Forêt
(est)

Forêt rurale
(ouest)

Savane

Maïs, frais

68,7

81,6

62,5

50,7

51,0

Farine de mil

50,7

2,9

10,7

-

14,5

Pâtes de blé

47,4

52,7

97,0

20,2

88,1

Farine de manioc

33,7

10,1

5,3

1,6

2,6

Attiéké

85,2

73,0

59,7

58,4

98,6

Patate douce

47,1

22,1

31,0

16,9

28,5

Pomme de terre

14,7

10,4

100,0

100,0

100,0

Banane plantain

8,4

9,2

5,8

12,4

46,9

Source: Delisle, 1989.

Certains avantages des aliments de rue sont énumérés dans l’encadré 18. Le secteur des aliments de rue contribue au maintien des traditions alimentaires en offrant des plats traditionnels, en particulier des plats rarement cuisinés dans les foyers urbains.

Le secteur offre un service appréciable aux consommateurs urbains, ainsi qu’une source de revenus liquides aux vendeurs, dont un bon nombre sont des femmes. Par ailleurs, le secteur de l’alimentation de rue suscite aussi des changements d’habitudes alimentaires, en banalisant l’alimentation individuelle, en incitant les gens à «manger sur le pouce», en remplaçant les repas par la restauraation rapide. Par ailleurs, les problèmes d’hygiène et de contamination des aliments ne sauraient manquer de surgir dans l’environnement malsain des bidonvilles où sont confinés les plus pauvres.

ENCADRÉ 18
QUELQUES AVANTAGES DU PETIT COMMERCE ALIMENTAIRE DE RUE

Le succès du petit commerce alimentaire de rue réside dans le fait qu’il profite aussi bien aux vendeurs qu’aux acheteurs et a des répercussions sur l’économie locale. Ses principaux avantages sont les suivants:

  • Il fournit une nourriture à un prix abordable, bien cuisinée, prête quand et où on veut.

  • Il donne des possibilités d’emploi à des personnes de la communauté désavantagées par leur niveau d’instruction.

  • Il offre un régime alimentaire équilibré sur le plan nutritionnel, suffisant et varié.

  • Il permet de conserver l’héritage culturel, grâce aux plats traditionnels, ce dont les gens sont fiers.

  • Il assure un débouché aux produits agricoles locaux, d’où un encouragement à produire davantage et une contribution à l’économie locale.

  • Il permet de créer une économie familiale grâce à la répartition des tâches parmi les membres du foyer, par exemple pour acheter les denrées alimentaires, les préparer, les cuisiner et les servir aux clients, pour faire la vaisselle et surtout pour gérer le commerce.

  • Il offre des possibilités d’emploi aux jeunes ayant abandonné l’école, qui sont attirés par des salaires souvent plus élevés que le salaire minimal de la fonction publique.

  • Il met en évidence le dynamisme des femmes en tant que planificatrices, gestionnaires, soutiens de famille et employeurs.

Source: D’après FAO, 1992a.

L’industrie alimentaire et les petites unités de transformation L’industrie alimentaire est un secteur relativement nouveau en Afrique. Elle doit une part de son essor à l’importance accordée aux critères de valeur ajoutée, appliquée à la transformation locale de produits primaires valorisés partout dans le monde, comme le thé, le café et le cacao, à la substitution des importations et à la promotion des jus de fruits, des boissons non alcoolisées et de la bière. D’autres industries alimentaires de grande envergure comprennent la meunerie, qui produit des farines de céréales, et l’huilerie, qui extrait des huiles comestibles et des graisses des graines oléagineuses locales. De plus en plus de pays installent des grands moulins et des huileries sur leur sol. Ces usines contribuent à augmenter la disponibilité de produits alimentaires de transformation primaire, comme les farines usinées et les huiles végétales destinées au marché local et à la vente; elles contribuent aussi à réduire la charge de travail des femmes. Malgré leur petite taille, les installations communautaires de transformation des aliments ont autant d’importance que les grandes usines pour la préservation de la qualité des produits alimentaires, la prévention des pertes agro-alimentaires, la fourniture d’emplois et l’augmentation du revenu des familles.

