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Unidades industriales de explotación forestal

Le système des «Unités forestières du Mexique

par LOUIS HUGUET
Expert technique de la FAO au Mexique

DANS un très grand nombre de pays, une portion importante - et souvent la plus importante - des surfaces boisées se trouvent entre les mains de propriétaires particuliers. Presque partout de nombreux efforts sont faits pour amener ces propriétaires à appliquer à leurs forêts un traitement conforme à l'intérêt général et à la politique forestière gouvernementale et ces efforts ont été couronnés souvent de succès partiels. Peut-être les propriétaires ont-ils été plus enclins à la coopération du fait que la notion du droit de propriété qui, sous l'influence du Droit romain, était restée intacte il y a moins d'un siècle encore, évolue rapidement pour lui donner le caractère d'une fonction sociale. On ne peut dire cependant que ces mesures aient nulle part résolu de façon complète le problème de la propriété forestière privée.

Certes, il y a dans la plupart des pays des forêts privées remarquablement administrées. En règle générale' cependant, dans la majorité des cas, l'intérêt du propriétaire privé ne coïncide pas avec ou même s'oppose à l'intérêt général. Une difficulté tient au morcellement si fréquent de la propriété forestière privée en unités économiquement impossibles à gérer. Dans ce cas, il y a encore un mal supplémentaire; c'est l'incompétence technique du petit propriétaire duquel on ne peut naturellement exiger qu'il se tienne au courant des règles complexes de l'économie forestière et des progrès de la sylviculture.

Dans certains pays, récemment ouverts aux formes modernes de l'exploitation industrielle ou agricole, la plupart des forêts font partie du domaine de l'Etat. Mais même alors leur étendue rend en général impossible une sylviculture intensive. Les exploitations sont faites par le moyen de concessions fondées sur cahier de charges imposant à l'exploitant l'exécution de travaux de plantation, d'amélioration, de construction de maisons pour les gardes, etc.

Mais il est très difficile aux Services forestiers domaniaux de suivre de près l'exploitation et la sylviculture pratiquées par les exploitants. Par endroits on trouve une tendance générale favorable à de bonnes méthodes, mais trop souvent les obligations légales sont appliquées sans capacité et sans goût. On se heurte toujours à la difficulté de recruter, de faire supporter par le budget local directement et de faire fonctionner un Service forestier qui puisse guider les exploitations, surveiller de près les travaux entrepris dans des forêts vierges dépourvues de voies de communication et dans lesquelles aucun investissement ne peut être consacré à ces améliorations.

Par suite de circonstances historiques et géographiques particulières, ces deux problèmes majeurs de la politique forestière moderne, celui de la propriété forestière privée et celui de la mise sur pied d'un service forestier efficace sur de grandes ´étendues vierges, se rencontrent dans un pays jeune et plein d'avenir. Tel est le Mexique qui possède d'immenses ressources forestières couvrant une superficie de quelque 20 millions d'hectares. Ce pays a tenté de résoudre simultanément ces deux problèmes par une méthode originale qui présente un intérêt considérable et qui est le système des Unidades Industriales de Explotación Forestal. Ni l'ensemble de la législation forestière mexicaine, ni ses parties relatives aux «Unidades» ne sauraient être transplantées telles quelles ailleurs sans les plus graves dangers, étant donné que, comme toute législation nationale, elle est adaptée à des conditions particulières qui ne se retrouvent nulle part ailleurs. Il n'est pas impossible, cependant, que certains pays où se posent des problèmes analogues, dans des conditions analogues, puissent utilement puiser à l'expérience du Mexique.

Remarques générales sur les forets mexicaines

Il est indispensable de donner ici quelques renseignements généraux sur le Mexique1 et ses forêts, de manière à permettre une compréhension plus claire du système des «Unités forestières».

1Voir «Bois et forêts des Tropiques», N° 15 du 3éme trimestre 1950, et «Les forêts et les industries forestières au Mexique $ par P. Allouard.

La surface totale du Mexique est de 2 millions de km2 environ, soit quatre fois celle de la France. Bien que le pays s'étende du 32° de latitude nord jusqu'au 16°, et soit traversé en son milieu par le Tropique du Cancer, seules les zones dont l'altitude est inférieur à 1.000 m, et qui représentent moins de la moitié de la superficie totale, connaissent un climat tropical typique. A partir de 1.000 m apparaît le pin, et aux altitudes élevées (2.000 m et plus) il existe des surfaces importantes de forêts de conifères (pins et sapins) dont une partie n'a jamais été exploitée, bien qu'elles soient parcourues par les feux d'herbes périodiques. Même sans statistiques précises, on peut estimer qu'il y a au total 100.000 km3 de forêts de conifères, sinon toutes exploitables immédiatement d'une manière systématique, du moins exploitables après 20 ou 30 années de protection contre le feu, le pacage et les coupes excessives. Ce sont, sauf dans le nord, des forêts à haute possibilité dont on peut attendre 3 à 12 m3 par hectare et par an, soit pour tout le pays 5 m3 en moyenne. La production pourrait donc en être portée, avec un aménagement et une sylviculture rationnels, à 50 millions de m3 par an.

