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Conflits, agriculture et sécurité alimentaire

«Le maintien de la paix et de la stabilité dans chaque pays est une condition indispensable pour parvenir à une sécurité alimentaire durable.»

Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation, paragraphe 3

INTRODUCTION

Les conflits armés et les troubles civils ont été des causes majeures d'insécurité alimentaire dans les années 90 et continueront de l'être au prochain siècle, même si leur nombre et les dégâts qu'ils causent pourraient diminuer (voir figure 13). Selon la définition retenue, entre 30 et 40 pays étaient en proie à des conflits à la fin du XXe siècle33.À l'échelle mondiale, ces conflits ont affecté des centaines de millions de personnes. La grande majorité d'entre elles vit dans des pays à faible revenu, dans lesquels l'agriculture joue un rôle essentiel en tant que moyen de subsistance, source de recettes et facteur de stabilité sociale. Un nombre disproportionné des pays touchés se trouvent en Afrique subsaharienne. Les pertes économiques et la perturbation de l'approvisionnement alimentaire et de l'accès à l'alimentation associées aux conflits peuvent être catastrophiques, en particulier dans les pays pauvres où il n'existe pas de sécurité sociale digne de ce nom.

Si les conflits sont une cause fondamentale de l'insécurité alimentaire dans de nombreux pays, réciproquement, l'accroissement de la productivité agricole et la réduction de la faim et de la malnutrition dans les pays pauvres sont un moyen essentiel de promouvoir la paix. Toutefois, cet aspect est souvent négligé, comme l'a récemment souligné l'ancien Président des États-Unis Jimmy Carter34.

Figure 13

Les décès dus à la sécurité alimentaire réduite et à la famine, qui sont des effets à long terme des conflits, dépassent parfois le nombre des décès résultant du conflit lui-même.

QUANTIFICATION DES PERTES DUES AUX CONFLITS DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Les souffrances, la mutilation et la mort de femmes, d'hommes et d'enfants sont les effets les plus évidents et les plus importants de tous les conflits, de même que des catastrophes naturelles. En comparaison, les pertes de production, de moyens de production et d'infrastructures semblent négligeables. Pourtant, ces pertes matérielles sont aussi importantes, car elles réduisent les capacités de subsistance et de récupération des survivants des conflits. Cela est particulièrement évident dans l'agriculture, car la destruction des cultures et du cheptel se traduit au mieux par une réduction de la sécurité alimentaire et au pire par des famines meurtrières. D'ailleurs, dans de nombreux cas, les effets indirects des conflits (la famine, par exemple) causent davantage de morts que la violence directe. L'estimation des pertes matérielles, si incomplète qu'elle soit, est un aspect important de l'évaluation de la gravité d'un conflit. En outre, elle fournit des indications pour la conception d'une politique à long terme de gestion des situations de conflit. On a constaté que généralement les coûts indirects de la guerre sont plus importants que ses coûts directs et persistent longtemps après la fin du conflit35. Toutefois, l'estimation du total des coûts directs et indirects des conflits est complexe36. Il ne faut pas évaluer les effets de la guerre dans un cadre statique, mais il est difficile de tenir compte de l'évolution des technologies, des institutions et des relations sociales durant les conflits. En outre, il est extrêmement difficile de quantifier la valeur économique et l'impact sur l'emploi des pertes de vies humaines.

Encadré 4

CONFLITS ET CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE

Une étude faite pour le compte de la FAO des facteurs qui déterminent la consommation énergétique alimentaire1 comporte une estimation de l'impact des guerres et des conflits civils dans plusieurs pays africains sur la période 1971-1992. L'auteur a fait une analyse de régression pour expliquer l'évolution de la consommation énergétique alimentaire par habitant, mesurée par la disponibilité énergétique alimentaire (DEA) hors aide alimentaire, pour un certain nombre de pays qui ont connu une guerre et/ou un conflit civil (les données ont été fournies par le Département de l'agriculture des États-Unis). L'existence d'une situation de guerre ou de conflit civil a été représentée par une variable nominale.

L'étude conclut que l'impact des guerres ou conflits civils sur la consommation énergétique alimentaire varie beaucoup en fonction de la fréquence et de la gravité de ces situations, mais est parfois considérable. Ainsi, parmi les pays dans lesquels l'impact de cette variable était significatif (10 pour cent), la perte d'énergie alimentaire en Ouganda durant chaque année de guerre civile représentait -56 kcal, soit 2,5 pour cent de la DEA moyenne. Elle avait atteint -362 kcal au
Libéria (16 pour cent),
-438 kcal (20 pour cent) en
Somalie et -120 kcal (6 pour cent) en Éthiopie.

1 Étude réalisée pour la FAO par le professeur George P. Zanias de la Faculté d'économie et de gestion de l'Université d'Athènes, Grèce.

Dans la présente section, qui met l'accent sur les pays en développement, l'estimation des pertes dues à la guerre se limite à l'estimation de l'impact direct sur la production agricole et l'on n'a pas cherché à évaluer les pertes de capital ou les effets indirects par exemple sur les activités rurales non agricoles37. Les pertes directes peuvent être dues à différents mécanismes: la migration des populations qui quittent les zones touchées par le conflit et abandonnent leurs terres et leur bétail; une réduction de la production commercialisée en raison de l'interruption des transports; la destruction des cultures sur pied ou des stocks et du cheptel par des groupes armés; et le déclin des rendements dû à la pénurie d'intrants essentiels. (Ces facteurs sont examinés plus en détail à la section intitulée Caractéristiques de l'agriculture et impact des conflits)

Encadré 5

CONFLITS ET CRISES ALIMENTAIRES

Les 15 dernières années ont été marquées par un grand nombre de crises alimentaires dues à des catastrophes naturelles ou causées par l'homme. Le nombre de ces crises a été compris entre 20 et 30 la plupart des années, mais il a eu tendance à augmenter durant les années 90 et surtout à la fin de la décennie. Cette augmentation a été associée principalement à la multiplication des conflits. La figure ci-dessous fait apparaître une évolution notable des causes des crises alimentaires. En 1984, les catastrophes causées par l'homme n'étaient à l'origine que de 10 pour cent environ des crises alimentaires, alors qu'en 1999 elles jouaient un rôle déterminant dans plus de 50 pour cent des cas.

Source: FAO.

Figure A

Il faut souligner que ces estimations sont assez aléatoires, car souvent on ne dispose pas de statistiques fiables. Beaucoup des pays touchés par des conflits sont des pays pauvres dans lesquels la précision des statistiques agricoles est douteuse même en temps de paix38. Il est fréquent que les conflits perturbent le processus normal de collecte de données et d'estimations. De plus, en temps de guerre, il est probable que la proportion non mesurée de la production augmente car elle ne passe plus par les circuits de commercialisation officiels.

Les pertes de production estimées pour l'ensemble des pays en développement sont récapitulées au tableau 7, p.73, et sont considérables. Pour les 28 années allant de 1970 à 1997, la perte totale est estimée à près de 121 milliards de dollars aux prix de 1995, soit en moyenne 4,3 milliards de dollars par an, chiffres que l'on peut comparer au coût estimatif du complément alimentaire nécessaire pour assurer le minimum nutritionnel. D'après des estimations grossières, il faudrait dépenser environ 13 dollars par personne et par an pour fournir suffisamment de nourriture pour assurer le minimum nutritionnel aux personnes sous-alimentées39. Si l'on divise par 13 la perte estimée à 4,3 milliards de dollars par an, on obtient le chiffre de 330 millions de personnes sous-alimentées qui auraient pu obtenir le minimum nutritionnel pour l'année. Cela représente plus que l'impact total de l'ensemble de l'aide alimentaire. Dans les années 80 et 90, les pertes dues aux conflits dans les pays en développement ont dépassé le total des aides alimentaires de toute nature fournies à ces pays (voir tableau de l'encadré 6). Pour la période 1980-1989, le montant des pertes a été d'environ 37 milliards de dollars et le montant de l'aide alimentaire de 29 milliards de dollars (tous les deux aux prix courants).

Tableau 7

PERTES DE PRODUCTION AGRICOLE DUES À DES CONFLITS, PAR RÉGION: 1970, 1980 ET 1990-1997

Région

1970

1980

1990-97

Total des pertes

 

Pays

Pertes (millions de dollars - prix 1995)

Pays

Pertes (millions de dollars - prix 1995)

Pays

Pertes (millions de dollars - prix 1995)

 

Amérique latine et Caraïbes

Colombie, Nicaragua, Honduras (3)

1 328 (7%)

Nicaragua, Pérou, El Salvador, Guatemala, Colombie, Honduras,
Panama (7)

8 686 (12%)

Nicaragua,
Pérou,
El Salvador, Guatemala,
Colombie (5)
[pas de données
pour Haïti]

5 011 (8%)

15 025 (10%)

Afrique subsaharienne

Angola, Burundi, Tchad, Rép. dém. du Congo, Guinée-Bissau, Éthiopie, Mozambique, Namibie, Rwanda, Soudan, Zimbabwe (11)

9 427 (15%)

Angola, Rép. centrafricaine, Tchad, Rép.
dém. du Congo, Éthiopie, Libéria, Mozambique, Namibie, Nigéria, Soudan, Zimbabwe (11)

21 951 (26%)

ngola, Burundi,
Rép. centrafricaine, Congo, Rép. dém.
du Congo, Éthiopie, Kenya, Libéria, Mozambique, Somalie, Soudan, Zimbabwe (12)

21 005 (40%)

52 383 (30%)

Asie du Sud et du Sud-Est

Cambodge, Rép. dém. pop. lao,
Sri Lanka,
Viet Nam (4)

4 346 (21%)

Cambodge, Philippines,
Sri Lanka (3)

6 707 (13%)

Cambodge, Philippines,
Sri Lanka (3)

6 360 (10%)

17 413 (14%)

Asie occidentale et Afrique du Nord

Iran, Iraq (2)

(pas de données pour les autres pays)

206 (6%)

Afghanistan, Iran, Iraq (3) (pas de données pour
les autres pays)

13 211 (11%)

Afghanistan, Algérie, Iraq (3) (pas de données pour les autres pays)

22 382 (58%)

5 800 (40%)

