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Troisième congrès forestier mondial

par la DIVISION DES FORÊTS ET DES PRODUITS FORESTIERS

Le premier Congrès forestier mondial avait eu lieu à Rome en 1926, le deuxième à Budapest en 1936 et le troisième était prévu pour 1940 et devait être l'hôte du Gouvernement finlandais. Cependant, la guerre survint et le congrès dut être ajourné. C'est un heureux présage que la foresterie, science pacifique et de longue durée puisse reprendre là où elle a dû faire place à l'activité destructrice et provisoire de la guerre et que le Gouvernement finlandais soit à nouveau prêt à accueillir une assemblée de forestiers du monde entier. Lors de sa session de Genève en 1947, la Conférence annuelle de la FAO a accepté avec enthousiasme la proposition de la Finlande que Helsinki fût le siège du troisième Congrès forestier mondial.

Les travaux préparatoires effectués par le Comité d'organisation crée par le Gouvernement finlandais furent vraiment remarquables: toutes les personnes qui assistaient au Congrès se souviendront avec gratitude de leurs résultats. Il convient de féliciter le Professeur Saari, président de ce Comité, M. Leppo, son secrétaire général, ainsi que les membres de leur personnel.

Le Congrès forestier mondial a fourni l'occasion aux forestiers de toute les parties du monde qui, individuellement, venaient comme experts et spécialistes, d'exprimer leurs opinions et leur expérience, d'échanger des idées et d'augmenter leurs connaissances en obtenant une vue d'ensemble de leurs problèmes communs ou différents, ce qui fait leur valeur et leur utilité.

L'organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture a une dette de reconnaissance envers le gouvernement finlandais qui a bien voulu assumer la tâche difficile de l'organisation du Congrès. Aucun pays n'aurait pu réserver aux congressistes un accueil plus chaleureux et plus généreux. Dans le discours qu'il a prononcé à la seconde réunion plénière, le Directeur de la Division des Forêts et Produits Forestiers de la FAO a fait ressortir l'importance des délibérations du Congrès pour le travail de la FAO, et le présent article étudie les actes du Congrès afin d'en retenir, dans le domaine de la sylviculture et de l'utilisation du bois considérés chacun séparément et dans leur ensemble, les tendances et les principes qui auraient pu se dégager et qui pourraient guider et aider dans le choix de politiques nationales, régionales ou internationales.

Les difficultés du Congrès

Si l'on peut dire que, dans cet ordre d'idées, le Congrès est arrivé en effet à des résultats importants, il faut convenir que ces résultats n'ont pu être obtenus qu'en surmontant des difficultés, inévitables à la vérité dans une pareille réunion, et inhérentes à son principe même, mais qui ne s'opposaient pas moins au succès technique de celle-ci.

La moindre de ces difficultés est peut-être la question des langues. Il est certain qu'une même réalité exprimée dans la langue de chaque expert par un terme donné, prend souvent des aspects divergents lorsque ce terme est traduit en anglais ou en français, langues officielles du Congrès, sans parler de la difficulté d'exprimer en ces deux langues exactement la même idée.

Cette difficulté a été reconnue du reste par le Congrès, qui a exprimé le vœu qu'un dictionnaire forestier soit mis à l'étude pour toutes les grandes langues mondiales. Ce dictionnaire ne se contenterait pas d'une simple traduction. Il contiendrait, en outre, la définition précise des mots les plus courants et les plus importants du vocabulaire forestier. C'est là une entreprise de longue haleine et qui nécessitera la collaboration d'un nombre considérable d'experts de tous les pays intéressés.

Mais la principale difficulté était dans le statut quelque peu ambigu des membres du Congrès. C'est un principe généralement admis lors des conférences internationales que, si les gouvernements n'ont pas été invités directement à envoyer des représentante officiels, les délégués sont supposés parler en leur nom propre, en tant qu'experts émettant leur propre opinion et dont les paroles ne peuvent engager leurs gouvernements. Lors des congrès internationaux, les participants ont naturellement tendance à former des groupes nationaux qui ont l'apparence, mais non la qualité juridique, d'une délégation nationale. Néanmoins, l'emploi étendu du terme «délégation» rend un peu confus, dans ce cas, la distinction entre les opinions personnelles des participants et les politiques officielles des gouvernements.

Ajoutons à cela que les délégations étaient d'importance très diverse et que certains pays jouant dans le monde un rôle essentiel, du point de vue économique général comme du point de vue forestier, tels l'Inde, le Pakistan, les grands pays sud-américains, n'étaient représentées que par un ou deux délégués.

Tout cela n'avait qu'une importance mineure tant que le Congrès s'en tenait strictement aux problèmes scientifiques ou techniques. Certes, l'accord ne fut pas toujours unanime sur toutes les questions de cet ordre, mais il suffisait alors au Congrès d'enregistrer les diverses tendances et les opinions opposées. Cependant, certains problèmes techniques touchent de très près à la politique forestière. Peut-être est-ce à tort que les mots «politique forestière» avaient été inclus dans le texte de l'une des sections du Congrès. Chaque politique nationale est déterminée par le pays intéressé, en tenant compte naturellement, d'une part, des données de la technique et, d'autre part, de ses besoins économiques et sociaux. Peut-être eut-on évité des malentendus en intitulant seulement cette section: «Problèmes économiques et sociaux».

Ouverture du Troisième Congrès forestier mondial dans le dans le grand amphithéâtres de l'Université d'Helsinki. Le Président de Finlande, M. Paasikivi, prononce son discours.

Ainsi que le Directeur de la Division des Forêts et Produits forestiers de la FAO a pris soin de le souligner, la politique forestière ne devrait pas être discutée lors des réunions internationales par des représentants officiels des gouvernements intéressés. Certains délégués n'avaient pas cette considération nettement présente à l'esprit et si l'unanimité s'est finalement faite sur la question la plus importante soulevée à cette section, ce ne fut qu'après un débat quelque peu prolongé.

En dépit de ces obstacles, le Congrès a abouti, on l'a dit, à des résultats tangibles et importants. Ils peuvent, croyons-nous, se classer sous deux chapitres, qui forment la synthèse des conclusions particulières des cinq sections du Congrès.

Aspect international des problèmes forestiers

En premier lieu, le Congrès a reconnu l'importance de la forêt sur le plan international, que cette importance dérive de ses utilités de protection ou de production. Ce n'est pas là une simple tendance, mais bien plutôt une constatation. Les forestiers et les professionnels des industries du bois des diverses parties du monde peuvent différer sur des points de détail nombreux. Leurs problèmes ne sont nulle part les mêmes et les solutions à y apporter varient suivant les latitudes et les longitudes. Mais, du moins, tous partagent les mêmes idées essentielles, ces mêmes notions d'utilité et de rendement soutenu, qui sont le fondement et la justification des politiques forestières. Ces notions ne sont plus du reste, exclusivement celles des techniciens: il semble que dans chaque pays elles se répandent aussi, plus ou moins rapidement, non seulement parmi les milieux dirigeants, mais même parmi le public le plus large.

