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Rôle des politiques forestières et des institutions pour un développement forestier durable

J. Tohá G. et S. Barros A.

Jaime Tohá G. et Santiago Barros A. sont ingénieurs forestiers, actuellement consultants dans le cadre du projet conjoint FAO/PCT/Projet Chili de restructuration organisationnelle de l'administration forestière.

Cet article est une adaptation du mémoire général présenté au XIe Congrès forestier mondial, «Politiques, institutions et moyens pour le développement forestier durable».

Nouvelles tendances dans l'administration forestière publique

L'organisation adaptée de l'administration forestière doit être considérée comme un facteur clé dans l'accomplissement des objectifs d'un développement forestier durable. Ce concept a été réaffirmé à l'occasion de grandes rencontres internationales.

Dans de nombreux pays, l'organisation de l'administration forestière publique est soumise à examen, tant pour des raisons internes propres à chaque pays que pour des raisons extérieures. Dans cette perspective, l'adoption de nouveaux modèles institutionnels constitue un enjeu de taille: il s'agit d'incorporer des éléments tels que l'adoption de programmes d'ajustement structurel, la transition d'économies centralisées en économies de marché, l'intégration de mécanismes de participation en plein essor, et la promotion et coordination d'une participation massive de groupes d'intérêts.

C'est à partir de ces constatations que Pettenella (1997) présente certaines des tendances et soulève quelques questions. dans le but d'aiguiller la discussion dans ce domaine.

Tendances externes exerçant une influence sur les institutions forestières

· la mondialisation des politiques et des institutions, qui a surgi comme conséquence de la croissante préoccupation de la collectivité quant à l'état des ressources naturelles;
· la recherche de niveaux d'efficacité nouveaux dans les administrations publiques;
· le besoin d'étendre les niveaux de participation dans la prise de décisions.

Approfondissant là les points de vue de Pettenella (1997), les auteurs du présent article pensent que le point de départ pour la formulation de tout énoncé de politique forestière et, à l'intérieur de ce cadre, de la nature et du rôle des institutions, doit être fourni par une définition claire des instruments de marché et des instruments publics faisant partie de la politique en question.

Changements organisationnels

Dans le même ordre d'idées que les tendances énoncées ci-dessus, il est utile de souligner les initiatives visant à renforcer la coopération entre organismes, à améliorer la qualité des services fournis par les organismes publics, à utiliser les instruments non réglementaires, à promouvoir la décentralisation et à envisager des opérations de privatisation.

Ces initiatives doivent être étroitement liées à l'objectif de garantir des niveaux de plus en plus importants de qualité des services fournis. A cet égard, des mécanismes permanents de contrôle de gestion, et le recours à des structures organisationnelles plus horizontales et à des systèmes d'évaluation exécutés par les utilisateurs et tenant compte du retour d'information en provenance de ces derniers semblent être des éléments fondamentaux susceptibles d'améliorer l'efficacité de la fonction publique, mais aussi de rendre ses activités plus transparentes.

La décentralisation ou la régionalisation constituent un autre aspect de la réorganisation des institutions publiques. Ce mécanisme, qui délègue certaines fonctions et prises de décisions aux instances locales et régionales, facilite la participation des citoyens.

Cependant, l'instrument de rationalisation institutionnelle le plus controversé est celui que Pettenella (1997) nomme privatisation. Il suppose de faire la distinction entre l'administration forestière publique à caractère commercial et celle à but non lucratif.

A cet égard, les auteurs jugent opportun de commenter les fondements du modèle institutionnel qui est à l'étude au Chili, sous l'égide de la FAO. Ce modèle propose de séparer les fonctions réglementaires et de contrôle propres à l'administration publique des fonctions qui. bien que relevant de la responsabilité de l'Etat, comme la prévention et la lutte contre les incendies de forêt, et, les fléaux, qui, bien l'administration du patrimoine forestier public. peuvent être exercées par des organismes privés. susceptibles d'avoir recours à des mécanismes de marché sans échapper au contrôle public.