De même, principalement dans le sud et le sud-ouest du pays (péninsule Vucatèque), il existe des forêts tropicales encore peu exploitées et relativement riches en espèces précieuses (acajou), dont la superficie est au moins égale à celle des pins.

Les forêts de pins sont groupées dans les zones hautes du pays, en massifs individualisés et importants. Bien que la nature ait groupé ces forêts, les propriétés forestières sont divisées et souvent constituées par des forêts communales (localement appelées «ejidales») appartenant à des communautés appelées «ejidos». On ne doit pas oublier, en effet, que les lois agraires mexicaines ont distribué les «haciendas» des colons espagnols à ces «ejidos». Il existe, par ailleurs, peu de forêts d'état. Ainsi les forêts du Mexique présentent le double caractère d'être partagées entre divers propriétaires (Etat, «ejidos», particuliers) et de garder la physionomie de forêts «coloniales». Pour leur aménagement on se heurte donc à la fois aux droits de propriété (ainsi qu'au morcellement de la propriété) et au caractère «colonial» de ces forêts.

La législation qu'il fallut promulguer pour la mise en valeur d'aussi vastes richesses forestières en puissance eut à tenir compte de la structure agraire du pays. Le résultat fut le système des «Unités industrielles d'exploitation forestière».

Fondement juridique des «Unités forestières» du Mexique

Une loi forestière fut votée et promulgué le 10 janvier 1948. En vertu de son article premier, modifié par décret du 30 décembre 1948, la loi se fonde sur l'article 27 de la Constitution, qui autorise l'Etat à réglementer les richesses naturelles et leur utilisation et l'oblige à veiller à leur conservation, pour déclarer d'utilité publique (avec toutes les conséquences d'ordre juridique que cela entraîne), la conservation, l'amélioration et le repeuplement des forêts Cet article fondamental rappelle que la Cour suprême a confirmé ce caractère d'utilité publique en de nombreux arrêts, En d'autres termes, la loi autorise l'Etat à user de la procédure d'utilité publique dans tous les cas où la conservation, l'amélioration ou le repeuplement des forêts doivent être assurés.

Le caractère le plus marquant de cette législation exceptionnelle dans la plupart des pays, est de passer outre aux droits de propriété, tout en conservant l'essentiel comme on le verra par ailleurs. Un autre caractère original est qu'elle considère d'intérêt public, non plus seulement le rôle de protection des forêts vis-à-vis du sol et du régime hydrologique, mais aussi leur rôle de production du bois.

Partant de ce principe, la loi dispose en son article 13 que: «est d'utilité publique la constitution par voie de Décret présidentiel d'Unités industrielles (le nom en espagnol est «Unidades Industrialles de Explotación Forestal») d'exploitation forestière dans les forêts nationales ou particulières, en vue de la fourniture des matières premières nécessaires aux industries de transformation du bois.»

La loi étend le système des «Unités» aux forêts «ejidales» ou communales, avec quelques nuances découlant du caractère juridique spécial de l'«ejido». Ainsi, une superficie forestière qui atteint parfois 500.000 hectares, est placée sous l'autorité technique de l'Etat. Le propriétaire ne peut plus, en principe, régler l'exploitation de ses forêts; c'est l'Etat qui décide l'époque, l'assiette et la méthode des coupes. A cette exception près, tous les autres attributs du droit de propriété sont conservés au propriétaire. L'Etat gère les bois de l'Unidad par l'intermédiaire de la Direction générale forestière, et en pratique de la Direction technique de l'Unidad.

Les principes qui doivent présider à l'organisation de l'Unidad et à son fonctionnement, sont définis par un règlement spécial. Ce règlement, qui a force de décret - il est signé par le Chef de l'Etat et par les ministres intéressés - a été promulgué le 12 juillet 1950.

Résultats de l'incendie du pacage sans frein et des coupes non réglées. Forêt de Pinus leiophylla au Mexique.

