Table des matières - Précédente - Suivante


Le maïs dans les systèmes de culture irriguée dans la vallêe du Sourou

Charles-Etienne ZAN
SOFITEX, Ouagadougou, Burkina Faso

Résumé. Notre contribution au séminaire «Maïs prospère» veut montrer l'importance actuelle du maïs en culture irriguée dans la vallée du Sourou. Quelques caractéristiques des techniques et des conditions de mise en culture sont décrites, afin que soit mis en relief l'avenir réservé au maïs, dont la production était en voie d'abandon à cause de la dégradation des conditions pédoclimatiques. La coutume des populations de la vallée était de consommer le maïs à l'état frais au stade laiteux-pàteux et grillé. Actuellement, le maïs entre dans les habitudes culinaires et surtout devient une matière première pour les brasseries. Le maïs pourrait sécuriser les revenus de plusieurs familles, qui ne cessent de s'étonner ou d'admirer les rendements considérables obtenus par rapport à leur sorgho local. L'adoption du maïs et la maîtrise de sa culture par les producteurs lui confèrent la première place dans la vallée, face au riz, à la culture duquel était pourtant affectée la majeure partie des aménagements.

Le «mil de 4 mois» est le nom donné au maïs par les Samos, population résidente de la vallée du Sourou. Cette dénomination est un indicateur important de l'abandon progressif de la culture du maïs, à la suite d'une dégradation des conditions pécloclimatiques.

Le «mil de 4 mois» des Samos a vite évolué, d'abord vers des variétés locales sucrées de deux mois, puis a disparu avec l'accentuation de la sécheresse, vers 1974. Après une décennie, les autorités administratives et politiques du Burkina Faso ont entrepris de développer les cultures irriguées à travers un vaste programme d'aménagement de la vallée du Sourou pour atteindre l'autosuffisance alimentaire. Ainsi, l'irrigation contre-aléatoire a permis le développement de la culture du maïs avec, cette fois, des variétés performantes de l'Institut de recherches agronomiques tropicales et des cultures vivrières (IRAT) et de l'Institut d'études et de recherches agricoles (INERA), faisant aujourd'hui du maïs la prédilection des producteurs.

Historique de l'implantation des aménagements

• 1956 - Création de la station agricole de Di.

• 1967 - Installation d'un périmètre maraîcher de 150 hectares à Guiedougou- Lanfiera.

• 1979 - Implantation à Di de trois pivots de 210 hectares chacun, exploités en régie par la Société d'organisation, de management et de développement des industries alimentaires et agricoles (SOMDIAA), de 1979 à 1984.

• 1983 - Aménagement complémentaire de 150 hectares àGuiedougou.

• 1984 - Construction d'un barrage submersible sur le Mouhoun pour le détournement des eaux dans le Sourou.

• 1985 - Création de l'Autorité de mise en valeur du Sourou (AMVS) en remplacement de la maîtrise d'ouvrage du Sourou. La Société burkinabé des fibres textiles (SOFITEX) reprend les installations de la SOMDIAA pour une irrigation de 210 hectares.

• 1986 - Implantation de deux rampes frontales de 210 hectares par la SOFITEX et mise en place du Projet de développement des cultures irriguées en paysannat au Sarrou (PRODECIS). Le Fonds européen de développement (FED) aménage 50 hectares sous la direction de l'AMVS.

• 1987 - L'AMVS aménage 140 hectares sur financement de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).

• 1988 - Sous la direction de l'AMVS, 460 hectares sont aménagés sur financement de la CNSS.

• 1991 - La Banque ouest-africaine de développement (BOAD) fait aménager 200 hectares. a 1992 - Un complément de 450 hectares porte les périmètres financés par le FED à 500 hectares.

Le milieu physique

La situation géographique

La vallée du fleuve Sourou est située au nord-ouest du Burkina Faso, à 250 kilomètres environ de la capitale Ouagadougou. Le Sourou, long de 80 kilomètres, est un cours affluent-défluent du Mouhoun, ex-Volta noire.

