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Foresterie et éducation de base

par JOHN BOWERS

Directeur du Programme de formation collective en matière d'éducation de base (UNESCO)

Une expérience réalisée dans le Mysore (Inde)

Il convient tout d'abord de remonter à l'origine de l'expérience qui est ici rapportée. Au cours de sa septième Session, en 1952, la Conférence générale de l'UNESCO adopta une résolution prescrivant, afin de remédier à la pénurie aiguë de spécialistes, d'organiser, dans le cadre de l'une des organisations annexes, des cours destinés à former de futurs spécialistes de l'éducation de base.

L'éducation de base a été définie comme suit par l'UNESCO: «Le type d'éducation qui tend à aider les enfants et les adultes complètement privés d'enseignement officiel à comprendre les problèmes du milieu dans lequel ils vivent, ainsi que leurs droits et devoirs de citoyens et d'hommes, et à participer d'une manière plus efficace aux progrès économique et social de la collectivité à laquelle ils appartiennent.»

Elle peut à juste titre être considérée comme l'instrument éducatif du progrès social et économique, et s'applique spécialement à ces régions du monde où l'enseignement officiel n'est pas accessible à tous, où l'analphabétisme est très répandu et s'accompagne généralement de pauvreté et de maladies, c'est-à-dire aux régions dites «insuffisamment développées».

Il existe depuis sept ans au Secrétariat de l'UNESCO une division chargée d'aider les Etats Membres à «étendre et améliorer l'éducation de base dans leurs territoires». De nombreux plans ont été étudiés pour chaque continent et pour beaucoup de pays - certains sous le nom d'«Education de base», et d'autres sous des noms différents, tels que «Education collective», «Education des masses»et «Education sociale». Des spécialistes ont été envoyés en mission pour les assister - sur une échelle de plus en plus vaste depuis la mise en application du Programme élargi d'assistance technique des Nations Unies. Cependant, cette expérience a révélé que l'éducation de base en est encore à ses débuts, que, pour obtenir de cette nouvelle application vitale des techniques d'éducation tout ce qu'elle peut donner, beaucoup de recherches pratiques sont nécessaires, et qu'il faut, en outre, former un personnel qualifié.

En agriculture, par exemple, comme en foresterie, chaque pays possède des instituts de recherche, fondés depuis de longues années, des fermes et des plantations expérimentales, des spécialistes qualifiés dans différents domaines, tels que pédologie et parasitologie, des collèges techniques et des facultés. Les techniques des cultures vivrières et de la sylviculture sont constamment étudiées et perfectionnées. Cependant, les techniques de «culture» de l'esprit humain - de la greffe de connaissances et de compétences nouvelles sur les vieilles souches de l'ignorance et de l'analphabétisme - sont encore à l'état rudimentaire.

Pour remédier à cette situation, l'UNESCO a établi - ou aidé les gouvernements à établir - un certain nombre de centres ruraux d'éducation de base dans lesquels la recherche pratique, la formation d'un personnel spécialisé et la création de prototypes de matériel - d'enseignement sont coordonnées dans le cadre d'un programme unique. La FAO a coopéré, et continue de coopérer, avec l'UNESCO, à un certain nombre de ces projets. Mais des spécialistes de l'enseignement sont indispensables pour constituer le personnel de ces centres, et le Programme auquel est consacré cet article fut établi pour former ces spécialistes sur la demande du Gouvernement de l'Inde et du Gouvernement de l'état de Mysore.

