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Financement novateur pour la foresterie durable

R.A. Crossley, T. Lent, D. Propper de Callejon et C. Sethare

Rachel A. Crossley, Tony Lent, Diana Propper de Callejon et Camilla Sethare travaillent à l'Environmental Advantage, une organisation non gouvernementale implantée à New York (Etats-Unis).

Note: Le présent article s'inspire d'un document présenté à l'atelier sur les «Mécanismes financiers et sources de financement pour la foresterie durable», qui s'est tenu à Pretoria (Afrique du Sud) du 4 au 7 juin 1996.

Cet article a pour but principal de recenser les mécanismes financiers (principalement du secteur privé) qui peuvent être créés ou adaptés rationnellement et mis en pratique afin de promouvoir la transition vers un aménagement durable des forêts dans le monde entier et son essor.

L'innovation en matière de financement pour un secteur donné peut se traduire par la création et la mise en place de nouveaux mécanismes et outils de financement (par exemple l'échange «dette nature»). Elle peut également comprendre l'adaptation et l'application de véhicules financiers bien établis (comme les obligations ou les fonds d'investissement) à de nouveaux secteurs d'investissement émergents tels que l'aménagement durable des forêts, les énergies renouvelables, les entreprises de protection de la diversité biologique, et la conservation. L'adaptation d'instruments financiers existants présente l'avantage que les risques d'investissement sur ces marchés émergents diminuent, dès lors que les investisseurs privés (mais aussi les organismes de financement publics et multilatéraux) connaissent déjà bien ces instruments testés sur le marché.

Inversement, les nouveaux mécanismes de financement pour l'aménagement durable des forêts ont l'inconvénient d'être encore expérimentaux et inconnus, et peuvent de ce fait susciter plus de crainte et de scepticisme que l'adhésion des cercles financiers. Ainsi, des outils financiers tout à fait nouveaux, tels que les transactions compensatoires de carbone, présentent un risque de financement technologique inhérent car le mécanisme sur lequel repose le financement est nouveau et n'a pas été testé. En conséquence, l'utilisation de nouveaux instruments pour financer l'aménagement durable des forêts est susceptible de limiter davantage le nombre d'investisseurs potentiels à quelques financiers novateurs et audacieux prêts à prendre des risques non négligeables. De ce fait, l'aménagement durable des forêts pourrait demeurer un petit créneau de l'univers forestier ne disposant pas de fonds suffisants.

Les auteurs soutiennent que le véritable enjeu consiste à appliquer et à adapter les meilleures stratégies et mécanismes actuels de financement public et privé normatifs aux réalités et aux opportunités commerciales offertes par les entreprises et les projets de foresterie durable. Il ne s'agit pas de mettre l'accent sur le financement novateur, mais plutôt sur le financement d'une foresterie innovante. On admet d'une façon générale que les fonds publics destinés à promouvoir les pratiques de foresterie durable font défaut et que les fonds existants n'ont guère contribué à réduire le déboisement ou à atteindre des objectifs s'inscrivant dans la durée. Il est peu probable que les financements publics disponibles pour l'aménagement durable des forêts (ou tout autre domaine de gestion des ressources naturelles) augmentent, étant donné que dans l'ensemble, les fonds publics pour le développement sont insuffisants - voire régressent. En revanche, les mouvements de capitaux privés vers le secteur forestier ne cessent de progresser chaque année depuis 1991, sous forme d'investissements et de prêts.

L'essor des investissements privés dans la foresterie et la pénétration du marché financier mondial dans les économies des pays en développement présentent des débouchés potentiels mais peut-être aussi des menaces (si l'investissement est mal dirigé) à la conservation à long terme des forêts de la planète. L'enjeu consiste à réorienter et affecter les ressources existantes du secteur privé et les véhicules et services d'investissement du marché boursier à l'aménagement durable des forêts.

Cet article met donc l'accent sur les investissements du secteur privé pour deux raisons principales: i) la participation croissante du secteur privé dans l'exploitation et la gestion forestières dans le monde entier; ii) le secteur privé constituera vraisemblablement la source de financement permettant de combler le déficit - actuel et probablement futur d'assistance officielle et de financement public dans le secteur forestier au cours des prochaines années.

