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Application du modèle GRASS/ANSWERS à la modélisation hydrologique d'un petit bassin versant d'Afrique de l'Ouest


Pascal Perez, CIRAD-CA,URGE, Montpellier, France

Damien Urvoix, USTL, Faculté des sciences, Montpellier, France

Michel Arnaud, CIRAD-CA, URFCM, Montpellier, France

Resumé

Le modèle hydrologique ANSWERS, couplé au système d'information géographique GRASS, a été utilisé pour simuler les écoulements dans un petit bassin versant d'Afrique de l'Ouest (16,2 km²). Les données disponibles ont permis de reconstituer 24 événements pluie/débit enregistrés entre 1983 et 1990. Les informations concernant les sols et la végétation ont été extraites d'une scène LANDSAT-TM et les données topographiques d'une couverture de photographies aériennes. La faible densité des courbes de niveau a engendré un modèle numérique de terrain peu précis, même si les limites du bassin versant sont correctement respectées. Parmi les nombreux paramètres indispensables au modèle hydrologique, certains ont pu être estimés à partir de données expérimentales mais quatre d'entre eux ont dû faire l'objet d'un calage en utilisant l'hydrogramme théorique associé à la pluie d'occurrence décennale.

Les simulations des 24 couples pluie/débit donnent des résultats corrects concernant les volumes écoulés, hormis les événements les plus importants qui sont nettement surévalués. En revanche, les cinétiques de crue montrent une forte distorsion par rapport aux données observées.

Abstract

The ANSWERS simulation model, linked with the Geographic Information System GRASS, was used to model the hydrological behavior of a small watershed in Western Africa (16.2 km²). Soil and vegetation cover maps were extracted from a LANDSAT-TM digital picture, contour lines were plotted from aerial photographs and 24 rainfall/ discharge occurrences, monitored between 1983 and 1990, were available. The weak density of contour lines led to an imprecise digital elevation model, although watershed boundaries were satisfactorily plotted. Among the parameters needed to run the simulation model four of them had to be calibrated, using the hydrograph corresponding to the decennial rainfall.

Results from the 24 hydrological events were satisfactory in terms of volume but the characteristics of the hydrographs were far from reality.


Introduction

L'étude des problèmes environnementaux entraîne une globalisation croissante des techniques d'observation et des méthodes d'analyse. Cette tendance s'accompagne d'une interdisciplinarité de plus en plus marquée de l'approche scientifique. Afin d'établir un diagnostic pertinent et de concevoir des stratégies adaptatives opérantes, agronomes, écologistes, hydrologues et économistes doivent disposer d'outils d'analyse communs, en particulier en terme de modélisation (Ambroise 1994).

Au sein des processus environnementaux majeurs, le cycle de l'eau tient une place prépondérante, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. C'est le cas en Afrique de l'Ouest dont l'agriculture pluviale doit faire face à des aléas climatiques importants. L'élaboration de scénarios alternatifs aptes à nous renseigner sur le niveau de durabilité de tel ou tel système de production nécessite de pouvoir intégrer la variabilité spatiale et temporelle des phénomènes d'érosion, de ruissellement ou de lixiviation. Dans cette optique, certains modèles biophysiques font figure de standards de par leur aptitude à gérer de nombreux paramètres et variables d'entrée et leur capacité à fournir des données utilisables par d'autres types de modèles, à l'aval (Srinivasan et Arnold 1993).

Cependant, la plupart de ces modèles ont été conçus et validés dans des conditions fort éloignées de celles qui prévalent en Afrique de l'Ouest. Pour cette raison, nous avons entrepris de tester le modèle GRASS/ANSWERS sur un petit bassin versant situé dans la région agricole du Sine Saloum au Sénégal. Fortement cultivé, le bassin versant a été étudié de 1983 à 1990 d'un point de vue hydrologique et agronomique (Albergel et al. 1995).

