Page précédente Table des matières Page suivante


Consommation et production de papier et de carton dans les vingt républiques de l'Amérique latine de 1935 à 19461

1La majeure partie des renseignements utilisés dans cette étude ont été puisés aux sources suivantes: World Paper Consumption, 1927-1938 U. S. Dept. of Comm., Bur. of For. and Dom. Comm, mai 1941, Pulp and Paper Trade Statistics of the Other American Republics., 1938-1941, U. S. Dept. of Comm., Bur. of For. and Dom. Comm., 1944; Industrial Reference Service, 6ème partie: Produits forestiers, U. S. Dept. of Comm., Bur. of For. and Dom. Comm. différents fascicules publiés entre 1944 et 1947. Les évaluations relatives il la population proviennent du Monthly Bulletin of Statistics, Bureau statistique des Nations Unies, juillet 1947, No. 7. Sauf pour un petit nombre d'exceptions où il a été possible d'utiliser des statistiques officielles, on a supposé que les importations de l'Amérique latine en 1945 et 1946 correspondaient approximativement au total des exportations canadiennes américaines suédoises, finlandaises et norvégiennes à destination de ces pays.

Etude préparée par le personnel de la Division des Forêts et des produits forestiers

Pendant la période 1935-1946, la consommation des produits dérivés de la pâte de bois a augmenté de plus de 30% dans les vingt républiques de l'Amérique latine. Comme le niveau des importations est resté relativement constant, cet accroissement de la consommation ne s'explique que par une augmentation de la production nationale. Il est également intéressant de noter que ce relèvement du niveau absolu de la consommation n'a que très légérement excédé l'augmentation démographique.

En supposant que le passé récent puisse servir d'indice pour ce qui se produira dans l'avenir immédiat, on peut dire que si la consommation s'accroît encore de façon appréciable, cette augmentation résultera probablement de l'augmentation de la production nationale de la pâte de bois et des produits dérivés. Lorsque la consommation aura atteint un niveau suffisant pour garantir l'absorption des produits des industries de la pâte de bois, pareilles industries seront établies. L'Amérique latine est riche en ressources forestières et l'on apprend peu à peu à en tirer le meilleur parti possible.

Consommation

La consommation de papier, de carton et des produits transformés est relativement faible à l'heure actuelle dans tous les pays d'Amérique latine; elle oscille entre 6 et 6,6 kilogrammes par habitant pour la période 1935-1946. Bien que ces chiffres soient plus élevés que la consommation moyenne en Afrique, en Asie ou au Moyen Orient, ils sont de beaucoup inférieurs à la consommation européenne en 1935 et 1946 qui a été évaluée à, respectivement, 17 et 25 kilogrammes par habitant ainsi qu'aux 56 et 40 kilogrammes par habitant en Australie, ou au chiffre record d'environ 107-143 kilogrammes par habitant aux Etats-Unis.

Comme le montre le Tableau 1, les quantités de papier et de carton utilisées varient considérablement en Amérique latine suivant les pays, l'Argentine venant en tête avec une consommation de 19 kilogrammes par habitant en 194546, six pays ayant par contre une consommation inférieure à 1 kilogramme. Il est à noter que la consommation par habitant a marqué une augmentation lente mais constante dans l'ensemble des vingt républiques. Bien que plusieurs pays aient récemment été contraints de limiter leurs importations de papier, la consommation par habitant tend à augmenter régulièrement.

TABLEAU 1. - EVALUATION DE LA CONSOMMATION EN AMÉRIQUE LATINE DE PAPIER, DE CARTON ET DE PRODUITS DÉRIVÉS

Pays

Consommation

Consommation par habitant1

1935-37 Moyenne

1939-41 Moyenne

1945-46 Moyenne

1935-37 Moyenne

1939-41 Moyenne

1945-46 Moyenne

(en milliers de tonnes métriques)

(kilogrammes par habitant)

Argentine

290

302

273

23

23

19

Bolivie

2

3

2

0,6

0,9

0,5

Brésil

144

167

212

3,7

4,1

4,6

Chili

35

46

53

7,6

9,8

9,8

Colombie

23

25

2,0

2,6

2,5


Costa-Rica

2

2

3,0

3,1

2,7


Cuba :

42

63

70

10,1

14,8

14,6

République Dominicaine

a.r.