Créer les conditions nécessaires pour l'afflux de capitaux privés dans le secteur de la foresterie durable

Pour attirer les capitaux privés dans un nouveau secteur d'activité, qu'il s'agisse de la foresterie durable, des énergies renouvelables ou de tout autre marché émergent, il faut rendre le secteur accessible et alléchant aux investisseurs professionnels. Pour ce faire, on peut envisager plusieurs moyens: informer les marchés financiers des possibilités d'investissement liées à la foresterie durable; regrouper et structurer ces opportunités de manière que les investisseurs privés les comprennent et les reconnaissent facilement; et réduire les risques et les coûts différentiels spécifiques aux jeunes industries.

Attirer et informer les marchés financiers

Avant que les investisseurs puissent être orientés vers le secteur forestier (et, de là, vers l'aménagement durable des forêts), ils doivent être systématiquement formés aux possibilités d'investissement de façon crédible. Parmi les obstacles déterminants à l'investissement dans la foresterie durable figure un manque de connaissances fondamentales et d'informations fiables. D'autre part, rarement a-t-on envisagé la présentation de l'aménagement durable des forêts - ou des opportunités spécifiques au secteur - du point de vue de l'investisseur, tandis que les analyses de résultats et de rentabilité financière des entreprises de foresterie durable font défaut.

La mitigation des risques du secteur et des risques du marché émergent

Les investisseurs qui envisagent d'investir dans la foresterie durable des pays en développement se trouvent confrontés à deux grandes catégories de risques commerciaux: les risques d'un secteur émergent et les risques d'un marché émergent. L'aménagement durable des forêts en tant que secteur est une nouvelle branche d'investissement que peu d'investisseurs professionnels connaissent bien. Seules quelques entreprises attestent un long passé de résultats financiers performants susceptibles de servir de repère pour les professionnels. Pour affronter les risques d'un secteur émergent, il faut envisager de nouvelles approches. Plusieurs instruments financiers ont été conceptualisés ou élaborés afin d'orienter les capitaux vers les entreprises de gestion forestière et atténuer les risques liés à un nouveau secteur d'activité. Ces structures peuvent servir de modèles pour augmenter les investissements dans le secteur de la foresterie durable.

En quoi consiste la foresterie durable?

La foresterie durable soulève encore de vives controverses qui portent essentiellement sur l'ampleur et l'intensité des changements requis pour transformer l'industrie des produits forestiers en secteur viable. Un point sur lequel la plupart des acteurs clés - de l'industrie du bois aux ONG de protection de l'environnement s'accordent est la nécessité d'apporter des améliorations radicales afin que les pratiques forestières traditionnelles s'orientent vers un rendement soutenu, (et même si ce n'est pas encore la règle) vers la durabilité. Par ailleurs, on convient généralement qu'à l'heure actuelle, la définition de foresterie durable manque de rigueur scientifique. Toutefois, à mesure que des changements interviennent dans l'aménagement des forêts, la science sera en mesure d'étudier les résultats des nouvelles pratiques et de nous permettre de mieux comprendre en quoi consiste la foresterie durable. Les nouvelles connaissances scientifiques pourront ensuite servir à documenter et à perfectionner les systèmes d'aménagement des forêts.

Cet article examine les mécanismes actuels et potentiels de financement des besoins en capitaux de projets et d'entreprises suivant l'optique de foresterie durable. Une attention particulière est accordée aux entreprises et aux initiatives forestières qui adoptent - ou s'organisent pour le faire des méthodes de gestion des écosystèmes d'avant-garde. Cela implique améliorer sans cesse ou maintenir la productivité et la santé des forêts afin que les générations futures puissent continuer à bénéficier des biens et services forestiers dans les mêmes conditions que les générations actuelles.

Bon nombre des investissements les plus prometteurs en matière d'aménagement durable des forêts ont lieu dans les pays en développement, qui, la plupart du temps, ne disposent pas d'infrastructures commerciales et financières solides. Les préoccupations des investisseurs sont amplifiées par d'autres conditions telles que des droits de propriété approximatifs, les risques de change, les questions d'impôts et de tarifs douaniers, même si tout marché émergent comporte ce type de risque. Il existe une série d'outils propres à gérer ces risques, qui vont de l'assurance des risques politiques, à la couverture des risques de change et aux négociations de dégrèvements fiscaux.