Les modèles institutionnels

La planification du secteur forestier a évolué vers des dimensions non seulement économiques, mais aussi écologiques et sociales

La planification du secteur forestier a évolué vers des dimensions non seulement économiques, mais aussi écologiques et sociales

Pettenella (1997) présente quatre modèles d'organisation institutionnelle principaux:

· Dans certains pays, les affaires forestières relèvent du Ministère de l'agriculture, des eaux et des forêts, ou bien du Ministère du développement rural.
· Le deuxième modèle est celui des pays dotés d'un ministère des forêts.
· Dans d'autres pays, tels que l'Argentine, la responsabilité des affaires forestières échoit à deux ministères: le Ministère de l'économie, des finances et de la planification, qui s'occupe du développement commercial des forêts, et le Ministère des ressources environnementales, qui s'occupe quant à lui de la protection des forêts naturelles.
· Dans d'autres pays encore, comme en Zambie, on a créé un Ministère des ressources environnementales, en partant du principe qu'on y considère les ressources forestières comme un bien public.

Formulation et mise en œuvre des politiques forestières

Ces 30 dernières années ont vu un développement considérable en matière de politiques forestières. On peut dire aujourd'hui que la politique forestière s'est transformée en discipline à caractère entièrement scientifique. Cependant, un doute subsiste: cette discipline a-t-elle réellement été un facteur positif dans l'évolution de la réalité forestière et assimilée?

Merlo et Paveri (1997) expliquent quelles composantes de la politique forestière ont permis de réels progrès et lesquelles demeurent en retard, et ce malgré leur statut actuel de discipline scientifique.

Il ne fait aucun doute que la formulation de politiques a fait d'importants progrès dernièrement. Cela se vérifie dans le débat technique et politique sur les politiques forestières, qui s'est tenu dans plusieurs parties du globe, et où on a vu une participation croissante des groupes d'intérêts. Un fait particulièrement important est que sont démontrés. au moins sur le papier, l'intérêt et même la participation de secteurs non forestiers au débat. Dans la formulation des politiques. on tient aujourd'hui compte des politiques non forestières, telles que les politiques agricoles, environnementales. industrielles. fiscales. commerciales, etc., ayant des effets significatifs sur l'activité forestière.

Julio (1996) souligne que. dans la formulation d'une politique, on doit prendre en compte des aspects importants, tels que les aspects socioculturels. économiques, géographiques et concernant la sécurité.

On peut assurer d'autres progrès importants grâce à l'application d'outils de calcul, comme les systèmes experts. Sukadri (1997) mentionne l'utilisation d'un diagramme de flux employant des critères et des indicateurs d'aménagement durable formulés par l'Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT). et qui a été développé pour établir les relations entre critères, indicateurs et politiques. Pour définir ces relations. on utilise un modèle prototype de système expert, qui a pour tâche de satisfaire cinq critères principaux de l'aménagement forestier durable. Ces critères sont les suivants: la base de ressources forestières. la continuité du flux de production forestière, le niveau de contrôle environnemental. les effets socioéconomiques. les structures et principes institutionnels. On peut déterminer si ces critères sont remplis en évaluant les indicateurs pour chacun d'entre eux.

Ce sont les étapes suivantes des politiques forestières qui prêtent le flanc aux critiques, et plus précisément en ce qui concerne l'application, le contrôle des résultats, l'évaluation et la révision.

Merlo et Paveri (1997) signalent que, dans de nombreux pays en développement, des formulations de politiques ont été menées à bien, surtout dans le cadre des Programmes d'action forestiers tropicaux (PAFT). De même. ils soulignent que, pourtant, dans la phase d'application des politiques, elles en restent souvent au stade de formulations positives. mais que les ressources et la volonté politique nécessaires pour les mener à bien font défaut.

Merlo et Paveri (1997) énoncent en conclusion que le fait de ne pas bénéficier des instruments nécessaires à sa mise en œuvre est l'un des motifs principaux qui expliquent l'échec d'une politique donnée. A cet égard, les auteurs pensent que de tels outils ou instruments de politique constituent le noyau de la politique forestière.

La planification forestière sectorielle

La planification forestière a fait d'importants progrès ces dernières années. D'après Contreras (1997), une des raisons qui expliquent ces progrès est le phénomène de sensation de frustration croissante qui s'est produit lorsque la planification a perdu son image d'outil efficace dans la prise de décisions. On est en droit de se demander si, en effet, elle permet une meilleure prise de décisions, vu les progrès et l'application des méthodologies technicisées au cours des 10 dernières années.