La région choisie pour ce projet correspond au type même de la région insuffisamment développée. C'est une zone sèche - avec une précipitation annuelle moyenne d'environ 500 mm - située au nord - ouest de la ville de Mysore. Peut-être en raison de son climat, c'est l'une des «régions retardataires» d'un état qui est connu pour sa politique progressive de mise en valeur Le siège de cette mission de l'UNESCO est une vieille maison du XVIIIe siècle, pleine de coins et de recoins - «Yelwal Bungalow» - à 16 kilomètres de la ville de Mysore; dans un rayon de 8 kilomètres, parmi les ondulations d'une plaine de graviers stériles, se trouvent plus de 70 villages. C'est une région d'entraînement idéale, car elle présente beaucoup des problèmes auxquels l'éducation de base doit inévitablement faire face: grand nombre d'illettrés, population très dense, insuffisance et division des terres, insuffisance des pâturages dans une région où les traditions religieuses interdisent de tuer le bétail, érosion et stérilité croissante du sol, rareté des métiers productifs et pauvreté universelle de la population. Grâce Peut-être à la sécheresse et à la fraîcheur du climat à 760 - 900 mètres au-dessus du niveau de la mer, et à la valeur des services sanitaires, la maladie ne constitue pas un problème sérieux, en dépit de l'absence complète d'égouts et d'installations d'hygiène dans les villages. La malaria est vaincue et les épidémies sporadiques de choléra ou de peste sont généralement tenues en échec.

Telle est la région dans laquelle l'UNESCO met en pratique la résolution prise à la Conférence générale «de former les futurs experts de l'Éducation de base».

De décembre 1953 à juillet 1954, 17 stagiaires appartenant à 10 pays d'Europe et d'Asie ont suivi un cycle de formation pratique, et un second cycle, suivi par 15 stagiaires appartenant à 7 pays d'Asie et d'Australasie, est en cours (septembre 1954 - mai 1955).

Il faut citer ce passage du rapport sur le premier cours1:

1 Final Report on the First Course (GTS/FE/Re. 9): novembre 1953 - juillet 1954. Ronéotypé, 29 p. Disponible en quantité limitée. S'adresser au Directeur du Group Training Scheme for Fundamental Education, Yelwal Bungalow, Mysore (Inde).

«La caractéristique la plus importante de ce cours a probablement été sa nature expérimentale. Il constituait par lui-même une expérience éducative. Il comportait également un enseignement utilisant des méthodes expérimentales... Les échecs autant que les succès pouvaient nous instruire et nous ont effectivement instruits, et ce n'est certainement pas fausse humilité que d'ajouter que le personnel enseignant a appris autant que les élèves.»

Mais le lecteur peut à bon droit demander: «En quoi ce plan de formation pédagogique touche-t-il la foresterie?» La réponse est: «En bien des points», car le projet, si limité qu'il fût dans le temps et dans l'espace, a montré la possibilité d'une union très féconde entre la foresterie et l'éducation fondamentale.

La foresterie, sujet d'expériences pédagogiques

La notion de «prise de conscience d'un besoin» est très fréquemment évoquée par les spécialistes de l'éducation de base et du développement des collectivités. Les puristes de l'école du «besoin conscient» soutiennent, avec quelque raison, que les populations n'appliqueront pas les plans qui leur sont imposés par des étrangers, à moins qu'elles - mêmes n'en ressentent la nécessité et ne voient clairement qu'elles vont retirer quelques avantages tangibles des efforts qu'elles y auront consacrés. C'est certainement un principe judicieux, mais il peut conduire, s'il est observé servilement dans des collectivités routinières et inertes, à une inaction prolongée. Aussi avons - nous, dans notre enseignement, adopté en cette matière une attitude souple. Nous avons concédé à l'école du «besoin conscient» que dans une collectivité l'éducation de base et le travail de mise en valeur doivent certainement, au début, aider autant que possible les populations à atteindre les objectifs immédiats qu'elles considèrent comme les plus importants, surtout si cela doit leur inspirer confiance et les inciter à contribuer à leur propre prospérité. Par contre, nous avons estimé qu'une des fonctions importantes de l'éducation de base peut être d'attirer l'attention sur des besoins réels de la collectivité, dont la population ne saisit pas toute l'importance - ou même qu'elle méconnaît totalement.

C'est en partie pour mettre à l'épreuve le bien - fondé de notre attitude que nous nous sommes tournés vers la foresterie.

Notre rapport d'activité de février - troisième mois de notre cycle pédagogique - contient le passage suivant, sous la rubrique: «Choix de Questions».