Financement des coûts liés à la prise en compte des éco-externalités

Toute industrie émergente s'inscrivant dans la durée adopte de nouveaux principes et pratiques d'exploitation. Dans le cas de la foresterie durable, ces nouvelles méthodes s'attachent à accroître l'utilisation efficace et la conservation de l'écosystème forestier. On peut citer à titre d'exemple: l'évaluation initiale de la diversité biologique de l'écosystème pour déterminer la valeur économique de toutes les essences forestières et des produits forestiers non ligneux; le suivi de l'impact des activités de coupe; et l'utilisation d'instruments régis par le marché afin de préparer des mesures d'incitation économique propres à réduire au minimum les coûts de protection de l'environnement liés à l'activité commerciale.

Pour adopter ces pratiques durables, une entreprise supporte des coûts différentiels supplémentaires qui pourraient, au départ, réduire ses gains et, de ce fait, diminuer l'intérêt des investisseurs. Plusieurs approches ont été conçues pour affronter ces problèmes; la plupart visent à subventionner ou à compenser en partie les coûts marginaux de ces nouvelles pratiques. Par exemple, la certification forestière se propose de définir et de distinguer les produits provenant d'une exploitation forestière respectant les principes de durabilité de sorte que les consommateurs puissent donner leur préférence à ces produits par rapport à ceux qui ne sont pas certifiés, même au prix d'une majoration. Un autre exemple est l'utilisation des fonds publics pour subventionner les coûts de l'étude et du suivi de la diversité biologique, ainsi que de l'évaluation économique à la charge des entreprises forestières privées appliquant les principes de durabilité.

Financer les frais occasionnés par les flux de capitaux vers un nouveau secteur d'investissement

Lorsqu'on commence à investir dans le secteur de l'aménagement durable des forêts, les investisseurs privés - qu'il s'agisse de gérants de fonds ou de banques commerciales - se heurtent à divers nouveaux coûts de gestion répartis en trois catégories principales: identification des flux financiers; préparation du projet et de l'investissement; coûts marginaux de gestion. Les investisseurs ont du mal à supporter ces coûts, et c'est souvent ce qui les pousse à abandonner l'idée de se lancer dans de nouveaux secteurs. Afin d'attirer les capitaux privés dans le domaine de la foresterie durable, ces coûts additionnels de placement et de gestion des investissements peuvent être en partie couverts par l'aide publique et par des prêts à des conditions de faveur. Une fois que la foresterie durable aura atteint un stade commercial, ces coûts de transaction diminueront et pourront être intégrés dans les coûts normaux de gestion de fonds de placement.

TABLEAU 1. Matrice des mécanismes de financement

Type de financement (secteur)

Source de financement ou mécanisme

Etranger

Intérieur

Mixte étranger/intérieur

Public

A

B

C

· Flux bilatéraux d'APD
· Flux multilatéraux d'APD

· Sources de financement public intérieur et instruments financiers domestiques de sources publiques utilisés pour promouvoir la durabilité (par exemple droits d'utilisation redevances sur les ressources naturelles

· Entreprises viables financées par un dosage de capitaux étrangers et nationaux publics

Privé

D

E

F

· Investissement institutionnel privé étranger dans des entreprises et projets durables
· Financement par capitaux propres/dettes

· Investissements locaux par emprunts/capitaux propres
· Investissements des entreprises nationales dans des entreprises et projets durables

· Capitaux privés de source étrangère et intérieure

Mixte

G

H

I

· Fonds d'investissement mixte public/privé
· Garanties d'investissement des pays développés

· Aide publique et privée intérieure utilisée en faveur de la durabilité
· Fonds publics intérieurs comme catalyseurs d'investissements institutionnels

· Investissement étranger et intérieur de sources publiques et privées

TABLEAU 2. Tableau récapitulatif des études de cas

Type de financement (secteur)