En substance ce règlement dispose:

1) Qu'il faut en premier lieu établir le caractère d'utilité publique de l'Unidad projeté (art. 124). Ce caractère est suffisamment établi en démontrant soit la nécessité et la possibilité d'approvisionner une industrie, soit les avantages économiques qu'en tirera le pays. Cette étude préliminaire doit remplir certaines conditions définies à l'article 125 du Règlement. Ce sont:

a) Production d'un plan de la zone préposée pour l'approvisionnement de l'industrie à installer.

b) Enoncé des règles générales d'exploitation, c'est-à-dire les produits (bois de pâte, de scieries, etc.) à obtenir, les procédés de transformation de ces produits et les investissements prévus à cet effet, justifiés par un avant-projet de l'usine consommatrice.

L'article 125 prévoit aussi que le plan de toutes les propriétés particulières englobées sera levé. Il s'agit donc d'un véritable cadastre forestier.

2) Que cette étude préliminaire sera étudiée par les Ministères de l'agriculture et de l'économie, puis transmise au Président de la République pour décision, avec leur avis.

Organisation de l'«Unidad»

Tandis que ce système juridique présente un caractère évident d'intérêt public (en subordonnant le droit de propriété à la prospérité générale) il n'est pas douteux que l'industrie consommatrice en retire également un avantage considérable car, par ce moyen, elle est assurée d'un approvisionnement continu et garanti par l'état. Il ne faut pas oublier que certaines industries étaient propriétaires de grandes propriétés forestières qui leur assuraient leur approvisionnement, et que ces mêmes industries se sont vues dépossédées par les lois agraires qui ont distribué les terres aux habitants. La loi privant de leur source d'approvisionnement des usines importantes dont l'arrêt n'aurait pas manqué d'avoir des répercussions économiques et sociales considérables, il était indispensable et normal que la législation se préoccupât de remplacer cette source d'approvisionnement par une autre dont la continuité fût rigoureusement assurée. Vue BOUS cet angle, la création des Unidades apparaît comme un palliatif aux conséquences qu'entraînaient les lois agraires pour les industries du bois.

Cette garantie d'un approvisionnement permanent jointe à l'importance du domaine boisé qui peut être affecté à l'Unidad, permet aux entreprises les importants investissements nécessités par les usines modernes de transformation du bois (une papeterie vaut au moins 2 milliards de francs, une fabrique de panneaux de fibres 600.000.000).

Grâce à l'adoption d'un aménagement et d'une sylviculture rationnels, la production peut s'accroître considérablement. Forêt de Los Capulines.

De plus, comme on ne perd pas de vue des usines de transformation de nature variée sont indispensables pour une utilisation rationnelle des produits de la forêt, la planification raisonnée visant à la coordination d'une série d'industries utilisant tous les produits de la forêt y compris les déchets devient possible.

L'industriel bénéficiaire de l'Unidad est naturellement choisi par le gouvernement. Il est donc possible d'éliminer toute entreprise qu'on puisse soupçonner vouloir pratiquer une politique forestière contraire aux intérêts publics. Il pourrait en effet arriver qu'ayant, investi peu de capital dans ses installations industrielles une entreprise en recherche un amortissement rapide et un gonflement de ses bénéfices par la surexploitation des massifs qui doivent assurer son approvisionnement continu. Une scierie volante, par exemple, peut ravager une forêt en quelques années et l'abandonner après avoir gagné beaucoup d'argent sans avoir investi beaucoup de capitaux. Au contraire, une papeterie qui coûte très cher à installer aura probablement le plus grand intérêt à ménager au maximum les forêts qu'elle exploite pour assurer leur pérennité. L'importance de l'investissement nécessaire constitue une garantie de la conscience d'une entreprise. C'est pourquoi une circulaire récente du gouvernement impose aux Unidades Industriales un investissement minimum de 600.01)0 pesos (25.000.000 frs.) sans compter les sommes nécessaires à la construction des routes. Le gouvernement peut exiger des investissements, non seulement dans la partie industrielle, mais dans la partie proprement forestière (routes, sylviculture, etc.).

L'ingénieur forestier qui assure la direction de l'Unidad est nommé, logé et payé par la compagnie industrielle, mais reçoit ses directives du Service forestier de l'état. Il reste fonctionnaire civil et le soutien du Service forestier national lui donne l'autorité morale de s'opposer à toute pression qui serait contraire aux intérêts nationaux. Le plan d'aménagement qu'il établi pour l'Unidad doit être approuvé par le Service forestier. On sait combien, pour les forêts tropicales notamment, l'établissement d'un plan précis et détaillé présente de difficultés et qu'il est non moins difficile de l'appliquer correctement. Ceci suppose donc un organisme de contrôle, intelligent et techniquement compétent, exerçant ce contrôle directement sur le terrain de sorte que l'institution des Unidades ne supprime pas, bien au contraire, la nécessité d'un Service forestier officiel. Elle peut en réduire l'effectif émargeant au budget de l'état, mais elle en augmente la puissance.

