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Politiques et stratégies de protection contre les incendies de forêt au Honduras

Miguel Angel Salazar44
44 Administration forestière de l'Etat, (Administracion Forestal Del Estado, AFE), Corporation hondurienne de développement forestier (Corporación Hondureña de Desarrollo Forestal, COHDEFOR)
INTRODUCTION

Le Honduras possède la plus grande superficie à vocation forestière naturelle (87 pour cent) d'Amérique centrale. Malgré la pression constante exercée par différentes activités agricoles, les forêts offrent encore les plus grandes possibilités de développement économique du pays. Ces forêts tropicales constituent une immense richesse sur les plans écologique et hydrique et en terme de biodiversité génétique, et leur gestion durable peut contribuer à l'amélioration des conditions sociales et environnementales au Honduras. Cependant au cours des 40 dernières années, 46 pour cent des forêts ont disparu, la forêt de feuillus ayant été la plus touchée.

Parmi tous les problèmes qui ont eu une incidence sur les forêts, les incendies de forêt de ces dernières années en Amérique centrale, et particulièrement au Honduras, ont atteint des niveaux nettement critiques et très préoccupants. Les facteurs climatiques tels que des températures élevées, une faible humidité relative et de longues périodes sèches ont favorisé la propagation et l'intensité des incendies, occasionnant des dommages très importants à la forêt de pins, qui est par nature l'écosystème le plus résistant à la chaleur du feu.

L'été dernier, la présence du phénomène El Niño a mis en évidence le haut degré d'attention qu'il faut accorder au problème des incendies, car malgré de mauvaises conditions climatiques qui ont entraîné un été torride, le nombre et l'ampleur des incendies n'ont pas été tellement élevés, si on les compare aux autres années ayant manifesté des pics d'incendies. Ceci est dû aux efforts accomplis pour contrecarrer les effets du phénomène avec l'appui de projets et d'autres institutions. Cependant, la présence des incendies dans les forêts de feuillus (zones protégées) a été remarquable, et les dommages causés par les incendies très importants.

Les informations diffusées par les différents médias nationaux et internationaux sur le phénomène ont entraîné une prise de conscience des autorités gouvernementales de tous les pays, débouchant sur une série d'évènements liés au problème des incendies de forêt au sein du cadre institutionnel, de la Commission centraméricaine de l'environnement et du développement (CCAD), du Conseil centraméricain des forêts et des zones protégées (CCAB/AP) et du Forum régional tenu au Mexique; ce problème a été retenu comme thème central des discussions au XXème Sommet des Présidents d'Amérique centrale, qui se tiendra à Antigua (Guatemala) au mois de novembre 1998.

Au Honduras, les nouvelles politiques du Plan d'action pour l'environnement exigent que l'AFE/COHDEFOR (Administracion Forestal Del Estado, Corporación Hondureña de Desarrollo Forestal = Administration forestière de l'Etat, Corporation hondurienne de développement forestier) poursuive la modernisation du secteur forestier, avec un partage des responsabilités par le biais d'alliances stratégiques avec les secteurs impliqués (gouvernement central, communautés, gouvernements locaux, organisations non gouvernementales, secteur privé) concernant l'application des mesures de prévention, de lutte ou de remise en état, pour se conformer à la réglementation en matière de gestion des forêts.

RAPPELS

Au début de l'année en cours, le Président de la République, Carlos Roberto Reina, a promulgué un décret (Acuerdo Ejecutivo 004-98). Conformément à ce décret, l'AFE/COHDEFOR a pris les premières mesures visant à contrecarrer les effets du phénomène El Niño, en créant des Bureaux forestiers régionaux.

Le nouveau Président de la République, Carlos Roberto Flores, a ensuite nommé une Commission gouvernementale pour la prévention, relevant du Secrétariat aux ressources naturelles et à l'environnement (Secretaría de Recursos Naturales y Ambiente), pour prendre les mesures nécessaires à l'atténuation des effets du phénomène dans les domaines de la santé, de la sécurité alimentaire et des incendies de forêt; elle a immédiatement entrepris la gestion des appuis des organismes internationaux, et obtenu en retour de la part de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) une assistance technique et une contribution en équipement et en formation d'un montant de 5 millions de Lempiras

On a également obtenu des réponses des projets en cours d'exécution, comme les projets PDF/USAID, USAID/OFDA, le Projet d'administration des zones rurales (PAAR) et le Projet de El Cajón.

