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Les forêts chinoises

par SHUN-CHING LEE et NGAN HAN

Toute l'histoire de la Chine est jalonnée de périodes où la culture a atteint un degré élevé et s'est accompagnée d'une parfaite compréhension de l'importance des forêts. Chacune de ces périodes a été suivie d'une époque de luttes intestines au cours de laquelle les massifs forestiers ont été détruits. Ces périodes, à leur tour, ont été suivies de périodes de reconstruction. Il fut un temps où la Chine était un pays très fortement boisé, mais l'accroissement de la population et la multiplication des guerres ont vu une réduction correspondante des superficies boisées.

Au début de la dynastie Tchéou 1 dont l'avènement est antérieur à l'an 1122 av. J.-C. et qui a régné jusqu'en 249 av. J.-C., le gouvernement central de la Chine établit un Service des forêts dont le but était d'assurer la conservation des forêts vierges et le reboisement des terres dénudées. L'aménagement des forêts domaniales se fit très strict et des fonctionnaires furent nommés pour aider à surveiller celui des forêts privées et communales. Cette dynastie régna pendant l'une des périodes les plus remarquables de la civilisation chinoise mais la plupart de ses archives ont été détruites sous la dynastie Ts'in (de 250 à 206 av. J.-C.), lorsque l'empereur fit brûler de nombreux livres. Il s'intéressait toutefois aux arbres et sauva du bûcher les ouvrages sur les forêts. Il fit construire sous son règne de nombreuses grandes routes qu'il fit border d'arbres.

1 Histoire des forêts de la Chine et leur administration sous la République, par Chen Yung, Professeur, Faculté des forêts à l'Université de Nankin, 1934 (en langue chinoise).

Sous la dynastie des Han (de l'an 206 av. J.-C. à 220 de l'ère chrétienne), le gouvernement encouragea la population à cultiver le sol pour alimenter le commerce et à planter des arbres pour la production de bois d'oeuvre. Des contacts furent établis avec des pays occidentaux et la Chine introduisit plusieurs plantes étrangères, notamment le noyer perse, Juglans regia, et la luzerne commune, Medicago sativa, qui se sont l'un et l'autre tout à fait adaptés maintenant au climat et au sol chinois.

A cette époque, la Chine n'avait qu'un seul gouvernement, mais elle fut par la suite divisée en Chine du Nord et du Sud. La population s'était accrue, les factions rivales étaient constamment en guerre, des populations nomades du nord-ouest erraient à travers la Chine avec leur bétail, détruisant les forêts partout où elles s'arrêtaient.

Sous la dynastie des T'ang (618 à 906 de l'ère chrétienne), il y eut une recrudescence d'intérêt pour le reboisement des terres dénudées. On introduisit de nouvelles essences d'Arabie, notamment l'olivier et l'amandier, qui ont gardé jusqu'à présent leur nom arabe. C'est alors que le thé fut également introduit.

Les travaux de vulgarisation (extension) furent à leur apogée sous la dynastie des Song (960 à 1279), époque à laquelle chaque arrondissement avait son directeur des services agricoles et forestiers, qui donnaient à la population des directives pour les inventaires forestiers, l'aménagement et les méthodes d'agriculture. La politique suivie consistait à ne laisser reposer ni la population ni la terre. Si un cultivateur pouvait reboiser une terre publique, elle devenait sa propriété personnelle. Le procédé par semis direct a été employé sur une grande échelle et a donné d'excellents résultats. C'est de cette époque que datent certaines monographies sur les plantes, notamment sur l'aleurite (Aleurites spp.), Paulownia spp., Citrus spp. et le bambou (Phyllostachya, Bambusa, etc.) donnant leur description, la manière de les cultiver, de lutter contre les maladies et contre les attaques des insectes.

Sous la dynastie des Ming (1368 à 1644), la capitale chinoise était établie à Nankin. Quatre centres de recherche furent créés au sud de la montagne Violette en vue d'améliorer la production d'huile (de noix d'aleurites), de vernis (à base d'écorces de Rhus spp.), de corde (faite avec une certaine espèce de palmier) et de fourrage de luzerne. Ces produits étaient utilisés dans l'armée et comme matériaux de construction.

Ce fut ensuite, de 1644 à 1912, le règne de la dynastie des Ts'ing, puis l'établissement de la république dont le fondateur, le Dr Sun Yat Sen, s'intéressait aux forêts. Celles-ci ont souffert sous la révolution et l'occupation japonaise, mais on prête de plus en plus d'attention aux questions de conservation du sol, de lutte contre les inondations et de reboisement.