Les éléments qui ont eu une influence sur l'amélioration de la planification forestière sont nombreux. mais Contreras (1997) met l'accent sur les suivants:

· un déplacement du centre de gravité de la planification en matière d'ordre économique et commercial vers des considérations environnementales;
· la planification de projets, qui a bénéficié d'une compétence accrue lors de la mesure et de l'estimation des facteurs externes relatifs aux ressources forestières aux niveaux local, national et mondial;
· l'intégration d'aspects sociaux. qui ont permis une meilleure compréhension des différentes perspectives des groupes d'intérêts dont le rôle est important dans l'aménagement durable des ressources forestières;
· la conscience de ce que la plupart des facteurs qui ont eu une influence sur la dégradation des ressources forestières ont conduit aux récentes activités s'intéressant au lien entre l'aménagement des ressources forestières et le développement dans des domaines proches de l'activité économique;
· l'accélération de la mondialisation de l'économie. qui a exigé également une planification pour restructurer les modèles institutionnels, aussi bien au plan national qu'international, ainsi que les mécanismes permettant de faire face à de nouvelles demandes.

Selon les auteurs, les éléments soulignés par Contreras (1997) sont très importants et pertinents. Ils possèdent tous un dénominateur commun que cet exposé essaie de mettre en relief. Ce dénominateur renvoie au fait que les postulats du développement forestier durable ne pourront se matérialiser que dans la mesure où un objectif encore plus vaste, le développement mondial durable, deviendra une réalité. Le développement forestier durable doit tendre vers ce but, par l'incorporation dans sa rationalité des variables politiques, sociales et économiques de son environnement.

Contreras (1997) souligne certains des aspects qui ont eu une influence sur les résultats insuffisants de la planification forestière. Il mentionne en particulier l'incertitude planant sur certains aspects non clarifiés relatifs aux effets physiques de certaines politiques ou actions, comme l'exploitation forestière, et aussi les limites de la méthodologie de valorisation de certains services, comme la diversité biologique. Il mentionne aussi des facteurs institutionnels, notamment les effets négatifs de la corruption.

A cet égard, les auteurs de cet article pensent qu'il est nécessaire d'appliquer des méthodologies de planification et d'évaluation qui soient stables dans le temps et qui tiennent compte des effets positifs ou négatifs à long terme. Il est possible que certains programmes impliquent une dégradation sociale et même une aggravation de la pauvreté dans un premier temps. Dans le cas du Chili, on a beaucoup débattu du déplacement des populations paysannes provoqué par les plantations de pin et d'eucalyptus dans la VIIIe Région du pays. Cela a suscité l'inquiétude du Congrès national. Pourtant, des évaluations postérieures effectuées par le Ministère de l'agriculture semblent prouver que le bilan de l'impact social et économique est positif, car on a créé des emplois directs et indirects de meilleure qualité et en plus grande quantité.

Le développement des ressources humaines, de l'éducation et de la formation

Guevara (1997) fait observer qu'il est nécessaire d'adopter un nouveau para digme pour le développement durable, reposant sur la définition qu'en donne la Commission Brundtland: «Le développement durable vise à satisfaire les besoins actuels sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire leurs propres besoins». A cet égard, il signale que les besoins actuels doivent être relativités au profit des générations à venir. Dans le même sens, il mentionne que la plupart des cultures orientales croient que le niveau de développement d'un pays est directement proportionnel au niveau d'éducation et de formation de sa population, pris dans son sens le plus large.

Parcelle-témoin sur les terres d'un agriculteur au Viet Nam. La recherche forestière, en particulier sur l'interface forêt agriculture, doit être renforcée pour un aménagement durable des forêts

Les concepts de développement durable énoncés par Guevara (1977) rendent nécessaire l'établissement de sociétés durables, ce qui implique une nouvelle attitude éthique, dont l'attitude face aux ressources forestières fait partie. Cela ne peut s'obtenir qu'à travers l'éducation, la formation, la recherche et le progrès.

La matérialisation du concept de société durable exige un échange permanent de connaissances, un échange avec d'autres sociétés très respectueuses de l'environnement, un processus éducatif dès le début. des moyens adaptés à l'échange et à l'accès à l'information, et la mise à profit de l'expérience et des talents des peuples indigènes et des minorités.

Cette conception des choses pose des défis considérables à la recherche forestière, défis liés au besoin d'identifier des formules de contribution objective visant au bien-être des populations.