Source de financement ou mécanisme

Etranger

Intérieur

Mixte

Public

A

B

C

· Sustainable Market Transformation Init.
· Biodiversity Conservation Network PROCAFOR

· Projet d'énergie domestique, Niger
· Forest Renewal Colombie britannique (FRBC)

· Fonds nationaux pour l'environnement
· FUNDECOR

Privé

D

E

F

Xylem

· O Boticario, Brésil
· The Forestland Group

· Piqro
· Conférence de Pocantino sur l'énergie solaire

Mixte

G

H

I

· Fonds GEFI/OPIC
· Projet DANIDA

· Dégrèvements fiscaux pour le reboisement (Panama)
· Obligation forestière exonérée d'impôt
· Banque pour la protection de l'environnement (Pologne)

· IFC Biodiversity Enterprise Fund
· Fund for Sustainable Enterprises

Enseignements tirés d'études de cas

La suite de cet article présente des études de cas du monde entier illustrant les meilleures méthodes et leçons tirées des transferts de capitaux en faveur de la foresterie durable ou de secteurs similaires. Elles offrent des exemples polyvalents d'innovation financière qui sont-ou pourraient être - appliqués à l'aménagement durable des forêts. Le tableau 1 présente la matrice utilisée pour les études de cas abordées dans l'article complet présenté à l'Atelier de Pretoria: neuf catégories correspondant à trois principaux types de financement (secteur public, secteur privé et mixte public/privé) et trois sources de financement (étranger, intérieur et mixte). Cet article ne décrit que certaines études de cas portant sur les financements privés et mixtes. Pour les exemples de financement public, consulter le document intégral de l'atelier.

Financement privé de sources étrangères

Fonds forestiers sectoriels: Xylem et The Forestland Group. (Source: Charles Collins, Président, The Forestland Group, correspondance et communication personnelles.) Xylem Investments Incorporated est une société internationale de placement dans l'exploitation du bois, qui souscrit au capital d'entreprises forestières internationales axées sur les plantations et négociées sur le marché public. C'est la première société à avoir suscité l'intérêt des investisseurs institutionnels des Etats-Unis spécialisés en terres boisées pour des marchés émergents de la foresterie. Xylem administre environ 235 millions de dollars des Etats-Unis de patrimoine forestier consistant en six portefeuilles d'actions en industries du bois répartis sur 10 pays et 1,4 million d'hectares de plantations de résineux et de feuillus gérés selon un plan de rendement forestier durable.

Ce fonds est un bon exemple de fonds sectoriel, en ce sens qu'il aide les investisseurs institutionnels qui n'ont pas l'habitude d'investir dans les marchés forestiers émergents à se familiariser avec une nouvelle opportunité de marché. Par ailleurs, même si le fonds investit dans un nouveau secteur comportant de nouveaux risques, l'investisseur institutionnel connaître déjà de nombreuses structures et caractéristiques du fonds et le risque perçu sera moindre.

Le potentiel d'extension du modèle Xylem à l'aménagement durable des forêts est considérable, et ce, à plusieurs titres; toutefois, il faut émettre, d'emblée, quelques réserves importantes: en premier lieu, Xylem précise qu'elle investit dans des sociétés de gestion forestière adoptant un plan de rendement durable, mais on ne sait pas très bien ce que cela veut dire (c'est-à-dire dans quelle mesure la production s'inscrit réellement dans une optique de viabilité globale) et avec quelle rigueur ce plan est exécuté. Deuxièmement, cette approche pourrait ne pas être viable dans les pays en développement qui n'ont pas de marché boursier.

The Forestland Group (TFG) constitue un second exemple de fonds axé spécifiquement sur la foresterie. A l'inverse de Xylem, TFG se concentre sur les forêts naturelles qui sont - ou peuvent être gérées selon des régimes d'exploitation durable à rotation très longue. La stratégie d'investissement de TFG porte sur les forêts de feuillus et de pins naturelles et restaurées, censées être sous-estimées, et met l'accent sur les propriétés où la croissance biologique peut se traduire par des renchérissements considérables du bois d'œuvre à mesure qu'il monte dans la hiérarchie du produit.