Etat des forêts

Superficie boisée et volume de bois d'oeuvre. L'ensemble de la superficie de la Chine actuellement boisée est évalué à environ 83 millions d'hectares, soit environ 8,5 pour cent de la superficie totale du pays. La forêt vierge couvre environ 29 millions d'hectares et les forêts secondaires environ 54 millions. Le volume de bois d'oeuvre correspond respectivement à environ 5 milliards et 3 milliards de mètres cubes. Les montagnes dénudées et les terres incultes convenant au reboisement couvrent une superficie supplémentaire d'environ 300 millions d'hectares.

Droit de propriété des forêts. Aucun renseignement exact n'est encore disponible quant à la propriété des forêts. Une évaluation approximative montre qu'environ 90 pour cent de la forêt vierge et 5 pour cent des forêts secondaires appartiennent au domaine et les autres 10 pour cent de la forêt vierge et 95 pour cent des forêts secondaires appartiennent à des propriétaires privés et à des communautés.

En raison de l'accroissement démographique, les versants boisés ont été défrichés pour être mis en culture; les parcelles plantées en avoine qu'on voit à gauche sur la photo ont été défrichées l'année dernière. (Province de Chan-si.)

Les principales essences de bois d'oeuvre et leur répartition. Etant donné le caractère montagneux du terrain, les différences énormes de climat et l'importance des précipitations, la Chine possède une flore arborescente extrêmement riche. La Société botanique chinoise, après des années de recherche, a trouvé qu'il existait en Chine 134 familles, plus de 656 genres et plus de 2.000 espèces. Il existe, paraît-il, en Chine un plus grand nombre d'essences forestières que dans l'ensemble des autres pays tempérés du nord. On y trouve la presque totalité des espèces importantes de conifères et de bois durs rencontrées dans les régions tempérées de l'hémisphère Nord. Les arbres les plus connus dont on fait usage pour le reboisement dans les diverses parties du pays sont les suivants:

Le Cunninghamia lanceolata pousse généralement dans la région allant du fleuve Yang-tsé jusqu'à la chaîne montagneuse de Nanling au sud à une altitude qui ne dépasse jamais 1.000 mètres.

Le Pinus massoniana pousse dans la Chine centrale et dans la région du sud à des altitudes qui ne dépassent pas 1.000 mètres.

Le Picea asperata pousse un peu partout; cette espèce est résistante et vigoureuse. On la trouve de la région sud à la région nord du Se-tchouan et à l'est du Chen-si et du Chan-si à Ho-pé, à des altitudes allant de 2.500 mètres jusqu'à la limite supérieure de la forêt.

L'Abies delavaya se rencontre en Mandchourie, en Mongolie extérieure et dans le Se-tchouan du Nord à des altitudes variant de 2.500 à 3.500 mètres. Cette essence constitue en général des peuplements homogènes importants.

Le Tsuga chinensis se trouve dans le Chan-si, le Kan-sou, le Si-kiang oriental, le Se-tchouan, le Hou-pé, l'An-houei et le Tché-kiang; il pousse à des altitudes variant entre 2.800 et 3.500 mètres.

Le Larix potaninii se rencontre surtout dans le district boisé du Yalou-kiang. Il forme lui aussi d'immenses peuplements homogènes dans les provinces du Se-tchouan et de Chan-si à des altitudes variant entre 3.000 et 4.500 mètres.

Le Pinus tabulaeformis se trouve un peu partout dans le nord de la Chine et s'étend jusque vers les régions du centre et de l'ouest à des altitudes ne dépassant pas 1.500 mètres.

Le Thuja orientalis est cultivé dans toute la Chine pour la décoration et la construction.

Le Quercus acutissima et le Quercus dentata se rencontrent fréquemment dans les régions centrales et septentrionales de la Chine à des altitudes variant de 1.000 à 2.000 mètres.

Les bambous viennent particulièrement bien dans toutes les provinces du sud et le long du Yang-tsé jusqu'à une altitude d'environ 1.000 mètres. Leur utilisation est multiple: alimentation, construction de maisons, de ponts, de péniches, manufactures de papier, de meubles, de parapluies, d'instruments de musique, fabrication de divers outils agricoles et d'ustensiles de ménage.