TOTAL

Pays: 20

Par an: 10,3

15 307 (16%)

Pays: 24

Par an: 16,9

50 556 (18%)

Pays: 23

Par an: 15,3

54 758 (41%)

120 620 (28%)

Notes: Les pays énumérés sont ceux pour lesquels le modèle (voir ci-après) a produit des résultats statistiquement significatifs pour la variable conflit (sauf dans le cas des exceptions indiquées ci-dessous). On a omis les pays pour lesquels le modèle a produit des résultats statistiquement non significatifs ou ceux pour lesquels on ne disposait pas de données. Les pourcentages indiqués entre parenthèses sont les pourcentages de pertes de valeur ajoutée agricole pour les années de conflit, pondérés par le total de la valeur ajoutée pour chaque pays. Les pertes sont estimées au moyen de l'équation de régression suivante, par pays:
agric = ao + a1(ag/man) + a2(Trd/ntrd) + a3(T) + a4(conf) + e
Dans laquelle (les variables étant exprimées en logarithmes sauf T et conf):
agric = valeur ajoutée agricole en dollars constants de 1995
ag/man = ratio prix agricoles/prix manufacturés, pour les produits entrant dans le commerce internationale
Trd/ntrd = ratio prix des produits entrant dans le commerce international (produits agricoles, miniers et manufacturiers)/prix des services non échangeables, taux de change réel
T = variable de tendance
conf = variable de conflit, fixée à 1 pour les années de conflit, et
e = résidu
Si la variable conflit est significative au niveau 0,1, dans les années de guerre on l'a multipliée par la production effective pour obtenir la perte estimée. Dans plusieurs pays, on n'a pas pu appliquer cette méthode et on en a employé une autre.

Les pertes économiques résultant des conflits dans les pays en développement ont dépassé la valeur totale de l'aide alimentaire à ces pays dans les années 80 et 90.

De 1976 à 1990, les pertes estimatives à prix constants ont augmenté à un rythme inquiétant de 12 pour cent par an (voir figure 14, p. 76), avant de se stabiliser dans les années 90 à quelque 6,5 à 7 milliards de dollars par an. On peut donc conclure que le fond a été atteint en 1990, même s'il n'y a pas eu de véritable amélioration depuis. On peut certes se féliciter de cette stabilisation mais, dans les années 90, les conflits sont restés une cause majeure de perte de production et d'insécurité alimentaire dans les pays en développement. Pour apprécier l'importance relative des pertes, on peut les comparer au commerce agricole de l'ensemble des pays en développement (moyenne des importations et des exportations). Cette comparaison n'est pas rigoureuse (car le commerce porte sur la production brute tandis que les pertes concernent la valeur ajoutée), mais les chiffres sont néanmoins frappants (voir figure 15, p. 76). Après avoir fluctué entre 1 et 3 pour cent du commerce mondial entre 1970 et 1980, les pertes ont commencé à augmenter jusqu'à culminer à un peu plus de 7 pour cent en 1990.

L'Amérique latine est la région en développement qui a le moins souffert de conflits depuis les année 80.

Encadré 6

AIDE ALIMENTAIRE ET CONFLITS

L'aide alimentaire peut jouer un rôle important en atténuant l'impact des conflits sur les groupes exposés à l'insécurité alimentaire. Si l'on pouvait faire la ventilation nécessaire, le montant de l'aide alimentaire apportée en réponse à des conflits donnerait une indication des pertes agricoles dues aux conflits, mais les données disponibles ne permettent de désagréger que l'aide alimentaire d'urgence, sans ventilation entre les crises dues à des causes naturelles et celles causées par l'homme. Le tableau ci-après récapitule les livraisons d'aide alimentaire sous forme de céréales aux pays affectés par les conflits énumérés dans le tableau 1, à l'exception de la République démocratique populaire lao et du Viet Nam (dont les conflits internes étaient terminés en 1989/1990, première année du tableau). L'essentiel de l'aide alimentaire d'urgence destinée à des pays affectés par des conflits durant les années 90 a été absorbé par l'Afrique subsaharienne - 86 pour cent du total pour toute la période.

AIDE ALIMENTAIRE D'URGENCE SOUS FORME DE CÉRÉALES AUX PAYS AFFECTÉS PAR DES CONFLITS, PAR RÉGION (1989/90 À 1997/98)

 

Milliers de tonnes

Pourcentage

 

Amérique latine

Afrique sub- saharienne

Asie du Sud et du Sud-Est

Afrique du Nord et Asie occidentale

Total

Amérique latine

Afrique sub- saharienne

Asie du Sud et du Sud-Est

Afrique du Nord et Asie occidentale

1989

85

994

9

68

1156

7,4

86,0

0,8

5,9

1990

37

1846

38

120

2041

1,8

90,5

1,9

5,9

1991

12

2513

75

261

2861

0,4

87,9

2,6

9,1

1992

13

3082

125

174

3394

0,4

90,8

3,7

5,1

1993

12

2306

55

276

2649

0,4

87,0

2,1

10,4

1994

33

2209

60

265

2567

1,3

86,0

2,3

10,3

1995

14

1526

68

274

1881

0,7

81,1

3,6

14,5

1996

9

1147

36

320

1512

0,6

75,9

2,4

21,2

1997

15

1177

55

174

1421

1,1

82,8

3,9

12,2

Total

230

16800

521

1931

19482

1,2

86,2

2,7

9,9

Note: Ces chiffres concernent les mêmes pays que le tableau 7, à l'exception de la République démocratique populaire lao et du Viet Nam dans la région Asie du Sud et du Sud-Est. L'année correspond au début de chaque période de 12 mois: 1989 = 1989/90.
Sources: FAO et Programme alimentaire mondial (PAM).

Situation par région

Les pertes dues à des conflits ont été beaucoup moins élevées dans les régions de l'Amérique latine et des Caraïbes et de l'Asie du Sud et du Sud-Est (voir figure 16, p. 77 et tableau 8, p. 78). Dans la première de ces régions, à la fin des années 90, il n'y avait plus qu'un seul pays, la Colombie, dans lequel les conflits continuaient de représenter une menace sérieuse. Dans cette région, les pertes ont été concentrées sur les années 80 et le début des années 90. En Amérique centrale, les conflits qui ont déchiré El Salvador, le Guatemala et le Nicaragua ont été dus à divers problèmes politiques et à l'instabilité socioéconomique, mais aussi à de vieux différends concernant la distribution des terres (en particulier dans les deux premiers de ces pays). Au Honduras, les pertes dues aux conflits ont été dues principalement à des luttes armées dans les États voisins40.

Tableau 8

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES PERTES DE PRODUCTION AGRICOLE, PAR RÉGION ET PAR DÉCENNIE

Région/décennie

1970

1980

1990

Total

Amérique latine et Caraïbes

9

17

9

13

Afrique subsaharienne

62

43

38

43

Asie du Sud et du Sud-Est

28

13

12

14

Afrique du Nord et Asie occidentale

1

26

41

30

Les droits des populations autochtones sur les ressources ont été un enjeu majeur en Amérique latine, mais ce n'est qu'au Guatemala que les différends interethniques ont été une cause importante d'un conflit majeur. Les pertes, en termes relatifs, ont été généralement moins importantes dans ces pays que dans ceux des autres régions, ne dépassant pas 10 pour cent de la production totale dans les années concernées. Le Nicaragua fait exception: à la fin des années 70, les pertes estimatives dues aux conflits représentaient plus de 30 pour cent de la production. En outre, dans ce pays, les différends fonciers ont davantage contribué à attiser les conflits dans les années 90 que dans les autres pays d'Amérique centrale. Malgré une longue histoire d'insurrections rurales généralement motivées par la distribution de la terre, à la fin du XXe siècle, l'Amérique latine était la région la moins affectée par des conflits.

Figure 14

En Asie du Sud, du Sud-Est et de l'Est, aucun des pays les plus peuplés (Bangladesh, Chine, Inde, Indonésie et Pakistan) n'a subi de pertes significatives dues à un conflit. En Asie du Sud-Est, les conflits étaient étroitement associés à la guerre froide et deux des pays les plus touchés, la République démocratique populaire lao et le Viet Nam, ont réussi à instaurer une paix intérieure durable au milieu des années 70. Au contraire, le conflit cambodgien s'est prolongé dans les années 90 et les perspectives de paix restaient très incertaines même à la fin du siècle. Le cas du Cambodge montre combien les pertes peuvent facilement prendre un caractère cumulatif. Si la production agricole de ce pays était restée constante depuis le début des années 70 (même compte tenu des pertes considérables de vies humaines dans les communautés urbaines et rurales), la production par habitant en 1997 aurait été plus du double de celle effectivement obtenue. Malgré la gravité de la situation au Cambodge, dans l'ensemble des pays de la région, les pertes de production durant les années de conflit ont été relativement modérées, de l'ordre de 14 pour cent (voir tableau 7, p. 73).

Les pertes économiques résultant des conflits en Afrique subsaharienne représentent près de 30 pour cent de la production agricole des pays concernés depuis 1970.

Les pertes dues aux conflits ont été particulièrement lourdes en Afrique subsaharienne. Sur l'ensemble de la période, c'est cette région qui a subi les pertes les plus importantes en termes absolus, soit 52 milliards de dollars (aux prix de 1995). Pour l'ensemble des pays affectés, cela représentait presque 30 pour cent de la production agricole durant les années de conflit (tableau 7). Contrairement à ce qui s'est passé dans les deux autres régions examinées ci-dessus, les estimations relatives à l'Afrique subsaharienne ne font apparaître aucune tendance nette à une diminution de l'incidence de conflits (nombre de pays affectés) ou des pertes dues aux conflits dans les années 90. Le nombre de pays affectés a été à peu près le même durant chaque décennie. Rapportées à la production agricole totale des pays affectés durant les années de conflit, les pertes ont augmenté de près de 5 pour cent par an entre 1976 et 1996, puis ont nettement reculé en 1997. Plusieurs pays, notamment le Mozambique, ont retrouvé la paix après des guerres longues et dévastatrices, mais la région était toujours en proie à de nombreux conflits graves à la fin du siècle.