«Au delà des limites des plantations domaniales qui entourent le bungalow, nous pouvions voir de vastes étendues de collines stériles, couvertes de buissons de latanier et d'herbes desséchées; au pied de ces collines, des parcelles de sol sablonneux et pauvre et, çà et là, des arbres rabougris, ébranchés par les villageois en quête de bois de chauffage ou de fourrage pour leurs chèvres. Le problème du déboisement et de l'érosion était évidemment très grave dans cette région.

«Nous nous rappelions également que, au cours de nos visites aux services d'Etat à Bangalore, le Conservateur des forêts, Sri M. A. Muthanna, et ses collaborateurs avaient manifesté un intérêt sincère pour notre projet, parlé avec chaleur de la menace du déboisement et promis leur concours si nous nous décidions à nous mettre à l'œuvre.

«Mais notre premier souci fut de nous rendre compte si les paysans eux-mêmes avaient conscience du problème et jusqu'à quel point ils comprenaient les relations complexes qui lient les arbres, le climat et la fertilité de leur sol. Quelques membres de notre groupe discutèrent donc avec les villageois et constatèrent que quelques-uns d'entre eux s'en préoccupaient. De toute évidence le reboisement n'était pas, pour employer l'expression usuelle, un «besoin conscient» de cette région. Nous reconnûmes que' les difficultés qu'il y avait à persuader les villageois de s'attaquer à ce problème étaient énormes, cependant on fit valoir que l'une des fonctions de... l'éducation de base était de transformer les «besoins réels» en «besoins conscients».

«En conséquence, nous nous rendîmes à nouveau auprès du Conservateur des forêts pour obtenir des renseignements plus complets sur les problèmes de la région de Yelwal, et reçûmes la promesse que lui et le Dr. M. N. Ramaswamy, son collaborateur chargé des recherches, viendraient à Yelwal Bungalow discuter de ces problèmes avec l'ensemble du groupe d'études.

«C'est ainsi que le premier but de nos activités pédagogiques expérimentales devint une question de boisement.»

Etude du problème dans les villages

Ce travail ne put être aussi systématique que nous l'aurions voulu. Si nous avions travaillé pour un projet de mise en valeur à long terme, nous aurions certainement préféré, avant de prendre une décision, envoyer à l'avance notre «Equipe de sciences sociales», qui étudiait l'application de l'anthropologie et de la psychologie expérimentale à l'éducation de base. Nous aurions préféré attendre les résultats des enquêtes sur deux villages, afin de savoir, par exemple, les raisons du déboisement et de sa rapidité, la nature des besoins antagonistes qui pesaient sur cette surface limitée, de déterminer jusqu'à quel point les cultures vivrières, les pâturages et le boisement étaient en concurrence, et d'obtenir beaucoup d'autres données relatives à cette question. En particulier, nous aurions aimé charger notre équipe de psychologie d'entreprendre un «sondage de l'opinion» pour pouvoir nous rendre compte, plus méthodiquement que nous ne pouvions le faire par des questions posées au hasard des rencontres, de ce que les paysans pensaient des arbres et des plantations, du déboisement et de l'érosion, et des corrélations entre les arbres, le climat et la fertilité du sol.