2

3

a.r.

1,2

1,5

Equateur

4

3

*

1,4

0,9


Guatemala

2

3

2

0,7

1,0

0,6

Haïti

a.r.

0,3

1

a.r.

*

*

Honduras

1

2

1

*

*

*

Mexique

90

100

176

4,8

5,2

7 9

Nicaragua

1

1

1

*

*

*

Panama

a.r.

3

5

a.r.

5,0

7,4

Paraguay

a.r.

a.r.

a.r.

a.r.

a.r.

a.r

Pérou

16

19

26

2,7

3,1

3,8

Salvador

2

2

3

1,2

1,1

1,5

Uruguay

21

27

26

10,1

12,6

11,6

Venezuela

5

14

19

1,4

3,9

4,4

TOTAL OU MOYENNE

671

783

903

6,0

6,5

6,6

a.r. = aucun renseignement
*Les chiffres relatifs a la consommation ne sont pas suffisamment précis pour permettre le calcul.
1Pour les calculs relatifs à la consommation par habitant, les renseignements démographiques utilisés sont les chiffres afférents aux années 1937, 1939 et 1945.

Dans tous les pays, la moyenne annuelle de la consommation2 apparente estimée à 671.000 tonnes métriques en 1935-1937 est passée à 903.000 tonnes métriques en 1945-1947, soit une augmentation de 35%. Il est intéressant de noter que pendant cette période, le volume des importations de papier et de carton est resté à un niveau presque constant, légèrement supérieur à 400.000 tonnes métriques. Par conséquent, cette augmentation de la consommation générale a été rendue possible par les principaux pays producteurs de papier et de carton: Argentine, Brésil, Chili, Cuba, Mexique, Pérou, Uruguay et Venezuela.

2Par consommation apparente annuelle, on entend ici la consommation domestique à laquelle on ajoute les importations. Les moyennes ont été établies sur deux et trois années de façon à réduire au minimum les perturbations causées par les achats à terme et les livraisons en retard. En outre, on a réduit ainsi les fluctuations de la consommation résultant des changements survenus dans les conditions du commerce.

On se rendra compte en consultant le Tableau 1 qu'entre 1935-1937 et 1939-1941, la consommation a augmenté approximativement de 112.000 tonnes métriques et de 120.000 tonnes métriques entre 1939-1941 et 1945-46. Il n'est pas douteux que si en 1945-46 il y avait eu de plus grandes disponibilités de papier pour l'exportation, les chiffres de la consommation apparente pendant cette période auraient été beaucoup plus élevés. En effet les importateurs ont eu à faire face non seulement à la demande de la consommation courante, mais encore au problème du renouvellement des stocks épuisés. Pendant cette période, les pays disposaient d'une façon générale de devises étrangères pour l'importation du papier, notamment du papier journal.