Cette façon de penser commune aux forestiers et aux techniciens du bois de tous les pays, à laquelle s'ajoute le sentiment de la solidarité qui unit tous les peuples du monde - sentiment développé peut-être encore par les progrès de la civilisation -, devait entraîner tout naturellement la reconnaissance de l'importance du rôle international de la forêt et des industries du bois.

Cette reconnaissance s'est marquée par les recommandations générales sur la politique forestière que le Congrès a jugé opportun de détacher des recommandations des sections et de faire figurer aux premières pages de son rapport. Elles expriment le désir de l'Assemblée que la FAO présente aux états-membres un exposé des principes de base d'une politique forestière, principes dont le Congrès a lui-même indiqué, d'ailleurs, les éléments fondamentaux. Ces recommandations expriment, en outre, le vœu que la FAO assiste les états dans la formulation de leurs politiques forestières, et enfin que la Conférence annuelle de l'Organisation examine les mesures qui pourraient être prises ultérieurement par les états-membres pour la mise en œuvre des principes de cette politique.

L'importance de telles recommandations, dans ce qu'on peut appeler l'histoire forestière du monde, n'échappera à personne. Pour la première fois, l'adhésion unanime des experts de tous les pays est acquise à la nécessité d'une action internationale en faveur de la forêt. Les principes de cette action sont indiqués. L'organisation internationale chargée de les codifier et de les promouvoir est désignée. En tant qu'experts, les membres du 3ème Congrès forestier mondial pouvaient peut-être aller encore plus loin. Ils ont cependant magnifiquement répondu à l'appel que leur avait lancé, au début du Congrès, l'éminent vétéran de la forêt mondiale qu'est M. Fjelstadt.

Conception plus large de la foresterie

La seconde idée qui se détache, avec non moins de force, des études du Congrès, est une idée également chère à la Division des Forêts et Produits forestiers de la FAO.

Cette idée, c'est que les sciences et techniques de la forêt n'ont pas seulement à résoudre, en eux-mêmes et pour eux-mêmes, de simples problèmes de sylviculture. A la forêt dans son ensemble, et même peut-on dire à chaque forêt prise isolément, est associé un complexe de phénomènes physiques, économiques, industriels et sociaux qui ont avec elle des liens si étroits qu'aucun d'eux ne peut être examiné indépendamment de la forêt et qu'inversement la forêt ne peut être examinée qu'indépendamment d'eux.

Sans doute, les forestiers ont toujours réalisé, par exemple, que leurs forêts étaient un élément essentiel de la protection des sols agricoles et du régime des eaux. Mais peut-être ne concevaient-ils pas exactement jusqu'à ces dernières années, le rôle qui devait être le leur dans l'organisation générale des services nationaux de conservation des sols; peut-être leurs idées se sont-elles précisées quant aux responsabilités qui pèsent sur eux. Il en sera de même des problèmes sociaux que soulève la forêt, qu'il s'agisse des problèmes intéressant directement les travailleurs de l'exploitation ou de l'industrie du bois, ou bien des problèmes plus vastes intéressant les populations rurales et urbaines et dérivant de l'utilité protectrice de la forêt.

Mais l'exemple le plus frappant de l'évolution qui s'est faite dans les idées, est l'intégration à ce «complexe forestier» des industries du bois. Le Congrès a reconnu, ainsi qu'il l'a vigoureusement exprimé dans son rapport, que la forêt ne pouvait être dissociée des industries qu'elle alimente. Le forestier doit donc orienter le traitement de ses massifs vers la satisfaction des besoins des industries dans les meilleures conditions possibles. Mais, inversement, l'industrie du bois ne peut se désintéresser de la forêt qui assure son approvisionnement, et le technicien de cette industrie doit viser à adapter celle-ci aux limitations que les lois naturelles imposent à la sylviculture. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit là d'une reconnaissance bipartite à laquelle ont participé aussi bien les sylviculteurs que les experts de l'industrie présents au Congrès. Elle en acquiert une importance qui ne saurait être sous-estimée.

Travaux des sections

Les travaux des différentes sections peuvent être maintenant exposés plus en détail. C'est principalement dans la Section I, consacrée à la sylviculture pure, que devaient le mieux apparaître les tendances auxquelles il vient d'être fait allusion, bien que ces dernières se soient particulièrement cristallisées, comme on l'a déjà signalé dans la Section III.

Section I - «Silvics» et sylviculture

D'un point de vue purement sylvicole, une tendance vers l'industrialisation paraît en effet se détacher nettement du Congrès. Fortement influencés par les développements de la phytogéographie et de la phytosociologie et par les progrès de l'étude des lois de l'évolution des peuplements végétaux, les forestiers, depuis 1920 environ, inclinaient volontiers vers une sylviculture dont le but essentiel était d'apporter le moindre trouble à cette évolution naturelle et de constituer des peuplements aussi voisins que possible du climax.

Sans doute la considération des lois de la phytosociologie n'a-t-elle nullement perdu de son importance. Mais, évidemment influence par la considération des besoins industriels et humains qu'il est appelé à satisfaire, le forestier a constaté que si, dans certains cas, les essences du climax sont les essences économiquement les plus intéressantes, dans d'autres, ce sont au contraire les essences dites «pionnières» qui présentent ce caractère. Il appartient alors au forestier d'arrêter l'évolution naturelle vers le climax au stade où ce peuplement pionnier est obtenu, tout en assurant bien entendu la conservation de la forêt et en respectant la règle du rendement soutenu. Souvent même, le peuplement économiquement le plus intéressant peut être un peuplement complètement artificiel obtenu par la plantation d'essences étrangères à la station. C'est ainsi qu'on est amené à constituer de toutes pièces, sur de nombreux points du globe, des peuplements dont les résineux, parfois transplantés de régions très lointaines, constituent le seul élément de valeur économique.

Cette tendance se manifeste même dans les idées sur la mise en exploitation des forêts vierges. Une partie des forestiers tropicaux paraît disposée à renoncer au processus d'enrichissement lent de la forêt tropicale hétérogène et à adopter des méthodes plus ou moins brutales qui, naturellement ou artificiellement, remplaceront cette forêt par une autre forêt homogène et entièrement constituée d'arbres de haute valeur commerciale.

On peut dire à juste titre devant une telle évolution des idées, que la sylviculture tend à «s'industrialiser», non seulement parce que l'homme y intervient plus vigoureusement pour plier la nature à ses besoins, mais parce que les peuplements ainsi constitués, en raison de leur homogénéité, répondent mieux aux exigences d'une exploitation économique et aux besoins de l'industrie du bois considérée dans son ensemble.

