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L'Or vert

C'est le titre d'un nouveau film documentaire sur les forêts et le bois qui doit être bientôt projeté dans les salles de spectacle du monde entier *. Réalisé pour les Nations Unies par la Svensk Filmindustri, ce film insiste sur la nécessité pour les nations de collaborer afin d'assurer la conservation et l'utilisation de leurs forêts pour le bien commun. Cet article sert d'introduction au film destiné au grand public. Il souligne aussi les progrès accomplis par les 58 pays-membres de la FAO, en vue de favoriser le meilleur développement de leurs ressources forestières par l'intermédiaire de cette Organisation.

* La distribution en est assurée par le Service Public d'information des Nations Unies, Lake Success, New-York, U.S.A. longueur 20 minutes, B et W., largeur 16 ou 35 mm. Texte en anglais, français suédois.

Par une journée d'été, dans une paisible vallée de la Suède le film «L'Or Vert» montre un fermier labourant ses champs, tandis que la vie quotidienne se poursuit dans le village voisin. Un charpentier répare une maison, un enfant joue sur une balançoire et une ménagère prépare le repas familial. Aucune de ces activités quotidiennes ne serait possible sans le bois. Ainsi, bien que pendant tout l'été la vie du village soit dirigée vers la culture des champs, dès que l'hiver approche, le fermier et ses voisins reprennent leur seconde occupation: l'exploitation forestière. Tandis que les champs sont recouverts d'une épaisse couche de neige, ils conduisent leurs chevaux et leurs traîneaux dans les forêts environnantes. Maintenant la vie du village évolue autour des forêts qui résonnent du bruit des haches et des scies, et du craquement des arbres qu'on abat. Les grumes tirées par des chevaux sont descendues par des pistes de neige jusqu'aux lacs et aux rivières pour former le second anneau de la chaîne qui relie la forêt, la ferme et la maison.

Un autre anneau de cette chaîne est forgé par l'approche du printemps. Lorsque la glace fond, les grumes sont flottées, descendant les rivières en avançant de plus en plus lentement lorsqu'elles s'approchent de la mer. Aux abords de la côte, des hommes et des femmes trient les grumes, les dirigeant vers la scierie et la fabrique de pâte. Maintenant, la chaîne s'allonge, la scierie débite le bais destiné à la construction de maisons, et de la fabrique de pâte sort le papier qui est le produit le plus couramment utilisé dans la vie quotidienne. Des grumes bifurquent et deviennent des poteaux télégraphiques et du contreplaqué, ou sont dirigées vers des fabrications diverses depuis les meubles jusqu'aux avions.

Beaucoup de ces produits sont chargés sur des bateaux et exportés vers les centres mondiaux de la finance et de l'industrie. Des millions de personnes utiliseront ces articles, des millions d'autres vivront directement ou indirectement des forêts, et lorsque le forestier est payé pour son «Or Vert», le dernier anneau de la chaîne se referme.

«Oui, le bois est de l'or vert», dit le film, «mais la forêt n'est pas une mine d'or qui doit être abusivement exploitée». Un arbre peut demander 70 ans pour pousser, mais 70 secondes suffisent à l'abattre; et lorsque les forêts sont détruites, la nature se venge. Le désastre peut commencer par un orage ravageant les fermes et les champs non protégés par les forêts. L'eau se répand librement sur la campagne, entraînant le sol superficiel fertile, et les rivières grossissent et débordent. En très peu de temps des fermes prospères disparaissent, et leurs propriétaires sont ruinés.

Les forêts du monde doivent être préservées, ne serait ce que parce qu'elles sont les gardiennes du sol et de l'eau. Elles protègent le sol contre l'érosion, créent de grandes réserves d'eau, influencent le climat et quelquefois même fournissent au fermier la terre sur laquelle pousse sa récolte. Ce qui unit étroitement la forêt à la ferme est le fait même que, dans la plupart des pays, le fermier dépend de la forêt pour sa maison, ses granges, son bois de chauffage et ses clôtures et il est celui qui doit faire le plus d'efforts pour la protéger.

En Suède et en d'autres parties de l'Europe, le fermier-forestier doit exploiter convenablement sa forêt, mais il pourra toujours faire fonds sur sa richesse. Il sait qu'il y a suffisamment de bois pour les besoins journaliers de sa famille, et qu'il pourra en vendre encore davantage. Cependant, aux Indes, en Chine et dans beaucoup d'autres pays d'Asie, les forestiers savent que leurs forêts déboisées ne peuvent pas fournir à tous assez de bois, même pour les seuls besoins du chauffage et du logement. Dans le Proche-Orient, il n'y a plus de richesse forestière; quelques bouquets d'arbres sont tout ce qui reste des cèdres du Liban célèbres aux temps bibliques et les terres arables, autrefois fertiles, qui les environnent sont devenues un désert aride.