En plus d’entretenir leurs propres unités de transformation de base, plusieurs compagnies multinationales du secteur alimentaire financent des sociétés satellites locales qui manufacturent leurs produits sous licence. Ces compagnies produisent de nombreux articles de consommation: céréales pour petit déjeuner, café instantané, lait en poudre, aliments pour bébés, condiments, sauces, vinaigrettes. Le choix et l’éventail des produits alimentaires disponibles en ville ne cessent de s’étendre. Toutefois, nombre de ces produits commerciaux, en particulier les huiles et les graisses de cuisson, coûtent trop cher pour les citadins pauvres, qui dépendent des marchés urbains et périphériques pour la plupart de leurs besoins alimentaires. Ils complètent leurs achats alimentaires par les légumes de leur petit jardin, les cadeaux reçus des parents de la campagne et les aliments qu’ils se procurent lors de visites à leur village natal.

Pour aider au développement de la technologie alimentaire, il faudra certainement multiplier les études de marché, notamment sur les perceptions des consommateurs urbains, leurs attitudes, leurs préférences, leurs goûts et leurs comportements alimentaires. Ces recherches pourraient conduire à l’introduction sur le marché de nouvelles versions de certains mets ou plats traditionnels, susceptibles de stimuler la consommation des aliments locaux parmi la clientèle urbaine. A titre d’exemples de telles préparations déjà développées en Afrique de l’Ouest, on peut citer l’igname instantanée, une poudre d’igname facile à reconstituer et qui simule l’igname pilée, ou le gari, ce dérivé fermenté, séché et granuleux du manioc, qui sert à la préparation de la pâte épaisse et farineuse appelée eba. De tels produits peuvent renforcer les liens économiques entre la ville et la campagne, en augmentant la demande des aliments traditionnels produits en zone rurale et en réduisant la dépendance urbaine à l’égard des importations de blé et de riz.

Le rôle de la recherche agronomique

Les institutions nationales de recherche agronomique

Les institutions nationales de recherche, qui comprennent les universités, les instituts de recherche et les centres nationaux de recherche agronomique ont obtenu des résultats extraordinaires en recherche agricole et apporté des perfectionnements remarquables à certaines découvertes qui sont pour beaucoup dans l’augmentation et la diversification de la production alimentaire. Ces contributions majeures comprennent, par exemple, la mise au point de semences hybrides adaptées aux différentes zones écologiques, comme c’est le cas du maïs au Kenya, et le développement de méthodes d’ensemble de lutte antiparasitaire.

Malheureusement, la plupart des systèmes nationaux de recherche agronomique se heurtent actuellement à de graves problèmes financiers et opérationnels.

La fonte des ressources au cours des années s’est traduite par une contraction des programmes de recherche et une fuite des chercheurs vers les pays industrialisés et vers les organisations régionales, internationales et privées offrant de meilleurs salaires. Les chercheurs qui choisissent de rester sont souvent sous-employés par manque de fonds et perdent leur motivation à produire, même quand ils en ont encore la possibilité.

Un autre problème persistant concerne la dissémination des résultats de la recherche. Il y a lieu de penser que bon nombre de travaux ayant eu des résultats valables par le passé demeurent encore confinés entre les murs des institutions de recherche agronomique, tandis que les vulgarisateurs agricoles continuent de diffuser aux cultivateurs des informations obsolètes et des messages inadéquats. Les liens entre chercheurs, vulgarisateurs et producteurs agricoles ne sont structurés que dans une petite minorité de pays. Il s’agit là d’une situation préoccupante, qu’il importe d’améliorer d’urgence.

Les organisations nationales de recherche ont pour vocation d’inscrire leurs travaux dans le cadre des priorités nationales de la recherche agronomique. Cette responsabilité est telle que les organisations ne sauraient s’acquitter de leur mandat isolément. Elles doivent donc, comme certaines d’entre elles le font déjà, œuvrer en étroite collaboration avec le système international de la recherche agronomique. Elles doivent également établir et renforcer leurs liens avec les cultivateurs locaux, les réseaux de vulgarisation, les groupes de consommateurs et le secteur privé de leur pays, afin de promouvoir entre tous une communication efficace et de contribuer à la gestion la plus complète et la plus productive des ressources disponibles.