Le temps dont nous disposions ne nous permettait pas d'opérer ainsi, mais avec les progrès des enquêtes que notre équipe spécialisée en sciences sociales effectuait dans les villages, nous accumulions une riche documentation sur l'ensemble du sujet. On nous apprit, par exemple, qu'il y a cinquante ans, l'ensemble de cette région expérimentale était couvert de riches forêts, tandis qu'aujourd'hui le bois de construction doit généralement être payé trois roupies par charretée, et exige une expédition de six jours dans une région boisée distante de 48 kilomètres; que les 40 hectares environ de collines désolées qui dominaient l'un de nos villages - pilotes, couvertes d'une maigre végétation de buissons rabougris et d'herbe rare et jaunie, ravinées par l'érosion, servaient de pâturages pour douze villages environnants et pour un nombre indéterminé de bêtes chétives et pour la plupart inutiles. Nous apprîmes qu'une usine d'engrais chimiques achetait mille tonnes de bois de chauffage par an dans les quelques rares peuplements qui subsistaient dans notre zone et qu'un homme d'affaires prospère des environs encourageait les paysans à exploiter leurs derniers arbres et à les lui vendre en sa qualité d'intermédiaire dans le négoce du combustible. Nous observâmes également les méthodes déplorables du charpentier du village qui équarrissait ses bois à l'aide d'une herminette primitive. Nous pûmes comparer les belles colonnes droites et sculptées des maisons les plus anciennes avec les mauvais poteaux tordus et fendus, de bois non séché, qui soutenaient les misérables maisons de construction plus récente. Nous découvrîmes que le bois employé pour la construction de maisons d'un meilleur style et pour le charronage, que l'on pouvait autrefois se procurer sur place, devait maintenant être transporté depuis des forêts distantes de 50 ou 60 kilomètres. Un nombre toujours croissant de femmes préparaient des galettes de bouse en guise de combustible, au fur et à mesure que les ressources en bois de chauffage diminuaient ou disparaissaient. Les potiers du village et leurs femmes, qui devaient parcourir des kilomètres pour se procurer le bois de chauffage nécessaire à leurs fours, nous exposèrent leurs doléances. Nous pûmes voir des petits garçons ébranchant, à l'aide de couteaux fixés ' de longues perches, les Ficus et les nimba pour nourrir leurs chèvres affamées. Nous vîmes plusieurs anciens boqueteaux de Ficus et de manguiers en voie de disparition. Nous vîmes des arbres abattus et brûlés, mais rarement un jeune arbre planté depuis moins de dix ans.

Un fait intéressant qui nous fut révélé est que nous ne devions pas employer le mot «foresterie» au cours de nos discussions soit avec les paysans soit avec les fonctionnaires locaux. Ce terme, à tort ou à raison, était associé dans leurs esprits avec la sylviculture appliquée à de grandes étendues de forêts domaniales, et impliquait pour eux l'exclusion de toute autre utilisation de la terre dans la région intéressée. Aussi le mot «foresterie» fut - il banni de notre vocabulaire, et l'expression «plantation et protection de l'arbre» adoptée pour décrire les méthodes que nous voulions encourager grâce aux activités pédagogiques de cette zone expérimentale.

Collaboration technique avec le service forestier

Notre équipe de sciences sociales rechercha les méthodes qui permettraient d'étudier et de connaître cette collectivité. (C'est un principe généralement admis qu'une «enquête fondamentale» devrait précéder tout projet important d'éducation ou de mise en valeur, afin de fournir des données pour établir des plans et de définir les conditions initiales par rapport auxquelles peuvent être jugés les progrès futurs.) Mais nous nous rendîmes compte, comme nous nous y attendions du reste, qu'une telle enquête exige la collaboration de spécialistes d'autres domaines du développement économique et social. Et comme la «plantation» était devenue l'un de nos centres d'intérêt les plus immédiats, nous fîmes naturellement, appel en premier lieu au Service forestier de Mysore.

Aussi notre rapport d'activité de février rappelle-t-il comment nous fut acquise la généreuse collaboration du Conservateur de Mysore, qui nous promit de venir visiter notre centre.

«En vue de cette visite, et afin d'étendre nos connaissances sur ce sujet complexe, nous rédigeâmes un questionnaire2... Celui-ci fut adressé au Conservateur des forêts ainsi qu'à la Division des Forêts de la FAO, accompagné d'une demande de renseignements sur la plantation des arbres dans les régions sèches d'autres parties du monde. La FAO s'intéressa immédiatement à ce projet et promit une utile documentation [qui fut ultérieurement repue].»

2 Questions on Reforestation in the Yelwal Area Questions concernant le reboisement dans la région de Yelwal (GTS/FE/QU 4). Ronéotypé, 5 p.