TFG est un bon modèle susceptible d'être reproduit dans les pays en développement. A noter, toutefois, que pour mener à bien son lancement sur le marché, il faut minimiser l'importance de ses atouts écologiques et privilégier les bénéfices et la rentabilité. Ainsi, le nom d'origine de la société «Heartland Group», perçu avec une trop forte connotation «verte», a été changé en «The Forestland Group».

Financement privé de sources nationales

Comment prendre en compte les retombées écologiques externes: la Fondation pour la protection de la nature O Boticario (Brésil). (Source: Personnel de la Fondation O Boticario.) O Boticario est une société de parfums et de soins de beauté fondée en 1977. La compagnie a 1100 magasins en franchise dans tout le pays et plus de 30 boutiques à l'étranger (notamment en Grande-Bretagne et au Chili) En 1990, ses intérêts l'ont conduite à créer la Fondation O Boticario pour la protection de la nature (FPN), fondation à but non lucratif ayant pour objectif la conservation des ressources naturelles du Brésil

O Boticario verse 5 pour cent de ses bénéfices nets à la Fondation, tandis que les autres fonds proviennent de donateurs privés brésiliens. En moyenne, les dons de la Fondation s'élèvent à 200000 dollars par an. En général, les bénéficiaires sont les universités et autres établissements académiques, les instituts de recherche et les organismes scientifiques, ainsi que les groupes écologistes et autres ONG. Les propositions de dons sont examinées par une équipe de consultants externes, tous spécialistes de diverses disciplines scientifiques et de gestion des écosystèmes

Les innovations principales et les leçons tirées de la Fondation O Boticario sont les suivantes:

· c'est la première fondation de ce genre au Brésil à appuyer la conservation du milieu naturel:

· c'est une nouvelle source de fonds de conservation mise en place par une société dont les produits et les opérations et recettes de base dépendent de la protection des ressources naturelles et de la base génétique de la diversité biologique (dans ce sens. O Boticario investit dans sa propre survie commerciale à long terme)

Le Gouvernement brésilien a institué une mesure, certes limitée, d'incitation du secteur privé à investir dans le domaine de la conservation, et O Boticario a montré que le secteur privé peut collaborer avec les groupements écologistes et tirer parti des compétences des scientifiques pour l'aider à recenser les secteurs les plus délicats et importants dans lesquels intervenir.

Il existe de bonnes possibilités de reproduction du projet. Dans tout pays en développement, les bénéfices et les opérations des compagnies d'exploitation dépendent de l'extraction des ressources naturelles et de leur pérennité. Les gouvernements peuvent travailler de pair avec ces opérateurs afin de soutenir leur conservation par le secteur privé et encourager d'autres activités. Les mesures d'incitation pourraient aller des dégrèvements fiscaux pour les sociétés qui créent des réserves naturelles ou des zones tampons en bordure des opérations d'exploitation forestière, à des allégements fiscaux ou des subventions à l'exportation les exploitants respectant les principes de durabilité.

Au Brésil, la société O Boticario distribue une part de ses bénéfices nets à une organisation à but non lucratif s'occupant de la conservation des ressources naturelles du Brésil

La Banque de protection de l'environnement SA: Pologne. La Banque de protection de l'environnement SA (Banque Ochrony Srodowiska - BOS) compte parmi les 20 premières banques commerciales de Pologne. Le fondateur et principal actionnaire est le Fonds National. Le caractère innovateur de la Banque consiste à accorder des financements à conditions avantageuses pour des projets, même si elle demeure une «banque universelle» offrant toute la gamme des services bancaires traditionnels. En 1995, la Banque a octroyé des prêts pour un total approximatif de 190,6 millions de dollars dont 55,6 pour cent constitués par des projets écologiques. Ce niveau de prêts représente une progression de 75 pour cent par rapport à l'année précédente. Depuis sa création, BOS sert de modèle de financement innovateur pour l'environnement.