Tableau 9

PERTES AGRICOLES ET FLUX DE CAPITAUX DANS LES PAYS D'AFRIQUE SUBSAHARIENNE AFFECTÉS PAR DES CONFLITS, 1975-1997

 

1975-79

1980-89

1990-97

Total

   

Millions de dollars (valeur courante)

 

Pertes

11 924

31 160

21 916

64 999

APD

7 999

50 811

65 715

124 525

IED

2 740

5 984

14 030

22 753

   

Pourcentage

 

Pertes/APD

149

61

33

52

Pertes/IED

435

521

156

286

Dans la plupart des pays d'Afrique subsaharienne, les conflits ont été relativement brefs, mais souvent récurrents. Plusieurs pays ont été en guerre pendant la majeure partie de la période de 28 années. Le cas le plus extrême est celui de l'Angola, où la guerre civile a fait rage presque sans interruption depuis avant 1970 et où il n'y avait aucune perspective d'apaisement rapide au tournant du siècle (malgré la conclusion d'un accord de paix officiel au début des années 90). On estime qu'à la fin des années 90, la production agricole de l'Angola était nettement inférieure à la moitié de ce qu'elle aurait été en l'absence de guerre. Le Soudan a été en proie à un conflit intérieur pendant presque aussi longtemps, mais le niveau relatif des pertes y a été moins élevé. Le tableau 9 indique l'ampleur des pertes dues aux conflits en Afrique subsaharienne (en dollars de 1995). Les pertes agricoles estimatives dans les pays affectés par les conflits représentaient 75 pour cent de l'APD reçue pendant la période de 28 années, et ce pourcentage a augmenté chaque décennie. Les pertes dues aux conflits en Afrique subsaharienne ont été beaucoup plus importantes que le total de l'investissement étranger direct dans les pays touchés. Comme deux de ces pays, l'Angola et le Nigéria, ont absorbé plus de 80 pour cent de l'IED, dans les autres pays les pertes agricoles ont été considérablement supérieures à l'IED.

Encadré 7

AGRICULTURE, CONFLIT ET GÉNOCIDE AU RWANDA

Les deux caractéristiques essentielles de l'agriculture rwandaise sont la forte densité de population dans les zones rurales et l'importance de deux cultures d'exportation, le thé et le café. La production de café a augmenté en moyenne de 4,4 pour cent par an entre 1969 et 1981 et la production de thé de 17 pour cent par an. Toutefois, la qualité du café, principale culture d'exportation, s'est détériorée à partir de la fin des années 70. En conséquence, les cultivateurs de café et l'économie du Rwanda n'ont pas pu vraiment profiter des hausses de prix et ont été plus exposés aux baisses de prix. Entre 1985 et 1992, le cours mondial du café a chuté de 72 pour cent en termes réels et celui du thé de 66 pour cent. En 1989/90, le Rwanda a produit 40 pour cent de café de plus qu'au début des années 80, mais ses recettes étaient inférieures de 20 pour cent. Après 1992, dans le cadre de son programme d'ajustement structurel, il a supprimé les paiements de stabilisation du prix du café aux agriculteurs. De plus, une longue période de forte croissance démographique a entraîné une réduction de la taille des exploitations et l'intensification de la production n'a guère progressé. Les sécheresses des années 80 ont aggravé la situation. D'après une estimation, en 1989 un Rwandais sur six était victime de la famine. D'après les chiffres officiels, la production vivrière est tombée de 2 055 kcal par agriculteur et par jour en 1984 à 1 509 kcal en 1991. Par conséquent, durant les années 80, une série de graves tensions se sont accumulées dans l'agriculture rwandaise.

Le déclenchement de la guerre en 1990 a provoqué le déplacement de 15 pour cent de la population, d'après une estimation. Les effets de la guerre de 1994 sur l'agriculture ont été catastrophiques. Lorsque le Front patriotique rwandais est arrivé au pouvoir, ce qui a mis fin au génocide, 2 millions de personnes avaient fui le pays et il y avait des centaines de milliers de personnes déplacées à l'intérieur du pays.

Après le génocide, de nombreux observateurs s'attendaient à une famine sans précédent, mais ces craintes se sont révélées infondées. Des estimations ultérieures ont indiqué que les pertes dues au conflit étaient très variables selon les provinces et à l'intérieur de chaque province. Elles ont aussi montré que les problèmes de la production agricole et de la reconstruction au Rwanda ne se limitaient pas à l'approvisionnement en semences et aux difficultés de récolte et touchaient toute l'organisation de la production rurale. Loin d'être autosuffisants, la plupart des agriculteurs achetaient des intrants essentiels tels que les semences. Les deux principales sources de revenus, outre la vente d'une partie de la production agricole, étaient la migration saisonnière des hommes qui se rendaient dans d'autres préfectures pour y travailler et le travail agricole salarié des femmes sur des exploitations commerciales. Ces deux sources de revenus ont été compromises dans les années 90, la première en raison du conflit direct et la seconde en raison de la fuite ou de la mort des gros exploitants. En 1995, le Ministère de l'agriculture estimait que trois agriculteurs sur quatre avaient été déplacés depuis avril 1994 et que la récolte de décembre-janvier était inférieure de 50 pour cent à la normale.

Le redressement de l'agriculture après 1995 a été inégal, même si les agriculteurs se sont réinstallés sur leur terre, les conflits juridiques ont été en partie réglés et les migrations de main-d'œuvre ont repris. Toutefois, le problème de la reconstruction et de la politique agricole plus généralement ne consiste pas seulement à retrouver le niveau de production d'avant-guerre et à rétablir les institutions antérieures. Une solution durable passe par la réorganisation de tout le système de production agricole.

Sources: P. Gourevitch. 1999. We wish to inform you that tomorrow we will be killed with our families. Picador, Londres; J. Pottier. 1996. Agricultural rehabilitation and food insecurity in postwar Rwanda: assessing needs, designing solutions. IDS Bulletin, 27(3); A. Storey. 1999. Economics and ethnic conflict: structural adjustment in Rwanda. Development Policy Review,17: 43-63; et P. Uvin. 1996. Development, aid and conflict: reflections from the case of Rwanda. Research for Action No. 24. Université des Nations Unies/Institut mondial de recherche sur les aspects économique du développement, Helsinki.

L'étude de Luckham, Ahmed et Muggah41 confirme ces estimations et indique que, parmi les 11 pays d'Afrique subsaharienne les plus touchés par la guerre, la chute de la production agricole par habitant mesurée a été particulièrement prononcée dans les quatre pays dans lesquels l'État s'est effondré dans les années 90 (Sierra Leone, Libéria, Somalie et Rwanda). Parmi ces 11 pays figure le Tchad qui, bien qu'ayant connu un conflit, n'a apparemment pas subi de pertes significatives, ce qui peut être dû au fait que les combats n'ont touché qu'une petite partie du territoire, essentiellement hors des principales zones de production agricole.

Figure 15

Selon certaines estimations, l'Afrique du Nord et l'Asie occidentale ont été des régions encore plus troublées que l'Afrique subsaharienne, une longue liste de pays étant affectés par des guerres civiles ou des invasions. Toutefois, les pertes agricoles n'ont été statistiquement significatives que dans quatre de ces pays: Afghanistan, Algérie, République islamique d'Iran et Iraq. D'après les estimations, les conflits n'ont commencé à causer de pertes qu'à la fin des années 70, mais ensuite ces pertes se sont très rapidement aggravées (voir figure 16 et tableau 8), augmentant de 26 pour cent par an en prix constants entre 1979 et 1988. Cette évolution a été due essentiellement aux conflits afghans et à la guerre entre l'Iran et l'Iraq. L'intensité de ces conflits a été telle que, dans les années 90, les pertes subies par l'Afghanistan, l'Iraq et l'Algérie dépassaient le total des pertes subies par l'Afrique subsaharienne. En moyenne, ces trois pays ont été les plus durement touchés du monde. Les pertes subies par l'ensemble des pays affectés durant les années de conflit représentaient 58 pour cent de la production totale dans les années 90.

LA NATURE DES CONFLITS

Il convient d'analyser l'impact des conflits sur l'agriculture en tenant compte de la nature des conflits contemporains, qui a évolué depuis la seconde guerre mondiale. Jusqu'alors, les guerres étaient généralement des guerres internationales. Elles étaient pour la plupart menées par des armées régulières, il y avait une distinction nette entre combattants et civils, les lignes de front étaient bien délimitées et on savait assez clairement quand un conflit avait pris fin.

Figure 16

Depuis la seconde guerre mondiale, les conflits internationaux ont été relativement rares et généralement courts (sauf notamment dans le cas de la Corée, du Viet Nam et de la guerre entre l'Iran et l'Iraq). La plupart des conflits contemporains opposent non pas des pays, mais un gouvernement et des groupes politiques ou militaires qui veulent renverser le gouvernement ou créer un État indépendant. Généralement, ils ne mettent pas aux prises deux armées régulières, mais impliquent un affrontement complexe entre le gouvernement et différents mouvements d'opposition qui peuvent être hostiles les uns aux autres42. Dans certains cas, il est difficile de déterminer qui est officiellement ou de fait à la tête de l'État. Comme le conflit n'est pas déclaré43, son début et sa fin ne sont pas clairement délimités. Ainsi que le montre le conflit angolais, même si les parties signent un accord de paix officiel, cela ne signifie pas la fin de la guerre44.

Les conflits récents ont opposé essentiellement les gouvernements à des groupements nationaux d'opposition.

Figure 17

Comme la distinction entre combattants et civils est floue, les conflits internes ont généralement des effets indiscriminés sur la population. En fait, l'essentiel des victimes sont des civils. La guerre est souvent menée avec des moyens techniques rudimentaires, armes légères et mines terrestres. Les mines sont particulièrement dévastatrices pour l'agriculture, empêchant l'exploitation de vastes superficies de terres arables tant qu'elles ne sont pas neutralisées, problème que nous examinerons plus loin. Il n'est donc pas surprenant que les pertes de production agricole estimées soient importantes, car cela est dans la nature des guerres civiles. En outre, au-delà de leurs effets sur la capacité de production des agriculteurs, ces conflits risquent souvent de créer des situations d'insécurité alimentaire car ils entravent le transport et la distribution des vivres.