«La visite du Conservateur des forêts et du Dr. Ramaswamy fut des plus encourageantes pour notre groupe. Après une discussion de deux heures portant sur le questionnaire, nos visiteurs furent conduits dans une région typique de terres stériles, située à 3 kilomètres du bungalow; ils nous donnèrent d'autres conseils pratiques sur la manière dont la population locale devrait traiter ces régions, au cas où il serait possible d'éveiller son énergie et son intérêt.»

Cet exercice permit à notre groupe d'apprendre comment les spécialistes en éducation de base doivent faire appel aux connaissances de spécialistes appartenant à d'autres domaines techniques, étrangers à leur propre compétence, mais constituant néanmoins la substance du programme pédagogique.

Moyens expérimentaux

A ce stade, nous avions le projet de présenter quelques documents expérimentaux auditifs et visuels (films, films fixes, enregistrements pour émissions radiophoniques, affiches, etc.) sur un thème choisi, et notre équipe de propagande, composée des photographes, cinéastes, dessinateurs, et du spécialiste en radio du groupe, entra en scène. Notre rapport d'activité du mois de mars expose les progrès réalisés:

«A la suite de la décision prise en février de placer au centre de nos activités une campagne de plantation dans le village, l'équipe de propagande, accompagnée par un membre de notre équipe de sciences sociales, se rendit à Bangalore au cours de la première semaine du mois, pour étudier cette question plus à fond et pour se procurer des photographies en couleurs ou en noir pour faire des projections. L'équipe eut encore de nouvelles discussions avec le Conservateur des forêts et son assistant chargé des recherches, visita l'Institut de recherches forestières, et passa une grande partie des deux jours que dura sa visite à prendre des photographies dans les plantations domaniales situées à environ 16 kilomètres de la ville.

«Une attention particulière fut consacrée à la méthode de plantation sur banquettes et tranchées, qui permet de faire croître beaucoup d'essences en sol aride, avec une précipitation de 500 millimètres ou moins. Ainsi que son nom l'indique, cette méthode consiste à creuser une série de tranchées d'environ 50 centimètres de profondeur, 50 centimètres de large, et 3,5 mètres de long, tracées suivant les courbes de niveau, et à entasser la terre de déblai en aval des tranchées. Des graines d'essences diverses sont semées sur les banquettes et dans le fond des tranchées, qui retiennent les eaux de pluie, conservant l'humidité assez longtemps après la fin de la saison des pluies pour permettre la reprise des jeunes plants. Cette méthode, qui est tout à fait inconnue des paysans de la région de Yelwal, est moins coûteuse et plus facile que l'ancienne méthode qui consistait à planter individuellement les plants en potets séparés. L'équipe obtint également des données détaillées sur les diverses essences à planter et sur leurs emplois.»

«A la suite de cette visite, un document fut rédigé sur la plantation en régions sèches3

3 Tree Planting in Dry Areas (La plantation d'arbres en régions sèches) (GTS/FE/5). Ronéotypé, 6 p.

PLANTATION SUR BANQUETTES ET TRANCHÉES - Plantation des semences. Les semences mélangées sont plantées sur les banquettes et dans les tranchées.

C'est à ce moment que le Conservateur eut l'obligeance de détacher en permanence, comme conseiller technique auprès de notre Centre, Sri A. N. Sharman, ingénieur des services extérieurs de son département.

Jeunes arbres de la plantation du Département des Foret - première année

Jeunes arbres de la plantation du Département des Forets - troisième année.