Des représentants de la Banque EXIM des Etats-Unis ont invité une délégation chinoise à s'adresser à la BOS, et de nombreux autres pays désireux d'améliorer le financement de leur secteur de l'environnement examinent la structure de la Banque et ses programmes de prêts. En dépit des récentes allégations selon lesquelles le Fonds National n'appliquait pas les critères de sélection fixés par son conseil de direction pour ce qui est des taux d'intérêt préférentiels - facilitant par là le financement de projets contestables - le modèle de prêt de la BOS doit encore être considéré comme une innovation positive et transposable en matière de financement pour l'environnement.

Le modèle de prêts à des taux préférentiels de la Banque peut aussi être considéré comme un moyen de cibler les investissements en faveur des activités de développement durable. Une banque de ce type pourrait fixer un crédit renouvelable à faible taux d'intérêt pour supporter les coûts immédiats liés à la transition vers une gestion durable, notamment les nouveaux coûts d'exploitation. Les objectifs nationaux ou régionaux de politique forestière pourraient être incorporés dans les critères de prêts, exactement comme les objectifs nationaux de la Pologne ont servi à établir des priorités pour les demandes d'emprunts.

Financement privé de sources mixtes étrangères et nationales

Comment conjuguer les investissements internationaux et intérieurs pour financer des opérations durables et créer des liens commerciaux déterminants: Piqro (Mexique). (Source: Juan Peon, Directeur; Piqro.) Piqro, fabricant de parquets en contreplaqué de Chetumal (Mexique), est un exemple d'entreprise qui montre des associations intéressantes de financement étranger et national, et illustre comment la foresterie durable peut porter des avantages commerciaux sur le marché.

Piqro est une société d'État créée par le Gouvernement mexicain en 1989 pour le marché régional des revêtements de sols. Dans le cadre d'efforts de privatisation, et l'État n'ayant pas réussi à rentabiliser l'entreprise, celle-ci a été vendue à une famille locale d'industriels au début des années 90. Il se trouve que Piqro est située à proximité du programme Plan Forestal salué unanimement, une grande coopérative de foresterie durable bénéficiant de l'assistance de l'Office allemand de la coopération technique (GTZ), qui vend des grumes et du bois d'œuvre certifiés par deux organismes internationaux de certification indépendants.

Lors de la privatisation de Piqro, les nouveaux propriétaires souhaitaient créer des débouchés à l'exportation afin d'accroître les revenus. Pour ce faire, ils ont embauché un directeur général ayant une expérience d'exportation de produits naturels. Ainsi, Piqro a commencé à acheter du bois au Plan Forestal et à commercialiser sur le marché des Etats-Unis le premier parquet certifié en bois de feuillu tropical. L'année suivante, International Hardwood Flooring (IHF), le plus grand importateur américain de revêtements de sol d'origine tropicale, a négocié l'achat et la distribution exclusive de tous les produits certifiés pour l'exportation de la société Piqro. En échange de l'accord d'exclusivité, IHF a convenu d'investir pour porter la qualité des produits Piqro aux normes mondiales de la catégorie, devenant par là un partenaire commercial stratégique de Piqro.

Outre l'apport de capitaux privés de source étrangère dans un marché intérieur axé sur la production de matières premières forestières ménageant l'environnement, cet exemple est instructif en ce sens qu'il a établi un lien important avec un marché à l'exportation. Il est parfaitement transposable dans ses grandes lignes, comme le montrent les multiples exemples analogues.

Financement mixte public et privé

Les instruments de financement mixte offrent aux institutions financières publiques la possibilité d'accroître par effet de levier et de multiplier les flux de capitaux vers la foresterie durable. Dans le passé, les fonds du secteur public affectés à la foresterie dans les pays en développement étaient souvent ciblés sur les programmes de conservation des forêts et le renforcement des moyens de réglementation des ministères compétents. Les cas présentés dans cette section illustrent un secteur sur lequel on s'est moins penché: l'utilisation des fonds publics pour attirer les investissements du secteur privé dans les entreprises d'aménagement durable des forêts.