Une autre caractéristique des conflits internes est que les combats se déroulent généralement plutôt dans les campagnes que dans les villes. Par conséquent, ils tendent à avoir des effets dévastateurs sur la population rurale et l'agriculture (voir encadré 8, stratégies de survie). Au contraire, dans les guerres internationales du passé (et dans les récents conflits en Iraq et dans les États baltes), les bombardements aériens détruisaient principalement les villes.

Les conflits internes sont plus dévastateurs pour la population rurale que les conflits avec d'autres pays.

Des éléments tendent à montrer que la pénurie des ressources telles que l'eau et la terre accroît les risques de conflit. La maîtrise des terres fertiles, de l'eau et des stocks alimentaires est souvent un objectif stratégique de toutes les parties à un conflit. Réciproquement, la destruction des stocks alimentaires et des moyens de production agricole peut être un objectif militaire tant pour le gouvernement que pour les insurgés. Les deux parties, mais en particulier le gouvernement, peuvent appliquer une stratégie de «terre brûlée» pour saper les bases de l'adversaire. Cette tactique est déjà très ancienne45. Dans une telle conception de la guerre, l'insécurité alimentaire est une arme puissante qui a des effets catastrophiques sur la population rurale.

CARACTÉRISTIQUES DE L'AGRICULTURE ET IMPACT DES CONFLITS

Selon leur nature, les guerres internes affectent l'agriculture de diverses façons. Leur impact dépend aussi des caractéristiques de l'agriculture du pays. Dans certains pays, il peut y avoir un excédent de main-d'œuvre dans les zones rurales. Si tel est le cas, les pertes de vies causées par la guerre, malgré leur coût humain évident, ne pèseront pas nécessairement sur la productivité et la production agricoles. Dans d'autres situations, il peut y avoir pénurie de main-d'œuvre agricole, en particulier durant les pointes saisonnières (récolte, désherbage, etc.). Dans ce cas, les pertes humaines dues à la guerre ou l'enrôlement des hommes dans les forces armées compromettront la viabilité de l'agriculture.

Le coût des guerres est plus élevé pour l'agriculture mécanisée que pour l'agriculture de subsistance.

Le coût direct de la guerre tend à être d'autant plus élevé que l'agriculture est plus capitalistique, c'est-à-dire que la mécanisation et l'irrigation sont développées, que les agriculteurs achètent des intrants et que la proportion de la production commercialisée est importante. La perturbation des circuits de commercialisation peut entraîner des pertes en ce qui concerne la production vendue, mais n'est pas nécessairement cause d'insécurité alimentaire dans la mesure où les familles peuvent continuer de produire pour leur propre consommation.

Encadré 8

REMISE EN QUESTION DES STRATÉGIES DE SURVIE
EN PÉRIODE DE CONFLIT

Lorsque les ménages sont exposés à l'insécurité alimentaire, ils recourent à diverses stratégies de survie pour pouvoir continuer de se nourrir et protéger leurs moyens d'existence jusqu'à la fin de la crise. Ils peuvent se nourrir de plantes sauvages, chercher à obtenir un crédit, vendre leur travail ou réduire leur consommation. Les réponses dépendent essentiellement de l'évaluation de la gravité de la crise et de la situation économique et sociale des familles.

Avant de se décider, chaque ménage évaluera soigneusement le coût économique et social des diverses options, même si en période de conflit, les gens peuvent être obligés de prendre des risques accrus sans avoir le temps de réfléchir, la priorité immédiate étant de sauver les vies. En outre, l'insécurité limite souvent la liberté de mouvement et donc l'accès à l'alimentation. La consommation de plantes sauvages inconnues peut être dangereuse; beaucoup contiennent des toxines et si on ne sait pas comment il faut les préparer et les utiliser, on risque de s'empoisonner. Très souvent, lorsque les habitants sont en fuite, leurs maisons et leurs fermes sont détruites, si bien qu'il leur est extrêmement difficile de retrouver une vie normale lorsqu'ils rentrent chez eux. En outre, les conflits peuvent détruire une grande partie des réseaux économiques et sociaux sur lesquels les ménages s'appuient normalement en temps de crise; il n'est parfois plus possible de compter sur la solidarité communautaire ou même familiale. En pareil cas, l'éventail des stratégies de survie viables peut être très restreint.

Pour mettre en place un système efficace de prévention et d'atténuation de l'insécurité alimentaire dans les zones exposées à des conflits, il est essentiel de bien connaître les différentes stratégies de survie à la disposition des familles.

Source: D'après A. Hussain et M. Herens. 1997. Child nutrition and food security during armed conflict. Alimentation, Nutrition et Agriculture n°19.

Les conflits peuvent nuire à l'agriculture et à la sécurité alimentaire de nombreuses autres manières. Dans les zones spécialisées dans les cultures d'exportation à forte intensité de main-d'œuvre, la guerre réduira les recettes en devises, ce qui peut avoir de graves conséquences sur le développement et la sécurité alimentaire. Si la population rurale est acheteuse nette de produits alimentaires, par exemple là où il y a des exploitations agricoles commerciales employant une importante main-d'œuvre salariée, la réduction des revenus et la désorganisation des circuits de commercialisation entraînent davantage d'insécurité alimentaire que là où la production de subsistance prédomine. Dans les zones où l'agriculture commerciale est partiellement tributaire d'une main-d'œuvre migrante, la guerre peut interrompre les flux saisonniers de main-d'œuvre et, par conséquent, réduire la productivité des exploitations commerciales. Cela provoque aussi une réduction des revenus dans des zones qui ne sont pas directement affectées par la guerre mais qui envoient des travailleurs migrants vers les zones en conflit. Par exemple, à certaines périodes de la guerre civile au Soudan, les travailleurs du sud Kordofan ont été empêchés d'émigrer vers d'autres régions. Les travailleurs émigrés du Bangladesh et des Philippines rapatriés d'Iraq, ainsi que leurs parents qui dépendaient de leurs envois de fonds, ont été parmi les victimes de la guerre du Golfe persique46.

L'élevage est très vulnérable en cas de guerre car les animaux sont laissés sans surveillance et les maladies se propagent aisément.

Les effets à long terme de la guerre sur l'agriculture dépendent entre autres de la structure des activités agricoles. Par exemple, dans les zones de plantations, telles que les zones qui produisent du café ou de la noix de cajou, il y a de fortes chances qu'en cas de conflit et de déplacement de populations, les arbres soient abandonnés ou négligés et deviennent en conséquence plus sensibles aux ravageurs et aux maladies. C'est ce qui s'est produit dans le cas de la banane, aliment de base au Rwanda et Burundi. Cela retarde le redressement de la productivité agricole après la guerre, car le rendement des arbres diminue avec l'âge, et il sera plus coûteux de restaurer la compétitivité des productions destinées à l'exportation47. De même, une des activités agricoles les plus vulnérables en temps de guerre paraît être l'élevage. On estime que les effets directs et indirects du conflit en Somalie au milieu des années 90 ont détruit plus de la moitié du cheptel48. Dans le cas du Mozambique, on estime les pertes à quelque 80 pour cent49.

Les grandes exploitations agricoles, qu'elles soient étatiques, privées ou mixtes, peuvent être relativement protégées contre les effets directs de la guerre, mais restent des cibles vulnérables pour les insurgés. Par exemple, une ferme d'État sera souvent choisie comme cible par des rebelles dont la stratégie consiste notamment à détruire sélectivement les biens de l'État. Les gouvernements peuvent déployer des soldats pour protéger ces exploitations, mais il est probable que l'insécurité due à la guerre affaiblira ou détruira totalement les liens entre les grandes et les petites exploitations.

FAO/17552

Victimes des mines terrestres Les agriculteurs sont
parfois obligés de cultiver des terres parsemées de mines
terrestres

- FAO/17552

Les liens entre l'agriculture et les autres secteurs économiques peuvent être rompus en temps de guerre. Dans les pays à revenus faibles et moyens, les populations rurales ont diverses sources de revenus, dont la production de subsistance, la transformation des produits agricoles en vue de la vente sur le marché local ou sur des marchés éloignés et des petites entreprises comme les transports et l'artisanat. Il y a des liens entre l'agriculture et le secteur manufacturier: dans de nombreux pays, l'industrialisation débute par la transformation de produits agricoles, par exemple égrenage du coton, raffinage du sucre, production de boissons sucrées, brasserie industrielle, fabrication de meubles ou production de pâte et de papier. En outre, il y a des échanges de ressources entre les secteurs. Tous ces liens peuvent être rompus par la guerre.

Si le conflit affaiblit les liens entre les zones rurales et les villes ou entrave le tourisme rural, bon nombre des sources de revenus de la population rurale risquent de disparaître faute de demandes ou d'intrants. L'agro-industrie peut être durement touchée par un conflit si l'approvisionnement en matières premières est interrompu, si les producteurs ne peuvent plus vendre leurs matières premières aux utilisateurs industriels, ou si la demande de matières premières diminue. Même si les échanges de ressources entre secteurs ne sont pas interrompus, les mécanismes peuvent être fragilisés par la guerre. Les offices de commercialisation peuvent avoir plus de mal à acheter les récoltes ou être affaiblis si leurs ressources sont réaffectées à l'effort de guerre. Les effets positifs des transferts de ressources de l'agriculture vers les autres secteurs et du réinvestissement dans l'agriculture seront amoindris. La violence perturbe aussi l'agriculture du fait que les infrastructures de transport et de communication sont prises pour cible.

Les mines terrestres sont un danger pour les agriculteurs et réduisent leur capacité de production.

Le minage des zones rurales est largement pratiqué, parfois de façon indiscriminée (voir encadré 9). Les mines peuvent être posées dans les champs, le long des sentiers qui relient les villages aux champs et aux cours d'eau et sur les routes de desserte locale, les grands axes et les ponts. Elles ont un impact direct et important sur la production agricole car il devient tout simplement trop dangereux de travailler les champs. Pour neutraliser leur effet, il faut disposer d'une carte des champs de mine. Toutefois, souvent ni le gouvernement ni ses opposants ne conservent de documents indiquant où ils ont posé des mines. En Afghanistan, en Angola et au Cambodge, où la densité de mines terrestres est particulièrement élevée, les mines ont un impact considérable sur la production agricole globale, qui durera probablement de nombreuses années après la fin du conflit.