Vente sur le bord d'une route de bois de feu récolté illégalement, au Malawi En l'absence de réglementation gouvernementale ou de propriété collective, les ressources se dégradent vite

Vente sur le bord d'une route de bois de feu récolté illégalement, au Malawi En l'absence de réglementation gouvernementale ou de propriété collective, les ressources se dégradent vite

Dans les forêts tropicales, les méthodes généralisées d'exploitation se sont révélées être non durables. Cette situation s'explique par plusieurs facteurs, parmi lesquels on peut mentionner notamment une extrême pauvreté produite par les politiques macroéconomiques, l'utilisation du sol, des insuffisances structurelles et institutionnelles, une éducation et une formation insuffisantes ou incomplètes, le manque de recherche, des dysfonctionnements dans le transfert de technologies et une mauvaise communication avec les communautés locales.

Face à cette situation. on suggère que la solution passe par l'amélioration de l'éducation et de la formation, la consolidation de la recherche dans sa perspective par rapport à la durabilité, la nécessité d'une coopération technique accrue, des niveaux adaptés de participation et des politiques et législations appropriées.

L'application correcte de cet ensemble de mesures doit se traduire par une diminution de la pauvreté et par une utilisation plus rationnelle des forêts.

Un élément clé dans ce processus, qui vise le développement durable et sa projection vers des horizons plus radieux et une meilleure qualité de vie, est forcément l'amélioration des niveaux de spécialisation et de semi-spécialisation de la main-d'œuvre.

Le développement forestier intégral exige une multiplicité de spécialistes, notamment les vulgarisateurs, les techniciens et ingénieurs forestiers, les biologistes. les économistes, les sociologues, les anthropologues. les experts en développement communautaire, les travailleurs qualifiés et semi-qualifiés.

L'unanimité semble prendre forme au sujet du rôle fondamental que la recherche de base doit jouer dans le développement forestier durable. Par conséquent, une priorité pour la canalisation des ressources nécessaires à sa mise en œuvre devrait apparaître. Etant donné le coût élevé du développement scientifique et technologique, le modèle des centres régionaux et intercontinentaux constitue une réponse satisfaisante à ce défi. Selon les auteurs, pour que les spécialistes et les scientifiques de l'activité forestière puissent assumer efficacement leur mission, ils doivent être capables de comprendre et d'assimiler les phénomènes sociaux et politiques dans lesquels l'activité forestière est plongée.

Les auteurs pensent également que Guevara (1997) définit de façon décisive les relations que le spécialiste forestier doit établir avec les autres phénomènes naturels, et surtout entre les problèmes forestiers et les phénomènes sociaux et politiques. A cet égard, il est très intéressant de constater que, pour être authentique, le développement forestier doit être un élément qui contribue objectivement à réduire la pauvreté et à augmenter la disponibilité de biens et de services.

Guevara (1997) arrive à la conclusion que les résultats de la recherche doivent être disséminés de façon appropriée, afin que la foresterie devienne la clef de voûte du développement et que les institutions soient consolidées, et pour montrer aux politiciens influents que les activités forestières sont rentables.

Selon les auteurs, le concept exposé ci-dessus est décisif. Sans durabilité humaine, il est impossible d'établir une durabilité des ressources naturelles, dans un monde où abondent la faim, la mortalité infantile, la pauvreté et la marginalité. La durabilité du développement forestier ne deviendra une réalité que dans la mesure où elle sera une contribution significative à la victoire sur ces fléaux.

Les priorités de la recherche forestière internationale

De nouveaux impératifs surgissent en matière de recherche, du fait que les pays qui ont connu la croissance économique la plus forte sont ceux qui ont réalisé les investissements les plus importants dans la science et la technologie.

Les économistes ont aujourd'hui recours aux ressources investies dans la recherche et le développement comme des indicateurs révélateurs du potentiel économique et des perspectives de prospérité. Nombre de pays industrialisés investissent 3 pour cent de leur produit intérieur brut dans la recherche et le développement, alors que la plupart des pays en développement ne consacrent qu'une part bien moindre et souvent inférieure à 1 pour cent.

Dans le domaine des ressources naturelles. l'investissement dans la recherche et le développement du secteur agricole varie de 2 à 3 pour cent, alors qu'il est inférieur à I pour cent dans le secteur forestier. Des études réalisées en 1993 par le Centre pour la recherche forestière internationale (cité par Sayer et al., 1997) sur ce sujet sont arrivées à la conclusion que l'investissement dans la recherche et le développement en matière forestière est inférieur à celui de n'importe quelle autre activité humaine.

