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Tournée d'études sur l'eucalyptus

par LE PERSONNEL DE LA FAO

LA Conférence de l'Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture, réunie à Rome en 1951, avait demandé au Directeur général de s'efforcer d'organiser une tournée d'études sur l'eucalyptus en Australie, financée en partie par le Programme élargi d'assistance technique.

Après qu'un accord eut été négocié avec succès avec le gouvernement du Commonwealth australien, des invitations furent envoyées aux Etats Membres susceptibles de s'intéresser à ce voyage. Chaque pays fut invité à envoyer deux participants au plus, qui devraient être de hauts fonctionnaires du Service forestier, ou faire partie des cadres supérieurs d'une entreprise commerciale, et avoir une connaissance pratique de l'anglais. Le gouvernement du Commonwealth assumait la responsabilité de toute la documentation technique, du personnel chargé des conférences, de l'organisation du voyage et du logement; les gouvernements des six états et de nombreuses firmes commerciales devaient également coopérer à l'organisation de ce voyage.

La réponse des Etats Membres à cette invitation a prouvé l'intérêt général suscité par ce projet, et le nombre des participants fut beaucoup plus grand qu'on ne l'avait prévu. Trente-quatre participants des Etats venant de 24 pays différents1 se rassemblèrent à (Canberra, territoire de la capitale australienne, le 1er septembre 1952, et le voyage se termina officiellement à Sydney, le 28 octobre.

1Les pays représentés étaient: l'Argentine, la Belgique la Birmanie, le Brésil, le Cambodge, le Chili le Congo belge, l'Espagne, les Etats-Unis, la France, l'Indonésie Israël, l'Italie, la Jordanie, le Kenya, le Laos, la Libye la Malaisie, le Nigéria, la Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Thaïlande, la Turquie, le Venezuela.

Figure 1. - Régénération naturelle d'Eucalyptus maculata à partir de semences dans la superficie exploitée de la forêt domaniale de Bodalla, Nouvelle-Galles du Sud.

Buts du voyage

Le but principal de ce voyage était de faire connaître aux participants l'immense richesse représentée par les différentes espèces d'eucalyptus en Australie et leur adaptabilité aux différentes conditions de climat et de sol.

Les buts détaillés peuvent être résumés comme suit:

1) étudier les aires naturelles des différentes espèces d'eucalyptus en Australie

2) obtenir des renseignements détaillés sur la sylviculture de ces essences, leurs formations, leurs associations, leur régénération naturelle et artificielle;

3) étudier leur taux d'accroissement et les méthodes d'aménagement forestier;

4) étudier les facteurs climatiques et édaphiques qui influent sur la présence des diverses espèces d'eucalyptus;

5) étudier l'utilisation du bois d'eucalyptus dans la production de sciages, poteaux pilots, poutres, contreplaqué, pâte, panneaux, bois de mine, ainsi que dans celle des produits forestiers secondaires, tels que tannins et huiles

6) examiner les méthodes d'exploitation, de sciage de séchage, et de préservation;

7) étudier certains autres genres associés, et, là où cela est possible, les plantations de conifères.

On reconnut que l'occasion offerte par cette tournée permettrait aux divers pays élaborant des programmes de boisement, de déterminer, sur des bases plus scientifiques, l'utilité que pourrait présenter les essences australiennes pour leurs besoins particuliers.

Il faut insister sur le fait qu'il n'a jamais été prévu que ce voyage de deux mois constituerait un inventaire approfondi ni complet, mais que ce laps de temps serait, de toute nécessité, consacré à une appréciation générale de l'ensemble du genre, et permettrait aux participants expérimentés d'utiliser cette base générale pour le choix des espèces et de juger la littérature technique.

Conduite de la tournée

Le Bureau des forêts et du bois du Ministère de l'Intérieur fut chargé par le gouvernement australien de la conduite de cette tournée.