Une conséquence de cette tendance est peut-être l'attention de plus en plus vive apportée aux questions de génétique forestière. Si l'on constitue des peuplements purs et homogènes, pour ainsi dire en contradiction avec les lois de l'évolution phytosociologique, il est évidemment désirable constituer avec des variétés ou des races des essences utilisées qui soient parfaitement adaptées au climat local, dont la croissance soit aussi rapide que possible tout en produisant du bois de qualité supérieure, et qui résistent bien aux maladies et aux attaques d'insectes.

Comment peut-on s'assurer la constitution de tels peuplements? Ici aussi la tendance à l'industrialisation apparaît de nouveau. Les vieux procédés de la régénération naturelle, le choix de bons semenciers, l'élimination progressive dans les peuplements des arbres de phénotype médiocre, bref la sélection naturelle telle que la pratiquent depuis longtemps les vieux pays forestiers, n'apparaît plus que comme un procédé long et incertain. Même les semis ou les plantations à partir de graines récoltées sur des peuplements naturels d'élite soigneusement repérés apparaissent insuffisante à nombre de techniciens. La solution de l'avenir leur paraît résider dans l'installation de vergers de graines, qui, grâce aux procédés modernes de greffage et de bouturage, permettraient la récolte rapide de semences d'arbres forestiers dont le génotype serait vérifié par les méthodes les plus sûres.

On n'a pas, il est vrai, discuté au Congrès des perspectives qu'ouvre à la sylviculture l'utilisation des phénomènes d'hétérosis, de l'hybridation et des polyploïdes. Mais ce n'est pas mal interpréter les tendances qui s'y sont manifestées que de dire que beaucoup de forestiers entrevoyaient peut-être déjà une industrialisation plus poussée encore de leurs peuplements, dont les arbres d'élite au moins pourraient dériver des semences issues directement des laboratoires de génétique forestière.

Il convient d'ajouter que, malgré tout, les forestiers qui cèdent à la tendance que nous venons de décrire ne se font pas d'illusions sur les graves dangers qui menacent peut-être les peuplements qu'ils constituent. On ne peut, en effet, agir contre la nature sans s'y exposer.

Pour les forestiers européens surtout, ces dangers apparaissent d'autant plus qu'ils ont sous les yeux l'échec évident résultant de la constitution de peuplements résineux, homogènes, équiennes et purs sur de vastes étendues dans le centre du continent, mais il semble que, tandis que pour des techniciens assez peu nombreux cet échec est considéré comme un avertissement péremptoire d'avoir à se conformer de plus près aux grandes lois de la phytosociologie, pour le plus grand nombre, il n'est que l'indication que des méthodes doivent être recherchées qui permettront d'éduquer des peuplements du même type tout en échappant aux très graves inconvénients qu'entraîne leur homogénéité.

On s'explique ainsi les directions dans lesquelles s'oriente plus spécialement la recherche forestière moderne. Parmi les dangers qui menacent ces peuplements (plus ou moins) artificiellement maintenus dans des conditions naturelles de déséquilibre, les maladies et les attaques d'insectes sont ceux qui se font le plus aisément remarquer. Malgré les soins apportés à l'hygiène des peuplements, malgré l'efficacité accrue de certaines méthodes d'attaque directe, malheureusement coûteuses, les recherches de la génétique constituent le seul grand espoir de la lutte contre ces maladies et ces insectes.

Mais le plus grave danger consiste certainement dans la dégradation du sol forestier, ou du moins dans la perte graduelle de sa fertilité sous des peuplements auxquels il n'était pas naturellement destiné. Moins spectaculaire que le précédent, ce danger n'apparaît qu'à la longue, parfois seulement à la deuxième ou à la troisième génération des peuplements. Et cependant, les sols qui portent ces massifs, les principes fertilisants qu'ils renferment, ne sont-ils pas le capital essentiel que le forestier doit conserver tout en le faisant fructifier? On conçoit ainsi que les recherches de pédologie prennent, parmi les recherches de sylviculture, une place de premier plan. Et, parmi ces recherches on accorde le plus d'attention à celles qui portent sur l'évolution de ces sols sous l'action de couverts différents et des humus qui les constituent. C'est jusqu'ici la composition chimique des sols et son évolution qui avait retenu principalement l'attention des chercheurs. Plusieurs rapports présentés à la première Section ont montré l'importance de la biologie des sols, et particulièrement de l'étude détaillée de leur faune, dont les variations ont non seulement une influence qui paraît décisive sur les qualités physiques et chimiques des sols, mais constituent un indicateur très sensible de leur évolution.

Ainsi, grâce à ces recherches, les forestiers espèrent se mettre en mesure, non seulement de détecter les dangers courus par le sol de leurs forêts, mais encore de trouver les moyens d'y remédier et de restaurer ou de conserver la fertilité primitive du sol. Parmi ces moyens, on peut citer les apports d'engrais ou la culture du sol. Mais la méthode dès maintenant la plus usitée consiste dans l'introduction de sous-étages, et en particulier de sous-étages feuillus sous les peuplements résineux purs.

On ne s'étonnera pas que la tendance qui vient d'être analysée rencontre cependant d'assez vives oppositions. Les tenants d'une sylviculture plus proche de la nature n'ont pas manqué de faire entendre leur voix et d'opposer à cette tendance des arguments de la plus haute valeur, aussi bien en ce qui concerne les forêts tropicales que les forêts des régions froides ou tempérées. L'opinion a été exprimée qu'un point de vue trop étroit ne saurait ici se justifier, mais que, précisément, suivant la région où il se trouve placé, le forestier doit essentiellement tenir compte des besoins de cette région et des nécessités de ses industries du bois. Dans certaines parties du monde, telles que l'Europe centrale et septentrionale, l'évolution des peuplements forestiers tend naturellement vers un climax constitué par des arbres de haute valeur économique, dispensant ainsi le forestier de lutter contre cette évolution normale. Par contre, dans les régions méditerranéennes et atlantiques, le forestier ne peut tolérer que les vastes étendues qui lui sont confiées ne produisent que des essences inutilisables ou difficilement utilisables par l'industrie, et dont, par voie de conséquence directe, le propriétaire forestier se désintéresse, aussi bien que des massifs boisés qui lui appartiennent. Un parallèle pourrait ici facilement s'établir entre ces régions de l'ancien monde d'une part, et les zones atlantiques, pacifiques et septentrionales de l'Amérique du Nord d'autre part.