Besoins

La consommation de papier, de carton et produits dérivés représente une partie importante. bien que peu apparente, de la consommation totale d'un pays en produits divers. En Amérique latine, comme le prouvent les chiffres peu élevés de la consommation par habitant, le papier n'a jamais été utilisé en grandes quantités et, en général, n'a jamais fait l'objet d'un commerce de luxe. Ses besoins pour l'impression de journaux sont urgents, tant par l'importance que présentent les nouvelles mondiales que par l'accroissement du nombre de lecteurs, résultant de l'augmentation des moyens d'enseignement. Le papier est aussi indispensable pour la rédaction des documents oublics et privés, pour les opérations électorales, pour l'établissement des statistiques essentielles, pour l'enseignement et tout ce qui concerne l'hygiène. On ne se rend généralement pas compte de la quantité de papier et de carton que nécessite l'emballage des produits alimentaires et industriels, quantité qui ne fera qu'augmenter à mesure que se développera l'envoi des marchandises par la voie aérienne. En Amérique latine, on peut dire que la presque totalité du papier utilisé par les entreprises commerciales et industrielles rentre dans la catégorie des besoins essentiels. Ainsi à l'heure actuelle, en raison de la pénurie de fer-blanc pour la fabrication des boîtes de conserve, et de jute et de coton pour celle des sacs d'emballage, il est certain que les produits les plus indispensables comme le sucre, le ciment, la chaux et beaucoup d'autres ne pourraient être transportés sans risque, si l'on ne disposait pas de sacs en papier à plusieurs épaisseurs.

Le développement industriel qui se produit au Brésil, à Cuba, en Colombie, au Mexique et dans d'autres pays a été décrit en détail dans un grand nombre de publications. Connaissant l'existence de cette industrialisation, qui engendre une nouvelle et plus importante demande de papier et de carton, il est surprenant de relever dans le Tableau 1 que la consommation par habitant a à peine augmenté bien que la consommation totale ait augmenté de 120.000 tonnes métriques entre 1939-41 et 1945-46. Autrement dit, la consommation a tout juste marché de pair avec l'accroissement démographique. Il est possible, bien entendue, que les évaluations relatives à l'augmentation de la population ne soient pas tout à fait exactes, et si l'augmentation réelle était moins importante, la consommation par habitant serait légèrement plus forte. Mais les écarts possibles ne doivent pas être très importants. La consommation par habitant n'ayant pas accusé une augmentation appréciable en dépit de certains facteurs connus déterminant un accroissement de la demande, il est logique d'en conclure que les niveaux de consommation actuels correspondent approximativement aux besoins essentiels ou au «noyau» de la demande, qu'il serait impossible de réduire sans porter atteinte à l'économie des pays en question.

Consommation par rapport au revenu par habitant

On a évalué le revenu par habitant pour tous les pays d'Amérique latine sauf un.3 Etant donné le caractère approximatif de cette évaluation, nous l'avons utilisée uniquement pour diviser les pays en deux groupes, le premier comprenant ceux dont le revenu par habitant est relativement élevé (supérieur à 100 dollars par an) et l'autre, les pays dont le revenu par habitant est faible (inférieur à 100 dollars). Pour ces deux groupes, on a déterminé la consommation de papier et de carton par habitant.

3Basic Data on the Other American Republics, Coordinator of Inter-American Affaire, Washington, D. C., 1944, p. 171.

Groupe

Consommation de papier et de carton par habitant

1935-37 Moyenne

1939-41 Moyenne

1945-46 Moyenne

(en kilogrammes)

Revenu moyen individuel supérieur à $1001

8,1

9,0

8 5

Revenu moyen individuel inférieur à $1002

2,9

3,2

4,3

1Argentine, Brésil, Chili, Costa-Rica, Cuba, Uruguay et Venezuela.
2Bolivie, Colombie, Equateur, Guatemala, Haiti, Honduras, Mexique Nicaragua, Panama, Pérou, Salvador et République Dominicaine.

Il serait téméraire, avec les renseignements disponibles, d'exprimer le rapport existant entre la consommation de papier, de carton et des produits dérivés d'une part, et les variations du revenu par habitant d'autre part. Il suffit de montrer qu'il y a un rapport très net entre le revenu et la consommation de papier par habitant. On peut affirmer que chaque fois qu'il y a une augmentation du revenu individuel (comme cela s'est produit au Mexique par exemple), il y a une augmentation correspondante de la consommation de papier. Il serait normal de penser que c'est parmi les groupes dont le revenu est le plus élevé que la consommation par habitant devrait accuser l'augmentation la plus forte, mais tel n'est pas le cas, car c'est dans les pays où le niveau des revenus est le plus bas que l'on a constaté ces derniers temps les plus fortes augmentations de la consommation de papier et de carton par habitant. Cela s'explique, en partie sans doute, par l'augmentation des revenus qui est affectée à l'achat de papier et des produits dérivés de préférence à d'autres articles.