Mais dans d'autres continents, notamment en Amérique latine, il existe de grandes forêts vierges inexploitées et dont les cartes n'ont même pas encore été établie. Outre les forêts tropicales, composées d'une variété infinie d'essences, il y a quelques peuplements presque purs de bois commerciaux. Pour beaucoup de raisons etchniques et économiques, ces forêts n'ont; jamais été exploitées mais aucune de ces raisons ne justifie le maintien de cette situation. Grâce à l'application de méthodes modernes, il sera possible à la prochaine génération de faire de l'Amérique latine l'un des grands fournisseurs de produits forestiers d'un monde prospère.

Le premier anneau de la chaîne reliant la forêt, la ferme et le foyer. Exploitation sylvo-agricole dans une paisible vallée de la Suède.

Sur les 4 milliards d'hectares de forêts qui existent dans le monde un tiers seulement est utilisé. Le rendement de ces forêts exploitées est d'environ une tonne de produit ligneux par hectare. Cependant, grâce à une exploitation judicieuse, les forêts peuvent arriver à en produire au moins deux tonnes par hectare, ce qui doublerait la quantité mise à la disposition de tous les continents.

Il n'est pas douteux que les besoins en produits ligneux soient en progression marquée. Selon les statistiques, un tiers de la population du globe, en Europe, en Amérique du Nord, et en Russie, consomme 80 pour cent du bois d'œuvre et 90 pour cent de la pâte produits dans le monde entier. Cependant quinze cents millions d'individus vivant sur d'autres parties du globe ont tout autant besoin de bois. Outre ces besoins encore potentiels, les récentes découvertes faites par les chimistes et les techniciens du bois, portant sur les nombreux usages nouveaux des produits ligneux ont déjà créé des besoins supplémentaires en bois, en dehors des besoins fondamentaux de chauffage et du logement.

Dans les périodes de crise économique, lorsque les marchés paraissent saturés de bois, beaucoup d'exploitants forestiers des grands pays producteurs d'Europe et d'Amérique du Nord pourraient croire qu'il y a déjà trop de bois dans le monde. Mais si toutes les nations s'entendaient pour résoudre le problème difficile, mais non insoluble, de l'accroissement du pouvoir d'achat des pays encore peu évolués, alors des millions de nouveaux consommateurs pourraient acheter ces produits et les producteurs seraient assurés d'en obtenir un bon prix. Par des procédés judicieusement choisis pour la mise en valeur des forêts et avec l'aide de la science, des milliards de tonnes de produits supplémentaires, depuis les levures alimentaires à base de protéine et les matières plastiques, jusqu'au papier et aux maisons, pourraient être extraits des forêts chaque année, ce qui inaugurerait une ère nouvelle dans l'utilisation du bois.

Le second anneau de la chaîne. En hiver, chevaux et traîneaux descendent les grumes vers les lues et les rivières gelée.

Tel est le thème du nouveau film des Nations Unies «L'Or Vert». C'est aussi l'idée fondamentale qui est à l'origine de la création de la Division des Forêts et des Produits forestiers de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'agriculture (FAO). Les nations membres de la FAO ont confié à cet organisme la tâche d'accroître le rendement de leurs exploitations, de leurs forêts et de leurs pêcheries, et la Division des Forets et des Produits forestiers est spécialement chargée d'augmenter les ressources mondiales en bois. Elle cherche à accomplir cette tâche en encourageant ses membres à réduire les pertes de bois au cours de l'exploitation, du débit et de l'utilisation, à améliorer la répartition nationale et internationale, à augmenter le rendement des forêts existantes par des méthodes scientifiques et à créer de nouvelles forêts. Le nom même de cette Division indique l'orientation de sa politique générale. On a reconnu qu'il ne pouvait y avoir de séparation entre la forêt et ses produits, parce que la forêt est une richesse industrielle, qui une fois exploitée est transformée en une variété infinie de produits. Il serait aussi peu logique pour la FAO de ne tenir compte que des forêts que de considérer uniquement l'agriculture et l'élevage sans s'occuper des besoins alimentaires d'un monde affamé.