D'autres arguments ont encore été présentés de part et d'autre. On a fait observer que l'établissement de peuplements résineux qui paraissent «exotiques» n'est parfois qu'une reconquête par les forestiers, certaines essences avant été éliminées de leur aire naturelle par des fluctuations géologiques particulières et n'ayant pu s'y rétablir ensuite alors que les conditions climatiques leur redevenaient favorables. On a noté aussi que l'établissement sur un site donné d'un peuplement artificiel pouvait être le moyen d'y reconstituer l'ambiance forestière nécessaire à la reconstitution progressive de la forêt naturelle.

Sera-t-il permis d'ajouter ici que peut-être ces discussions n'ont pas assez pris en considération les possibilités futures de l'adaptation des industries forestières à des matières premières qui paraissent aujourd'hui sans valeur ou de valeur inférieure. Certains des arguments apportés en faveur de ce que nous avons appelé l'«industrialisation» de la sylviculture perdraient sans doute un peu de leur vigueur si l'on considérait jusqu'à quel point l'industrie du bois a réussi à s'accommoder, dans certaines régions, de matériaux qu'une estimation trop hâtive avait jugés inutilisables.

Quoiqu'il en soit, il importe, pour parfaire le tableau de ces tendances, de signaler encore un point important. C'est que les divergences de vue s'effacent de façon complète lorsque les forestiers, qu'ils viennent des régions tropicales ou d'autres parties du monde, se trouvent en présence de massifs dont le rôle primordial est un rôle de protection plutôt que de production. Une telle situation entraîne la nécessité - universellement reconnue - d'appliquer à ces massifs des méthodes sylvicoles prudentes. Toute méthode qui risquerait de découvrir dangereusement les sols, d'entraîner des phénomènes d'érosion, ou simplement d'en compromettre la fertilité - si fragile notamment sous les climats tropicaux - enfin de gêner, de quelque manière que ce soit, la reconstitution des peuplements exploités, doit alors être rigoureusement exclue.

Tout ce qui précède montre clairement l'effort considérable entrepris par les sylviculteurs pour répondre aux exigences des industries du bois et à l'évolution générale des besoins en bois de l'humanité. Il faut seulement souhaiter que les recherches actuellement en cours donnent les résultats qu'on en escompte et que ces résultats soient susceptibles d'être largement appliqués. Mais il faut observer une certaine circonspection.

Il importe, s'il est constaté que les méthodes auxquelles ceux-ci paraissent actuellement donner la préférence, entraînent la perte graduelle de la fertilité du sol - capital essentiel de l'humanité -, qu'ils n'hésitent pas à revenir, avant qu'il soit trop tard, à l'observance des grandes lois naturelles dont l'étude a maintenant réalisé des progrès considérables et continue d'ailleurs à se poursuivre avec la plus grande activité.

Section II - Inventaires forestiers

Les problèmes que la Section II avait à examiner, c'est-à-dire ceux de la reconnaissance, du lever et de l'inventaire forestier, pouvaient, à première vue, apparaître comme très spécialisés et ne présenter un intérêt réel que pour les techniciens qui se préoccupent particulièrement de ces questions ardues. Ce serait là une opinion très superficielle et le moindre mérite des discussions de cette Section n'aura pas été de démontrer le rôle essentiel de ces techniques dans l'ensemble des techniques de la forêt et des industries du bois. Un rapport général sur la mise en exploitation des forêts vierges avait du reste fait opportunément remarquer que l'une des principales causes des échecs subis jusqu'à ce jour résidait dans l'ignorance ou l'estimation erronée des ressources forestières commercialisables renfermées dans les massifs auxquels l'exploitation s'était attaquée.

La solution des problèmes posés à la Section II n'intéresse donc pas seulement le sylviculteur, mais aussi et en première ligne l'industrie du bois. Mieux vaudrait dire encore qu'elle est à la base même de toute politique forestière, qu'elle soit nationale, régionale ou mondiale. Car, de même que l'aménagement rationnel d'une forêt quelconque ne peut se concevoir sans une connaissance aussi précise que possible de son étendue, de ses particularités géologiques, pédologiques et topographiques, du matériel qu'elle renferme et du volume que ce matériel produit annuellement, de même une politique forestière ne peut valablement s'établir et se fixer des buts économiques et sociaux définis sans une connaissance suffisante des massifs forestiers qu'elle prétend englober et régir.

Telle est l'affirmation principale qui ressort des délibérations de cette Section et qui s'impose à la méditation de bien des pays qui hésitent à consacrer aux opérations de reconnaissance et d'inventaire forestiers les crédits indispensables.

La reconnaissance de l'importance internationale de la forêt et de ses produits impose cependant aux pays un autre devoir. Non seulement les méthodes d'évaluation du matériel sur pied, de la coupe et des prélèvements dus aux facteurs naturels, sont différents d'un pays à l'autre, mais les résultats auxquels aboutissent ces méthodes sont rarement entièrement comparables entre eux. L'emploi d'unités diverses n'aurait qu'un faible inconvénient, mais les classifications différentes des diverses catégories de bois, l'inclusion ou non dans les inventaires de certaines parties des arbres, l'approximation très variée suivant les pays des nombreux éléments de l'inventaire, rendent très difficile le rassemblement d'informations homogènes. L'effort tenté par la FAO à ce sujet dans le courant des dernières années a reçu, de la part de la Section et du Congrès, un vif encouragement. L'importance des résultats qu'elle a déjà obtenus a été hautement reconnue. Cependant, dans le même ordre d'idées, un travail considérable reste à accomplir que seule cette Organisation est capable de réaliser, et dont le Congrès lui a effectivement confié le mandat.

Quant aux procédés mêmes à mettre en œuvre pour améliorer, dans chaque pays, la connaissance sous tous ses aspects de la forêt nationale, ils ont également fait l'objet des études de la Section. Le plus important de ces procédés est évidemment la photogrammétrie aérienne, dont l'emploi s'est si largement généralisé au cours des dernières années. Ses immenses possibilités ont été unanimement reconnues, mais les experts ont jugé cependant nécessaire de mettre en garde, dans l'état actuel des techniques, contre un optimisme exagéré. Malgré les succès obtenus dans des cas particuliers, la connaissance précise de la forêt ne saurait présentement se dispenser des opérations au sol. La photographie aérienne, en dehors des vastes facilités qu'elle offre pour les relevés planimétriques et topographiques, peut apporter des simplifications considérables aux inventaires par échantillonnage. Elle peut à la fois en augmenter la précision et en diminuer le prix de revient. Elle ne saurait, du moins pour l'instant, en supprimer la nécessité.