Materiel et méthodes

Le modèle GRASS/ANSWERS

Le modèle hydrologique ANSWERS (Areal Nonpoint Source Watershed Environmental Response Simulation) a été développé par D.B. Beasley, L.F. Huggins et E.J. Monke (1980). C'est un modèle distribué et événementiel conçu pour simuler les processus d'écoulement, d'érosion et de transport des sédiments dans un bassin versant agricole. Le modèle définit successivement l'interception de la pluie par la végétation, l'infiltration et la détention superficielle, le ruissellement en nappe et, enfin, l'écoulement concentré dans le réseau hydrographique. En parallèle, le détachement des sédiments par la pluie puis leur transport, leur dépôt ou leur reprise sont simulés. Le fonctionnement hydrogéologique est caractérisé par une loi de récession uniforme pour l'ensemble du bassin versant. La présence de retenues d'eau ou d'aménagements hydro-agricoles peut être prise en compte.

Les informations d'entrée concernent les caractéristiques pluviographiques, les différents types de sols et d'occupation du sol, le descriptif du réseau hydrographique et le comportement hydrogéologique. Certains modules de calcul n'ayant pas été utilisés lors de nos tests, compte tenu des caractéristiques du bassin versant, les descriptions des paramètres d'entrée et des principales équations de résolution seront limitées à notre cas d'étude.

Le couplage du système d'information géographique GRASS (Geographical Resources Analysis Support System) avec le modèle hydrologique ANSWERS a permis d'améliorer la gestion des paramètres d'entrée et de faciliter la manipulations des différents plans d'information. Le modèle hydrologique fonctionnant sur une grille de maille carrée, le système d'information géographique permet de transformer les données cartographiques de base en un jeu de paramètres distribués. Des tables attributaires simples permettent à l'utilisateur de fournir les valeurs de ces paramètres d'entrée.

FIGURE 2

Exemple de crue dans le bassin versant de Ndiba

Les données disponibles

Le bassin versant de Ndiba (16,5 km²) est situé dans la région agricole du Siné Saloum au Sénégal. Le modelé général de la région est un ensemble de vastes plateaux tabulaires de 30 à 60 mètres d'altitude, entaillés par un réseau de larges vallées de faible pente. De 1970 à 1990, la proportion de terres cultivées par rapport à la surface totale est passée de 40% à 75% (Perez et al. 1996).

Le logiciel GRASS a été alimenté à partir d'une image classée LANDSAT-TM du 28/11/90 et d'une carte topographique issue d'orthophotoplans au 1/25 000 (OMVG, 1983). La classification d'image a été réalisée sur un mode dirigé en utilisant des transects d'entraînement et la méthode du maximum de vraisemblance sous hypothèse gaussienne. Les résultats ont permis de déterminer trois classes de sol (sables, limons, sablo-limoneux) et cinq classes d'occupation du sol, en fonction de la densité de végétation (Puech, 1994). La carte d'occupation des sols a été ramenée à trois classes correspondant aux zones de culture, brousse et forêt claire (figure 1). Les matrices de confusion associées fournissent une précision globale de 59 % et 74 % pour les plans sol et occupation du sol, respectivement. L'homogénéité apparente de la couverture pédologique explique, en partie, la faible précision enregistrée. Cependant, de faibles différences texturales entraînent des comportements très contrastés en terme d'encroûtement de surface et de régime d'infiltration (Casenave et Valentin 1989).

Sur la carte topographique numérisée les courbes isohypses sont distantes de cinq mètres d'altitude. Cette précision est, a priori, trop faible compte tenu du pas de discrétisation choisi (30 x 30 mètres) et du dénivelé moyen du terrain, compris entre les côtes + 5 et + 45 mètres. De ce fait, un certain nombre de points supplémentaires ont été ajoutés afin de faciliter les interpolations du modèle numérique de terrain.