Les infrastructures de production et de communication sont essentielles pour le dynamisme de la production agricole50. L'insuffisance des transports alourdit les frais de production et de commercialisation, et les dommages causés aux infrastructures aggravent la situation, par exemple en entraînant une augmentation des marges des intermédiaires. En outre, en temps de guerre, l'accès aux carburants est souvent entravé, et il est fréquent que l'État ou des groupes armés confisquent les véhicules, notamment les camions51.

Durant les guerres, les réseaux de commercialisation et de distribution sont interrompus et le prix des aliments augmente.

Un des corollaires de l'accroissement des risques liés à la commercialisation des produits et des intrants agricoles est que les bénéfices des commerçants tendent à augmenter. Pour ceux qui sont disposés à courir le risque, la guerre crée des situations de monopole très rentables; en fait, ces surprofits peuvent être nécessaires pour que l'activité commerciale se poursuive et sont parfois qualifiés d'«impôt de guerre». Il y a là un exemple particulier de la façon dont la guerre civile affaiblit ou détruit les mécanismes de régulation sociale et économique. Dans ces conditions, la production agricole et les activités connexes peuvent survivre, à un niveau réduit, dans une sorte d'économie de marché pervertie52. Certaines personnes savent très bien tirer parti de telles situations53. Les activités de ces profiteurs peuvent offrir une bouée de sauvetage à des gens qui sans cela n'auraient aucune possibilité de gagner un revenu en temps de guerre, mais il est probable que les conditions d'accès aux sources de revenus sont moins bonnes qu'en temps de paix.

Encadré 9

LES MINES TERRESTRES
EN ANGOLA

L'Angola est en guerre de façon presque ininterrompue depuis 1961. Les premières mines ont été employées au milieu de 1961 dans le conflit qui a opposé les autorités coloniales portugaises aux groupes nationalistes. Lorsque les mouvements nationalistes ont commencé à recevoir un appui de l'étranger, depuis 1968, les mines terrestres ont joué un rôle de plus en plus important dans le conflit. L'activité militaire a été particulièrement intense à la fin des années 80, durant les grandes batailles qui se sont déroulées dans le sud de la zone de Cuito Cuanavale. Les deux parties ont posé un grand nombre de mines et le processus s'est intensifié après l'échec du processus de paix et des élections entre 1990 et 1992. Le gouvernement du Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA) et l'UNITA ont, chacun de leur côté, posé des milliers de mines pour couper les routes et les ponts autour des villes assiégées. Dans certains cas, les ceintures de mines mesuraient jusqu'à 3 km de large.

On a estimé que le nombre total de mines terrestres posées en Angola était d'environ 20 millions et qu'en 1999, 4 millions de ces mines étaient toujours en place, 6 millions avaient été neutralisées ou avaient explosé et 8 millions n'étaient pas répertoriées. On a identifié 60 types de mines antipersonnel provenant de 19 pays. Toutefois, il n'existe pas de carte détaillée des champs de mines et personne ne sait exactement combien de mines ont été posées. L'Angola est un des pays du monde où il y a proportionnellement le plus de victimes des mines terrestres. Sur une population de quelque 9 millions d'habitants, des dizaines de milliers de personnes ont dû être amputées à cause des mines. Si l'on s'en tient à une estimation prudente de 20 000 mutilations graves, cela correspondrait à 5 millions dans un pays comme les États-Unis.

Un grand nombre de mines ont été posées sur des sentiers qui mènent aux cours d'eau et sur des petits champs. D'autres ont été posées sur les routes et les ponts. Les effets sur l'agriculture, même s'il est impossible de les quantifier, sont évidents: les mines entravent l'accès aux champs et empêchent de les cultiver; les morts et les mutilations qu'elles causent réduisent la main-d'œuvre agricole, ce qui peut avoir des effets graves sur la répartition du travail à l'intérieur de la famille et la sécurité alimentaire; enfin, le minage des routes et des ponts entrave le commerce et les secours. Les mines sont, avec les combats, les déplacements de populations et l'enrôlement dans les forces armées, une des principales causes de la destruction d'une grande partie de la capacité de production agricole du pays et de la famine périodique dont sont victimes de nombreux Angolais.

«La présence de mines et de munitions non explosées peut rendre impossible la reconstruction des communautés rurales après un conflit. On ne peut pas construire de nouveaux bâtiments et la capacité d'accueil est limitée par l'impossibilité d'utiliser de nouvelles terres. Les réfugiés et les personnes déplacées par les combats, désespérés, doivent choisir entre l'exil ou le retour malgré les mines. Il est souvent impossible de cultiver ou de ramasser en sécurité des fruits, du bois ou d'autres ressources naturelles en raison de la présence de mines terrestres. Dans certains cas, en raison des caractéristiques de l'économie locale et de la disposition des mines, l'accès à la terre n'est pas complètement impossible, mais son exploitation ne peut pas être optimisée. En empêchant d'exploiter une partie des terres et en réduisant la productivité de l'exploitation, les mines terrestres et les munitions non explosées peuvent être une cause d'insécurité alimentaire, ce qui peut inciter les gens à entreprendre des activités dangereuses, comme la récupération du métal des munitions non explosées, pour survivre ou compléter leurs revenus. Contraints par la nécessité de nourrir leurs familles, les paysans cultivent des terres dont ils savent qu'elles sont minées et essaient souvent de les déminer eux-mêmes. Les accidents se multiplient et la pauvreté s'aggrave encore.»

The Mines Advisory Group

Sources: Africa Watch. 1993. Landmines in Angola. Londres; Human Rights Watch. 1999. Landmine monitor - toward a mine-free world. New York; S.H. McCormick. 1994,. The Angolan economy: prospects for growth in a postwar environment. Center for Strategic and International Studies, Washington; Mines Advisory Group. 1999. The effects of landmines on the community. www.oneworld. org/mag/effectstxt.htm

Dans le cas extrême, les producteurs sont forcés de verser un tribut pour nourrir les forces armées, sans contrepartie raisonnable. Ainsi, en Sierra Leone, les jeunes hommes armés ont découvert que le fait de contrôler les opérations commerciales leur apportait des avantages supplémentaires, comme la possibilité de forcer les paysans à leur donner de la nourriture, de mettre en place des barrages routiers pour percevoir des droits sur le commerce local et de se livrer à l'extorsion de fonds ou au pillage. Cette perspective de survivre, d'échapper à l'exploitation généralisée des populations locales, et même de retirer un gain matériel des destructions causées par la guerre, incite fortement les jeunes hommes et les garçons à devenir des combattants54.

La guerre peut aussi entraîner directement ou indirectement l'accumulation de terres et d'autres biens par certains au détriment des autres, autrement dit une aggravation des inégalités dont les incidences économiques à long terme ne sont pas évidentes55.

Des politiques macroéconomiques peuvent être conçues de manière à éviter l'aggravation des tensions et des conflits qui provoquent les guerres.

PROBLÈMES FONDAMENTAUX

Le fait que les conflits sont souvent étroitement associés au sous-développement, à l'iniquité et à la pénurie de ressources amène une conclusion évidente: les pays doivent chercher à promouvoir une croissance à la fois rapide et relativement équitable. Si, pour réunir les conditions de la croissance, il faut prendre des mesures de stabilisation macroéconomique et de réforme, le problème est de gérer ces mesures de façon à limiter les tensions sociales et à réduire les inégalités ou du moins à ne pas les aggraver. Ce point de vue est désormais largement partagé, même s'il n'est pas toujours facile de le traduire en actes. Dans un rapport de 1997 de la Banque mondiale56, on peut lire que:

«La Banque doit intégrer le risque de conflit dans ses activités de développement. Elle doit veiller à ce que ses interventions n'aggravent pas les iniquités existantes et contribuer à désamorcer les conflits potentiels, au moyen d'une analyse sociale judicieuse et en accordant une importance suffisante aux politiques de distribution...»

Le fait d'accorder une priorité excessive à une stabilisation rapide impliquant une politique budgétaire très rigoureuse peut empêcher de réaliser les investissements nécessaires pour remettre en état le secteur agricole et de toucher le dividende de la paix (voir encadré 10, p. 92). Généralement, les programmes de stabilisation et d'ajustement préconisent une réduction de l'intervention de l'État sur les marchés, mais dans les situations d'après-conflit, il est souvent nécessaire que l'État joue un rôle accru dans l'aide à la reconstruction des communautés locales, par exemple en fournissant directement des biens et des services pour assurer la sécurité alimentaire, et des intrants agricoles.

Les questions de distribution sont particulièrement importantes, notamment dans le secteur agricole dans lequel le partage des ressources suscite souvent des conflits directs et se fait dans un contexte caractérisé par l'aggravation des inégalités et de la rareté. Il est essentiel que le processus de partage des ressources rares se fasse dans un environnement équitable, caractérisé par l'existence et le respect d'un cadre juridique, l'acceptation généralisée de normes de comportement commercial et le respect des droits de propriété, individuels ou collectifs. L'application de lois favorables à une distribution équitable de la propriété foncière est une mesure majeure en ce sens. Dans le court terme, pour de nombreux pays ayant subi un conflit, la mise en œuvre d'une politique de distribution appropriée peut nécessiter des mesures visant à atténuer l'impact de la concurrence sur les petits exploitants durant une période transitoire, jusqu'à ce que les circuits de commercialisation normaux, les moyens de transport et les services de vulgarisation soient rétablis.

On a observé que les pays les plus exposés à des conflits sont souvent des pays dans lesquels l'agriculture est une composante majeure de l'économie et où la majorité de la population est rurale. Dans de telles conditions, la promotion de l'agriculture et du développement rural est non seulement un moyen de stimuler le développement et d'améliorer la sécurité alimentaire globale, mais aussi un moyen puissant de réduire les risques de conflit.

La promotion du développement rural peut réduire les risques de conflits dans les pays vivant de l'agriculture.