D'utilisation relativement récente dans le domaine forestier, les méthodes de la photographie aérienne aussi bien que les méthodes d'échantillonnage au sol donnent lieu à des applications très diverses suivant les pays. On ne peut s'étonner assurément que chaque pays recherche une approximation différente des résultats à obtenir. Mais, pour chaque cas particulier, il existe sans aucun doute une méthode plus efficace que toutes les autres. Dans ce domaine en voie d'évolution rapide et constante, il est donc d'une très grande importance que les techniciens soient tenus au courant des progrès et des recherches réalisés dans les divers pays. C'est précisément là l'objet d'une enquête récemment entreprise par FAO en raison non seulement de l'aide qu'elle peut apporter aux techniciens de chaque pays, mais des progrès qu'elle est également susceptible de faire réaliser en vue de l'unification des résultats des inventaires forestiers à l'échelle internationale.

D'autres problèmes encore ont été examinés par la Section II, en particulier celui de la mesure de l'accroissement, qui soulève de très difficiles questions, dont l'étude a été confiée à l'Union internationale des Instituts de Recherche Forestière.

On attirera plus spécialement ici l'attention sur l'étude des relations de la forêt avec le régime des eaux. L'intérêt que cette étude a suscité montre bien la préoccupation des forestiers d'intégrer plus étroitement les terres dont ils ont la charge à la vie économique de chaque pays. Il était bon que cette Section, qui devait s'intéresser essentiellement à la production de la forêt, à son utilité directe et à l'évaluation de cette utilité, se préoccupe également de l'utilité indirecte des forêts, qui est l'autre aspect de leur importance économique, et des possibilités de mesure de cette utilité.

Depuis longtemps des expériences successives et qui se poursuivent encore ont montré dans de nombreux pays l'influence de la forêt sur le ruissellement, la régularisation du régime des eaux et la correction des phénomènes torrentiels. Malheureusement dans de nombreux pays aussi le rôle ainsi reconnu à la forêt sur l'ensemble des bassins fluviaux et torrentiels est entièrement négligé. Même dans les milieux les plus avertis, la croyance subsiste encore qu'un système bien compris de digues, de barrages de retenue et d'ouvrager hydrauliques, est susceptible dé remédier à lui seul au désordre du régime des eaux d'un bassin quelconque, alors qu'en réalité la correction permanente de ce désordre et de ses conséquences sur la stabilité des terres ne peut être obtenue qu'en restaurant et en maintenant sur la surface de ce bassin un taux de boisement convenable et convenablement réparti.

Il était bon qu'une telle constatation soit formulée par le IIIème Congrès forestier mondial. Elle dénote la conscience prise par les forestiers de leur rôle élargi dans la vie économique et sociale de chaque pays. Il faut souhaiter qu'elle attire l'attention du public sur l'insuffisance du rôle généralement réservé à la forêt et aux forestiers dans les programmes d'ensemble de conservation ou de restauration du sol et des ressources naturelles.

Section III - Economie forestière, y compris la politique forestière

Chargée de l'étude des problèmes économiques et sociaux les plus actuels intéressant la forêt, elle fut celle dont les études furent suivies avec le plus d'assiduité par les membres du Congrès.

Beaucoup des questions étudiées ont déjà été mentionnées. C'est ainsi que le désir d'une compréhension plus précise, et plus acceptable à l'échelle internationale, de termes qui reviennent constamment dans le vocabulaire des économistes forestiers s'est fait jour dans le remarquable rapport présenté par le Professeur Saari, Président du Congrès, sur le «rendement soutenu» et dans la discussion qui l'a suivie. Cette discussion a permis de constater l'accord des forestiers sur ce qu'ils entendent en réalité par ces deux mots. Ces deux mots en effet, lorsqu'ils sont appliqués à une forêt déterminée, entraînent des implications dynamiques exprimant la recherche d'un rendement, certes continu, mais aussi élevé que possible, à la fois en qualité et en quantité, de telle sorte que l'idée qu'ils recouvrent serait peut-être, en ce cas, mieux exprimée par les mots de «Rendement progressif» suggérés par le Professeur Saari.

Le Professeur Eino Saari, Président du Troisième Congrès forestier mondial.

L'examen des problèmes du reboisement permet de nouveau de constater la préférence accordée aux résineux et aux feuillus à croissance rapide, en accord avec les besoins de l'industrie. Cependant, on met aussi l'accent sur l'aspect social du reboisement, qui ouvre des possibilités d'emploi, retient à la terre des populations dont l'agriculture ne saurait à elle seule assurer la subsistance, arrive même parfois à reconstituer des noyaux de population dans des régions depuis longtemps abandonnées.

On touchait ainsi à une autre question qui figurait également au programme de la Section III, celle des relations de l'agriculture et de la sylviculture dans l'économie rurale. Le rôle d'équilibre que joue la forêt vis-à-vis des populations campagnardes, soit comme source de travail, soit comme source de revenu fut clairement démontré.

Dans les grands pays forestiers, les forêts constituent l'élément essentiel permettant de créer et de maintenir des communautés stables; dans les principales régions agricoles, elles exercent aussi une très grande influence. Ces faits ont déjà été largement reconnus.

Cette question se trouve du reste intimement liée à celle de l'emploi et du chômage des travailleurs de la forêt et des industries du bois, puisque, du moins dans les pays de petite forêt, ce sont les communautés agricoles qui fournissent aux exploitations forestières, et même parfois aux usines la plus grande partie de leur main-d'œuvre. Mais les responsabilités des forestiers et des techniciens du bois deviennent tant plus lourdes que l'activité économique d'une région entière dépend de plus en plus étroitement de la forêt et de la forêt seule. Une telle situation nécessite non seulement que la stabilité de leur emploi soit assurée aux travailleurs, mais aussi que, malgré les progrès réalisés jusqu'à ce jour, ils puissent jouir encore de meilleures conditions de travail, de logement, d'alimentation et de sécurité sociale.

L'exposé qui précède montre suffisamment comment s'enchaînent et se lient les unes aux autres, toutes les questions relatives à la forêt et au bois. Il n'est évidemment plus possible, après le IIIème Congrès forestier mondial, de parler de sylviculture sans avoir présente à l'esprit l'influence de telle ou telle sylviculture sur l'ensemble des industries du bois, sur le comportement social des ouvriers de la forêt et du bois, sur l'évolution économique des localités rurales, sur l'ensemble des conditions physiques et économiques d'un pays tout entier, d'une région ou du monde. Inversement, les variations d'équilibre de chacun de ces éléments réagissent les unes sur les autres, et sur la sylviculture elle-même.