Les données hydrologiques, issues des enregistrements effectués entre 1983 et 1988, se composent de 24 couples pluie/écoulement correspondant à des événements pluvieux supérieurs à 35 mm. La pluie est considérée comme uniforme sur l'ensemble du bassin versant, le pluviographe utilisé est situé au centre de la zone d'étude. Les pas de temps de dépouillement sont de cinq minutes pour les pluies et les écoulements, les échelles de temps ont été synchronisées. Les hyétogrammes et hydrogrammes sont tous monomodaux. Les crues sont caractérisées par des temps de montée brefs et une traîne réduite (figure 2). Cela correspond à un fonctionnement hydrologique relativement simple, sans intervention de la nappe phréatique et en l'absence d'inféroflux. L'ensemble de l'écoulement correspond au ruissellement de surface, selon un schéma hortonien classique. En l'absence d'écoulement de base, le module hydrogéologique de ANSWERS n'a pas été utilisé. De même, l'absence de données expérimentales fiables nous a contraints à négliger les informations relatives à l'érosion.

Les paramètres liés au sol

La réserve hydrique du sol est caractérisée par la porosité totale (TP) et la capacité au champ (FP). L'infiltration (F) exprimée en fonction de la teneur en eau (V) est régie par l'équation de Holtan (1961) :

F = Fc + (Fmax - Fc) * ((TP - V) / TP)p (1)

avec : Fc vitesse d'infiltration en régime permanent (mm/h)

Fmax vitesse d'infiltration maximale (mm/h)

TP porosité totale de la zone de contrôle (cm3/cm3)

V teneur en eau dans la zone de contrôle (cm3/cm3)

P coefficient de forme

Le régime d'infiltration est gouverné par une zone de contrôle, de profondeur donnée (DF). Cette couche représente une barrière hydraulique d'autant plus sévère que son épaisseur est faible. Le ruissellement apparaît dès que l'intensité pluviométrique est supérieure à la vitesse d'infiltration. Lorsque la teneur en eau de la zone de contrôle est supérieure à la capacité au champ, la percolation est décrite par la relation suivante:

Dr = Fc * (1 - (TP - V) / (TP - FP))3 (2)

avec : Dr vitesse de drainage sous la zone de contrôle (mm/h)

FP capacité au champ (cm3/cm3)

Les valeurs des paramètres Fc, Fmax, TP et FP ont été déterminées à partir des nombreuses expérimentations sous pluies simulées qui ont été réalisées dans la région d'étude (Perez 1994). Les paramètres DF et P ne peuvent être estimés a priori, compte tenu du caractère empirique de l'équation de Holtan. Nous avons choisi de tester la sensibilité du modèle hydrologique vis-à-vis de ces deux paramètres, puis de caler leurs valeurs par rapport aux données expérimentales.

Compte tenu du caractère événementiel du modèle hydrologique, il est nécessaire de fournir une condition initiale pour la teneur en eau du sol. Cette teneur initiale est représentée par le paramètre ASM dont la valeur dépend des conditions pluviométriques antérieures. Il a été assimilé à l'indice des pluies antérieures (IK) largement utilisé en zone sahélienne (Chevalier, 1983) :

IKn = (IKn-1 + Lpn-1) x e-0,5 symb3.gif (847 bytes)t

et : ASM = IK / Ikmax (2)

avec : Lpn-1 hauteur de pluie de rang (n-1) (mm)

 symb3.gif (847 bytes)t durée entre les pluie de rang (n-1) et (n) (jours)

Ikmax valeur observée maximale du paramètre IK ; Ikmax = 60.

Les paramètres liés à l'occupation du sol

L'interception de la pluie (INT) par la végétation dépend du potentiel d'interception (PIT) et du taux de couverture au début de l'événement pluvieux (PER) :

INT = PIT x PER (3)

avec : INT interception de la pluie (mm)

PIT potentiel d'interception (mm/m²)

PER taux de couverture (m²/m²)

La pluie qui arrive au sol peut être stockée en surface en fonction du type de micro-relief rencontré. Ce volume de détention (DEP) est calculé selon l'équation de Huggins et Monke (1966) :

DEP = HU * RC * (H / HU)1/RC (4)

avec : H hauteur d'eau (mm)

HU hauteur maximale du micro-relief (mm)

RC paramètre de forme

Enfin, la vitesse du ruissellement en nappe est calculée à partir de l'équation de Manning. Elle nécessite la connaissance de la valeur du paramètre de rugosité (N1) pour chaque type d'occupation du sol.