Le besoin de recherche forestière est reconnu, mais cette reconnaissance arrive au moment où les sources conventionnelles de ressources pour la recherche publique sont gelées ou ont tendance à être réduites. Cependant, la Banque mondiale a manifesté que certains des pays qui détiennent l'essentiel des forêts tropicales, comme le Brésil, l'Indonésie, l'Inde et la Chine - qui devraient figurer parmi les principales puissances économiques - vont poursuivre leurs importants investissements dans la recherche, ce qui permet de penser que la recherche forestière va être également favorisée.

On prévoit de même que les sociétés multinationales forestières vont être amenées à jouer un rôle croissant dans l'utilisation des ressources forestières, ce qui laisse espérer qu'elles manifesteront un intérêt pour la durabilité des ressources forestières; on peut donc supposer qu'elles consacreront des ressources financières à la recherche et au développement.

A cet égard, les auteurs estiment nécessaire de mettre en relief le besoin pour les politiques forestières des pays en développement de s'engager à distinguer systématiquement les domaines de la recherche qui doivent appartenir au secteur public, aux instituts ou centres de recherche, de ceux dont le financement relève indiscutablement de la responsabilité privée.

De même qu'un plus grand développement scientifique est nécessaire, il faut transformer le concept de culture scientifique appliquée à la foresterie. De fait, une partie importante de la recherche a pour objectif d'augmenter le rendement de la production de bois, notamment dans les domaines de la génétique, de l'aménagement, des traitements sylvicoles, de l'industrie, etc. En revanche, il semble évident que nombre des aspects qui affectent la situation d'une production forestière donnée sont déterminés par des facteurs extérieurs à la science, comme c'est le cas notamment de l'infrastructure, des politiques agricoles et commerciales, des déplacements de population ou des politiques fiscales, d'où la nécessité de disposer d'un milieu de recherche forestière plus universel et de recherches qui assument une culture scientifique plus large.

Selon les auteurs, un des problèmes posés par un développement intégral des activités forestières est la tendance à l'auto-isolement des spécialistes et scientifiques forestiers. Plutôt que de dépendre du bon vouloir des responsables politiques et des décideurs, il faut intégrer le domaine forestier dans la politique et dans les scénarios où sont prises les décisions, ce qui suppose pour les chercheurs, les spécialistes et les scientifiques de réaliser des progrès en gardant une vision davantage universelle de l'ensemble des phénomènes qui agissent sur les réalités forestières.

Solberg (1997), qui rejoint ici des opinions exprimées par Pettenella (1997) et par les auteurs dans la première partie du présent article, aborde des sujets tels que la mondialisation des politiques et la nécessité d'élargir la participation à la prise de décisions; il expose les changements intervenus dans l'aménagement forestier et les nécessaires orientations à adopter en vue de profits multiples, ce qui exige une harmonisation des politiques sectorielles et intersectorielles et la satisfaction des demandes à l'échelle internationale. Il intègre ensuite un important élément puisqu'il soutient qu'on doit compter actuellement sur le plus solide appui possible de la recherche pour formuler des politiques.

L'analyse de Solberg (1997) vise essentiellement à examiner quelle est l'information nécessaire aux décideurs en matière de formulation de politiques, à définir si la recherche comble ces attentes et à rechercher des moyens d'améliorer la nécessaire et importante interaction entre les décideurs et les chercheurs.

En général, il semble y avoir des problèmes liés à l'intégration de ce que la recherche apporte de meilleur et de plus neuf à la formulation de politiques. Les chercheurs sont souvent davantage intéressés par leurs propres préoccupations que par leur collaboration à la définition de priorités visant à fournir des informations aux responsables politiques. Ces derniers, à leur tour, accusent les chercheurs de ne pas travailler à des projets cohérents qui fournissent l'information requise immédiatement, et non avec des délais qu'ils ne peuvent ou ne veulent pas se permettre.

Solberg (1997) propose des plans visant à surmonter cette situation, en termes de perfectionnement de la recherche elle-même et des responsables politiques et de leurs conseillers, ainsi que d'une plus grande interaction. Les auteurs partagent ces postulats, même s'ils estiment que le sujet renferme deux aspects d'une grande importance et qui sont antérieurs à la communication indiscutablement pertinente entre chercheurs et responsables politiques.