Cette interdépendance de la technique et des conditions économiques et sociales se manifeste particulièrement dans le problème de la mise en exploitation des forêts vierges. La IIIème Section a bien mis en relief ce point en indiquant que si, dans certaines régions et dans certains pays où la recherche est suffisamment avancée et les techniques sylvicoles convenablement mises au point, la solution de ce problème réside essentiellement dans les possibilités d'investissement, ailleurs, et notamment dans les régions tropicales, ces possibilités d'investissement sont subordonnées aux progrès de la recherche, et la solution réside dans l'intensification de cette recherche. Dans le premier cas, en effet, l'ouverture des forêts vierges ne dépend que du percement de routes, de l'installation de voies ferrées, de la construction d'usines utilisatrices, travaux auxquels étaient affectés aisément des capitaux assurés d'un revenu stable et suffisant. Dans le second cas, au contraire, il faut d'abord étudier les moyens de commercialiser et de valoriser les produits que la forêt peut fournir, les moyens d'assurer à cette production une stabilité satisfaisante, les conditions qui doivent être réalisées pour attirer et retenir une main-d'œuvre suffisamment nombreuse. Ce n'est que lorsque ces réductions auront donné des résultats convenables que les capitaux considérables nécessités par la mise en exploitation de la forêt vierge pourront être attirés dans les entreprises à constituer.

La Section III a particulièrement mis en relief les avantages offerts par la combinaison des méthodes agricoles et sylvicoles ou plutôt la reconstitution des forêts tropicales, après leur exploitation, en appliquant des méthodes agricoles. Elle a marqué l'importance, à ce sujet, d'une étroite collaboration entre agriculteurs et sylviculteurs. Peut-être en effet est-ce sous cet aspect qui a déjà donné maintes preuves de ses possibilités, qu'il faut voir l'avenir d'une partie au moins des grandes régions forestières encore presque inhabitées du monde. Mais peut-être aussi faut-il voir une condamnation formelle des projets de colonisation purement agricole de ces régions, tels qu'ils ont été lancés récemment, dans l'affirmation insérée au rapport de la Section que dans bien des cas il serait préférable d'importer les produits alimentaires indispensables à la population fixée plutôt que de courir le risque de voir disparaître la forêt sous la pression des besoins de cette population en terres arables ou pastorales.

Section IV - Utilisation des forêts

Malgré l'intérêt des deux rapports généraux qui lui avaient été présentés, l'un sur l'étude des méthodes de travail dans les régions tempérées, l'autre sur l'organisation des exploitations dans les forêts tropicales, il faut reconnaître que les travaux de la Section IV furent ceux qui retinrent le moins l'attention des congressistes.

Le contraste entre ces deux rapports eut néanmoins un résultat des plus intéressants. Dans les pays à forêts relativement homogènes où une sylviculture intensive est, ou peut être, dès maintenant appliquée, des études précises détaillées peuvent être et sont déjà, dans certains pays, effectuées sur une large échelle ayant pour but d'augmenter l'efficacité des travaux d'exploitation, et de diminuer l'énergie qu'ils requièrent. On peut entrevoir le jour où ces travaux, grâce aux progrès de ces études et de la mécanisation, grâce aussi à un entraînement rationnel de la main-d'œuvre ouvrière, pourront être, en quelque sorte, standardisés. Le perfectionnement des méthodes de travail de l'exploitant entraînera à son tour un perfectionnement des méthodes de sylviculture ou facilitera l'application de meilleures méthodes. Dans les forêts tropicales hétérogènes, les conditions sont très différentes. Elles varient entre elles dans de si fortes proportions qu'aucune standardisation des méthodes d'exploitation n'apparaît encore possible. La mécanisation des débardages et des transports constituerait naturellement un progrès désirable et déjà souvent réalisé, mais celle des travaux d'abatage paraît bien difficiles. En tous cas, il semble encore impossible de réduire les facteurs de temps et d'énergie afférents à tous ces travaux à un commun dénominateur qui permettrait la mesure de leur efficacité. Ici, ce sont peut-être, au contraire, les progrès de la sylviculture qui entraîneront, dans un avenir plus ou moins proche, les progrès des méthodes d'exploitation.

La constatation de ce contraste a suggéré à la IVème Section la présentation d'un vœu tendant à l'organisation, sous l'égide de la FAO, d'une Conférence internationale de sylviculture tropicale. Ce vœu a rencontré l'approbation unanime du Congrès. Les forestiers tropicaux, en effet, s'ils y étaient suffisamment représentés pour indiquer les tendances principales de la sylviculture tropicale, étaient trop peu nombreux pour entrer dans le détail des problèmes qui intéressent les forêts et les industries du bois de ces régions. Quant aux autres techniciens de la forêt et du bois, ils se rendent compte que, suivant la formule de la FAO, «la forêt est une» et que l'avenir de leurs massifs boisés et de leurs industries dépend en grande partie du développement, au cours des nanées qui viennent, de la sylviculture tropicale.

La Section a ainsi affirmé l'étroite solidarité des problèmes du travail et des problèmes sociaux que pose l'exploitation forestière avec les problèmes économiques qu'ont à résoudre les techniciens des industries du bois et avec les problèmes sylvicoles dont la solution est du ressort du forestier. Elle connu la nécessité d'écoles pour l'entraînement des bûcherons et des travailleurs du bois, l'importance d'une augmentation de l'efficacité du travail en forêt. Elle a enfin exprimé le vœu que la Division des Forêts et Produits forestiers de la FAO poursuive le rassemblement et la dissémination d'informations concernant les méthodes et les matériels d'exploitation. Elle a enfin souhaité qu'un organisme se constitue au sein de la FAO pour la coordination des études portant sur les, travaux forestiers et les types divers d'outils et de matériel mécanique qu'ils mettent en œuvre.

Section V - Industries forestières

Les travaux de la Vème Section, enfin, consacrée aux industries du bois, ont présenté un très grand intérêt, non seulement pour les industriels qui participaient au Congrès, mais aussi bien, pour les sylviculteurs eux-mêmes.

Dès les premières séances plénières, cette Section s'était trouvée placée, à la suite d'un rapport présenté par la FAO et d'une remarquable étude de M. Streyffert, en face d'une importante question: Est-il possible de discerner des tendances précises en ce qui concerne la qualité des bois qui seront requis, dans l'avenir, par l'industrie? Celle-ci ne se prépare-t-elle pas à préférer la quantité à la qualité?