Les valeurs de PIT et HU ont été déterminées à partir de données expérimentales (Perez, 1994) et bibliographiques (Morin et al. 1984; Lamachère 1991). La valeur de PER évolue rapidement durant la saison des pluies, en particulier dans le cas des parcelles de culture.

FIGURE 3

Evolution des taux de couverture simulés (1987)

Nous avons simulé la croissance annuelle du couvert cultivé (mil), de la brousse arbustive et de la forêt claire à partir de l'équation de Baret (1987) :

où jas est le nombre de jours après le début du cycle végétatif (semis pour les cultures),

INF est le jour correspondant à la fin de la phase de croissance (1er point d'inflexion),

FIN est le jour correspondant à la fin du cycle végétatif (récolte pour les cultures),

a et b sont des paramètres de courbure.

L'équation a été calée chaque année, de 1983 à 1988, pour une culture de mil (var. Souna III). Par analogie, la même relation a été utilisée pour les couverts plus ou moins pérennes rencontrés dans la brousse et la forêt claire. Seuls les points d'inflexion ont été modifiés afin d'obtenir une évolution plus rapide du taux de couverture dans ces deux derniers cas (figure 3). Cette modélisation très approximative ne tient pas compte d'un éventuel effet de stress hydrique sur la croissance végétative.

Les paramètres RC et N1 ne peuvent être estimés a priori, compte tenu de leur caractère empirique. Comme précédemment, nous avons choisi de tester la sensibilité du modèle hydrologique puis de caler leurs valeurs par rapport aux données expérimentales.

Les paramètres liés au réseau hydrographique

Chaque élément du réseau est défini par sa largeur moyenne (WID) et son coefficient de Manning (N2). Les valeurs de ces paramètres ont été estimées à partir des relevés de terrain et des valeurs fournies par la littérature.

Parmi les paramètres nécessaires concernant le sol, le mode d'occupation du sol et le réseau hydrographique, dix peuvent être fixés à partir de données expérimentales disponibles ou de simulations déjà validées dans la zone d'étude. En revanche, quatre paramètres se révèlent difficiles à déterminer et nécessitent un calage préalable (DF, N1 , P, RC). Le tableau 1 présente l'ensemble des valeurs des paramètres utilisés pour le bassin versant de Ndiba.

TABLEAU 1

Valeurs des paramètres utilisés dans ANSWERS pour modéliser les écoulements du bassin versant de Ndiba

Types de sol Sables Sables/limons Limons
Surface en % de la superficie du bassin 57,2 37,8 5,0
TP : porosité totale de la zone de contrôle 40 43 47
FP : capacité au champ de la zone de contrôle 48 49 55
FC : vitesse d'infiltration en régime permanent 31 11 5
P* : paramètre de forme de l'équation (1) 0,4 0,5 0,6
DF* : épaisseur de la zone de contrôle 150 150 150
Types d'occupation du sol Culture Brousse Forêt
Surface en % de la superficie du bassin 66,8 30,8 2,4
PIT : potentiel d'interception par le couvert 1 2 3
RC* : paramètre de forme de l'équation (4) 0,8 0,8 0,8
HU : hauteur maximale du micro-relief 30 20 30
N1* : coefficient de rugosité 0,07 0,05 0,05
Paramètres liés au réseau hydrographique      
WID : largeur moyenne du réseau en m 7    
N2 : coefficient de rugosité moyen 0,05    

* : valeurs calées à partir de la crue décennale. TP et FP sont exprimés en %.

FC est exprimé en mm/h. DF, PIT et HU sont exprimés en mm. WID est exprimé en m.

Résultats

Le modèle numérique de terrain

Les cartes des pentes et des orientations calculées à partir des courbes de niveau contiennent 21 051 mailles de 30 x 30 mètres. Malgré l'ajout de points cotés sur la carte topographique originale, l'interpolation n'est pas entièrement satisfaisante. Les très faibles dénivelés et le pas de discrétisation entraînent la création de replats séparés par des zones plus pentues. Ce relief en « marches d'escalier » apparaît nettement lorsqu'on observe les courbes isohypses numérisées.