TABLEAU 2. - EVALUATION DE LA CONSOMMATION DE PAPIER JOURNAL EN AMÉRIQUE LATINE

Pays

Consommation de papier journal

Consommation de papier journal par rapport à la consommation totale de papier et de carton

1935-37 Moyenne

1939-41 Moyenne

1945-46 Moyenne

1935-37 Moyenne

1939-41 Moyenne

1945-46 Moyenne

(en milliers de tonnes métriques)

(pourcentage)

Argentine

155

141

90

53

47

33

Bolivie

1*

2*

1

50

67

50

Brésil

55

50

85

38

30

40

Chili

20*

19*

26

57

41

49

Colombie

6

7*

6

35

30

24

Costa-Rica

1*

1

1

50

50

50

Cuba

13

15

19

31

24

27

République Dominicaine

a.r.

0,5

0,3

a.r.

25

10

Equateur

1

2

2

a.r.

50

67

Guatemala

1

1

1

50

33

50

Haïti

a.r.

0,1

0,2

a.r.

33

20

Honduras

0,5

0,4

0,2

50

20

20

Mexique

25

31

57

28

31

32

Nicaragua

a.r.

0,5

0,2

a.r.

50

20

Panama

a.r.

2

3

a.r.

67

60

Paraguay

0,4

0,3

0,1

a.r.

a.r.

a.r.

Pérou

8

10

10

50

53

38

Salvador

1

2

2

50

100

67

Uruguay

12

12

14

57

44

54

Venezuela

0,8

4

5

16

29

26

TOTAL OU POURCENTAGE

301

301

323

45

38

36

a.r. = Aucun renseignement.
*Comprend une certaine quantité de papier d'imprimerie.

Rapport entre la consommation et le niveau d'instruction

Dans la plupart des pays d'Amérique latine, le papier journal entre pour une part considérable dans la consommation de papier et de carton. Il est intéressant, en groupant les pays suivant le niveau d'instruction des habitants, de déterminer le rapport entre ce niveau et la consommation.4

4Loc. Cit.

Groupe

Consommation de papier et de carton par habitant

1935-37 Moyenne

1939-41 Moyenne

1945-46 Moyenne

(en kilogrammes)

Degré d'instruction inférieur à 50%

1,5

2,1

2,2

Degré d'instruction supérieur à 50%

7,6

8,3

8,4

Les chiffres indiquent qu'il existe un rapport très net entre le degré d'instruction et l'importance de la consommation de papier et de carton. Bien qu'il soit exact que le degré d'instruction est en rapport avec le revenu moyen par habitant, les chiffres montrent que la consommation de papier, dans le groupe de pays où le degré d'instruction est égal ou supérieur à 50% a été quatre à cinq fois plus forte que dans les autres; par contre, pour le groupe de pays dont le revenu par habitant est supérieur à 100 dollars, la consommation a été deux à trois fois plus importante que celle des groupes de pays où le revenu moyen par habitant était moins élevé. Cela semblerait indiquer que le degré d'instruction serait le facteur le plus important dans la consommation de papier. Ainsi que cela a été dit plus haut, le relèvement du niveau d'instruction fait des progrès importants et l'on s'attend en conséquence à voir augmenter la consommation de papier.

Consommation de papier journal

La consommation moyenne annuelle de papier journal en Amérique latine a varié de 45% de la consommation totale de papier et de carton (1935-37) à 36,% (1945-46).5 Etant donné la pénurie mondiale de papier journal, on ne peut pas dire que cette diminution, par rapport à la consommation totale, soit due à une augmentation de la consommation des autres usages faits du papier et du carton. En effet, bien que cette augmentation explique la diminution du pourcentage pendant cette période, il est très vraisemblable que si les approvisionnements avaient été satisfaisants, la consommation de papier journal aurait suivi celle des autres produits, ou l'aurait peut-être même dépassée.