La constitution de stocks alimentaires stratégiques paraît être une réponse évidente à l'insécurité alimentaire causée par les conflits. Toutefois, on sait que la constitution et la gestion de stocks sont extrêmement coûteuses, surtout en période de conflit, lorsque les transports sont interrompus et que les silos deviennent des objectifs de choix pour les attaques. La construction et l'entretien d'installations de stockage sur les exploitations dans les zones exposées à des conflits est une option viable uniquement si ces installations peuvent être protégées et contrôlées et s'il est possible de distribuer efficacement les aliments stockés dans les zones qui en ont besoin. Il convient aussi de ne pas oublier qu'il est très difficile et coûteux de conserver des stocks vivriers dans les régions tropicales et humides.

L'Accord de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur l'agriculture (adopté à l'issue du Cycle d'Uruguay) autorise les pays à constituer des stocks de produits à des fins de sécurité alimentaire et à vendre les produits stockés aux urbains et ruraux pauvres à un prix inférieur à celui du marché. De façon générale, cet accord est assez souple en ce qui concerne les politiques agricoles visant expressément à réduire la pauvreté, et celles-ci sont particulièrement importantes en situation de conflit. La Décision sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du Programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, qui le complète, est particulièrement pertinente. Dans cette décision, les parties affirment leur intention d'établir des mécanismes pour éviter que les règles de l'Accord sur l'agriculture n'aient des effets négatifs sur la sécurité alimentaire des pays les moins avancés et des pays à déficit vivrier (c'est-à-dire presque tous les pays affectés par des conflits) et conviennent à cet effet: i) d'examiner le niveau de l'aide alimentaire pour voir s'il est suffisant; ii) de faire en sorte qu'une part croissante des produits alimentaires de base soit fournie à ces pays à titre de dons ou à des conditions favorables; et iii) de prendre en considération les demandes d'assistance technique et financière visant à stimuler la croissance de l'agriculture et à promouvoir la sécurité alimentaire. Malheureusement, à la fin des années 90, aucune mesure concrète n'avait été prise pour donner effet à ces engagements.

Encadré 10

Y A-T-IL UN DIVIDENDE DE LA PAIX?

Le désarmement et le règlement d'un conflit paraissent offrir une possibilité de réaffecter des dépenses publiques au profit de la croissance économique et du bien-être social, ou en d'autres termes de toucher un «dividende de la paix». Un certain nombre de facteurs peuvent empêcher cette perspective de se réaliser:

Le transfert des ressources des emplois militaires à des emplois civils n'est pas gratuit: il faut recycler le personnel, financer la réinstallation (par exemple en fournissant des outils agricoles) et transformer les bases militaires.

Si les soldats démobilisés ne trouvent pas immédiatement un emploi civil, le chômage s'aggrave.

Le dividende de la paix dépend d'un règlement décisif du conflit, mais en raison de la nature même des guerres civiles, les hostilités ne prennent pas fin du jour au lendemain. L'insécurité politique, économique et physique persiste souvent même après la conclusion officielle de la paix. Cela décourage l'affectation de ressources à des fins productives, en particulier dans le secteur privé. En même temps, la persistance des tensions oblige à continuer de consacrer des ressources importantes à la sécurité nationale.

Des problèmes financiers se posent lorsqu'il s'agit de percevoir les dividences de la paix.

Les recettes publiques n'augmentent pas nécessairement après la fin de la guerre. Par exemple, en Éthiopie, l'État a appliqué des mesures coercitives pour lever des recettes pendant la guerre et, lorsque ces mesures ont été abandonnées à la fin de la guerre, les recettes publiques ont diminué.

Le dividende de la paix peut très facilement disparaître si le pays est contraint, notamment par des pressions extérieures, à réduire son déficit.

Il n'existe pas de mécanisme automatique garantissant un dividende de la paix. En définitive, il s'agit d'une question politique, dans un contexte caractérisé par des tensions sociales très vives.

Il est difficile d'établir l'existence d'un dividende de la paix. En Ouganda, après huit années de paix, l'activité économique était encore bien en dessous du sommet atteint avant la guerre1. En Afrique du Sud et dans les autres pays d'Afrique australe, les retombées économiques de la paix ne se sont pas encore matérialisées, bien que le budget de la défense ait diminué de 45 pour cent entre 1989 et 19952. Il existe néanmoins quelques exemples encourageants. Au Mozambique, le niveau de l'activité économique reste aussi bien inférieur à ce qu'il était au moment de l'indépendance, mais depuis l'accord de paix de 1992, ce pays enregistre un des taux de croissance les plus élevés du monde.

Les incidences de la paix sur l'agriculture ne sont pas claires et n'ont jamais été analysées directement. Le mécanisme le plus évident par lequel la paix pourrait avoir un effet positif sur l'agriculture est le retour des réfugiés, des personnes déplacées et des soldats démobilisés, qui correspond à un transfert de main-d'œuvre vers l'agriculture. Certains bâtiments et équipements agricoles peuvent être réparés ou remplacés assez rapidement après une guerre, la sécurité s'améliore et l'efficience des marchés progresse sensiblement. Avec l'aide de donateurs, les stocks de semences peuvent être rapidement reconstitués. Toutefois, un certain nombre d'obstacles peuvent entraver le redressement de l'agriculture. Dans de nombreuses zones touchées par des conflits, il faudra des années pour neutraliser les mines terrestres. Au Zimbabwe, certains champs de mines sont toujours condamnés 20 ans après la fin du conflit3.

Il est probable que le rétablissement des marchés et la réduction de la pauvreté après une guerre dépendront du rythme et du degré auxquels les infrastructures rurales pourront être reconstruites. Il ne s'agit pas seulement de reconstruire, mais aussi d'arrêter les priorités en matière d'investissement d'infrastructures. La FAO, dans l'analyse de l'impact des conflits sur l'alimentation et l'agriculture en Sierra Leone et au Libéria, a souligné l'importance considérable des dégâts causés aux infrastructures. Enfin, dans de nombreuses situations d'après-guerre, des modifications institutionnelles ont une influence sur la production agricole, l'accès à la terre et la sécurité alimentaire. Dans la plupart de ces situations, les différends concernant la jouissance des terres persistent après la guerre.

En résumé, le dividende de la paix n'est pas une baguette magique. Il ne résulte pas d'un processus automatique, mais dépend des choix faits par les acteurs concernés, y compris les donateurs étrangers. Les donateurs doivent peser soigneusement leurs interventions de façon à limiter les coûts de reconversion et à maximiser les avantages pouvant être retirés du dividende de la paix. Comme ces avantages risquent de ne se manifester qu'à moyen ou à long terme, il faut que les donateurs s'engagent sur le long terme pour appuyer le processus.

1 J.-P. Azam et al. 1994. Some economic consequences of the transition from civil war to Peace. Policy Research Working Paper No. 1392. Banque mondiale, Washington.

2 P. Batchelor et S. Willett. 1998. Disarmament and defence industrial adjustment in South Africa. Stockholm International Peace Research Institute et Oxford University Press. Page 170. Oxford, Royaume-Uni,

3 S. Willett. 1996. Military spending trends and developments in southern Africa: South Africa, Angola, Zimbabwe, and Mozambique, page 36. Rapport à la Direction de la coopération pour le développement, OCDE. 3 janvier 1996, Kings College, Université de Londres, Londres. (ronéo)

Sources: C. André et J.-P. Platteau. 1995. Land relations under unbearable stress: Rwanda caught in the Malthusian trap. Centre de recherche en économie du développement, Faculté d'économie, Université de Namur, Namur, Belgique; P. O'Brien. 1988. The economic Effects of the American Civil War. Studies in Economic and Social History. , Macmillan, Basingstoke, Royaume-Uni et Londres; S.J. Stern. 1998. Shining and other paths: war and society in Peru, 1980-95. Durham, Royaume-Uni et Duke University Press, Londres.

Politiques d'appui au redressement

L'analyse des différentes situations nationales montre qu'il y a d'énormes différences en ce qui concerne la rapidité du redressement de l'agriculture après un conflit. Au Mozambique, le redressement a été extrêmement rapide alors qu'au Nicaragua il a été d'une lenteur décourageante. Les enseignements qu'on peut tirer de ces différentes situations ne sont pas toujours concluants. Il faut approfondir la recherche pour déterminer dans quelle mesure l'action des pouvoirs publics et ses modalités peuvent faciliter le redressement de l'agriculture après un conflit. Cependant, on peut faire plusieurs observations générales.

Les pouvoirs publics ont plusieurs fonctions à assurer dans le processus de redressement. Premièrement, il faut répondre aux besoins immédiats de réinstallation des réfugiés et des anciens combattants, de remise en état des terres et des infrastructures et de réintégration des communautés dans les réseaux commerciaux. En outre, certaines mesures, telles que la décentralisation des pouvoirs et des ressources, la promotion de processus de décision participatifs et une définition plus précise des droits de propriété rurale, peuvent contribuer à atténuer les tensions structurelles qui sont source de conflit. Toutefois, après un conflit, il est probable que les moyens d'intervention des pouvoirs publics seront très affaiblis et le processus de renforcement des capacités peut prendre du temps. Dans ces conditions, la rapidité du redressement dépendra beaucoup du dynamisme du secteur privé et de la société civile, ainsi que du travail des organisations non gouvernementales (ONG) qui jouent souvent un rôle essentiel dans des domaines comme la distribution des secours, le conseil aux communautés et l'appui aux activités locales de planification et de programmation.

Dans toute situation d'après-conflit, la politique agricole doit combiner de façon judicieuse les activités de secours et les efforts de développement. En fait, on a constaté qu'il y avait souvent un fossé entre le secours et le développement, ce qui n'est pas sans incidence pour les organismes traditionnellement spécialisés dans l'une ou l'autre de ces activités. La nécessité de conduire des interventions susceptibles de combler ce fossé et de faciliter un passage plus rapide de la réponse d'urgence au développement durable est évidente57. Dans la mesure du possible, il convient de privilégier les objectifs de développement à long terme. Même les programmes de redressement agricole lancés très peu de temps après la fin des hostilités et visant à distribuer des secours et à réparer les infrastructures peuvent être reliés à une stratégie de développement à plus long terme. Dans les conditions de l'immédiate après-guerre, la promotion efficace d'un développement durable se heurte à de nombreux obstacles, l'un des principaux étant l'absence de volonté politique et l'insuffisance des capacités institutionnelles. Il peut y avoir un conflit entre la création de capacités à long terme et la maximisation immédiate des retombées des programmes de travaux publics à forte intensité de main-d'œuvre, conflit qu'il faut régler en tenant compte des conditions concrètes.