La meilleure manière de transmettre aux cultivateurs les connaissances engendrées par la recherche consiste à impliquer les producteurs, en qualité de partenaires, dans le processus de la recherche dès le départ, lors de la définition des priorités de recherche et des arrangements institutionnels, et s’assurer ainsi que leur voix se fera entendre. Il faut aussi impliquer les vulgarisateurs dans ce processus. Pour leur part, les chercheurs trouvent dans une interaction dynamique avec les producteurs l’occasion de réunir des connaissances utiles, par exemple sur les systèmes et les procédés agricoles traditionnels les plus viables. Les pays de la SADC, qui travaillent en association étroite avec le bureau régional de l’ICRISAT à Bulawayo au Zimbabwe, ont démontré la faisabilité et l’efficacité de ce type de collaboration.

Les centres internationaux de recherche agronomique

Les 16 centres internationaux de recherche agronomique du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) reconnaissent pleinement les points forts et les points faibles des systèmes traditionnels de la production alimentaire. Ils contribuent activement à la recherche visant au développement de systèmes améliorés, caractérisés par une productivité plus grande, une durabilité mieux garantie, une utilisation d’intrants plus efficace et modelée de plus près sur les contraintes des petits producteurs.

Plusieurs centres de recherche agronomique jouent un rôle très actif en Afrique. L’Institut international d’agriculture tropicale (IITA) au Nigéria s’est occupé longtemps du développement de méthodes de paillage du sol et de cultures associées, ainsi que de l’identification de plantes ligneuses vivaces utilisables en systèmes agroforestiers, tels que les cultures en allées arborées. La capacité de systèmes de ce type à mieux garantir la durabilité de cultures vivrières associées à l’élevage de petits ruminants dans les tropiques humides et semi-humides a été démontrée par l’IITA, en collaboration avec l’Institut international de recherche sur le bétail (ILRI), qui a des bureaux à Nairobi au Kenya et à Addis-Abeba en Ethiopie. Cependant, les aspects socio-économiques de ces systèmes doivent faire l’objet de recherches plus poussées avant que l’on ne passe aux réalisations sur une large échelle.

En ce qui concerne les zones tropicales semi-arides, l’ICRISAT à Harare, au Zimbabwe, a réalisé des travaux intéressants sur la gestion des bassins versants mineurs et des vertisols en saison des pluies, ainsi que sur différents systèmes de cultures associées.

L’ICARDA à Alep, en Syrie, a montré comment garantir la production dans les régions sèches du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord grâce à l’application de quantités assez faibles de phosphates, dans des systèmes mixtes de production comprenant des cultures céréalières, des légumineuses et de l’élevage (Cooper et al., 1987).

Le Conseil international pour la recherche en agroforesterie (CIRAF), basé à Nairobi, au Kenya, n’est pas une institution de recherche à proprement parler, mais il s’occupe de promouvoir la recherche sur l’incorporation de plantes ligneuses vivaces dans les systèmes de production, particulièrement en vue de leur contribution potentielle au maintien de la productivité de l’agriculture et de l’élevage. Ce centre a pris un rôle de tête dans la rationalisation de la terminologie et le développement des méthodes de recherche en agroforesterie. Selon le CIRAF, les arbres peuvent jouer un double rôle dans une meilleure utilisation des sols: écologique, par le maintien de la fertilité et le contrôle de l’érosion; économique, par une augmentation des revenus tirés de la vente des produits des arbres.