Application pratique de la législation sur les «Unidades» au Mexique

Il existe déjà au Mexique huit Unidades constituées, ainsi qu'il vient d'être dit plus haut. Trois ont été créées pour l'approvisionnement des papeteries, elles couvrent au total 400.000 hectares environ. Il existe deux Unidades en forêt tropicale, couvrant 1.600.000 hectares, l'une dont le produit principal est l'acajou d'Amérique (Swietenia macrophylla), exporté sous forme de sciage; l'autre dont le produit principal est le cèdre (Cedrela odorata), exporté sous forme de contreplaqués.

Ciudad Guzman (Jalisco) Unidad

Examinons maintenant les décrets particuliers créant une Unidad par exemple la Ciudad Guzman (Jalisco) Unidad. Elle comprend 130.000 hectares de forêts, principalement du pin, répartis entre plus de 1.000 propriétaires;

Le décret prévoit la création d'une «Unité industrielle»destinée à alimenter en produits forestiers une industrie consommatrice fabriquant de la pâte de bois de la cellulose et de la fibre. En vertu de l'article 3 du décret, le bureau de la direction technique de «l'Unidad» devra recevoir ses instructions directement du Service forestier central, mais le Directeur devra être nommé par l'industrie consommatrice sous réserve de l'approbation du Directeur général des forêts et payé par l'industrie.

Il est également stipulé que l'industrie consommatrice devra financer la marche de l'Unidad, qu'elle sera responsable de la garderie des forêts et devra consacrer chaque année 250.000 pesos (1.050.000 frs.) à des travaux de reboisement. Le décret ne comporte pas d'instrustions sur le type d'aménagement des forêts elles-mêmes.

On doit ajouter que les propriétaires reçoivent le paiement de leur bois suivant des taux préalablement convenus entré eux et l'industrie consommatrice. Sur ces bases légales (loi, règlement d'administration publique et décret de création) et sur un plan d'aménagement («Proyecto de Ordenación») on constate que la Ciudad Guzman Unidad fonctionne effectivement et efficacement.

Tout d'abord, le Chef de l'Unidad a sous ses ordres directs plusieurs subordonnés (les 3 ingénieurs chefs de secteurs forestiers, et les chefs des Services généraux: police forestière, service des pépinières, des reboisements et services administratifs) en nombre suffisamment restreint pour qu'il puisse les diriger et les contrôler efficacement. Il en résulte la possibilité d'effectuer une décentralisation des pouvoirs et l'augmentation des responsabilités des subordonnés.

L'équipement (matériel, outillage, fournitures diverses) est bien adapté aux besoins, et il existe en quantité suffisante pour que chaque agent puisse travailler avec un bon rendement.

Le personnel est en nombre suffisant pour commencer à assurer une surveillance et une gestion intensive des peuplements, bien que chaque agent technique («montero») surveille actuellement, en moyenne, 7.000 hectares de forêts, chiffre que l'on se propose de ramener prochainement entre 2.000 et 4.000 hectares, par un nouveau recrutement.

Les soldes payées à tout le personnel sont comparables à celles des industries privées. Et il est presque sûr que le coût réel de chaque travail est finalement inférieur à ce qu'il serait sous un régime de bas salaires. Il est certain que tout le personnel semble prendre un vif intérêt à son travail et que la régie industrielle manifeste une réelle compréhension des intérêts forestiers qui, au fond, sont les siens.

Total des employés: 61 pour 130.000 hectares, soit presque 1 employé pour 2.000 hectares, ce qui est une bonne densité, comparable à celle des vieux pays forestiers à sylviculture intensive.

Cette organisation n'a pas beaucoup d'équivalents aujourd'hui dans le monde forestier. Tout au plus pourrait-on la comparer à celle que les grands propriétaires forestiers d'Europe se sont donnés eux-mêmes pour améliorer la gestion et l'exploitation de leurs forêts mais, dans le monde actuel, ces grandes propriétés sont devenues rares. On pourrait aussi la comparer à l'organisation d'un grand massif forestier domanial tels qu'on les trouve dans les pays d'Europe occidentale à cette différence près que le Service forestier n'est généralement pas lié directement avec une usine de transformation qui possède un privilège exclusif sur ses produits; en fait, le Service forestier est plus indépendant vis-à-vis des industries consommatrices ou des exploitants qui obtiennent chaque année leur permis d'exploiter à la suite d'adjudications publiques.