Le voyage fut inauguré officiellement par le Rt. Hon. R. G. Casey, Ministre des Affaires Etrangères, et commença par une Semaine d'orientation à l'École forestière australienne de Canberra, comportant des conférences préliminaires et des travaux sur le terrain.

Le programme comprenait des visites à tous les états, à l'exclusion du territoire de l'Australie septentrionale, et englobait les principaux types de forêts, à l'exception des rain forests du nord du Queensland. Une visite de trois jours donna aux participants un aperçu des activités des laboratoires de recherche sur les produits forestiers de l'Organisation de recherches scientifique et industrielle du Commonwealth. Ils visitèrent également une usine de pâte à papier et une papeterie, des fabriques de panneaux, une distillerie de bois, une usine d'extraits tannants, des scieries, des fabriques de traverses de chemins de fer et une fabrique de manches d'outils.

Ce voyage couvrit approximativement 5.000 miles (8.000 km) par avion et une distance comparable par la route.

Observations sylvicoles et leurs applications possibles

Les vingt-quatre pays représentés dans ce groupe sont situés dans des régions extrêmement diverses, et chacun de ces pays avait en vue un ou plusieurs objectifs définis, qui pouvaient être atteints par la plantation d'espèces d'eucalyptus. Le périple étendu nécessaire pour voir la plus grande variété possible d'espèces d'eucalyptus et le temps limité dont on disposait ne permirent pas d'études approfondies. Les observations qui suivent sont donc d'un caractère général plutôt que spécifique.

Biologie et écologie

Le Groupe fut impressionné par le travail réalisé pour faciliter l'identification des espèces d'eucalyptus, de leurs variétés et de leurs hybrides. Le besoin d'éléments sûrs de détermination est encore plus indispensable outre-mer, car la localisation géographique, qui est une aide puissante en Australie, n'y est plus d'aucun secours.

L'examen des forêts permit à chacun des visiteurs d'étendre ses connaissances, qui, jusque là, avaient été puisées en grande partie dans les écrits publiés sur les formations d'eucalyptus, à savoir: mallee, savanes, bois, forêts sclérophylles sèches ou humides, et rain forests.

Un des traits les plus saillants est que certaines espèces se trouvent exclusivement dans une seule de ces formations, tandis que d'autres se rencontrent dans plusieurs. Il existe quelques espèces plastiques, dont chacune peut constituer un linnéon ou comprendre un certain nombre de races sans liens directs. Si insuffisante que puisse être la connaissance actuelle des variations raciales chez les espèces les plus importantes d'eucalyptus, on doit tenir compte de l'existence de ces variations dans l'établissement des programmes concernant la récolte des graines et l'introduction des essences.

Le principal bénéfice que les participants ont pu tirer de cette visite intéresse le choix des espèces. L'observation directe des espèces dans leur milieu propre devrait beaucoup faciliter le choix parmi celles qui possèdent les propriétés culturales et techniques désirées ou qui peuvent former un couvert protecteur. Les espèces du mallee, par exemple, malgré leur croissance lente et leur forme médiocre, peuvent être précieuses dans les régions arides pour la fixation du sol, la constitution de brise-vents, ou la production de poteaux, de bois de chauffage, d'huiles essentielles ou de tannins. Les espèces de haute altitude, particulièrement celles du groupe ash, semblent devoir être essayées dans les climats tempérés. Le choix des espèces destinés à des régions où la température et les précipitations sont des facteurs de moindre importance a pu être élargi grâce à des observations locales et aux renseignements recueillis au cours de ce voyage.

Figure 2. - Peuplement d'Eucalyptus grandis, âgés de 35 à 40 ans, dans la foret nationale de Manning River, Nouvelle-Galles du Sud.

Un problème qui attira l'attention des participants est l'influence des peuplements d'eucalyptus sur le sol. Excepté dans le type de forêt le plus humide, il n'y a qu'une faible accumulation de couverture morte et d'humus sur le sol et il semble souhaitable de déterminer si l'établissement artificiel d'un sous-étage peut ou non être bienfaisant. Quelques espèces australiennes d'acacia, pourraient être essayées dans ce but.