L'Agence danoise de développement international (DANIDA) a pris en charge certains coûts d'une entreprise du Ghana dans sa transition vers une foresterie durable. (Source: DANIDA, Document de projet, Erik Albrechtsen. DLH, communication personnelle.) Organisme d'aide bilatérale, DANIDA participe à un projet au Ghana - le Projet Gwira Banso - ayant pour but d'améliorer l'aménagement forestier dans une zone de forêts tropicales en péril. Si les pratiques forestières sont relativement bien contrôlées à l'intérieur des «réserves» forestières (zones consacrées à la production et régies par les règles et procédures du Ministère des forêts), elles le sont nettement moins à l'extérieur. L'objectif global du projet est d'instaurer une gestion durable des ressources naturelles dans une zone de concession forestière n'appartenant pas à la réserve dans le but d'améliorer les conditions de vie des communautés locales et l'approvisionnement à long terme pour l'industrie du bois. Le but est d'aider une grande société danoise de négoce de bois appliquant des méthodes progressistes. Dalhoff-Larsen & Horneman A/S (DLH), à renforcer les liens commerciaux avec l'un de ses principaux fournisseurs, Ghana Primewood Products Ltd (GAP), une société à capital entièrement ghanéen.

Plusieurs caractéristiques du projet sont à noter:

· il a été lancé par une entreprise privée (DLH) soucieuse d'assurer ses intérêts commerciaux à long terme et consciente de la nécessité d'une gestion durable des forêts:

· il resserre les liens commerciaux entre l'acheteur et le vendeur de bois, ce qui leur permet de collaborer davantage et de réduire vraisemblablement les coûts de transaction; en outre, cela devrait leur permettre de garantir une sécurité durable à la société ghanéenne GAP qui pourra ainsi faire des investissements à long terme dans l'aménagement rationnel des forêts;

· les fonds publics du DANIDA ne sont utilisés que dans une phase de démarrage de deux ans:

· le projet peut être reproduit dans de nombreux pays.

Obligations exonérées d'impôt en faveur du secteur forestier public: Environmental Advantage (Etats-Unis). (Source: Environmental Advantage.) Au cours des 20 dernières années, l'aménagement des forêts aux Etats-Unis est devenu un thème tout aussi controversé que dans de nombreuses régions de forêts tropicales. Le cœur du problème est de trouver des moyens de gérer les forêts entre les mains des particuliers, qui regorgent de bois mais qui revêtent aussi une grande valeur écologique et publique. Nombre d'organisations de protection de l'environnement et d'organismes gouvernementaux ont manifesté le vif désir d'acquérir ce type de forêts; cependant, les ressources pour ce genre d'achat n'existent ni dans le secteur public ni dans le domaine de l'environnement.

L'assistance fournie par l'Agence danoise de développement international au Ghana, montre comment une institution donatrice bilatérale peut aider une entreprise nationale à s'orienter vers une foresterie durable

Une solution qu'est en train de mettre au point Environmental Advantage est l'obligation exonérée d'impôt en faveur du secteur forestier public, qui recourt à une source traditionnelle de financement privé. Aux Etats-Unis, il existe un vaste marché obligataire (plus de 200 milliards de dollars par an) de bons sur une longue période (10 à 50 ans) bénéficiant d'une exonération fiscale. Les mécanismes de financement non imposable fonctionnent de la façon suivante: la dette est rachetée par le marché institutionnel privé, car le taux de rentabilité est garanti et subventionné par le Gouvernement des Etats-Unis qui abaisse le taux d'intérêt sur l'obligation à 2 à 4 pour cent en dessous des taux commerciaux.

On appliquait déjà dans le passé des obligations exonérées d'impôt à des secteurs émergents de l'environnement, par exemple, pour financer les coûts de construction des centres de recyclage et ceux des technologies de désencrage dans l'industrie du papier. Gardant ce précédent à l'esprit, Environmental Advantage utilise l'obligation non soumise à l'imposition pour promouvoir un aménagement plus durable des terres boisées privées. Le mécanisme se fonde sur trois considérations: i) le faible taux d'intérêt se concilie mieux avec des taux de coupe viables que l'endettement privé ou les fonds propres; ii) la durée des bons (jusqu'à 50 ans) est plus favorable à l'aménagement durable à long terme; et iii) la gestion durable et rémunératrice des forêts vitales pour l'environnement représente un bien public ou commun, qui justifie son statut de non - imposition.