L'Aleurites fordii et l'A. montana: l'éléocoque ou aleurite se trouve en Chine au sud de la chaîne montagneuse des Tching-ling, notamment dans les provinces de Se-tchouan, Kouang-si, Hou-nan, Hou-pé, Kou-tcheou et Tché-kiang. Des graines oléagineuses qu'ils donnent, on extrait l'huile d'éléocoque. Quatre-vingt-dix pour cent de l'huile d'éléocoque proviennent de l'espèce dite A. Fordii.

Politique forestière

On estime que plus de 80 pour cent de la population chinoise sont composés d'agriculteurs. Toutefois, la situation du fermier chinois est unique en ce sens qu'il possède en général moins d'un cinquième d'hectare de terres cultivables. Il cultive les récoltes les plus lucratives et celles qui lui permettront de nourrir toute sa famille. Il est extrêmement important qu'il produise annuellement un volume suffisant qui lui permette ainsi qu'à sa famille de ne pas souffrir de la faim. S'il lui reste quelque terrain inutilisé, il plantera peut-être des arbres à condition toutefois que son buffle aquatique puisse encore trouver le pâturage nécessaire, ou que cela ne prenne pas un temps qui lui est précieux pour ses autres cultures, et il faut de plus qu'il ait la certitude que ces arbres lui seront utiles ainsi qu'à sa famille. Toutefois, il y a de vastes étendues de «terres domaniales» sur lesquelles des cultivateurs mènent paître leur bétail et ramassent du bois de combustion. On estime que 40 pour cent des terres de la Chine ne conviennent aucunement à l'agriculture mais peuvent très bien être boisées. La plupart de ces terres consistent en versants de montagnes ou en côteaux situés autour de centres de population très dense. Une grande partie de ces terres ne portent aucune culture, à l'exception de quelques arbustes de qualité inférieure et d'herbages que viennent couper les gens en quête de combustible, et d'un fourrage de mauvaise qualité que le bétail vient brouter. Il n'y aurait aucune difficulté à reboiser ces régions à condition de réglementer les coupes de bois de combustion.

Non seulement la matière organique est enlevée au sol sans aucune compensation mais encore le sol improductif est exposé à l'érosion par le vent et le ruissellement et les terres jadis fertiles deviennent rapidement incapables de porter aucune végétation. Des terres forestières et à cultures qui s'étendaient autrefois jusque dans la région du nord-ouest se sont transformées en désert, par suite de la disparition des arbres et de la végétation qui servaient auparavant d'agents naturels de protection contre le vent et d'agents stabilisateurs du sol. Chaque année le vent du nord-ouest fait avancer le désert un peu plus avant sur le territoire chinois proprement dit. En collaboration avec les gouvernements des provinces, le Ministère de l'Agriculture et des Forêts vient de lancer un programme pour l'établissement d'une zone boisée destinée à arrêter le sable en bordure du désert. Cette ceinture de protection aura une longueur de plus de 3.200 km et une largeur d'environ 3,2 km; elle consistera en graminées et en arbustes destinés à fixer le sable, et en arbres qui serviront d'écrans protecteurs. Des pépinières ont été établies sur plus de 80 hectares.

La proportion importante de limon charrié par presque tous les fleuves de Chine aux époques des inondations est une indication suffisante de l'érosion incroyable du sol sur tout le territoire de la Chine. Au cours des pluies récentes qui se sont abattues dans le Hou-nan et ont causé de graves dommages par suite des inondations et de l'envasement, on a remarqué que dans les vallées boisées, les courants étaient relativement faibles et limpides, ce qui démontre de manière frappante l'importance des forêts dans la lutte contre l'érosion et l'inondation. L'an passé, les pluies ont été plus ou moins localisées dans le Kouang-tong et y ont causé des inondations encore plus désastreuses. Des centres de recherche sur l'érosion des sols ont été établis dans six provinces pour déterminer les conditions locales d'érosion et commencer les travaux de conservation du sol en Chine en étroite coopération avec tous les services intéressés.

Administration des forêts

Le nouveau Ministère de l'Agriculture et des Forêts a été créé en 1940 alors que Tchoung-king avait été solidement organisée en capitale du temps de guerre, et que l'on décidait que tout devait être mis en oeuvre pour intensifier la production agricole.

Au Service des forêts fut confiée la réalisation d'une politique forestière basée sur cinq points principaux visant:

a) à développer les entreprises forestières en vue d'assurer une production suffisante pour les besoins du pays.

b) à assurer une utilisation judicieuse des terres, y compris le boisement et le reboisement de tous terrains ne convenant qu'à la sylviculture,

c) à confier au gouvernement l'initiative de tous les grands travaux forestiers,

d) à encourager, promouvoir et surveiller la création et l'entretien des forêts privées,

e) à intensifier la recherche forestière.