5En comparaison la consommation de papier journal aux Etats-Unis représentait en 1939 environ 22% de la consommation totale de papier et de carton et 17% en 1945.

En Amérique latine, comme dans beaucoup d'autres parties du monde, le papier journal n'est pas exclusivement utilisé pour l'impression des journaux. Comme c'est lepapier le moins coûteux, il est utilisé également pour l'emballage, l'imprimerie, la fabrication de cahiers d'écoliers, etc. La moyenne des revenus n'étant pas très élevée, le papier journal remplace pour les consommateurs les papiers prix plus élevé.

Au début de la période décennale 1930-1940, les prix du papier journal faisaient l'objet d'une très forte concurrence internationale. Pouvant s'approvisionner facilement à l'étranger, la presse dans plusieurs pays s'opposa au principe des barrières douanières. Il est à supposer que cette attitude, jointe à la perspective de faibles profits et de pertes possibles sur les importants capitaux à investir, n'a pas été sans défavoriser le développement des fabriques locales de papier journal. On fabrique à l'heure actuelle du papier journal en Argentine, au Brésil, au Chili et au Pérou, mais le Brésil et le Chili sont les seuls pays où la production domestique atteint environ 40% de la consommation totale. Au Pérou, 10% environ de la consommation actuelle sont assurés par la production nationale et en Argentine seulement 6%. Au Brésil une augmentation de la production locale de papier journal est en cours grâce à l'ouverture d'une nouvelle usine de papier et de pâte à papier.

Il est particulièrement intéressant de noter la diminution considérable, entre 1941 et 1945-46, de la consommation de papier journal en Argentine (qui est tombée de 141.000 tonnes métriques à environ 90.000 tonnes métriques). Cette diminution est due, en partie, au fait que pendant la guerre les approvisionnements de l'Argentine en provenance de l'Europe du nord, son fournisseur principal, furent restreints et que, depuis, les envois n'ont pu reprendre à la cadence d'avant-guerre.

Importations nécessaires

Le volume total des importations annuelles, qui se monte à environ 400.000 tonnes métriques de papier, de carton et produits dérivés, n'a pas beaucoup changé au cours de la période qui fait l'objet de cette étude. La principale catégorie importée a été et continuera à être le papier journal. On estime qu'en 1945-46 les importations de papier pouvaient se répartir comme suit:

Sorte de papier

Pourcentage

Papier journal

65

Papier d'édition et d'imprimerie et papier à lettres

10

Carton, y compris les boîtes et les cartonnages

9

Papier d'emballage, y compris les sacs

6-7

Papier de soie et papiers hygiéniques

4-5

Produits dérivés du papier

4 5

Autres papiers

2

Les industries nationales de fabrication de papier sont protégées contre la concurrence étrangère par des droits à l'importation, ce qui n'est pas une pratique exceptionnelle sur le plan international (le papier et produits dérivés étaient parmi les premiers produits manufacturés qui furent protégés aux Etats-Unis par des droits à l'importation). Cette protection douanière permet d'importer seulement les quantités de papier que ne peut fournir la production locale, à l'exception de certaines qualités dont la fabrication ne saurait être assurée avec profit dans le pays, et de petites quantités de papier importées pour certaines utilisations de grand luxe.

Dans les pays producteurs de papier la demande à l'importation est assez importante pour les papiers. couchés, les papiers pour chèques ou de sûreté, les papiers coquille, les papiers pour usage sanitaire et la cellophane. Il y a une faible demande pour les papiers spéciaux d'utilisation industrielle tels que les papiers pour condensateurs, le papier abrasif, pour câbles, etc. Il serait possible de stimuler les demandes pour l'importation de produits spéciaux ne faisant pas l'objet d'une fabrication locale tels que les papiers et cartons utilisés dans la construction, le papier imperméable, les nouveaux cartons d'emballage à l'épreuve de l'eau et des intempéries, les produits à base de papier tels que tasses, serviettes, papiers fantaisie pour étalages, papier carbone, formulaires commerciaux, etc.