Pendant ses trois années d'activité, la Division a pris plusieurs mesures importantes dans ce vaste domaine. Elle a commencé par la tâche immense de rechercher des données exactes car il n'y a actuellement aucune possibilité d'obtenir une évaluation précise de toutes les ressources forestières mondiales. Elle a absorbé beaucoup d'organismes forestiers internationaux qui étaient en rivalité les uns avec les autres avant la guerre. Elle trace la marche à suivre pour les travaux des laboratoires mondiaux dans leurs tentatives pour résoudre les nombreuses difficultés rencontrées dans la transformation du bois en produits utiles. Appuyée par les 58 pays-membres, elle maintiendra son effort jusqu'à ce que les scieries provisoires d'hier deviennent les industries forestières stables et importantes de demain.

Le film «L'Or Vert» donne seulement une indication sur la ramification de ce travail, mais il met en lumière la Conférence de Marianske Lazne qui s'est tenue en Tchécoslovaquie en 1947 et a été le prélude à d'autres conférences organisées par la FAO, où les nations se sont réunies pour adapter leurs projets forestiers nationaux à un plan régional large, l'Europe a été choisie comme premier champ d'action pour la FAO, en raison de la pénurie extrême de bois qui a suivi la dernière guerre. Le travail en Europe a été effectué en trois phases qui ont été adoptées depuis comme modèle dans toutes les autres régions du monde.

Dans la première phase, des experts de la FAO se sont rendus eu Europe pour examiner sur place la situation. Ils ont constaté qu'un sixième des arbres des forêts d'Europe ont été abattus depuis 1937, tandis que certains pays dépassaient encore les possibilités de leurs forêts pour reconstruire les usines et étayer les mines afin de pouvoir assurer la production nécessaire de charbon. Ils ont constaté également que le matériel d'exploitation était usé et que les chevaux autrefois utilisés pour le transport des grumes avaient disparu et n'étaient pas remplacés. Lorsqu'on disposait de la main-d'œuvre nécessaire, les hommes ne pouvaient pas toujours être envoyés dans les forêts de montagne abattre le bois avant la fonte des neiges au printemps, parce qu'ils manquaient de la nourriture, des vêtements chauds et des chaussures convenant a leur dur travail. Pendant ce temps, la construction des habitations attendait le bois d'œuvre.

Selon une récente enquête faite dans 15 pays européens il faut construire plus d'un million et demi de maisons chaque année pendant les 5 années à venir. En face de ces besoins sans précédent, ces pays ne sont capables d'édifier qu'un demi-million environ de maisons par an. Les besoins réels en bois étaient immenses, mais comme la plupart des pays n'avaient pas suffisamment de devises étrangères pour acheter du bois d'œuvre, à l'étranger, ils durent réduire leurs demandes à la moitié de leurs besoins réels. En général, le commerce international et les voies normales de répartition ont été complètement bouleversés par la guerre et il n'y avait pas de mécanisme international capable de les remettre en marche. Une crise aiguë de bois d'œuvre semblait inévitable.

La FAO mit à exécution la seconde phase de son programme et réunit 27 pays européens à la Conférence internationale du bois à Marianske Lazne. Là, les experts étudièrent la question et estimèrent qu'en 1948 l'Europe aurait besoin d'environ 14 millions de mètres cubes de bois d'œuvre en plus des quantités qu'elle peut obtenir dans les conditions actuelles. Une mesure hardie dut être prise. Les nations se mirent d'accord pour abattre 10 pour cent d'arbres en plus de ce qui était prévu et de n'utiliser le bois que lorsque ce serait absolument nécessaire; ce qui fût largement réalisé et fournit à l'Europe environ 11 millions de mètres cubes supplémentaires de bois d'œuvre, dont elle avait grand besoin cette année-là.

Cependant, cette solution énergique signifiait une nouvelle saignée des forêts européennes déjà épuisées. Ce problème a été reconnu à Marianske Lazne. En conséquence, la FAO a décidé de mettre en application la troisième phase de son programme, en créant une Commission Européenne des Forêts et des Produits forestiers qui a la responsabilité de favoriser une bonne exploitation forestière et d'encourager les pays européens à réviser leurs plans forestiers nationaux à la lumière des futures conditions mondiales. Cet organisme a déclaré récemment que les vastes travaux de régénération et de reboisement des forêts recommandés à Marianske Lazne pour compenser l'augmentation momentanée des quantités abattues sont maintenant en voie d'exécution.