Prises de vue

L'un des buts de notre programme était de former une petite équipe de trois cinéastes pour produire des films destinés aux paysans. Nous avions des idées bien définies en ce qui concernait la production de ce genre de document. Nous avions examiné un grand nombre de films produits en différents pays pour l'éducation de base et la vulgarisation. Quelques-uns d'entre eux furent présentés aux paysans de notre zone d'expérience, et avec la collaboration de la section de psychologie de l'Université de Mysore, notre groupe de psychologie analysa les réactions des paysans4. Le résultat confirma notre opinion que l'emploi de films étrangers ou de films réalisés par des équipes de cinéastes résidant dans des villes et connaissant mal la tournure d'esprit, les centres d'intérêt et le niveau d'intelligence d'adultes illettrés, étaient sans grande portée éducative sur les auditoires ruraux. Nous étions convaincus que les films destinés aux campagnards doivent être réalisés dans les villages, autant que possible par des acteurs paysans et dans un dialecte qui captive l'attention des auditeurs campagnards et leur soit compréhensible, même au prix de quelques sacrifices sur la qualité technique. La production de ces films est un travail spécialisé impliquant la coopération de cinéastes professionnels, d'éducateurs et de spécialistes en psychologie appliquée, ainsi que de techniciens spécialisés dans la question, quelle qu'elle soit, choisie pour sujet du film. Il fut entendu que notre équipe de cinéastes commencerait son travail par la production d'un court métrage de 16 millimètres en couleur, sur un thème dramatique ayant pour but d'éveiller l'intérêt de l'auditoire villageois en lui montrant l'importance de la plantation et de l'entretien des arbres sur les terres. On laisserait à des projections et autres moyens le soin de les instruire sur les méthodes de plantation et de protection.

4 Report of Audiences Reaction Evaluation Project (Rapport sur le projet d'évaluation des réactions du public). (GTS/FE/9). Ronéotypé, 14 p.

Notre équipe, accompagnée de notre conseiller forestier, installa son camp dans un village situé à 3 kilomètres de notre bungalow, et où notre équipe de sciences sociales entreprenait une enquête préable. Ce village avait un nom imprononçable, Dadadakallahalli, mais il présentait deux avantages: il possédait une vaste étendue de terres stériles et érodées, propices au reboisement, et le chef et les anciens du village avaient exprimé leur intérêt pour les plantations d'arbres.

Nous espérions amener les paysans à entreprendre une campagne de plantation forestière et à se faire pour nous les acteurs de l'histoire dramatique pour laquelle nous avions écrit un scénario et sur laquelle ils avaient déjà exprimé une opinion favorable. Nous n'avons pas ici la place de décrire les nombreux problèmes et vicissitudes qui accompagnèrent cette expérience par exemple la difficulté qu'il y avait à obtenir des paysans, et plus particulièrement des femmes, qu'ils jouent avec naturel devant la caméra, ou leur inertie générale lorsqu'il s'agit de mettre leurs bonnes intentions en pratique.

L'un des problèmes les plus sérieux, auxquels se heurte inévitablement toute tentative pour persuader les cultivateurs de planter des arbres, résulte de ce que la plantation doit avoir lieu au cours de la saison des pluies, alors que chacun est occupé de l'aurore au crépuscule dans les champs de millet. Qu'il nous suffise de dire que, grâce à des encouragements répétés, nous avons persuadé les villageois de venir en nombre pendant une journée entière pour planter 150 jeunes plants le long de la route d'accès au village, ce qui nous permit de tourner pour notre film quelques bons mouvements de foule. Toutefois, tous nos efforts de douce persuasion ne purent réussir à les convaincre d'essayer la méthode de plantation en tranchées et banquettes dans leurs terres incultes. Puis, au moment crucial, notre principal acteur quitta le village pour un long voyage.

A cette époque, notre second film expérimental avançant assez rapidement, nous décidâmes d'abandonner la lutte à Dadadakallahalli et de concentrer l'activité de notre équipe de cinéastes sur son achèvement. C'était un film horticole: «Naissance d'un Jardin», et dans ce domaine nos problèmes étaient bien moins ardus. Le propriétaire du jardin était acteur de cinéma par nature et le jardin naquit sous nos yeux - sujet idéal pour un film en couleurs.

Après six mois, nous devons donc reconnaître que notre tentative pour réaliser un film dramatique sur le thème de la plantation d'arbres n'a pas encore été couronnée de succès. Nous allons persévérer pendant le second cycle qui vient de commencer à Yelwal Bungalow. Néanmoins, au point de vue pratique, l'expérience fut des plus précieuses en nous révélant comme elle l'a fait, par contraste avec notre autre film sur l'horticulture, les problèmes les plus difficiles posés par la réalisation, dans des villages et avec des acteurs paysans, d'un film destiné à des paysans, et la grande difficulté à susciter l'enthousiasme pour un «besoin non - conscient»: la plantation d'arbres.