Ce Service est divisé en trois sections qui ont pour attributions:

1. D'appliquer les bois sur les forêts, de procéder à des reconnaissances forestières en vue de déterminer les ressources forestières nationales et à la classification et à l'enregistrement des terrains boisés et autres, de tenir à jour les statistiques forestières, de protéger les forêts naturelles

2. De surveiller les opérations de reboisement, de contrôler en même temps les forêts domaniales ou privées et les pépinières et d'assurer la sélection des meilleures espèces en vue de la reproduction et de l'extension des forêts;

3. De superviser l'aménagement et la conservation des forêts, y compris les forêts domaniales, l'utilisation des produits forestiers et les travaux de conservation des sols et des eaux.

Le Ministère de l'Agriculture et des Forêts et son Service de recherche sur les forêts, dont le siège est aussi à Nankin, ont l'un et l'autre des services auxiliaires dans les diverses provinces. Chaque province a un Bureau des améliorations agricoles, avec des sous-stations forestières disséminées dans toute la province. De nombreux districts à l'intérieur des provinces ont leurs centres agricoles et leurs pépinières. Nombreuses sont les universités qui ont une section des forêts et certaines disposent même de centres de recherche et de pépinières. Il existe également des centres forestiers municipaux et privés.

Le Centre national de la recherche forestière, qui dispose de 28 hectares de terrains montagneux ainsi que de 10 hectares réservés aux pépinières, a été établi à Tchoung-king et contrôle tous les travaux de recherche forestière en Chine. Au début, les travaux exécutés par un personnel administratif très limité consistaient principalement en opérations de reboisement des régions montagneuses avoisinantes et en travaux de démonstration sur la conservation des ressources en eaux et en sols. Trois divisions ont été établies: la Division de la sylviculture, celle de la technologie du bois et celle de la vulgarisation (extension). Après la victoire sur le Japon, le Centre a été transféré à Nankin laissant son siège initial à la Station forestière du Sud-Ouest afin de poursuivre ses travaux dans cette région. La Commission pour le parc commémoratif Sun Yat-sen a donné à bail au Centre de recherche de Nankin 65 hectares de terrain situés au nord de la montagne Violette pour la construction de ses bâtiments et l'établissement de ses pépinières. Un terrain voisin d'environ 320 hectares et en partie couvert par une forêt de pins a été choisi pour les travaux de recherche en collaboration avec le service de l'horticulture de la Commission. Le Centre a étendu ses activités et il comprend maintenant sept divisions, ainsi que des centres auxiliaires à Peiping et Tchoung-king et sept stations forestières aux environs de Nankin. L'effectif du personnel comprend 63 fonctionnaires s'occupant des questions administratives, 117 techniciens et 86 ouvriers employés dé façon permanente.

Les sept stations forestières, qui disposent au total de 56 hectares de pépinières ont procédé à la plantation de 14 millions de jeunes plants et boutures de 39 essences différentes pour les travaux de reboisement. Elles ont également surveillé leur répartition gratuite aux cultivateurs, ainsi que des plantations effectuées dans le cadre de projets spéciaux.

Dans le domaine de la conservation des sols, des travaux de démonstration sur le terrain ont été poursuivis en collaboration avec d'autres institutions de Nankin. Sur les terres à culture de l'Université de Nankin, un centre d'études sur l'érosion du sol a été créé pour l'étude scientifique des rapports de la pluviosité et du degré d'érosion du sol selon la nature des cultures de couverture. La plupart des travaux visaient à empêcher le sable emporté par les eaux d'envahir les bonnes terres à culture. Au cours de l'année passée, 2.750 hectares de terrain sablonneux dans la province de l'An-houei et 14.000 hectares dans le Honan ont été plantés en boutures de saules.

La Division de la recherche forestière a effectué des enquêtes et procède actuellement à des essais sur diverses essences indigènes en vue de déterminer leur valeur calorifique et leur résistance, ainsi que les méthodes de préservation.

Des goulottes en bois sont utilisées pour l'exploitation forestière dans la province de Se-tchouan.