Tandis que les trois phases du programme de la FAO étaient mises en application, un nouvel organisme international est entré en scène: la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe (CEE). Cet organisme a la responsabilité générale d'encourager la reconstruction et le développement économiques du continent. La FAO et la CEE ont décidé de créer un Comité du Bois dans le cadre de la CEE, pour continuer à s'occuper des problèmes urgents des approvisionnements européens en bois d'œuvre. Vers la fin de l'année dernière, la différence entre les besoins immédiats et les quantités disponibles de bois d'œuvre en Europe qui, il y a deux ans, était apparue comme l'un des problèmes les plus alarmants de la reconstruction européenne, était pratiquement comblée. Mais il reste à obtenir davantage de bois pour les besoins réels des communautés européennes.

Le Comité a pour programme d'augmenter les exportations de bois résineux européens à 120 millions de dollars pendant les deux prochaines années. Selon ce programme, le bois doit être obtenu en mettant à la disposition des pays producteurs pour environ 16 millions de dollars de matériel forestier, depuis des harnais en cuir jusqu'à des scieries complètes. Après examen des quantités disponibles en Europe et en Amérique du Nord, on a constaté que seulement la moitié environ de ce matériel devrait être acheté avec des dollars, la plus grande partie de ce qui était nécessaire étant fabriquée en Europe et pouvant être obtenue en échange de bois d'œuvre. La Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement a donné son accord de principe pour étendre les crédits aux pays intéressés afin de leur permettre d'acheter aux Etats-Unis le matériel qui leur est nécessaire. Les négociations relatives à ces prêts de bois sont maintenant à un stade avancé, mais les accords commerciaux et financiers finaux n'ont été signés jusqu'à présent que par la Finlande. En échange de cette aide, les producteurs européens de bois se sont engagés à exporter les quantités excédentaires de bois rendues possibles par l'emploi de ce nouveau matériel. Grâce à la signature d'autres accords entre les différents pays intéressés et la Banque, l'Europe pourra disposer de plus de bois et aura fait un grand pas vers la modernisation de ses industries forestières.

La chaîne s'allonge. Le triage des grumes destinées aux scieries et aux fabriques de pâte.

En Amérique latine, la FAO a suivi le même programme d'action. Dans sa première phase, des membres du personnel de la FAO ont parcouru le continent pour examiner la situation en bois d'œuvre. Ils savaient déjà que les forêts vierges de l'Amérique latine couvraient plus de 850.000.000 d'hectares et comprenaient une grande variété d'essences; ils savaient aussi que, malgré cette richesse inouie, l'Amérique latine importait actuellement peut-être deux fois plus de bois qu'elle n'en exportait. Leur but était de trouver une possibilité de développement pour ces régions forestières. Evidemment cela nécessiterait l'adoption d'un programme commun d'action par tous les pays d'Amérique latine, avant de pouvoir réellement entreprendre la tâche gigantesque d'exploiter de nouvelles essences et de mettre sur pied des industries forestières. Ces hommes rapportèrent au siège de la FAO les conversations qu'ils avaient eues avec de hautes personnalités forestières de l'Amérique latine sur les possibilités de mise en valeur, et il fut décidé d'appliquer la seconde phase du programme.

En mai 1948, 18 pays ont assisté à la Conférence de l'Amérique latine sur les Forêts et les Produits forestiers qui eut lieu à Teresopolis au Brésil. Les nations présentes à cette conférence représentaient quatre groupements majeurs d'intérêts dans le développement forestier de l'Amérique latine. Le groupe de l'Amérique latine comprenait des pays qui avaient d'immenses richesses forestières. Le second groupe comprenait des pays industriellement très développés et qui fourniraient le matériel et l'équipement nécessaires à l'exploitation de ces forêts. Les nations européennes présentes à la conférence formaient un troisième groupe qui était intéressé aux futures possibilités d'exportation. Le quatrième groupe comprenait des experts forestiers de l'Europe et de l'Amérique du Nord qui avaient déjà une grande expérience des conditions forestières dans les pays de l'Amérique latine, et pouvaient ainsi aider ces pays à définir leurs problèmes.