Les efforts de protection dans les zones forestières les plus importantes au cours de l'été dernier se sont traduits par la participation de 2346 personnes à la protection intensive de 1 159 574 d'hectares touchés par 3127 incendies de forêt, sur lesquels il n'a été possible de combattre que 2260 incendies pour une superficie brûlée de 96 628 ha. Les régions les plus touchées ont été La Mosquitia, Olancho, Fco. Morazan et Comayagua. Pour la détection des incendies, 31 tours de guet ont été aménagées.

Lors d'un atelier de travail qui s'est déroulé à la fin de la saison des incendies avec du personnel expérimenté, on a analysé le problème central du nombre élevé des incendies, et les causes suivantes ont été identifiées parmi les plus importantes:

· Absence d'un programme de protection permanente
· Absence de législation territoriale dans le pays
· Coordination interinstitutionnelle insuffisante
· Education forestière de la population hondurienne insuffisante
· Persistance chez la population de pratiques agricoles traditionnelles
· Moyens logistiques et infrastructures adéquates insuffisants
· Ressentiment social dans la population
· Mesures incitatives pour la protection des forêts insuffisantes.
Une mesure immédiate de l'AFE/COHDEFOR pour renforcer l'efficacité et l'impact des actions de protection a été la création du Département de protection des forêts, avec l'appui du Projet de développement forestier de l'USAID. En outre, un programme de formation a été développé avec l'appui du Groupe militaire des Etats-Unis basé au Panama, du bureau de l'USAID/OFDA au Costa Rica et du PDF/USAID. Ce programme permettra de former une équipe d'instructeurs (30) pour l'entraînement de base du personnel à la lutte contre les incendies de forêt.

LE PROBLÈME

Plus de 40 pour cent de la population hondurienne est installée dans les zones forestières, équivalentes à 53,2 pour cent du territoire national. Ces populations n'ont aucune conscience de l'importance des forêts en raison de l'éducation qu'ils reçoivent, à l'école ou à la maison; ainsi, les arbres sont souvent considérés comme un obstacle (agriculture itinérante) et non comme un moyen de développement. Il faut ajouter à cette situation les effets de l'application de politiques inadéquates en matière de gestion des forêts, et le fait que les paysans ont vu s'installer des exploitations forestières qui ne leur apportent que des inconvénients (dommages aux ressources en eau, à la faune, au climat et à l'environnement en général).

En outre, les services forestiers n'ont pas accordé l'attention voulue au public (paysans) pour les aider à résoudre leurs problèmes domestiques, provoquant un certain ressentiment chez les demandeurs. Ceci se reflète dans l'indifférence pour la protection des forêts, laissant les incendies, les décharges et les coupes clandestines se poursuivre sans aucun contrôle.

La même insuffisance de l'éducation forestière chez toutes les couches de la société hondurienne a fait que les propriétaires des forêts n'ont pas accordé assez d'importance aux activités de protection des forêts, bien qu'elles fassent partie des plans de gestion, et ce malgré les bénéfices économiques directs qu'ils en retirent.

Bien qu'elle affronte le problème d'un taux élevé de déforestation, au cours de ces dernières années l'AFE/COHDEFOR n'a pas accordé au problème l'attention voulue. Les activités de protection, qui sont la base fondamentale du soutien des plans de gestion, ont été réduites au minimum; et les moyens et les ressources humaines et financières permettant de maintenir un programme permanent de protection des forêts ont diminué jusqu'à atteindre des niveaux critiques.

POLITIQUES ACTUELLES

1. Améliorer et optimiser l'efficacité opérationnelle des actions par la création du Département de protection des forêts.