Le premier a trait à la définition inévitable du rôle qui échoit à l'Etat en matière de recherche. Investi de cette fonction, l'Etat doit orienter ses ressources en priorité vers des projets de recherche qui entrent dans le cadre de ce rôle qui, si on le définit correctement et en toute sécurité, devra donner toute satisfaction pour la plupart des besoins d'information des responsables politiques.

Le second concerne la priorité accordée à la recherche entreprise dans le pays et à la coordination entre les autres sources de financement qu'il soit possible d'obtenir (coopération internationale, secteur privé, etc.).

A ce sujet, les auteurs estiment judicieux de préciser un aspect de la nouvelle institutionnalisation forestière actuellement à l'étude au Chili. En matière de recherche, le rôle public est à l'heure actuelle examiné et privilégié. L'Etat doit participer directement au financement de cet ensemble d'activités, et les projets seront développés par l'Institut forestier et quelques autres organismes spécialisés de la sphère publique. En vue de coordonner et de privilégier ces recherches et d'autres recherches bénéficiant de financements différents, on créerait au sein du Sous-Secrétariat forestier un Conseil de coordination de la recherche forestière, où l'Institut forestier interviendrait comme secrétariat exécutif. Ce mécanisme doit tendre à éviter le «double emploi», à fournir une approche multidisciplinaire des orientations de la recherche, à favoriser le développement des domaines prioritaires dans le pays et, en tout état de cause, à mettre à la disposition des responsables politiques l'information la meilleure et la plus actualisée possible.

Coopération internationale et mobilisation des ressources pour un développement forestier durable

La satisfaction des besoins humains à venir, tels que l'alimentation, l'eau, la santé, l'énergie et le logement, dépend dans une large mesure de la gestion des ressources forestières. En effet, les forêts sont le corps principal du système écologique terrestre, qui est une ressource élémentaire fondamentale. Dans cette perspective, la durabilité du développement forestier ne peut être comprise comme un simple désir, mais comme un impératif.

Néanmoins, les ressources forestières de nombreux pays se trouvent dans une situation précaire, du fait de la mise en œuvre de politiques inadaptées, du faible niveau des dépenses publiques et de la faiblesse de l'administration.

La situation décrite ci-dessus exige une mobilisation urgente des ressources internationales, aussi bien sous la forme d'investissements que de catalyseurs de nouveaux investissements. Ces ressources peuvent avoir une origine nationale ou internationale, publique ou privée. Les ressources internationales peuvent quant à elles être utiles au développement ou à l'investissement.

Le financement international public peut provenir de l'aide bilatérale ou multilatérale, comme c'est le cas des banques de développement et des organisations internationales.

En ce qui concerne le financement international à caractère privé, on peut mentionner l'investissement étranger direct, les portefeuilles d'investissement, les fonds institutionnels à caractère international, les ADR, les prêts extérieurs, la fourniture de biens d'équipement et de capital de risque.

Les auteurs estiment que l'absence ou l'existence précaire, dans nombre de pays, de réglementations environnementales est déterminante dans l'application d'éléments tels que ceux précédemment cités. Dans le même ordre d'idées, et indépendamment de la présence ou de la qualité des règlements sur l'environnement, il est judicieux de se demander si les ressources internationales axées sur l'investissement sont une garantie pour les projets qui intègrent les critères d'un développement forestier durable, ou du moins dans quels cas elles le sont. A cet égard, le critère de Chandrasekharan et Schmidt (1997) semble implicitement pertinent, puisque ces deux auteurs citent dans leur travail l'exemple d'une entreprise qui a intégré les critères de durabilité.

La coopération internationale en matière de foresterie commence à prendre de l'ampleur avec l'intensification des flux commerciaux et la reconnaissance de ce que les ressources forestières sont un élément essentiel du développement économique.

L'aide officielle pour le développement comprend des donations et des prêts qui, en 1993, ont atteint 1,545 milliard de dollars des Etats-Unis, dont 71 pour cent de dons et 29 pour cent de prêts. Il faut avoir à l'esprit que ces chiffres, pour élevés qu'ils puissent paraître, ne représentent que 27 pour cent des besoins. Ce type de financement a chuté ces dernières années, comme dans le cas des programmes de terrain de la FAO, qui sont passés de 83 millions de dollars en 1994 à 70 millions de dollars en 1995. Les prêts de la Banque mondiale sont passés, quant à eux, de 278 millions de dollars en 1994 à 113 millions de dollars en 1995.