Le climat

Le climat de cette région est de type soudano-sahélien, avec une pluviométrie moyenne annuelle variant entre 481 mm et 635 mm sur les dix dernières années. Le climat comporte deux saisons: pluviale et sèche.

Les sols

Les sols sont de types bruns eutrophes, modaux, ferrugineux et hydromorphes, avec un caractère vertique prononcé vers le fleuve.

Les surfaces cultivées

L'agriculture irriguée est récente et date de 1967, avec l'aménagement de 150 hectares de terre. En 1992, elle a atteint 2 000 hectares. Les principales cultures pratiquées sur les périmètres hydro-agricoles de la vallée sont: le maïs, le riz, le blé, le coton" le sorgho et d'autres cultures maraîchères telles que le haricot vert, les pommes de terre, les oignons, les tomates, etc. Sur les surfaces riziculivables, la monoculture du riz est de rigueur, avec deux cycles de culture Par an.

Ces superficies avaient été aménagées en grande partie pour la culture de riz, mais le caractère «filtrant» du sol a donné priorité à la culture du maïs, qui occupe en 1993 plus de 50 % des surfaces aménagées, soit 1 049 hectares cultivés en saison pluviale avec appoint d'eau.

Le travail du sol

Les travaux du sol sont effectués en culture attelée. Après une préirrigation de 30 mm, un labour est effectué. Il est souvent suivi d'un hersage, non indispensable, avant durcissement des mottes.

Les semis

Les variétés courantes sont des lignées POZA RICA, SR 22, EV 8443, SRIRAT 171. Dans la partie nord de la vallée, où est installé le PRODECIS, l'irrigation du maïs se fait par aspersion et les techniques semblent en pointe. On utilise essentiellement des hybrides: IRAT SI, IRAT 298, FBH 33, 8321-18, 8428-19.

Les variétés IRAT 171, IRAT 81 sont en cours d'abandon à cause de leur sensibilité au streak.

Les hybrides à cycle de 120 jours sont semés dès le 1" juin (IRAT 81), tandis que ceux de 90 jours sont mis en place au 30 juin.

Les normes de semis sont de 25 kg/ha, pour obtenir une population à la levée de 62 500 plants/ha, avec des écartements de 0,8 m x 0,2 m. Les semis sont effectués à la main, car l'utilisation des semoirs Super Eco n'a pas donné satisfaction dans tous les types de sol.

Les engrais

Les meilleurs rendements sont jusque-là obtenus avec une fumure de fond de 300 kg/ha (NPK 14-23-14). L'urée est apportée en deux fractions de 50 kg/ha, trois semaines après la levée et à la floraison. Il est important de noter que l'apport d'urée peut se faire avec les eaux d'irrigation par jet dans le canal ou dans les tuyaux avec une pompe doseuse.

Les entretiens

Les entretiens se limitent d'abord à un démariage à la levée et à 2 ou 3 sarclages. Un buttage avant floraison permet de consolider les pieds.

L'irrigation

L'irrigation du maïs se fait par aspersion pour le périmètre du PRODECIS et par semi-gravité pour les autres aménagements. Un complément d'eau de 200 à 250 mm est effectué pour couvrir le besoins du maïs.

La récolte

La récolte est manuelle. Les épis déspathés sont stockés dans des cribs à maïs avant d'entamer l'égrenage mécanique avec une «Bamba» ou «Bamby», à une humidité inférieure à 10 %.

En 1993, par exemple, les surfaces emblavées en maïs sont de 1 049 hectares contre 390 hectares pour le riz. En prenant un rendement de 4 t/ha pour le riz, les quantités de maïs représentent 69 % des productions céréalières réalisées sur les zones aménagées de la vallée.

Une analyse du tableau I montre que les rendements à l'hectare se sont améliorés progressivement, sans doute sous l'effet de l'apprentissage et de la formation des paysans à la maîtrise des techniques agricoles. La chute brutale à partir de 1992-1993, pour le PRODECIS et le Lanfiera, résulte de l'attaque sévère et inattendue des termites, et cela en l'absence de tout traitement approprié disponible.