2. Maintenir un programme de prévention des incendies durant toute l'année.

3. Renforcer les actions de protection dans les forêts domaniales.

4. Responsabiliser les propriétaires de forêts jouissant d'un droit de pleine propriété et les organismes municipaux vis-à-vis de la protection de leurs surfaces forestières.

5. Lutter contre les incendies de forêt dans toutes les zones très sensibles et dans les zones qui, par leurs fonctions, doivent être protégées, telles que les zones de régénération naturelle, les micro-bassins versants et les zones protégées.

6. Améliorer le système de détection des incendies de forêt.

7. Intensifier les actions d'éducation forestière.

8. Former et entraîner le personnel d'encadrement chargé de la protection tant à la prévention qu'à la lutte contre les incendies de forêt.

9. Développer les services privés de protection des forêts avec les organismes municipaux et les communautés forestières.

10. Rechercher les causes des incendies de forêt.

11. Etudier les dommages causés par les incendies de forêt.

12. Organiser la lutte contre les incendies de forêt.

13. Améliorer le registre statistique, qui constitue la base fondamentale de la planification.

ACTIONS STRATéGIQUES POUR 1999

1. Structurer le Département de protection des forêts avec du personnel technique capable de planifier, de soutenir et d'exécuter les actions de protection des zones forestières dans tout le pays.

2. Procéder à une analyse des communes forestières, pour établir des priorités dans le développement du programme de prévention.

3. Produire du matériel éducatif didactique pour améliorer l'efficacité du travail de prévention.

4. Planifier des actions avec les Départements du développement, de la vulgarisation et des zones protégées.

5. Cartographier les zones aménagées pour identifier les forêts domaniales.

6. Elaborer des plans et mettre en œuvre la protection des zones nationales.

7. Cartographier les zones aménagées par unité de gestion et au niveau régional.

8. Réviser, approuver et superviser l'exécution des plans de gestion.

9. Etablir des conventions avec les organismes municipaux.

10. Cartographier les zones forestières, en identifiant les zones prioritaires.

11. Réparer et construire des tours de guet.

12. Etablir un accord avec MARENA au Nicaragua pour obtenir les informations du satellite NOAA.

13. Etablir un accord avec le Secrétariat à l'éducation publique pour améliorer les programmes scolaires d'éducation formelle et informelle.

14. Dispenser des formations adaptées aux différents niveaux déterminant la structure d'organisation de la protection des forêts.

15. Identifier les communautés forestières avec les municipalités pour étudier les possibilités d'établir des accords de protection contre les incendies de forêt.

16. Former le personnel de lutte anti-incendie pour qu'il recherche les causes des incendies de forêt.

17. Travailler en coordination avec la police nationale, le Ministère de l'intérieur et les ONG, en appliquant certaines procédures, pour rechercher les causes des incendies de forêt.

18. Etablir des accords avec les centres d'enseignement supérieur en foresterie pour étudier les dommages causés par les incendies de forêt.

19. Organiser la lutte contre les incendies de forêt (Comités régionaux de protection) par le biais de la Commission permanente pour les urgences (Comisión Permanente de Contingencias, Copeco)

20. Réviser les formats établis pour l'enregistrement des données.

21. Développer une base de données pour l'enregistrement des données sur les incendies aux différents échelons concernés par le problème.

PROPOSITIONS

Echelon national

Du point de vue économique, social et écologique, la forêt représente l'une des plus grandes ressources du Honduras. Sa gestion durable peut permettre au pays d'occuper une place importante en Amérique latine, du fait de la diversité présente dans ses écosystèmes naturels.

Il est donc nécessaire:

· de connaître la valeur des différents écosystèmes;

· d'évaluer les dégâts causés aux forêts par les incendies et les maladies;

· d'utiliser le feu comme un instrument sylvicole;

· d'utiliser les informations climatologiques pour calculer les indices du risque incendie.

Les informations ci-dessus seront les éléments de base à prendre en compte pour la planification du programme de prévention, par le biais duquel nous pourrons:
· éduquer les enfants et la jeunesse aux problèmes forestiers;

· organiser les communautés pour la protection de la forêt;

· établir des accords ou des contrats avec les communautés et sociétés de conseil;

· développer un programme d'information et de vulgarisation basé sur des informations réelles et objectives.