Reboisement

La Chine est l'une des régions du monde qui sont déficitaires en bois. La production du pays n'est pas suffisante pour couvrir les besoins réels, surtout depuis la guerre. Pour satisfaire les besoins urgents, on a procédé dans une certaine mesure depuis la guerre à la plantation artificielle de régions dénudées en vue d'augmenter la production de bois de combustion et de bois d'œuvre. Des pépinières ont été établies sur une superficie totale de 170 hectares et produisent annuellement presque 27 millions de jeunes plants. Le nombre de jeunes plants déjà utilisés dans les plantations s'élève à 230 millions, ce qui correspond à une superficie plantée de 40.000 hectares.

En juin 1947, l'UNRRA a envoyé 1.380 kilogrammes de graines américaines de pin caraïbe, Pinus caribaea, de pin à longues aiguilles, Pin palustris, de pin blanc, Pinus strobus, de cyprès chauve, taxodium distichum et de frêne américain, fraxinus americana, qui ont été distribuées aux fins d'essai à 45 centres agricoles et forestiers importants dans les régions dévastées par la guerre. La saison étant trop tardive pour les semis, les résultats n'ont pas été très encourageants. Cependant, dans maintes parties du pays, les essences étrangères prospèrent.

Avec le concours de la FAO, le Centre national de la recherche forestière du Ministère de l'Agriculture et des Forêts, l'Université centrale nationale et l'Université de Nankin ont établi des projets forestiers qui doivent être financés par les fonds accordés par la Mission des Etats-Unis pour l'œuvre de secours à la Chine. Au cours du mois de mars 1948 on a planté plus de 4 millions d'arbres sur des terres incultes dans la région de Nankin. La plupart de ces arbres provenaient des pépinières du Centre national des recherches forestières. Un nombre important de ces arbres sont plantés chaque année par les fermiers à qui sont distribués dans les pépinières des jeunes arbres pour les planter sur leurs terres. Grâce à l'envoi de la Mission de secours à la Chine, il a été possible de planter d'immenses régions du domaine public. On procède actuellement à l'établissement d'un programme supplémentaire pour assurer une protection suffisante des plantations de la région de Nankin et une plus grande compréhension et collaboration entre les divers centres forestiers gouvernementaux et la population locale. On espère élaborer un système qui puisse être appliqué en d'autres parties de la Chine. Au cours du mois de mars 1948, il a été planté plus de 2 millions de rejets d'osier de vannerie. Cet osier est appelé à protèger les digues contre l'érosion, à fournir du bois de combustion et la matière première à l'industrie de la vannerie. Dans toute la Chine les budgets avaient été tellement réduits que les centres forestiers ne pouvaient engager la main-d'œuvre nécessaire pour enlever les jeunes plants des pépinières et les planter sur les collines déboisées des environs. Les fonds de la Mission de secours à la Chine ont permis d'exécuter ces travaux.

Les inondations qui se produisent dans les plaines fertiles sont une des conséquences des défrichements effectués sur les versants boisés. (Province de Kouang-tong.)

Le sable et le feu

Les dévastations causées par les inondations du fleuve Jaune ont entraîné d'incroyables dommages et destructions dans maints districts de l'An-houei et du Honan. Les terres arables se sont transformées en désert et des vents violents ont poussé le sable encore plus loin. Afin de fixer les sables, l'ancien CNRRA du Centre régional de l'An-houei s'est efforcé de reboiser une région d'une superficie de 2.000 hectares dans le nord de l'An-houei. Pour continuer les travaux de ce centre, le Service pour la protection et le reboisement des régions inondées de l'An-houei du Ministère de l'Agriculture et des Forêts a procédé au reboisement d'une autre région d'une superficie de 20.000 hectares. Des travaux de reboisement analogues ont été exécutés dans le Honan, sur une superficie d'environ 3.750 hectares, par le Service de la fixation du sable dans les régions inondées et du reboisement.

Le sable du désert dans la région du Nord-Ouest envahit de plus en plus les terres à culture en raison des vents qui soufflent de cette direction. La Station forestière pour la fixation des sables, établie à King-tai (Kan-sou) en 1947, se propose d'enrayer et de prévenir cet envahissement. La Station a procédé à des plantations de graminées sur une superficie de 270 hectares.

En Chine, la lutte contre les incendies de forêt constitue l'une des mesures de protection les plus importantes. Pendant la période de sécheresse qui, en Chine du Sud, sévit en automne, il est courant de voir presque chaque jour un flanc de colline en flammes. Il arrive que l'on mette le feu aux herbes et aux forêts pour le seul plaisir de contempler l'incendie, ou dans le but d'accroître la fertilité du sol en comptant sur la pluie pour emporter les cendres d'incinération dans les champs de riz, ou encore afin de détruire les forêts qui peuvent servir de repaire à des bandits ou à des animaux sauvages. En certaines régions, la densité de la population est telle que certaines familles n'ont même pas de quoi vivre et que l'on arrache, pour le brûler ou le manger, absolument tout ce qui pousse.