Les limites du bassin versant, calculées à partir de la carte des pentes, respectent la forme générale du bassin observé. La bordure Sud, malgré un relief quasi nul est restituée de manière satisfaisante. La seule erreur importante concerne la bordure Nord, près de l'exutoire, vraisemblablement due au nombre limité d'orientations des pentes (huit directions possibles) et au faible nombre de courbes de niveau numérisées à l'extérieur du bassin versant. La superficie du bassin versant numérisé est de 18,5 km² contre 16,5 km² pour le bon versant observé, soit une surestimation de 14%. Le réseau hydrographique numérisé respecte le thalweg principal mais l'orientation des segments d'ordre inférieur et leurs affluents correspondent assez peu à ceux du réseau observé.

La sensibilité du modèle hydrologique aux paramètres de calage

Nous avons effectué une analyse de sensibilité du modèle hydrologique aux quatre paramètres dont les valeurs n'ont pu être déterminées a priori (DF, P, RC, N1). Cette analyse a été réalisée en faisant varier indépendamment chacun des paramètres entre ses valeurs extrêmes, pour chaque catégorie de sol (sable, limon, sablo-limoneux) et d'occupation du sol (culture, brousse, forêt). La même pluie a été utilisée dans tous les cas, d'une hauteur de 50 mm et d'intensité maximale en 10 minutes de 109 mm/h. La sensibilité est caractérisée par l'écart maximal entre les lames écoulées simulées rapporté à la valeur moyenne. Au-delà de l'influence des superficies occupées par les différentes classes du sol ou d'occupation du sol, les variations de valeurs des paramètres DF et N1 entraînent une sensibilité allant jusqu'à 39 % et 67 % sur les lames écoulées. Les paramètres P et RC ont une influence moindre (tableau 2). Ces résultats rendent nécessaires un calage de ces quatre paramètres par rapport aux données expérimentales.

TABLEAU 2

Analyse de la sensibilité du modèle, exprimée en % de variation de la lame ruisselée

Types de sols Sables Sables/limons Limons
DF : profondeur de la zone de contrôle 39 35 6,5
p : paramètre de l'équation (1) 27 7 2
Types d'occupation du sol Culture Brousse Forêt
RC : paramètre de l'équation (4) 23 7 1,3
N1 : coefficient de rugosité 67 64 9,3

Le calage des paramètres par rapport à la crue décennale

Afin d'éviter de caler les paramètres DF, N1 , P et RC par rapport à un cas particulier, nous avons préféré utiliser le hyétogramme et l'hydrogramme d'occurrence décennale. Durant le calage, les autres paramètres ont conservé leurs valeurs initiales, hormis PER et ASM pour lesquels nous avons choisi arbitrairement d'affecter les valeurs PER = 50 % et ASM = 50 % comme conditions moyennes pour la crue décennale.

Le calage manuel a consisté en un nombre important d'itérations afin d'obtenir des valeurs de la lame écoulée (Le) et du débit de pointe (Qm) aussi proches que possible des valeurs observées. Dans un second temps, nous avons cherché à améliorer les temps de montée (Tm) et de base (Tb). Le résultat final est satisfaisant du point de vue des lames écoulées, mais le débit de pointe est nettement sous-estimé. Le temps de montée est nettement surestimé, de même pour le temps de base (figure 5).

FIGURE 5

Hydrogrammes décennaux

La validation du modèle hydrologique

Nous avons utilisé les 24 couples pluie/écoulement disponibles pour valider le modèle ANSWERS. Pour chaque événement pluvieux, seuls les paramètres PER et ASM sont modifiés. Rappelons que les hauteurs de pluie sont comprises entre 35 et 105 mm et les lames écoulées observées entre 0 et 13 mm.