Les secours d'urgence doivent être associés à des objectifs de développement à plus long terme.

On peut entreprendre des efforts de développement durant la phase des secours d'urgence en renforçant les capacités des administrations locales et nationales qui fournissent des intrants agricoles, des services de vulgarisation et des conseils pour la commercialisation. Souvent, il faut pour cela former les fonctionnaires à des activités utiles pour les communautés rurales. Les actions de formation peuvent être associées à un renforcement des liens entre les activités des secteurs public et privé, ce qui s'est révélé important pour obtenir une croissance rapide dans diverses régions du monde. Pour promouvoir ces liens, il faut notamment créer et renforcer des institutions rurales efficaces, telles que les offices de promotion de l'emploi du secteur privé et les réseaux d'agences de développement local. Il faut aussi encourager la coopération entre les institutions privées et publiques. Par sa nature même, la reconstruction du secteur agricole après un conflit relève du secteur public, mais celui-ci doit associer le secteur privé à ses efforts.

Le redressement du secteur agricole exige non seulement un gros effort national mais aussi une aide de donateurs extérieurs. Plusieurs organismes des Nations Unies ont défini une politique pour leurs activités dans les pays affectés par des conflits. Les interventions des organisations internationales concernent un large éventail d'activités, de la reconstruction des bâtiments et des infrastructures à l'instauration ou au rétablissement d'une société non discriminatoire et non génératrice d'exclusions, en passant par la création d'institutions et la démobilisation. Le PAM peut apporter des secours, la FAO peut donner des conseils sur le développement agricole et la sécurité alimentaire et la Banque mondiale peut financer des infrastructures. Toutefois, pour assurer la rapidité de la reconstruction, il importe que les interventions des différentes organisations soient étroitement harmonisées et coordonnées entre elles et avec le gouvernement. Celui-ci a un rôle essentiel à jouer en favorisant la mise en place d'un environnement politique, économique et institutionnel capable d'optimiser les effets de l'aide extérieure.

Le travail de la FAO dans les pays affectés par des conflits est très divers. Dès que la sécurité le permet, la FAO envoie des missions d'évaluation visant à quantifier les besoins d'aide alimentaire et d'aide d'urgence dans l'agriculture. Ces évaluations peuvent porter notamment sur l'impact du conflit sur l'offre et la demande nationales de produits alimentaires, la sécurité alimentaire et la situation nutritionnelle des groupes affectés, les besoins d'aide alimentaire internationale de la population, les capacités de production agricole dans les zones touchées, la nécessité de fournir des secours aux agriculteurs pour permettre une reprise rapide de la production et les besoins en matière de remise en état et de reconstruction à plus long terme. Ces évaluations sont employées pour définir les interventions de la FAO elle-même et sont rapidement diffusées dans la communauté internationale pour permettre aux donateurs d'apporter une réponse rapide et efficace.

La FAO fournit aussi des «secours agricoles», c'est-à-dire une aide d'urgence pour la remise en état de l'agriculture. Ces secours visent à réduire rapidement la dépendance à l'égard des distributions alimentaires d'urgence et à mettre en place les bases d'un redressement à plus long terme. Ils consistent à fournir des intrants essentiels tels que semences, outils, engrais, animaux d'élevage et produits vétérinaires pour permettre aux populations affectées de recommencer leurs activités productives dans les meilleurs délais et si possible à temps pour la prochaine saison agricole.

Toutefois, le secours agricole ne se limite pas à la fourniture d'intrants agricoles. Il peut aussi consister en services et conseils techniques que les autres organisations des Nations Unies ou les ONG ne sont pas capables de fournir.

Dans ses interventions de secours agricole, la FAO veille en particulier à atténuer les risques d'insécurité alimentaire des familles qui y sont exposées dans les zones affectées, ainsi qu'à donner les informations nécessaires pour permettre aux ménages affectés de prendre des décisions judicieuses en matière d'achat, de préparation et de distribution de la nourriture dans une situation qui ne leur est pas familière.

Après les secours agricoles immédiats, la FAO apporte une aide pour remettre en état les services de vulgarisation, de soins vétérinaires, de protection phytosanitaire et de fourniture d'intrants et pour reconstruire des infrastructures agricoles telles que les digues et réseaux d'irrigation, les marchés et les silos. Elle offre aussi un appui pour la formulation de programmes de redressement et de développement dans les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture. Cette aide est conçue à la fois pour rendre les secours d'urgence superflus et pour favoriser le processus de développement.

Elle comprend des activités qui contribuent à la durabilité du développement en prévenant de nouvelles catastrophes et crises et en améliorant les moyens d'y faire face. On accorde une grande importance au renforcement de la coordination entre les organismes de secours d'urgence et de développement qui agissent dans la région et à la promotion de la participation des populations concernées à la conception et à l'exécution des interventions visant à renforcer la sécurité alimentaire et la nutrition des ménages. On donne la priorité aux besoins des ménages exposés à l'insécurité alimentaire et à la promotion de modes de vie durables et sains.

NOTES

1 Ce bilan est basé sur les informations disponibles en mars 2000. On trouvera des données plus à jour sur l'offre et la demande de céréales dans le rapport bimestriel de la FAO Perspectives de l'alimentation.

2 On trouvera des statistiques plus détaillées sur les expéditions d'aide alimentaires céréalière et non céréalière à l'adresse suivante: www.fao.org/, sous Banques de données statistiques, puis Toutes données.

3 En monnaie locale.

4 Sauf indication contraire, les estimations et prévisions économiques mentionnées dans cette section proviennent du FMI. Perspectives de l'économie mondiale, octobre 1999.

5 ONU. 1999. The World Economy in 1999. Washington.

6 Ces prévisions ont été établies pour la FAO par l'Institute for Policy Analysis de l'Université de Toronto, Canada, qui est associé au projet LINK.

7 Les pays à faible revenu ayant le plus de difficultés à financer leurs importations de produits alimentaires constituent une sous-catégorie de la catégorie de l'ensemble des PFRDV définie par la FAO. Cette sous-catégorie compte 31 pays (17 en Afrique, trois en Amérique latine et dans les Caraïbes, huit en Asie et dans le Pacifique et trois au Proche-Orient) dans lesquels les importations de produits alimentaires représentent plus de 25 pour cent du total des recettes d'exportation. Le groupe des pays à économies fortement tributaires des exportations agricoles compte 47 pays (24 en Afrique subsaharienne, 18 en Amérique latine et dans les Caraïbes et cinq en Asie) pour lesquels les exportations de produits agricoles, halieutiques et forestiers représentent au moins 20 pour cent du total des exportations ou 20 pour cent du total des importations.

8 Les échecs des programmes de crédit rural ont été abondamment étudiés. Voir FAO/GTZ. 1998. Agricultural finance revisited: Why? Agricultural Finance Revisited No. 1. Rome (voir aussi les autres publications de cette série); Banque mondiale. 1975. Agricultural credit. Washington; et Banque mondiale. 1993. A review of Bank lending for agricultural credit and rural finance, 1948-1992. Washington.

9 Organisations officiellement enregistrées en tant que membres de la Campagne pour le Sommet du microcrédit.

10 Il s'agit des membres du Groupe consultatif d'assistance aux plus pauvres (GCAP), qui sont d'importants donateurs dans le domaine du microcrédit. Le GCAP a été créé en 1995 et son siège est installé à la Banque mondiale.

11 Les organisations de microfinance (OMF) sont très diverses par la taille, le savoir-faire, le mode de financement, la clientèle, les objectifs, l'aire géographique, etc. Elles peuvent être gérées par l'État ou par une collectivité locale, par des banquiers privés, par des ONG locales ou internationales ou par des organisations communautaires. Le microcrédit peut être leur activité principale ou s'inscrire dans la stratégie de développement globale d'un gouvernement ou d'une ONG.

12 Selon d'autres sources, le nombre d'emprunteurs serait beaucoup moins élevé; ainsi, il est estimé à 6,9 millions par le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM, 1999) et à 16 millions par la Banque mondiale (1999).

13 S. Khandker. 1998. Fighting poverty with microcredit, page 11. Banque mondiale, Washington.

14 FENU. 1999. Working paper on microfinance. New York.

15 Ibid.

16 Les OMF offrent généralement aussi des produits d'épargne. Dans le présent document, nous n'examinerons que l'aspect crédit du microcrédit.

17 Khandker (p. 150, op. cit., note 13) indique que les agriculteurs marginaux reçoivent 72 pour cent des microcrédits à l'agriculture, contre seulement 3 pour cent des crédits accordés par les banques de développement agricole.

18 FAO. 1998. La situation de l'alimentation et de l'agriculture 1998. Rome.

19 IFPRI. 1998. Rural finance and poverty alleviation. Washington.

20 Ces questions ont été étudiées de façon approfondie, notamment par: Banque mondiale. 1993. Op. cit., note 8; et K. Hoff et J. Stiglitz. 1990. Introduction: imperfect information and rural credit markets: puzzles and policy perspectives. The World Bank Economic Review, 4(3).

21 J. Morduch. 1998. Does microfinance really help the poor? New evidence from flagship programs in Bangladesh. HIID, Université d'Harvard (document non publié).

22 J.D. von Pishke (1999. Poverty, human development and financial services. UNDP Occasional Paper No. 25) a constaté que ces services n'ont pas d'incidence sur la ponctualité du remboursement, mais ils semblent bien en avoir sur la capacité de gains.

23 Khandker, page 145, op. cit., note 13.

24 Quatre-vingt-quinze pour cent des emprunteurs de la Banque Grameen sont des femmes.

25 Khandker, page 155, op. cit., note 13.

26 J. Morduch. 1999. The Grameen Bank: a financial reckoning (ronéo non publiée). Peut être consulté sur le site: www.wws.princeton.edu/~rpds/macarthur/workingp1.html

27 D'après des sources relatives à différents pays, les taux d'intérêt réels sur les microcrédits sont compris entre 2,5 et 6 pour cent par mois, contre 7 à 40 pour cent pour les taux usuraires.