Lorsque les versants ont été dégarnis pour être cultivés, il se produit à la surface du sol une érosion qui rend la terre inutilisable pour de futures récoltes, privant ainsi la population de ses approvisionnements alimentaires.

Utilisation des forêts

Etant donné que la plupart des forêts de la Chine sont inaccessibles, on n'a jamais cherché à créer une exploitation forestière et une industrie des sciages de quelque importance. Avant la guerre, la production annuelle totale de sciages n'était que d'environ 16 millions de mètres cubes, non compris le Taïwan. Au cours de la guerre, la production a été bien inférieure. Actuellement, elle est évaluée annuellement à 9 millions de mètres cubes, y compris environ 600.000 mètres cubes produits dans le Taïwan.

Selon les déclarations recueillies par le Ministère de l'Industrie et du Commerce, l'industrie des produits forestiers comprend 24 entreprises de sciages, huit usines de production de résine, neuf usines de peinture et de laque, une fabrique de pâte de carton, une usine de contre-plaqué, une usine de préparation du camphre et de nombreux séchoirs à bois.

Enseignement et personnel forestiers

Au cours des 20 dernières années, l'enseignement forestier moderne a reçu en Chine une impulsion croissante. La Chine possède à présent 25 universités ou facultés qui offrent des cours réguliers ou facultatifs en sylviculture. Il existe 40 écoles professionnelles d'agriculture et de sylviculture et l'on compte 940 diplômés. Ces diplômés, tant des universités que des écoles professionnelles, sont employés actuellement dans diverses organisations s'occupant de sylviculture, dans des établissements d'enseignement et dans les administrations locales.

Selon le programme de reconstruction d'après-guerre prévu, la Chine aura besoin en 1950 d'environ 1.850 experts forestiers dûment qualifiés et d'environ 4.720 diplômés d'écoles professionnelles de sylviculture. Si l'on compare ces chiffres à ceux indiqués plus haut, cela signifie qu'au cours des deux années à venir, la Chine devra, pour réaliser ce programme, former dans les facultés 730 étudiants et plus de 3.500 environ dans les écoles professionnelles.

Restauration et développement

Le Service des forêts du Ministère de l'Agriculture et des Forêts a prévu un certain nombre de travaux en vue de la restauration et du développement de la forêt en Chine. Les efforts entrepris portent notamment sur les points suivants:

1) Reboisement à long terme s'échelonnant sur une période de 30 années. Ce projet vise la création de forêts commerciales, de forêts pour la production de combustible, de ceintures forestières de protection et de forêts pour la défense nationale.

2) Reboisement effectué par des troupes en garnison. Ce projet vise le reboisement en 10 ans de 550.000 hectares de terres incultes par des troupes en garnison dans les diverses régions du pays.

3) Reboisement modèle. Il s'agit là d'un projet de reboisement à des fins de démonstration qui sera exécuté à Tching-liang-chan (Nankin), Song-chan (Honan), et Si-chan (Peï-ping). La réalisation demanderait dix ans.

4) Projet de reboisement destiné à la fixation des sables dans la région nord-ouest. Ce projet a été établi afin d'empêcher les infiltrations de sable dans les terres à culture; il comporte la création d'une ceinture forestière dans les provinces du Nord-Ouest. On estime qu'il faudra 30 ans pour le mener à bien.

Pendant l'occupation japonaise, et les nombreuses autres périodes de troubles politiques, les projets à long terme ont été remplacés par des expédients. Des plantations et des forêts dont la création avait demandé de nombreuses années ont été détruites. Les troubles intérieurs actuels entravent toujours la réalisation d'un programme national. Les populations hésitent, par expérience, à donner leur accord sans réserve à un programme à long terme tant que l'avenir est incertain. Cette attitude est partagée par le gouvernement, car la fraction du budget national affectée aux travaux agricoles et forestiers est infime. Toutefois, bien que le personnel et le matériel actuels soient insuffisants, il existe dans toute la Chine de nombreuses stations et pépinières forestières qui toutes font un travail excellent en reboisant, en procédant à des expériences et en formant les forestiers de demain.

Les clichés qui illustrent cet article ont été aimablement communiqués par le Département des Forêts du Ministère de l'Agriculture et des Forêts de la Chine.


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