Le résultat important de la conférence de Teresopolis fut l'accord unanime de tous les gouvernements intéressés d'Amérique latine, pour hâter la mise en application d'un programme d'action concret pour le développement de leur économie forestière. Aidés par la FAO, ces pays firent un état de leurs besoins immédiats en équipement et en crédits. Ils préparèrent des inventaires complets de leurs ressources forestières, l'extension des services forestiers nationaux, et l'établissement de facilités d'enseignement et d'instruction technique sur une base internationale pour tous les pays d'Amérique latine. Le problème posé par l'instruction d'un nombre suffisant de forestiers montre la nature des obstacles à surmonter. L'Amérique latine a besoin de plus de 1.000 forestiers professionnels et de plus de 2.000 forestiers semi-professionnels bien entraînés pour assurer l'exploitation rationnelle de ses magnifiques ressources forestières. Cependant, il n'y a actuellement en activité que 300 forestiers professionnels et 450 forestiers semi-professionnels, et beaucoup de ceux-ci ont besoin d'une instruction plus poussée.

Pour garder un contact étroit avec les projets forestiers nationaux, la FAO a créé un Office permanent des Forêts et des Produits forestiers pour l'Amérique latine à Rio de Janeiro au début de 1949. Avec la création d'une Commission de l'Amérique latine pour les forêts et les produits forestiers, qui a déjà tenu sa première session, la troisième phase de l'action préparatoire de la FAO était achevée pour ce continent. Le travail de base de cette Commission est d'amener tous les pays d'Amérique latine à adopter pour leurs forêts et industries forestières des programmes précis de mise en valeur dans les limites d'un cadre régional.

Lors de sa première réunion, la Commission a adopté un rapport initial sur le montant du capital et du matériel nécessaires à la mise en valeur des forêts continentales. Des études plus approfondies ont montré un autre aspect de la question, à savoir que le manque de matériel n'est pas le véritable obstacle à la mise en valeur de ces forêts. Pour que le matériel puisse servir, il doit exister auparavant une industrie capable de l'utiliser et actuellement une telle industrie n'existe que dans bien peu de cas et sur une petite échelle. C'est pourquoi ce rapport insistait sur la nécessité de capitaux, d'une direction industrielle et de marchés pour le développement systématique des industries forestières modernes dans les différents pays.

On peut se rendre compte que le problème de l'exploitation complète de ces forêts tropicales se présente sous plusieurs aspects et que la tâche à accomplir n'est certainement pas facile. Des recherches et des expériences doivent être réalisées avant de pouvoir établir des industries forestières dans la vallée de l'Amazone et les autres régions forestières tropicales de ce continent. On propose en conséquence de créer dès que possible un ou deux «combinats forestiers» dans les régions tropicales. Un tel combinat est basé sur les principes d'utilisation totale et d'aménagement méthodique d'une assez grande région forestière. On y parvient en créant diverses industries se complétant mutuellement telles que: fabrique de pâte, scierie, fabrique de cotreplaqué et, si possible, des usines capables de fabriquer un certain nombre de produits chimiques. De cette façon, les déchets d'une industrie deviennent des matières premières pour les autres et le rendement qui, dans les industries isolées est inférieur à 20 pour cent du volume du bois abattu, peut atteindre 60 ou 80 pour cent.

Si ces essais sont concluants, ils ouvriront la porte de la plus grande réserve mondiale de richesses renouvelables, capable de fournir à peu près n'importe quelle sorte de produits, destinés à la fois aux besoins intérieurs des peuples de l'Amérique latine et à l'exportation vers d'autres continents.

Contrairement aux pays d'Amérique et d'Europe, l'Extrême-Orient a relativement peu de ressources forestières. De ce fait, les populations très denses de ces régions doivent se contenter de quantités de bois bien inférieures à celles dont disposent les peuples de l'Europe et des deux Amériques. Leurs besoins en bois sont si grands qu'il serait vain d'espérer les satisfaire à brève échéance, soit grâce à la production des forêts d'Extrême-Orient, soit par des importations massives des autres continents. Cette pénurie de bois est en grande partie le résultat de siècles de destructions forestières et de mauvaise gestion consécutives à l'exploitation abusive de ces régions par une population sans cesse croissante, le besoin de produits alimentaires a été si grand dans beaucoup de pays que des cultures ont été entreprises sur le flanc de collines où les forêts n'auraient jamais dû être abattues. Dans d'autres pays, des forêts ont été complètement détruites et les surfaces qu'elles occupaient sont maintenant dénudées et stériles. Il en est résulté une vaste érosion des terres arables qui a atteint aujourd'hui des proportions alarmantes et menace l'existence même de mil lions de personnes. Il n'y a aucune issue à ce cercle vicieux si ce n'est d'aider les gouvernements à organiser et à réaliser un vaste reboisement des étendues déboisées. En attendant, grâce à la mise en valeur rationnelle des quelques forêts demeurées inexploitées, à l'accroissement des exportations de bois des zones les plus riches en forêts vers les autres parties de la région, et à la meilleure utilisation des ressources existantes, on peut subvenir en grande partie à deux des besoins les plus urgents, c'est-à-dire le bois de chauffage et le bois d'œuvre bon marché pour le logement et les autres travaux de construction.