28 Khan et al., cité dans H. Zaman. 1999. Assessing the poverty and vulnerability impact of microcredit in Bangladesh: a case study of BRAC. Background Paper for the WDR 2000/2001. Banque mondiale, Washington. La Banque mondiale (2000, Partie 5.35) signale aussi que, lorsque les emprunteurs recourent au microcrédit pour se prémunir contre les aléas, ils l'emploient généralement pour acquérir des actifs plutôt que pour accroître leur consommation directe.

29 Toutefois, d'après certaines études, même lorsque le crédit est accordé à la femme, c'est en fait l'homme qui en détermine l'utilisation et qui choisit les activités rémunératrices (voir par exemple L. Mayoux. 1999. Women's empowerment and microfinance programmes: approaches, evidence and ways forward. Milton Keynes, Royaume-Uni, Development Policy and Practice Working Paper No. 41.), mais cet argument est contesté dans la littérature.

30 S. Schuler, S. Hashemi et A. Riley. 1997. The influence of women's changing roles and status in Bangladesh's fertility transition. World Development, 25(4).

31 E. Ostrom, R. Gardner et J. Walker. 1994. Rules, games and common-pool resources. University of Michigan Press, Ann Arbor, États-Unis.

32 D'après Khandker (p. 7, op. cit., note 13), les prêts de la Banque Grameen sont plus rentables que ceux d'autres programmes de microcrédit, des programmes de distribution ciblée de produits alimentaires et des banques de développement agricole.

33 Dans un document, la Banque mondiale a estimé que plus de 50 pays avaient été impliqués dans des conflits civils entre 1980 et 1995. Voir Banque mondiale. 1997. A framework for World Bank involvement in post-conflict reconstruction, page 3. Washington. Dans le présent document, nous avons retenu le chiffre de 33 pays (voir encadré 5).

34 J. Carter. 1999. First step toward peace is eradicating hunger. International Herald Tribune, 17 juin 1999.

35 Voir R.H. Green. 1987. Killing the dream: the political and human economy of war in sub-Saharan Africa. IDS Discussion Paper. Institute of Development Studies, Brighton, Royaume-Uni; R.H. Green. 1994. The course of the four horsemen: the costs of war and its aftermath in sub-Saharan Africa. In J. Macrae and A. Zwi, éds. War and hunger: rethinking international responses in complex emergencies. Zed Books, Londres; F. Stewart. 1993. War and underdevelopment: can economic analysis help reduce the costs? Journal of International Development, 5(4): 357-380; et F. Stewart. 1998. The root causes of conflict: evidence and policy implications. Document rédigé pour la conférence War, Hunger and Displacement: the Economics and Politics of the Prevention of Humanitarian Emergencies, Stockholm, 15-16 juin 1998. Université des Nations Unies/Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement.

36 Pour une analyse critique des coûts de la guerre, voir C. Cramer. 1999. The economics and political economy of conflict in sub-Saharan Africa. Document présenté à la Conférence du Standing Committee on University Studies of Africa (SCUSA), Norwich, Royaume-Uni, septembre 1999. Pour un parallèle historique avec la première guerre mondiale, voir: A.S. Milward. 1984. The economic effects of the two world wars on Britain, deuxième édition. Studies in Economic and Social History. Macmillan, Basingstoke et Londres, Royaume-Uni.

37 La méthode employée se fonde sur un modèle d'équilibre simple dans lequel le niveau de la production agricole en l'absence de conflit est déterminé par les prix relatifs et par une variable tendancielle. Les prix relatifs visent à saisir les décisions à court terme d'optimisation de la production des agriculteurs, tandis que la variable tendancielle donne une indication approximative de la croissance de la main-d'œuvre et du progrès technique. Dans ce cadre, on estime les pertes dues aux conflits au moyen d'une variable binaire qui prend la valeur 1 pour les années de conflit. Dans la présente étude, on a déterminé les années de conflit pour chaque pays en analysant des informations fournies par un certain nombre de sources spécialisées dans la surveillance des conflits. La figure 13 indique le nombre de pays en développement dans lesquels il y a eu des pertes dues à des conflits statistiquement significatives. D'autres pays ont été affectés par des conflits, mais soit l'impact sur l'agriculture n'était pas significatif, soit on ne disposait pas de données permettant de l'estimer. Après avoir augmenté pendant près de 15 ans, le nombre de conflits entraînant des pertes de production a culminé en 1990, puis a commencé à diminuer.

38 P. Svedberg. 1990. Undernutrition in sub-Saharan Africa: a critical assessment of the evidence. In J. Dreze et A. Sen. The political economy of hunger. Clarendon Press, Oxford, Royaume-Uni.

39 FAO. 1996. Aide alimentaire et sécurité alimentaire. Documents d'information technique du Sommet mondial de l'alimentation, Vol. 3, n° 13. Cette estimation se fonde sur le postulat, certes irréaliste, que l'aide alimentaire peut être parfaitement ciblée.

40 Les pertes dues aux conflits en Amérique centrale sont estimées au moyen d'une méthode similaire dans J. Weeks. 1997. Trade liberalization, market deregulation and agricultural performance in Central America. Journal of Development Studies, 35(5).

41 L. Luckham, I. Ahmed et R. Muggah. 1999. The impact of conflict on poverty in sub-Saharan Africa. Document de base pour l'Évaluation de la pauvreté en Afrique subsaharienne de la Banque mondiale. Institute of Development Studies, Université du Sussex, pages 21-22. Brighton, Royaume-Uni.

42 Ainsi, en Angola, au moins deux des mouvements anticoloniaux étaient en guerre l'un contre l'autre et contre l'armée portugaise.

43 Dans certains cas, les insurgés peuvent obtenir une certaine reconnaissance internationale si on leur accorde le statut de belligérant, comme en El Salvador dans les années 80.

44 En Angola, les combats qui se sont poursuivis dans les deux années qui ont suivi l'accord de paix de 1992 ont fait plus de morts et de destructions que l'ensemble des hostilités entre 1961, début du soulèvement anticolonial, et 1992. Voir la préface de E. Medi. 1997. Angola: study of vocational rehabilitation, training and employment programmes for persons disabled by the conflict: experiences and issues. BIT, Genève.

45 Pour une analyse de l'histoire des destructions agricoles durant les conflits depuis le XII e siècle, voir PRIO. 1999. To cultivate peace: agriculture in a world of conflict. Rapport PRIO n° 1/99. Institut international de recherche sur la paix, Oslo.

46 E. Messer, M.J. Cohen et J. D'Costa. 1998. Food from peace: breaking the links between conflict and hunger. Food, Agriculture and the Environment Discussion Paper No. 24. IFPRI,Washington.

47 Ainsi, avant l'indépendance, l'Angola était le quatrième exportateur mondial de café. En raison de sécheresses récurrentes, de la négligence des pouvoirs publics, des effets directs de la guerre et de l'insécurité politique, la production annuelle exportable est tombée de 220 000 tonnes en 1973 à 3 000 tonnes en 1993. Voir S.H. McCormick. 1994. The Angolan economy: prospects for growth in a postwar environment. Center for Strategic and International Studies, Washington. À propos d'une guerre similaire et de ses effets sur la production de noix de cajou au Mozambique, voir C. Cramer. 1999. Raising agricultural output capacity and productivity in low-income countries: with special reference to Mozambican cashew production. Document d'information à l'intention de la CNUCED. Least Developed Countries Report, 1999. Institut d'études orientales et africaines, Université de Londres, Londres.

48 I. Ahmed et R.H. Green. 1999. The heritage of war and state collapse in Somalia and Somaliland: local-level effects, external interventions and reconstruction. Third World Quarterly, 20(1): 113-128.

49 T. Bruck. 1997. Macroeconomic effects of the war in Mozambique. QEH Working Paper No. QEHWPS11. Queen Elizabeth House, Oxford, Royaume-Uni.

50 Au sujet des effets économiques des infrastructures, voir Y. Hayami et J.-P. Platteau. 1997. Resource endowments and agricultural development: Africa versus Asia. Cahiers de la Faculté des sciences économiques, sociales et de gestion - Namur, Série Recherche n° 192, 1991/12. Centre de recherche en économie du développement, Namur, Belgique; R. Ahmed et N. Rustagi. 1984. Marketing and price incentives in African and Asian countries: a comparison. In E. Dieter, éd. Agricultural marketing strategy and pricing policy. Banque mondiale, Washington.

51 La confiscation des véhicules et équipements servant aux activités commerciales rurales est considérée depuis longtemps comme une des raisons pour lesquelles les guerres (civiles ou autres) provoquent souvent des famines. Voir: J. Illiffe. 1987. The African poor: a history. African Studies Series No. 58. Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni.

52 M. Chingono. 1995. The state, violence and development: the political economy of war in Mozambique. Avebury, Aldershot, Royaume-Uni.

53 P. Collier. 1999. Doing well out of war. Document rédigé pour la Conférence on Economic Agendas in Civil Wars, Londres, 26-27 avril 1999.

54 W. Reno. 1998. Humanitarian emergencies and warlord economies in Liberia and Sierra Leone. Document présenté à la conférence War, Hunger and Displacement: the Economics and Politics of the Prevention of Humanitarian Emergencies, Stockholm, 15-16 juin 1998. Université des Nations Unies/Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement (UNU/WIDER). Pages 17-18.

55 D. Keen. 1994. The benefits of famine: a political economy of famine and relief in Southwestern Sudan, 1983-89. Princeton University Press, Princeton, New Jersey, États-Unis. Voir aussi Luckham, Ahmed et Muggah, op. cit., note 41. Pour une analyse du rôle de l'agriculture dans les origines des conflits, voir: PRIO, op. cit., note 45; Stewart, 1998, op. cit., note 35; Collier, op. cit., note 53; et Cramer, op. cit., note 36.

56 Banque mondiale, op. cit., note 33.

57 E. Muehlhoff et M. Herens. 1997. Household food security and nutrition in agricultural relief and rehabilitation programmes. Alimentation, nutrition et agriculture no 19, page 5.


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