Selon les auteurs, l'absence de compromis local aussi bien que la faible capacité d'absorption sont dues, dans certains cas, à l'absence d'un processus participatif adapté à l'étape d'identification et de formulation des projets. II s'est révélé que ce type de financement n'est pas toujours mis à la portée des pays qui en auraient le plus besoin, phénomène à rapprocher de l'impression ressentie par les donateurs que la capacité d'absorption de beaucoup des pays bénéficiaires est faible.

De même que l'aide officielle au développement a diminué ces dernières années, le flux d'investissements privés a connu une nette augmentation. Dans le cas particulier du secteur forestier, il est difficile d'établir avec précision le montant de l'investissement privé dans les pays en développement, mais les chiffres disponibles indiquent un niveau de 8 milliards à 10 milliards de dollars d'investissements intérieurs, auxquels s'ajouterait l'investissement. Il convient de préciser que la plupart de ces investissements sont axés sur l'industrie forestière et sur les plantations.

Les auteurs partagent le critère exposé ci-dessus, qui sous-tend au moins trois aspects à prendre en compte dans la perspective des objectifs du développement forestier durable. Le premier a trait au besoin pour les projets d'investissement privé d'intégrer de façon croissante le concept de durabilité. Le deuxième touche à la responsabilité institutionnelle forestière des pays, qui doivent être suffisamment lucides pour développer des modèles législatifs et réglementaires qui, sans décourager l'investissement privé, veillent au respect des préceptes posés par l'aménagement durable de la ressource.

Le troisième aspect concerne l'impérieux besoin pour les pays en développement d'adopter des législations environnementales qui assurent convenablement la durabilité des ressources naturelles, sans entraver le processus d'investissement privé en cours. A cet égard, il est nécessaire de signaler que les groupes écologistes nationaux et internationaux doivent comprendre que, pour vaincre la pauvreté et le retard, il est indispensable d'atteindre les objectifs de développement durable et que, dans cette perspective, leur mission consiste en une contribution au bon déroulement des activités et des investissements qui représentent le progrès économique et social.

Le rôle de l'aide au développement officielle continuera à être limité par rapport à l'investissement privé international, mais il n'en restera pas moins crucial. D'ailleurs, le développement technologique qu'on peut favoriser par le biais de cette aide peut influer sur l'investissement privé et le stimuler.

De même que l'investissement public dans le développement forestier s'est révélé inadapté et en déclin, la plus grande partie de l'investissement privé dans le secteur forestier n'est pas destinée à des opérations durables. Le secteur privé exige, pour que ses flux s'orientent vers des formes de développement forestier durables, l'existence préalable de certaines conditions, sous forme de mesures incitatives. L'une d'elles est la sensibilisation des marchés de capitaux sur les potentialités du développement durable, tout en réduisant les risques, dans le cas d'industries forestières nouvelles, et en prenant en charge les coûts croissants de l'internalisation des exigences d'attention à l'égard de l'environnement.

Etant donné la relation évidente qui existe entre commerce et investissement étranger, et sachant que les sociétés transnationales contrôlent les deux tiers du commerce international, les auteurs pensent qu'il existe de grandes chances que. dans les pays en développement. ces sociétés trouvent de vastes débouchés, tant dans le développement de l'industrie de transformation primaire et secondaire que dans la promotion de l'exportation de produits à forte valeur ajoutée, pour le bénéfice de toutes les parties.

Les auteurs sont également convaincus que la signature d'accords de libre-échange de nature bilatérale ou régionale est de la plus haute importance, que ce soit entre des pays en développement (comme ceux du MERCOSUR) ou entre pays ayant des niveaux de développement différents (APEC, ALENA). Comme la mobilisation de ressources internationales est un élément clé dans la réussite d'un développement forestier durable, des mesures sont proposées tendant à améliorer les mécanismes actuels et à innover en direction de nouveaux modèles.