Quatorze simulations ont été arrêtées en cours de calcul car le modèle ne parvenait plus à maintenir la continuité des écoulements. Dans ce cas, nous avons conservé la valeur de lame ruisselée à l'instant de l'arrêt mais nous n'avons pas tenu compte des cinétiques d'écoulement. Les variables analysées sont la lame écoulée (Le), le débit de pointe (Qm), le temps de base (Tb), le temps de montée (Tm), le temps de réponse (Tr). Nous avons calculé les moyennes et écart-types des valeurs observées, simulées et des différences appariées (observé-simulé). Cette analyse porte donc sur 24 couples pour la variable (Le) et 10 couples pour les autres variables (tableau 3).

On note que les temps de montée et de base sont systématiquement surestimés de 60 et 100 minutes environ. Les débits de pointe sont sous-estimés mais l'écart demeure acceptable. Cependant, cette présentation globale masque des compensations très fortes au sein de l'échantillon. Les lames écoulées sont apparemment surestimées d'une valeur proche de leur valeur moyenne. En fait, la mise en relation des écoulements observés et simulés montre que les faibles valeurs sont restituées de manière satisfaisante alors que les forts écoulements sont nettement surestimés.

TABLEAU 3

Valeurs moyennes et écarts-type des principaux paramètres hydrologiques

Paramètres Tm en mn Tb en mn Tr en mn Qm en m3/s Le en mm
  moy. e.-t. moy. e.-t. moy. e.-t. moy. e.-t. moy. e.-t.
Observé 107 39 385 89 143 35 20 19 2,3 3,5
Simulé 169 51 480 58 198 48 18 13 4,2 6,5
Observé-simulé - 62 40 - 95 88 - 54 31 2,1 9,7 - 1,6 3,7

moy. : moyenne. e.-t. : écart-type.

Discussion et conclusion

Le fonctionnement du modèle GRASS/ANSWERS nécessite, dans les conditions topographiques qui prévalent en Afrique de l'Ouest, un modèle numérique de terrain d'une très grande précision. Cela implique des relevés de terrain longs et coûteux dont la mise en oeuvre est rarement réalisable dans la zone d'étude. En revanche, l'utilisation de la télédétection permet de rendre compte des caractéristiques topographiques, pédologiques et agricoles des paysages de ces régions (Puech 1994).

La précision des lames écoulées simulées est suffisante pour évaluer les composantes du cycle de l'eau à l'échelle du bassin versant de Ndiba mais, dans la plupart des cas, la distorsion des hydrogrammes simulés est trop forte pour permettre une estimation précise des pointes de crue. Compte tenu de la nécessité de caler les paramètres DF, P, RC et N1 , le modèle hydrologique ne peut être appliqué sur des bassins versants non jaugés sans prendre un risque important. La valeur du coefficient de rugosité (N1) influence fortement le résultat des calculs (Huggins et Burney 1982).

Au-delà, la prise en compte de l'influence du mode d'occupation du sol sur les écoulements paraît également limitée. Si le caractère événementiel du modèle ANSWERS permet de limiter l'influence du couvert végétal à l'interception aérienne de la pluie, la représentation du micro-relief utilisée ne permet pas de traduire l'évolution rapide de la surface du sol, particulièrement en zone sahélienne (Hoogmoed et Stroosnijder 1984)

Une amélioration des résultats de simulation est envisageable s'il est possible d'établir une liaison entre les paramètres DF, P et N1 et les critères de définition des états de surface établis, en zone sahélienne, par Casenave et Valentin (1989). En ce sens, l'utilisation de la relation de Holtan pour simuler l'infiltration de l'eau à la surface du sol est cohérente avec le comportement de sols sensibles à l'encroûtement. Cette approche nécessite la reprise des données issues des nombreux essais d'infiltration sous pluie artificielle réalisés en Afrique de l'Ouest, puis leur traitement en fonction des paramètres recherchés.

Enfin, la description simplifiée du réseau hydrographique à partir de deux paramètres moyens (WID et N2) peut expliquer en partie la surestimation des temps de montée. En effet, les ravines entaillent des versants aux sols ferrugineux sableux dont l'érosion entraîne une forte hétérogénéité des conditions d'infiltration dans le lit des cours d'eau. D'autre part, le système de pistes d'exploitation crée un réseau artificiel de collecte des eaux de ruissellement qui diminue d'autant le temps de réponse du bassin versant.

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