Croissance

Les données sur la croissance des espèces d'eucalyptus, tant en Australie que dans d'autres pays, sont insuffisantes et ne sont pas toujours comparables. Il apparaît, toutefois, que la croissance d'un certain nombre d'espèces

est plus rapide dans certains pays d'outre-mer. On suppose que, en dehors des différences propres à l'habitat l'absence d'ennemis naturels, d'insectes en particulier peut être un facteur déterminant.

Régénération naturelle

Les trois systèmes d'aménagement des forêts d'eucalyptus que les visiteurs purent parcourir sont: un système de jardinage par pied d'arbre, un système de jardinage par bouquets et un système de coupes à blanc ne laissant que des porte-graines isolés. Le système de jardinage par pied, d'arbre semble être le moins favorable, excepté pour les espèces d'ombre en station sèche.

La régénération naturelle de l'eucalyptus s'obtient très facilement après une coupe à blanc, une ouverture de l'étage dominant ou un incendie, soit par graines, soit par rejets. La réduction de la végétation du sous-étage par l'incendie ou l'exploitation peut puissamment contribuer à la réussite de l'installation d'une telle régénération.

Le feu est un grave problème en Australie. On l'utilise pour les pâturages ou pour défricher des terres de colonisation, mais il constitue un sérieux danger pour les peuplements. Utilisé avec de grandes précautions, il peut, en Australie, et peut-être aussi en d'autres pays, rendre service en favorisant la régénération. La plupart des espèces d'eucalyptus peuvent survivre à un incendie, mais certaines ne le peuvent pas. Il est probable que dans bien des pays, hors d'Australie, cette considération majeure et l'importance des broussins pour assurer la régénération ne sont pas appréciées à leur juste valeur.

Etant donné la densité extrême des peuplements provenant de régénération, pour la plupart équiennes, on peut, avec raison, supposer que des éclaircies sont nécessaires pour obtenir l'accroissement optimum. Il faudrait poursuivre l'étude du problème des éclaircies.

On a observé que dans l'écotone entre la rain forest et les formations d'eucalyptus, les essences des rain forests envahissent les forêts d'eucalyptus, et forment en beaucoup de cas un sous-étage dense, qui peut entraver la régénération des eucalyptus.

Plantations

L'établissement de plantation d'eucalyptus à l'aide de plants en baquets ou en pots présentent peu de difficultés en Australie. Les visiteurs purent voir des plantations très réussies, E. astringens en particulier, obtenues par semis directs. Ces méthodes peuvent être, utilisées dans d'autres pays.

Les plantations d'Araucaria cunninghamii, dans le Queensland, et de Pinus radiata, dans le sud de l'Australie, sont remarquables. Les plantations de résineux rempliront vraisemblablement un rôle aussi important dans l'économie du bois en Australie, que les eucalyptus en d'autres pays.

Les résultats frappants obtenus par l'application de phosphates et de sels de zinc, permettant une croissance vigoureuse des espèces de Pinus sur certains sols d'Australie, présentent un intérêt général, et méritent une étude attentive en d'autres pays.

Protection

Le Groupe ne put obtenir que peu de renseignements sur les conséquences des dommages causés aux eucalyptus par les insectes et autres ravageurs. Il serait souhaitable d'attirer l'attention sur la nécessité de se protéger contre l'introduction possible de maladies australiennes des eucalyptus dans les autres pays.

Le Groupe a été impressionné par les mesures prises actuellement pour éviter le renouvellement des incendies de forêts extrêmement sérieux qui ont eu lieu.

Section de l'utilisation

Les techniques d'utilisation examinées au cours des ce voyage ont varices des plus primitives et des plus génératrices de gaspillage jusqu'aux mieux organisées et aux plus efficaces. L'adoption, dans un pays quelconque, de l'une des pratiques étudiées, doit, d'une manière générale, dépendre de l'ensemble des conditions propres à ce pays: ressources présentes et à venir en eucalyptus, ressources en autres essences, et degré de développement industriel et économique.