De même, et en ce qui concerne la coopération internationale, le besoin de perfectionner les mécanismes de coordination semble évident, particulièrement en ce qui concerne la nécessaire résolution des conflits entre donateurs et organismes d'assistance technique. A cet égard, apparaît comme positif le travail commun réalisé par la Banque mondiale et le Programme des Nations Unies pour le développement à travers la mise en place d'accords en vue de programmes associés de collaboration (Forest Partnership Agreements).

Sur le plan national, d'importants efforts de coordination sont exigés: coordination entre donateurs, coordination entre donateurs et organismes gouvernementaux, et coordination entre donateurs, organismes gouvernementaux et secteur privé. Tout aussi significatif est l'effort nécessaire pour réussir une coordination adaptée sur le plan local.

La manière de coordonner les actions en fonction des objectifs fixés de développement forestier durable reste un sujet de débat. Outre le besoin d'orienter, de maîtriser et de faciliter le flux de ressources, par le biais de solutions améliorées et innovantes, il est également indispensable de disposer d'un mécanisme international systématique afin d'assurer un financement programmé pour le développement forestier dans les pays en développement. Cela pourrait être obtenu grâce à un mécanisme tel que le Fonds forestier mondial, proposition émise à l'occasion du IXe Congrès forestier mondial en 1985.

Conclusions

· Depuis des dizaines d'années, la communauté internationale organise des conférences mondiales et régionales sur les sujets les plus variés, parmi lesquels il faut souligner dernièrement les sujets concernant l'environnement et le développement durable. Ces conférences ont été sans aucun doute très utiles et elles ont été à l'origine, dans de nombreux cas, de résolutions qui ont permis des améliorations sensibles pour l'humanité.

· La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, qui s'est tenue à Rio de Janeiro en juin 1992, a abouti à des conclusions alarmantes sur la situation des ressources forestières dans le monde, et plus particulièrement dans les pays en développement. On y a également consigné l'engagement historique des pays dits riches d'inverser la situation actuelle de déboisement et de dégradation des forêts dans les pays en développement. Pour ce faire, ils se sont engagés à débloquer des ressources équivalant à 56,65 milliards de dollars par an pour la période 1993-2000.

· Le présent exposé a évoqué la très grande inquiétude provoquée par le constat que. cinq ans après, cette situation ne s'est toujours pas inversée. Les auteurs ont analysé comment, aussi bien du point de vue de la politique forestière, de la planification des administrations forestières, de la recherche et du développement scientifique et technologique qu'à travers le développement des ressources humaines et la mobilisation de ressources internationales, on peut chercher des formules susceptibles de mener définitivement le développement forestier sur la voie de la durabilité. A cet égard, apparaissent comme particulièrement justes les jugements émis par Guevara (1997), selon lesquels le développement forestier durable doit s'effectuer dans le cadre d'un développement humain durable. Dans cette optique, le spécialiste et le chercheur forestier ne peuvent demeurer en marge des phénomènes politiques et sociaux dans lesquels s'insère la réalité forestière, comme l'ont bien souligné Sayer et al., (1997). De même, les programmes de recherche forestière doivent être plus souvent inspirés de contenus et d'objectifs situant le développement forestier durable sur le chemin logique qui veut que ce soit un moyen de fournir des emplois bien rémunérés et stables et des logements adéquats, ainsi qu'une source de richesses et de sécurité.

· La politique forestière doit engager des catégories supérieures face aux problèmes politiques. sociaux et économiques de chaque pays. et être fonctionnelle pour les politiques économiques et sociales nationales. Les actions isolées de politiques forestières autonomes voient échouer leur application en général. Comme l'ont suggéré Merlo et Paveri (1997), cela exige un travail de plus en plus interdisciplinaire et des spécialistes et scientifiques forestiers de plus en plus imprégnés de la réalité socioéconomique de l'environnement forestier.

· La planification et la recherche forestières publiques doivent jouer à nouveau un rôle central dans le processus permettant d'atteindre un développement forestier durable. Une fois passé l'effet initial des changements radicaux dans l'économie mondiale de ces dernières décennies. aussi bien la recherche forestière publique et les investissements dans le développement scientifique que la planification devront jouer un rôle structurel. sans aucun lien avec la libéralisation des économies.

· Les deux points mentionnés ci-dessus doivent constituer des éléments structurels d'une configuration de politiques nationales visant au développement forestier durable; ils doivent englober, dans leur gestation même, la participation du secteur public, du secteur privé, du monde scientifique et des groupes d'intérêts.

Bibliographie

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