Il y a et il subsistera un marché pour les papiers de qualité supérieure semblable à ceux fabriqués localement, notamment lorsque la qualité des produits locaux n'est pas comparable à celle des papiers d'importation, comme c'est le cas par exemple pour les papiers servant à des fins sanitaires. De même les entreprises commerciales et industrielles voudront utiliser la meilleure qualité de papier qu'elles peuvent se procurer, pour le papier à entête, les invitations, les éditions de luxe, les actes authentiques, etc.

Production

La matière première utilisée en Amérique latine pour la production de papier est constituée en grande partie par de la pâte de bois importée. Ceci résulte du fait que les sources d'approvisionnement en bois ne sont pas en général assez bien situées pour que la transformation de bois en pâte soit économiquement réalisable. Les bois résineux qui servent à la fabrication de la majeure partie de la pâte consommée dans le monde, n'existent pas en quantités suffisantes en Amérique latine ou ne s'y trouvent pas dans des endroits suffisamment accessibles. Ce n'est que récemment que des progrès ont été réalisés dans la fabrication de la pâte de bois à partir d'essences feuillues. Néanmoins on n'est pas très renseigné sur les procédés de transformation économique qu'on applique aux essences qui poussent en Amérique latine. Au Pérou, on utilise la bagasse pour la fabrication du papier et du carton, mais cette méthode n'a pas été adoptée dans d'autres pays jusqu'à présent.

Si la consommation de papier et de carton continue à augmenter, un plus grand nombre de pays auront intérêt à fabriquer eux-mêmes le papier dont ils ont besoin. Avec le temps, étant donné la demande, la plus grande partie des difficultés présentées par la transformation des bois locaux en pâte pourront être résolues de façon satisfaisante, et l'on pourra s'attendre à un accroissement de la production nationale de pâte de bois.

TABLEAU 3. - EVALUATION DE LA PRODUCTION DE PAPIER ET DE CARTON DANS CERTAINS PAYS D'AMÉRIQUE LATINE DE 1935 À 1946

Pays

Production

Production par rapport à la consommation

1935-37 Moyenne

1939-41 Moyenne

1945-46 Moyenne

1935-37 Moyenne

1939-41 Moyenne

1945-46 Moyenne

(en milliers de tonnes métriques)

(pourcentage)

Argentine

83

132

150

29

44

55

Brésil

87

110

150

60

66

71

Chili 20

34

37

57

74

70


Cuba

7

24

20

17

38

29

Mexique

46

51

92

51

51

52

Pérou

1

5

14

6

26

54

Uruguay

2

9

9

10

33

35

Venezuela

1

6

6

20

43

32

TOTAL GÉNÉRAL OU POURCENTAGE

247

371

478

38

50

56

Dans presque tous les pays d'Amérique latine producteurs de papier il y a eu pendant la guerre pénurie de matières premières de bonne qualité. Pour compléter l'approvisionnement en matières premières, des produits de qualité inférieure, tels que papiers de rebut et pâtes de fibres végétales ont été utilisés. En outre, il n'a pas été possible de se procurer les pièces de rechange nécessaires, ou un meilleur outillage pour la fabrication du papier. La qualité de la production s'est ressentie du fait qu'une grande partie des machines utilisées en Amérique latine étaient d'un modèle trop ancien. Toutefois, la demande était si considérable que tout ce qui pouvait être fabriqué trouvait acheteur. L'acquisition de machines neuves et l'utilisation de pâtes de la qualité d'avant-guerre permettront sans doute de produire de meilleurs papiers.