Au cours de la discussion qui a suivi, les partisans de la qualité et ceux de la quantité avaient présenté tour à tour des arguments de poids. Peut-être cette discussion a-t-elle souffert du manque de définition de ce qu'il faut entendre par la qualité d'un bois. Ainsi que l'a noté M. Streyffert dans son rapport, on est encore assez mal renseigné sur l'influence que peuvent avoir les opérations sylvicoles habituelles, en particulier les éclaircies, sur les qualités intrinsèques du bois, c'est-à-dire sur ses propriétés physiques, mécaniques et chimiques - Si donc on s'en tient aux qualités extérieures, rectitude du fût, absence de nœuds, etc..., la qualité extérieure ne coïncide-t-elle pas, en réalité, avec la quantité? Le plus «beau» peuplement ne se rencontre-t-il pas sur le meilleur site, qui correspond aussi au maximum de l'accroissement, tout au moins potentiel? A l'intérieur même du peuplement, l'arbre d'élite, qui apparaît le plus «beau», n'est-il pas aussi le plus gros producteur de bois? Lorsqu'on parle aujourd'hui de rechercher la quantité plutôt que la qualité, il semble donc que, du point de vue du sylviculteur, on ne peut guère faire allusion qu'à une réduction des diamètres ou des âges d'exploitabilité, ou bien encore à l'éducation d'essences dont les qualités étaient jusqu'ici moins recherchées par l'industrie, d'essences feuillues ou bien d'essences résineuses.

Les techniciens de l'industrie du bois ont, il est vrai, réclamé des sylviculteurs à la fois une augmentation de la quantité du bois produit et une amélioration de sa qualité en conformité avec les besoins des industries utilisatrices. Néanmoins, ils ont également souhaité que l'industrie développe de plus en plus l'utilisation des essences feuillues, des bois de petites dimensions, et si possible de l'écorce. Ils ont reconnu l'importance du développement des industries chimiques du bois - pour lesquelles les dimensions, et même parfois les essences, n'ont qu'un faible intérêt - pour l'utilisation rationnelle des ressources forestières. Ils ont insisté sur la nécessité pour les industries de tenir compte de la diminution de la consommation de bois de chauffage et de se mettre en mesure d'absorber le supplément de production correspondant. Ils ont signalé l'intérêt qu'il y aurait à accorder plus d'attention, pour la fabrication de la pâte et du papier, aux possibilités des essences feuillues, y compris les essences feuillues des forêts tropicales.

Il semble donc bien qu'au sens restreint que nous avons indiqué ci-dessus, une légère tendance se fait sentir, en effet, en faveur de la production de quantité plutôt que de qualité. Plus expressément, il semble que l'industrie, à condition que les recherches en cours soient activement poursuivies, se sente en mesure d'absorber et de transformer en produits de valeur, des bois qui sont estimés aujourd'hui de qualité relativement inférieure.

Ce serait déjà là, de la part des industries, un effort qui contribuerait grandement à faciliter la tâche du sylviculteur. Mais leur coopération ne s'arrêterait pas là. Elle se traduirait encore par une utilisation aussi poussée que possible des déchets. Sur ce point, la Vème Section s'est nettement prononcée en faveur de l'intégration des diverses industries du bois, intégration seule capable d'assurer cette utilisation dans des conditions économiques.

L'intégration des usines utilisant le bois comme matière première est passée déjà à l'état de réalité dans plusieurs pays. C'est en tous cas une tendance très nette à laquelle le Congrès n'a fait qu'apporter sa confirmation et reconnaître son intérêt économique.

Mais il n'échappera à personne que la stabilité d'un tel «combinat» n'est possible qu'avec l'assurance d'un approvisionnement soutenu en matières premières, c'est-à-dire avec le rattachement et l'intégration à ce «combinat» d'usines d'une surface forestière convenable et convenablement aménagée en vue des besoins de l'ensemble des usines utilisatrices.

Cette conception du «combinat sylvicole» mise en avant par la Division des Forêts et Produits forestiers de la FAO, a reçu du Congrès une approbation de principe.

Bien que rien de ce qui touche aux industries du bois ne puisse laisser les sylviculteurs indifférents, les vœux qu'elle a formulés concernant la préservation des bois et l'évolution de l'industrie des maisons préfabriquées ont peut-être une influence plus restreinte sur l'orientation générale de la sylviculture, ou, pour mieux dire, de ce vaste «combinat» qu'est le complexe de la forêt, des industries et des travailleurs du bois auquel nous avons fait allusion dans les premières pages du présent compte-rendu.

Les excursions

Mais, pour donner une image fidèle du IIIème Congrès forestier mondial, il serait impossible de passer sous silence les voyages d'étude qui l'ont précédé. Pour beaucoup de congressistes qui visitaient la Finlande pour la première fois, ces voyages ont révélé une sylviculture développée en harmonie avec l'évolution des industries du bois.

Les visiteurs ont été initiés à la vie rurale et industrielle de la Finlande, si intimement liée aux forêts et à la merveilleuse hospitalité finlandaise, dont tous sont reconnaissants et gardent le plus agréable souvenir; De plus, les excursions étaient dirigées par les forestiers les plus éminents qui, grâce à leur expérience, pouvaient répondre immédiatement aux questions de chaque visiteur.

La diversité des programmes de ces excursions avait permis à chaque visiteur de choisir les sujets auxquels il attachait le plus d'intérêt. Par contre, elle rend difficile d'en donner une idée fidèle. On se contentera ici d'insister sur deux problèmes qui paraissent avoir particulièrement frappé la majorité de ceux qui ont participé à ces voyages.

Quand nous parlons de «problèmes», nous ne voulons pas dire que ceux-ci soient restés sans solution. Bien au contraire, les deux problèmes auxquels nous voulons faire allusion peuvent être considérés comme résolus, en principe sinon en pratique. Mais nous voulons simplement rappeler qu'à côté de magnifiques réussites, la Finlande a, elle aussi, ses problèmes forestiers, circonstance que l'on pourrait être tenté d'oublier en présence de la beauté des peuplements que les congressistes ont parcouru et de la «facilité», toute relative d'ailleurs, d'une sylviculture qui a assez rarement à lutter contre l'évolution naturelle de ses peuplements vers le climax.

Deux ou trois chiffres suffiront à donner une idée de l'importance globale de ces problèmes. On rappellera en effet que, sur une surface boisée de 21.670.000 hectares, l'accroissement annuel n'est que de 40,8 millions de mètres cubes, soit environ 1,9 m³ à l'hectare, alors que tous les visiteurs ont pu voir des places d'essai et des peuplements entiers, qui, même sur de très médiocres terrains et même dans les parties les plus septentrionales du pays dépassaient considérablement ce chiffre, atteignant parfois plus de 10 m³. Il serait naturellement utopique de croire que, sous un climat aussi rude et sur un sol généralement pauvre, la production moyenne puisse jamais atteindre des chiffres aussi considérables. Par contre, il suffit de comparer ces chiffres avec celui de la production moyenne actuelle pour comprendre qu'un champ immense s'ouvre encore devant les forestiers finlandais pour l'amélioration de leur production forestière.

La récupération des marais

L'un des moyens qui se présentent aux forestiers finlandais pour augmenter l'accroissement ligneux et par suite la production de la forêt nationale est, comme dans beaucoup de pays européens, le boisement des terrains improductifs.