Quoique les petites entreprises industrielles forestières dispersées en Australie ne possèdent généralement qu'une faible productivité individuelle, leur existence présente pourtant en compensation l'avantage de permettre un niveau exceptionnellement élevé de sylviculture et de productivité forestière pour un pays relativement si peu développé. Ce point mérite d'être sérieusement pris en considération en d'autres pays.

Une des visites qui a peut-être été la plus instructive de ce voyage, fut celle du Laboratoire de la Division des produits forestiers de l'Organisation scientifique et industrielle du Commonwealth à Melbourne (CISRO). Le Groupe fut véritablement impressionné par l'heureux équilibre réalisé entre la recherche pure et appliquée, et estima que les exposés et les démonstrations données par le personnel ont donné une perspective de l'ensemble de la tournée. Les impressions suivantes sont notées par classes de produits:

Sciages

Les études sur le séchage et les phénomènes de collapse pendant le séchage effectuées par le CISRO et le traitement de reconstitution mis au point pour remettre en état le bois atteint de collapse, ont une importance considérable. Les qualités, généralement supérieures, résultant de l'application de ce traitement aux eucalyptus du groupe ash, qui n'ont été obtenues en Australie que ces toutes dernières années, ne sont pas encore suffisamment connues dans les autres pays où ces espèces pourraient être introduites.

L'utilisation très poussée des résineux de petites dimensions provenant d'éclaircies pour la production de frises de parquet et de bois de caisserie, était particulièrement intéressante.

Bois de chauffage, charbon de bois et produits de distillation

La production de charbon de bois et de produits de distillation du bois, telle qu'elle fut présentée à Wundowie, en Australie occidentale, présente un intérêt particulier pour les pays souffrant d'une pénurie de combustible. La possibilité d'utiliser le malles pour la production de bois de chauffage ou pour la distillation d'essence d'eucalyptus provenant des feuilles peut trouver son application dans les régions semi-arides.

Pieux et poteaux

Les observations faites au cours de ce voyage devraient permettre le choix d'essences capables de produire des poteaux de ligne plus durables que ceux utilisés jusqu'à présent Toutefois, il a été remarqué qu'il y a une tendance à appliquer un traitement de préservation aux bois ronds d'eucalyptus et, à cet égard, la technique du traitement des poteaux de ligne de transport d'énergie est très significative.

Tannins

Eucalyptus astringens, dont l'écorce contient jusqu'à quarante pour cent de tannins et qui, avec une précipitation annuelle de 20 inches (500 mm) ou moins, produit des récoltes d'écorce à courte rotation ainsi qu'un bois extrêmement résilient, est une richesse en puissance dans les régions qui ne reçoivent que de faibles précipitations.

Feuillus

Eu égard aux besoins du logement dans la plupart des pays, un grand intérêt fut accordé à la production des panneaux durs. L'usine, utilisant le procédé Asplund visitée à Burnie, en Tasmanie, est remarquable pour son utilisation des déchets de bois, et l'usine Masonite, à Raymond Terrace, Nouvelle-Galles du Sud, pour l'utilisation complète des bois de qualité inférieure des forêts mélangées.

Papier

Les trois papeteries visitées, appliquant respectivement des procédés mécaniques, à la soude et kraft montrent qu'il est possible de fabriquer plusieurs types de papier de qualité supérieure à partir de pâte produite entièrement ou partiellement, avec du bois d'eucalyptus, dont les fibres sont relativement courtes. Le débouché pour les produits d'éclaircie résineux de petites dimensions offert par cette industrie, présente un intérêt général.

Avant la dispersion des participants à cette tournée, on rédigea un court rapport résumant, en termes généraux, ce qui avait été vu. Un certain nombre de suggestions furent faites à la FAO et au Bureau australien des forêts et du bois sur les mesures qui pourraient être prises ultérieurement.


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