Coupe du papier journal selon les dimensions exigées par les presses. L'argent que vous donnez pour votre journal retournera en partie au forestier, complétant ainsi la chaîne.

Dans cette région, la FAO a réalisé les deux premières parties de son programme forestier. Après des échanges de vues préliminaires avec les hauts fonctionnaires des forêts d'Extrême-Orient, la Conférence pour les forêts et l'utilisation du bois fut convoquée à Mysore, en Inde, en 1949. C'était la première réunion internationale qui ait jamais eu lieu sur les problèmes forestiers de l'Asie et du Pacifique et les dix pays assistant à cette réunion répondirent avec enthousiasme.

En ce qui concerne le problème immédiat de procurer aux villages davantage de bois de chauffage et de charbon de bois, les délégués à cette Conférence furent d'accord sur un certain nombre de mesures que les gouvernements auraient à appliquer. Il y a beaucoup plus de bois disponible qu'on ne le reconnaît généralement, mais il doit être transporté des régions excédentaires vers les régions pauvres et par suite doit être utilisé avec économie. Des fours de carbonisation et des scieries modernes réduiraient les déchets dans l'utilisation du bois, et augmenteraient ainsi les quantités de produits disponibles.

En ce qui concerne le problème capital de la lutte contre l'érosion du sol, la Conférence a demandé à chaque gouvernement de la région de nommer une autorité centrale chargée de définir et d'appliquer les méthodes nécessaires à la bonne utilisation et à la conservation du sol. Elle a proposé que des lois soient votées dans chaque pays, permettant au gouvernement de prendre des sanctions lorsque l'application de ces mesures serait négligée, sur les terres tant domaniales que privées. Elle a aussi réclamé des mesures hardies de protection et de reboisement dans les bassins de réception des principales rivières de cette région, ainsi que des projets de reboisement sur une grande échelle. L'application de toutes ces mesures sera activement contrôlée par le groupe de travail de la FAO pour l'Extrême-Orient, récemment créé.

Cette troisième phase du programme est prévue pour 1950, ainsi que la création d'une Commission des Forêts et des Produits forestiers pour l'Asie et le Pacifique, qui a été demandée à la Conférence de Mysore.

La FAO a également commencé à étendre son activité dans les autres régions forestières du globe. Dans le Proche-Orient, où la restauration des forêts est une impérieuse nécessité, la première phase du programme de mise en valeur est maintenant en cours d'exécution dans les pays membres de l'Organisation. Un voyage d'étude en Afrique a également été entrepris et des échanges de vues ont lieu entre la FAO et les personnalités forestières des pays de ce continent. Dans la partie de l'Amérique du Nord comprenant les Etats-Unis, le Canada et l'Alaska, il existe déjà des services forestiers bien organisés, chargés de l'aménagement rationnel de ces immenses ressources forestières, et les grandes sociétés industrielles améliorent sans cesse leurs méthodes d'exploitation. La dernière grande région forestière du monde est située en URSS. Ce pays n'est pas encore membre de la FAO, mais le gouvernement de l'Union Soviétique applique des mesures qui laissent présager une mise en valeur judicieuse des immenses forêts de ce pays.

Tant que des besoins existeront dans le monde, la tâche de la FAO sera d'augmenter les quantités actuellement disponibles de produits alimentaires et de bois et de les diriger là où le besoin s'en fait le plus sentir. Mais dans l'avenir, elle devra faire pratiquer une meilleure utilisation de la terre afin de contribuer à la création d'un monde mieux nourri et mieux logé. Pour ces tâches, nous devons avoir recours à la forêt, car outre son rôle, qui est de protéger les récoltes et d'emmagasiner les eaux, la forêt est l'usine qui produit la première ressource terrestre renouvelable: le bois.

Les photographies illustrant cet article ont été aimablement communiquées par: La Section de Documentation publique des Nations Unies - Les Services royaux de Documentation de Norvège - L'Association Touristique Suèdoise - Le Bureau National Canadien du film.


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