Ici, ces terrains consistent essentiellement en marais, dont la plus grande partie est déjà comprise dans la surface totale des forêts, mais qui ne portent que des peuplements extrêmement maigres ou peu productifs et qui, parfois même, sont complètement dépourvus d'arbres. C'est le boisement ou l'enrichissement de ces terrains marécageux que les forestiers finlandais se proposent de tenter.

Tous ces marais ne sont certes pas récupérables pour la forêt, et les méthodes qui permettent leur récupération intégrale ne sont pas les mêmes pour tous. Cependant un système de drainage convenablement étudié suffit, dans beaucoup de cas, à obtenir des résultats qui ont fait l'admiration de nombreux congressistes. Certains d'entre eux ont pu observer des peuplements où l'assainissement des marais, accompagné ou non de semis et de plantations artificielles, avait fait passer en 40 ans le volume du matériel à l'hectare de quelques mètres cubes à un chiffre variant de 2 à 300 m³, et l'accroissement moyen qui était bien inférieur à 1 m³, à des chiffres variant de 4 à 8 m³.

Plantation du bouleau madré commémoratif du Congrès dans la cour de la Maison des Forêts à Helsinki. Près de l'arbre se trouve la plaque reproduite sur la couverture.

Si des essais sont encore en cours pour améliorer l'effet des drainages par l'épandage de calcium sous des formes diverses, de cendre de bois ou de sable, on peut dire que les techniques de l'assainissement sont maintenant au point et que seules des difficultés de main-d'œuvre, de crédit et d'équipement mécanique s'opposent à l'intensification du programme établi par les forestiers finlandais, et qui leur permettra, en un nombre d'années relativement court, d'augmenter la production de leurs massifs boisés.

La continuité de vues avec laquelle la Finlande a mis à exécution ce programme de grande envergure et avec laquelle elle l'a poursuivi depuis plusieurs décades, aussi bien que les résultats remarquables qu'elle a déjà obtenus, constituent pour les forestiers de tous les pays qui ont longuement discuté au Congrès des problèmes du reboisement, à la fois un exemple et un encouragement.

Le problème de la forêt particulière

La forêt privée englobe 50 pour cent environ de la surface boisée totale du pays. Certes, le sens forestier de la population est, dans ce pays, particulièrement développé, et les grandes forêts particulières notamment, dont beaucoup appartiennent à de grandes compagnies de l'industrie du bois, bénéficient de soins éclairés et sont soumises à des aménagements réguliers.

Il n'en reste pas moins que comme dans beaucoup de pays d'Europe la forêt particulière est, dans son ensemble, moins riche et moins productrice que la forêt de l'état, bien qu'elle ait, le plus souvent, l'avantage dé reposer sur des sols plus fertiles, de se trouver dans des situations plus aisément accessibles et de se prêter mieux, par conséquent, à une sylviculture intensive

Ici, se pose donc le problème de la forêt particulière, mais on peut considérer que ce problème est pratiquement résolu par une législation qui a reçu le soutien total de l'opinion publique, et dont on peut espérer qu'elle amènera, en un temps relativement bref, la forêt particulière à un taux de productivité comparable à celui de la forêt de l'état.

La loi du 11 mai 1928, qui a remplacé d'autres lois précédemment édictées sur les forêts particulières, mérite d'être analysée ici dans quelques détails. L'essentiel en repose sur la création des «bureaux forestiers de districts», organismes fonctionnant sous le contrôle et conformément aux instructions du gouvernement qui en prend les dépenses à sa charge, et qui sont composés de cinq membres dont quatre sont nommés par les sociétés agricoles du district, et le cinquième par l'organisation centrale des «bureaux forestiers de district».

Ces «bureaux forestiers de district» sont aidés dans leur tâche par les «bureaux forestiers de commune», sorte de conseils municipaux de trois membres, spécialement chargés des affaires forestières à l'intérieur de chaque commune. Leur tâche consiste à veiller, sur l'ensemble de tout le district, à l'application aux forêts particulières d'une sylviculture rationnelle. La loi spécifie que le devoir du «bureau de district» est «de promouvoir la foresterie privée en répandant les connaissances de sylviculture rationnelle, en guidant et assistant les travaux forestiers, en encourageant et supportant la collaboration en matière forestière et en adoptant toutes autres mesures susceptibles de développer la sylviculture».

Mais d'autre part, elle leur donne aussi des moyens de coercition. Toute exploitation doit en effet être signalée à l'avance au «bureau forestier de district» à moins qu'il ne s'agisse d'une exploitation pour besoins personnels, d'une éclaircie «rationnelle», ou bien d'une coupe prévue à un plan d'exploitation préalablement approuvé par le bureau. Au cas où une coupe est effectuée de telle façon que, de l'avis du bureau, l'état dans lequel le peuplement a été laissé ou le traitement imposé au sol forestier compromet la régénération naturelle, au cas même où l'abatage de jeunes arbres ne lui semble pas correspondre à une éclaircie «rationnelle», au cas enfin où le feu est mis sur la coupe sans que cette pratique lui paraisse correspondre à une utilisation rationnelle du terrain, le bureau a la possibilité d'intervenir et d'imposer au propriétaire un agrément de «clôture».

La «clôture» entraîne la prohibition d'abattre des bois ou d'utiliser de façon quelconque le sol forestier, ou les deux à la fois. Elle entraîne aussi, si nécessaire, la prise de mesures, sous la responsabilité du bureau et à la charge pécuniaire du propriétaire, pour assurer la régénération de la forêt.

Si une telle législation favorise grandement l'obtention du rapport soutenu sur toutes les forêts nationales, on ne peut dire qu'elle l'impose absolument - et moins encore le «rapport progressif» au sens où le Congrès a tendu à le définir - elle en approche cependant de bien près. Le seul élément qui manque pour arriver à ce but est la possibilité pour le «bureau forestier de district» de s'opposer, par exemple, à l'exploitation trop précoce, du point de vue économique, d'un peuplement ou d'exiger sur chaque forêt une gradation d'âges convenable. Mais il n'est pas douteux qu'en faisant un sage emploi de ses pouvoirs de persuasion en même temps que de ses pouvoirs de coercition, le «bureau» pourrait aisément atteindre ce but, et soumettre pratiquement toutes les forêts se trouvant sous son contrôle à un véritable aménagement rationnel, pour autant que l'aménagement est l'application à chaque forêt d'une politique de conservation sous rendement soutenu.

Les deux problèmes que nous venons d'examiner et les solutions qui leur ont été apportées par la Finlande témoignent hautement de l'effort des forestiers de ce pays.

En proposant de tels exemples au IIIème Congrès forestier mondial, ils ont rendu à tous les forestiers qu'ils ont si merveilleusement accueillis, le plus grand et le plus signalé des services.


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