Les mécanismes sont extrêmement simples. Un organisme à but non lucratif et orienté sur la conservation du milieu émet une obligation exonérée et, avec ces recettes, achète la forêt à un prix raisonnable sur le marché. La dette est remboursée sur une certaine période par les revenus dégagés des opérations de coupe durable supervisées par l'organisme. A l'heure actuelle, Environmental Advantage est en train d'évaluer des transactions initiales dans trois régions du pays. Une première opération recourant à ce nouveau moyen de financement s'achèvera probablement durant le premier semestre de 1997.

Ce cas est innovateur à plusieurs titres:

· un instrument de financement traditionnel - non imposé - sera appliqué à une nouvelle opportunité de placement: la foresterie durable;

· pour la première fois aux Etats-Unis, la foresterie durable et les organisations de protection de l'environnement à but non lucratif seront en mesure d'accéder aux capitaux institutionnels à des fins de conservation;

· les faibles taux d'intérêt de ce type de financement permettent l'exploitation forestière à des niveaux totalement ou quasiment soutenables.

Les possibilités de reproduire cet outil de financement (et les concepts sur lesquels il repose) dans les pays en développement sont excellentes. Il est particulièrement important de noter que les gouvernements peuvent structurer les systèmes financiers de leurs pays de façon à drainer les capitaux privés vers les investissements à vocation publique.

Conclusions et recommandations

Il existe un important déficit de financement des investissements dans le domaine de la foresterie durable. Selon les estimations, il manque 67 milliards de dollars par an pour financer les investissements publics et privés dans la conservation et l'aménagement durables des forêts. Si l'on veut combler ce déficit, il faudra utiliser les véhicules existants sur le marché financier qui se concentrent sur les opportunités en matière de foresterie durable. Les organismes gouvernementaux et privés d'aide au développement ont consacré leurs ressources à la mise au point de nouveaux outils financiers appliqués à l'aménagement durable des forêts. Cependant, les changements considérables intervenus dans les marchés financiers mondiaux durant les cinq dernières années laissent entendre que le problème principal n'est pas d'élaborer de nouveaux instruments, mais d'inscrire davantage les flux d'investissements existants dans la durée.

Les capitaux du secteur privé semblent tout indiqués pour combler le déficit financier et pouvoir s'orienter vers une gestion durable des forêts. En collaborant, les marchés financiers du secteur public et privé pourraient trouver de nouveaux moyens de combler l'écart. Il est particulièrement important de définir des moyens par lesquels les fonds publics peuvent accroître par effet de levier les capitaux privés intérieurs et étrangers et transférer ainsi non seulement des capitaux, mais également des connaissances en matière de financement aux pays en développement.

Instaurer des liens avec les marchés financiers et diriger les investissements vers le nouveau secteur de la foresterie durable nécessite la mise en place d'infrastructures pour les marchés de capitaux. Les appuis financiers et techniques doivent viser à renforcer le secteur financier des pays en développement pour faciliter les investissements dans ces nouveaux débouchés. Les investisseurs éventuels doivent être informés, dans un langage qui leur est familier, des possibilités d'investissement offertes par ce «nouveau secteur industriel». Il faut mettre en place des instruments financiers appropriés afin de canaliser les investissements Le moyen le plus efficace serait probablement d'appliquer ou d'adapter les instruments déjà existants plutôt que d'en créer de nouveaux qui n'ont jamais été expérimentés ou testés et qui sont inconnus aux investisseurs On peut citer, par exemple, les fonds d'investissement ciblés sur les entreprises nouvelles ou les fonds sectoriels (offrant capitaux propres et/ou capitaux empruntés). Il faut déceler les risques spécifiques de ce secteur et trouver des moyens de les minimiser, par exemple en accordant des prêts à des conditions de faveur ou des dons (sur les fonds publics) liés aux prêts du secteur privé ou aux prises de participations. Enfin, il faut investir à tous les niveaux de la chaîne c'est-à-dire dans les opérations d'aménagement et de coupe, les installations de transformation primaire et secondaire et la distribution et la commercialisation afin de garantir la création et l'essor d'une industrie viable et prospère fondée sur l'aménagement durable des forêts.

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