L'accroissement de la consommation de papier et de carton dans l'ensemble des pays d'Amérique latine a pu être presque entièrement satisfaite par le développement de la fabrication nationale dans les principaux pays producteurs qui viennent d'être énumérés. L'expansion de cette industrie pendant les dix dernières années est remarquable, l'ensemble de la production pour la période 1945-46 étant presque le double de celle de la période 1935-1937. La production locale a augmenté à une cadence plus rapide que la consommation. Cette production représente maintenant plus de la moitié de la consommation totale, contre 38% en 935-37.

Le développement de la fabrication de papier et de carton dans les principaux pays producteurs n'en est encore qu'à ses débuts. Bien que l'Argentine, le Brésil et le Mexique produisent du papier et du carton depuis de nombreuses années, ce n'est que depuis 1930 que des papeteries ont été établies au Chili, à Cuba, au Pérou, en Uruguay et au Venezuela. L'expansion actuelle paraît être vigoreuse et ne semble pas devoir se ralentir. L'expansion de cette industrie a naturellement provoqué une augmentation de l'embauche et un relèvement des salaires.

La liste ci-après indique le nombre de fabriques de papier et de pâte à papier dans les pays d'Amérique latine en 1947:6

6Lockwood's Directory of the Paper and Allied Trades, 1947, Lockwood Trade Journal Co., Inc., New York 19, N. Y.

Argentine

21

Bolivie

1

Brésil

45

Chili

10

Colombie

2

Cuba

3

Guatemala

1

Mexique

17

Pérou

3

Uruguay

4

Venezuela

3

TOTAL

110

En Bolivie, en Colombie et au Guatemala, les usines n'utilisent pas de pâte d'importation, et il est probable que les matières premières employées pour la fabrication du carton sont les vieux papiers, les cartonnages usagés, la paille et la bagasse. Leur production annuelle n'est pas encore très importante.

La guerre a empêché la réalisation des plans que pouvaient avoir faits les industriels pour la modernisation ou l'agrandissement de leurs usines. Les affaires ont été dans l'ensemble très bonnes, et il paraît qu'un grand nombre de sociétés ont pu mettre de côté des fonds qu'elles destinent à des travaux d'amélioration ou d'agrandissement de leurs usines. On possède certains détails sur quelques projets d'amélioration, ou sur des usines achevées fonctionnant déjà. La situation générale depuis 1941 se trouve résumée dans le Tableau 4 indiquant les exportations par les Etats-Unis d'outillage et de pièces de rechange pour la fabrication de pâte et de papier.

Importations d'outillage

Il y a lieu de se rappeler que les chiffres ci-dessous comprennent les pièces de rechange essentielles pour la marche courante et que les prix ont accusé des hausses sensibles en 1945-46. Mais les chiffres les plus élevés figurant dans ce tableau représentent sans doute des améliorations apportées au capital de production sous la forme d'achats d'outillage neuf ou d'occasion. Or ces augmentations du capital auront pour résultat un accroissement de la capacité de production. Ces chiffres peuvent servir d'indication approximative de l'évolution de la production nationale en 1947 et 1948 et on peut escompter une augmentation marquée de la production au Brésil, au Chili et au Mexique. En Argentine, à Cuba et peutêtre au Venezuela, il est probable que la production n'augmentera que modérément.

TABLEAU 4. - EXPORTATIONS PAR LES ETATS-UNIS D'OUTILAGE POUR USINES À PATE ET A PAPIER, À DESTINATION DE CERTAINS PAYS D'AMÉRIQUE LATINE, 1941-47

Pays

1941

1942

1943

1944

1945

1946

1947

(en milliers de dollars)