Echelon régional

Dans le cadre du Forum Régional qui s'est tenu au Mexique et auquel ont participé 13 pays, on a abouti aux conclusions suivantes:

· Il faut encourager la création d'un Comité régional de prévention des incendies de forêt.

· Il faut créer un Fonds régional destiné au fonctionnement du Centre régional de prévention et de lutte contre les incendies.

· Il faut affecter des ressources financières nationales et internationales à la reforestation.

· Il faut restaurer les zones affectées par les incendies de forêt.

· Il faut favoriser les projets de coopération technique.

· Il faut développer l'éducation à l'environnement, en mettant l'accent sur la prévention des incendies.

· La tenure des terres est un facteur qui a une incidence sur le problème des incendies.

· Il faut promouvoir la conservation du matériel génétique des espèces de grande valeur.

On espère obtenir du XXème Congrès des Présidents d'Amérique Centrale, qui se tiendra à Antigua, Guatemala, les résolutions suivantes:

Il faut:

· reconnaître, dans les stratégies et les plans de travail, la prévention et la lutte contre les incendies développés par les pays de la région comme des instruments permettant de faire face à ce type de catastrophes;

· officialiser ces stratégies et ces plans d'action auprès des ministres de l'environnement, de l'agriculture, de l'éducation, de l'intérieur et autres instances concernées, de façon à mettre en place dans chaque pays une structure permanente qui permette de prendre en compte cette problématique;

· développer des campagnes de prévention des incendies de forêt et introduire dans les programmes scolaires le thème de la vulnérabilité;

· s'attaquer au problème de l'assainissement de la tenure des terres, celle-ci étant un élément fondamental de la productivité agricole, pastorale et forestière;

· développer la capacité de compétition des ressources naturelles de la région, par le biais du paiement des bénéfices environnementaux (eau, sol, valeur paysagère, biodiversité et autres);

· créer un Fonds de financement centraméricain pour le développement propre (Fondo Financiero Centroamericano de Desarrollo Limpio), qui permette de financer des activités visant à réduire les émissions de carbone. Le fonds de base serait alimenté par un montant correspondant à 20 pour cent de la facture pétrolière, par le produit des négociations sur la fixation du carbone, par le paiement de l'eau et de la valeur paysagère en tant que services environnementaux, et par d'autres sources de financement émanant de la coopération internationale;

· créer un Centre de surveillance et de télédétection des incendies de forêt (Centro de Monitoreo y Teledetección de incendios forestales) qui permette la mise en place de stratégies plus efficaces de prévention et de maîtrise des incendies;

· renforcer le Comité technique centraméricain de gestion des incendies (Comité Técnico Centroamericano de Manejo del Fuego);

· orienter les financements en faveur des activités visant à rétablir les conditions économiques, sociales et environnementales des zones touchées par les incendies.

ANNEXES

1. Carte de l'utilisation des sols au Honduras

2. Carte de la localisation des incendies en Amérique Centrale en avril 1998

3. Situation en matière de protection contre les incendies de forêt au cours des 5 dernières années au Honduras

Elaborada por: Sistema de Información Forestal (SIFOR\AFE-COHDEFOR), Tegucigalpa, 4/97.

Elaborada por el PFA, 1998. Fuente: DGF-NARENA, UICN y DCW.
Situation en matière de protection contre les incendies de forêt au cours des 5 dernières années au Honduras

Année

Hectares protégés (milliers)

Incendies combattus

Hectares brûlés

Incendies non combattus

Personnel d'intervention

Budget (milliers)

1994

1123

1443

98085

463

1710

-

1995

1057

1109

93083

741

1744

3037

1996

1145

1130

47911

483

2316

5526

1997

2234

1849

183408

1004

3342

7285

Moyenne

1390

1383

105622

673

2278

5283

1998

2546

2260

96628

867

2345

13434

Différence

+ 1156

+ 877

- 8994

+ 194

+ 67

7151


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