Les problèmes liés à la production

Les taches ou plaques stériles observées représentent 30 % des surfaces cultivées. On pense a priori que le caractère battant des sols et les travaux de culture attelée en seraient la cause, mais des analyses chimiques sont en cours. Ces taches sont également accompagnées de microdépressions qui accumulent les eaux d'irrigation et asphyxient les racines.

Une invasion de termites les deux dernières années sur les anciens périmètres constitue un problème pour lequel aucune solution durable n'a été trouvée. Un traitement au Furadan semble contenir les termites durant la période de rémanence du produit, pendant trois ou quatre semaines. Le PRODECIS, cette année, a perdu près du quart de ses surfaces, les termites détruisant les plants même en cours de végétation. La station de VINERA a entrepris des tests de pesticides.

L'hybride IRAT 81 à triple voie, sensible au streak, doit être abandonné. Il sera remplacé par des hybrides résistants au streak et supportant la densité.

Un autre problème est celui des adventices. Une euphorbe introduite avec le blé rend difficiles les sarclages, surtout quand elle est associée avec des amarantes et des graminées. Des tests d'atrazine se sont révélés efficaces, mais le coût semble excessif pour des paysans qui sont censés disposer de main-d'oeuvre familiale.

Aucune maladie particulière n'a jamais été relevée au Sourou en dehors du streak, qui a une solution variétale. Des cas d'attaques de borers sont plus fréquents.

En ce qui concerne le complément d'eau de 250-300 mm apporté au maïs, il est important de le préciser pour éviter le découragement des paysans devant les charges de pompage qui sont assez élevées. Des essais de doses d'irrigation confirmeront certaines insuffisances.

Tableau 1. Evolution des productions.

  1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993
PRODECIS                  
hectares 14 113 150 314 341 189 266 263 314
tonnes 43 295 411 1 170 1 466 885 1 445 868 1 100
t/ha 3 2,5 2,7 3,7 4,3 4,7 5,4 3,3 3,5
AMVS                  
hectares - - - - - 100 250 289 450
tonnes - - - - - 100 375 867 1 575
t/ha - - - - - 1 1,5 3 3,5
Lanfiera hectares 150 200 200 250 250 250 285 285 285
tonnes 120 200 200 375 625 750 998 1 083 855
t/ha 0,8 1 1,5 1,5 2,5 3 3,5 3,8 3

Les problèmes liés à la commercialisation

Les quantités de maïs qui étaient initialement destinées aux brasseries du Burkina Faso rencontrent des problèmes d'écoulement, En effet, la zone ouest du Burkina Faso, située vers la Côte-d'Ivoire, produit du maïs en pluvial strict et le brade à 20-25 FCFA/kg, tandis que les coûts engagés par les périmètres irrigués atteignent 30 à 45 FCFA/kg. La diminution de ces coûts peut se faire avec l'amélioration des rendements à l'hectare. Une situation confortable serait de transformer le maïs pour lui ajouter une plus-value * Les sous-produits tels que les grits, la farine, le son pourront être utilisés respectivement pour la bière, l'alimentation humaine et animale. Les possibilités de transformation sont à l'étude, pour cerner le niveau et le mode de consommation des populations citadines et villageoises.

Conclusion

Le maïs est un important précédent cultural pour le blé, et même pour les autres cultures, car il laisse le terrain propre.

Le retour du maïs dans les systèmes de culture de la vallée ne sera soutenu que si des actions d'accompagnement sont menées, d'une part dans le domaine de la recherche concernant le matériel biologique, d'autre part dans celui de la technologie alimentaire, pour les besoins de transformation exprimés par les populations.

L'utilisation multiple du maïs dans les pâtisseries, boulangeries, brasseries, etc., donne à celui-ci un avenir certain au Burkina Faso dans sa recherche de l'autosuffisance alimentaire.


Table des matières - Précédente - Suivante