Argentine

6

14

2

-

-

35

72

Brésil

268

507

565

220

395

646

481

Chili

39

24

18

25

57

126

106

Cuba

8

15

7

3

30

96

43

Mexique

251

117

174

163

711

966

911

Pérou

76

86

28

51

25

11

13

Uruguay

1

3

10

-

4

4

6

Venezuela

2

6

12

6

1

37

27

TOTAL

$651

$772

$816

$468

$1223

$1921

$1659

Les importants envois d'outillage pour la fabrication de la pâte à papier et du papier, faits vers le Brésil, le Mexique et le Pérou pendant la période 1941-45, expliquent comment la production de papier et de carton de ces pays a pu atteindre les niveaux de 1945-46. En 1946 et 1947, d'importantes expéditions d'outillage ont été effectuées vers l'Argentine, le Brésil, le Chili, Cuba, le Mexique et le Venezuela. Comme une partie de cet outillage servira à créer de nouveaux moyens de production de pâte à papier (ainsi qu'on le verra plus loin, il est difficile de se procurer aujourd'hui de la pâte), la production de papier et de carton en Amérique latine marquera certainement un accroissement plus important encore.7

7Les exportations de pate à papier «kraft» (sulfate) du Mexique aux Etats Unis à partir de mai 1947 présentent un grand intéret.

Perspectives

Les fabriques de papier peuvent se diviser en deux catégories: celles qui font elles-mêmes leur pâte, appelées «usines intégrées» (integrated mill)s et celles qui achètent la pâte dont elles ont besoin «usines non intégrés». Il y a à l'heure actuelle pénurie de pâte à papier sur le marché mondial, et l'on ne peut guère espérer dans l'avenir immédiat que les disponibilités puissent suffire à la demande. L'absence d'une source d'approvisionnement assurée constitue l'un des principaux obstacles à l'établissement de nouvelles papeteries «non intégrées». C'est pour cette raison qu'en Amérique latine la plupart des nouvelles usines seront des «usines intégrées», à moins qu'il ne leur soit possible de passer des accords fermes pour assurer leur approvisionnement en pâte de bois, soit dans le pays même, soit en provenance de l'étranger.

En raison de l'importance des capitaux investis dans les papeteries, ces dernières travaillent en général vingt-quatre heures par jour. Il va sans dire que le manque d'approvisionnements ou de débouchés pour les produits fabriqués pourra nécessiter l'adoption d'une méthode d'exploitation ne rapportant pas un revenu maximum au capital investi. Si toutefois, les industriels ne peuvent pas compter sur une période d'exploitation ininterrompue, ils abandonneront probablement leurs plans pour la construction de nouvelles usines.

A mesure que les conditions économiques mondiales s'amélioreront les importants produits que l'Amérique latine fournit au monde entier continueront à s'écouler. Dans ce cas l'industrialisation fera de rapides progrès et l'Amérique latine deviendra un marché encore plus important pour les produits des autres pays. L'industrialisation, dans le domaine de la fabrication du papier, laisse entrevoir qu'un grand nombre de pays pourront se suffire à eux-mêmes, sauf toutefois pour le papier journal. Néanmoins les besoins d'importation de spécialités et de produits de grand luxe peuvent augmenter considérablement en Amérique latine. Il est aussi possible que les importations de machines, de pièces de rechange et d'outillage pour les produits transformés excèdent en valeur la diminution des importations- de papier.

On s'applique actuellement à augmenter encore la capacité de fabrication des papeteries. On pense utiliser cette capacité nouvelle en réduisant, s'il le faut, les importations, et on escompte une nouvelle augmentation de la consommation allant de pair avec l'accroissement démographique. Tout laisse prévoir une augmentation de la consommation par habitant. Si les événements des dernières années se renouvellent on pourra s'attendre à une expansion de la production nationale.

L'Amérique latine a montré qu'elle était capable de créer de nouvelles entreprises; elle a su se procurer des capitaux à l'étranger et de l'aide technique quand elle en a eu besoin. Riche en ressources forestières, elle a fait des progrès dans l'art d'en assurer une exploitation profitable. Dans ces conditions, l'expansion future de l'industrie de la pâte à papier et du papier semble assurée dans ces pays.


Page précédente Début de page Page suivante