La recherche doit tendre à la maximisation de la productivité avec un minimum d’intrants, de manière compatible avec l’exigence de durabilité. Les centres de recherche doivent reconnaître que le contrôle de l’érosion des sols est vital pour une agriculture durable et réorienter, si nécessaire, leurs programmes de recherche en conséquence. Partout en Afrique, les systèmes traditionnels de production alimentaire impliquant les cultures itinérantes sont en train de disparaître, car la pression démographique entraîne une réduction des temps de jachère; cela conduit à une régénération insuffisante des sols, à la diminution des récoltes, aux disettes et à la faim. Le problème d’une agriculture avare d’intrants réside dans son incapacité à restituer à la terre une proportion convenable des nutriments dont les récoltes l’ont privée. Si l’on maintient, dans la situation démographique actuelle, l’apport d’intrants au niveau médiocre de l’agriculture traditionnelle, les systèmes productifs vont inmanquablement se délabrer dans nombre de pays d’Afrique, au point que ceux-ci ne pourront plus nourrir leur population en croissance rapide. Désormais, la restauration de la fertilité des sols passera nécessairement par une augmentation des apports d’intrants. La recherche aura donc normalement pour but de promouvoir l’évolution vers une productivité supérieure, obtenue dans le cadre de systèmes équilibrés, tout en limitant l’emploi d’intrants achetés, puisque les petits cultivateurs ont rarement les moyens de se procurer de façon continue de grandes quantités d’intrants.

En cas de faible emploi d’intrants, il est urgent de ralentir la dégradation du sol et d’empêcher la poursuite de l’érosion. Il faut mettre en œuvre des techniques aptes à procurer aux cultivateurs des bénéfices immédiats tout en contribuant au maintien de la durabilité à long terme. A cet égard, l’utilisation de fumier et d’autres engrais animaux revêt une importance cruciale, mais on peut recourir à d’autres méthodes. Par exemple, l’aménagement de bandes d’herbe peut avoir le double avantage de protéger le sol contre l’érosion et de fournir des réserves de fourrage pour les périodes critiques de l’année. De même, dans certains environnements, la culture des légumineuses peut se révéler profitable tant à long terme qu’à court terme. Ainsi, il est quelquefois possible de faire pousser des légumineuses en appliquant des phosphates minéraux au résidu humide que laisse la récolte de la culture principale. Le cultivateur peut ainsi obtenir du fourrage pour la saison sèche et améliorer la fertilité du sol grâce au fumier animal et à la décomposition des racines de légumineuses.

De nombreux agriculteurs manquent d’accès aux intrants commerciaux, n’ont pas de quoi en acheter, ou ne les emploient pas de peur d’y perdre. Les centres de recherche ont donc reconnu l’importance des travaux qui visent à la fois l’allègement des contraintes et l’augmentation des profits des cultivateurs pauvres, particulièrement dans les environnements ingrats. Ces efforts de la recherche comprennent des programmes de développement de variétés végétales résistantes aux parasites et tolérantes aux stress environnementaux (sécheresse, salinité et toxicité aluminique), ou capables de mieux exploiter les ressources limitées du sol grâce à de meilleurs appareils radiculaires ou par association avec des mycorhizes.

Les considérations nutritionnelles dans la recherche agronomique

La recherche agronomique et les politiques qui s’y rapportent offrent à l’amélioration nutritionnelle à long terme des opportunités considérables. En effet, la recherche peut déboucher sur une augmentation du revenu des cultivateurs pauvres et des travailleurs agricoles, sur une réduction des coûts unitaires de la production et, par suite, sur une réduction des prix payés par les consommateurs pauvres pour l’achat de denrées alimentaires. Cependant, pour que ces opportunités aient de bonnes chances de se réaliser, les problèmes nutritionnels doivent être explicitement pris en compte dès la planification de la recherche agronomique.

La recherche concernant la production agricole peut influencer la nutrition humaine de diverses façons, par exemple par ses effets sur: le revenu des familles exposées au risque de malnutrition; le prix des denrées alimentaires; les systèmes de production dans l’agriculture de subsistance; les risques de fluctuation de la production alimentaire, des prix et des revenus; la composition nutritionnelle des aliments disponibles dans les familles à risque; le revenu des ménages et de leurs membres, et le contrôle de ces revenus; la distribution du temps des femmes; enfin, la demande de travail.

La recherche agronomique doit considérer la possibilité d’un impact sur la nutrition humaine, dès lors qu’elle s’applique à certains domaines, en particulier aux domaines de recherche technologique au niveau de l’exploitation décrits ci-dessous:

Le développement de la recherche portant sur les priorités mentionnées ci-dessus devra nécessairement s’appuyer sur une connaissance approfondie des systèmes alimentaires particuliers, sur la collaboration active de spécialistes de différentes disciplines et, bien souvent, sur la participation des familles locales.


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