Au point de vue forestier, l'organisation de l'Unidad se présente schématiquement comme suit:

On peut aussi rapprocher les Unidades des «Cooperative Sustained Yield Management Units» des Etats-Unis. Celles-ci cependant ne groupent généralement, au bénéfice d'une entreprise privée, que des forêts appartenant à cette entreprise et des forêts de l'état, en vue d'assurer à la fois l'approvisionnement continu de l'industrie intéressée et l'aménagement rationnel de l'ensemble des massifs qui l'alimentent. Ce groupement n'a aucun caractère obligatoire, et l'application de la loi qui a autorisé la création de ces coopératives a d'ailleurs donné matière à de nombreuses critiques, basées sur le fait qu'il s'agit d'un monopole accordé dans le domaine de l'état à une entreprise particulière.

Conclusions

L'application qui est faite de la législation sur les «Unités forestières,» à l'Unidad de Ciudad Guzman, suggère quelques remarques d'ordre général:

1. La création des Unidades présuppose l'existence de forêts économiquement exploitables, étant donné que la constitution même de l'Unidad dépend de l'industrie particulière qu'elle doit approvisionner. Une Unidad comprenant des forêts non immédiatement productives devrait, vraisemblablement, être subventionnée par le gouvernement, à moins que des établissements de crédit ne les soutiennent, ce qui n'est pas inconcevable s'il existe des perspectives précises d'amélioration de la production.

2) Il y aurait avantage à établir un système analogue à ces Unidades dans des pays où lé Service forestier officiel n'a pas les moyens d'assurer lui-même la gestion intensive des forêts. Ce serait en particulier le cas pour ces pays dont le Service forestier est pauvre en crédits ou en personnel, du fait de la réticence des gouvernements à ouvrir des crédits ou à autoriser le recrutement du personnel. Grâce au système des Unidades les industries du bois elles-mêmes doivent assumer la charge des services forestiers qui, à condition de leur laisser une liberté d'action suffisante, devraient être en mesure d'assurer une gestion convenable des forêts.

Le Mexique possède, avec la loi sur les Unidades, une législation et une réglementation parfaitement adaptées à ses conditions économiques et sociales. Sans doute le succès de cette loi dépend-il, dans une large mesure, de l'application qui en sera faite. Les Unidades sont encore peu nombreuses et, dans la pratique, il existe encore nombre de problèmes à résoudre. Les idées foisonnent en ce qui concerne ce système, certaines se sont traduites par des textes, mais à beaucoup d'entre elles manque encore la sanction de l'expérience Cependant, dans le cadre de la législation existante, une Unidad au moins fournit, depuis ces dernières années, la démonstration d'un fonctionnement effectif et efficace pour le bien de la forêt et dans l'intérêt public.

Ce système assure l'étroite collaboration de l'industrie du bois avec les services forestiers officiels. Les exploitants ne sont plus les destructeurs d'antan. Ils ont maintenant une notion plus exacte de leurs responsabilités. Les entreprises forestières et industries connexes (papeterie, contreplaqués, panneaux de fibres, etc...) investissent des capitaux de plus en plus importants qui les obligent à obtenir des forêts une production continue (sinon maxima), de sorte que l'institution des Unidades sera, dans la plupart des cas, plutôt acceptée par les compagnies qu'imposée à celles par l'état.

Dans le monde moderne, il nous faut être réalistes et réviser les institutions traditionnelles du passé. Or, en matière forestière, nous constatons que par un étrange paradoxe, dans beaucoup de pays, la puissance des services forestiers officiels ne s'accroît pas dans la même proportion que l'importance acquise chaque jour par les forêts et les produits forestiers. Les budgets nationaux, actuellement grevés par les dépenses d'armement les négligent, si bien que la vie des services forestiers et leurs possibilités d'action deviennent de plus en plus modestes et étriquées. Une liaison plus directe de ces services avec la source même de la transformation des richesses forestières en richesses monnayables et échangeables, c'est-à-dire avec les industries consommatrices de bois, leur assurerait évidemment la disposition de moyens financiers propres à faire rendre aux forêts le maximum de produits par l'exécution, dans la forêt même comme dans l'industrie transformatrice, d'investissements difficiles à réaliser autrement.

Le détour des Unidades doit permettre cette revalorisation des techniciens forestiers, tout en représentant un excellent moyen pour assurer une saine gestion des forêts jusque-là difficiles à gérer pour les raisons déjà exposées.


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