Films fixes et équipe chargée d'organiser des expositions

Il est généralement admis que, bien que le cinéma soit un excellent moyen d'éveiller l'intérêt et l'enthousiasme, le film fixe, réplique moderne de la plaque de lanterne magique, est un moyen d'enseignement généralement plus commode et certainement beaucoup moins coûteux. Pour cette raison, nous avons réalisé deux films fixes, l'un en couleurs et l'autre en noir, illustrant la méthode de plantation sur tranchées et banquettes dans lés régions sèches.

Mais de toutes les entreprises de notre équipe «audiovisuelle», la plus intéressante fut la fabrication d'un stand d'exposition sur la «plantation des arbres».

Pour ce travail nous avons utilisé une technique d'enseignement qui s'est révélée avantageuse dans d'autres domaines de notre cours. En février, un avant - projet de «Manuel» fut rédigé sous le titre «Comment réaliser un musée - exposition pédagogique». Il exposait, un peu comme une vue de l'esprit, nos plans d'exposition, que nous avons ensuite essayé de réaliser au cours des cinq mois suivants.

Nos artistes travaillèrent avec une grande ardeur, dessinant des affiches et des schémas, fabriquant divers accessoires, et essayant toutes les substances qu'ils pouvaient trouver sur place, telles que le crêpe, le papier mâché, la terre glaise, la gaze et le mastic, pour fabriquer des modèles. On employa un charpentier local, et les souffleurs de verre de l'Institut de recherche technique sur l'alimentation de Mysore nous aidèrent à fabriquer un modèle animé représentant la coupe d'un arbre puisant l'eau du sous - sol par ses racines, et l'émettant sous forme de vapeur dans l'atmosphère; un nuage de verre produisait ensuite une averse très réaliste.

Nous étions convaincus que, pour un auditoire illettré, l'impression serait beaucoup plus frappante si nos modèles et autres éléments visuels pouvaient être sonorisés, ce qui leur permettrait d'atteindre simultanément la vue et l'ouïe. Notre spécialiste en radio, avec le concours d'un constructeur de modèles, fabriqua un appareil à diorama, muni d'écouteurs branchés sur notre magnétophone. L'effet produit par cet appareil fut spectaculaire. Le spectateur regardait par une petite fenêtre et voyait un diorama brillamment éclairé représentant un paysage typique peuplé de personnages: un homme abattant un arbre et de jeunes garçons coupant des branches pour leurs chèvres. Il passait ensuite à une autre fenêtre au travers de laquelle il pouvait voir les résultats désastreux - de la destruction indiscriminée des arbres - le même paysage cinquante ans plus tard - un sinistre paysage semi-désertique avec quelques arbres décrépits et quelques bêtes décharnées cherchant de l'herbe dans une mare desséchée, le tout éclairé par un ciel cuivré de soleil couchant, dans le fond du diorama. Et, tandis que le visiteur regardait, une voix (notre ruban enregistreur) lui parlait doucement à l'oreille en un simple langage kanari:

«Il y a cinquante ans, votre terre était riche, verte et ombragée. Les arbres croissaient autour de votre village et de vos champs. Ces arbres fournissaient à vos pères du bois de chauffage et du bois d'œuvre, et enrichissaient leur sol d'humus formé par les feuilles tombées.

«Maintenant c'est la même terre, telle qu'elle est aujourd'hui, que vous contemplez.

«Vous abattez vos arbres et vous les ébranchez pour nourrir vos chèvres. Cependant vous ne replantez jamais d'arbres, lorsque vous avez abattu les anciens. Ainsi votre terre devient chaque année plus stérile et vos récoltes sont chaque année moins productives. Vous détruisez les arbres qui apportent de l'humidité à l'air et protègent la terre de la brûlure du soleil et des forces destructrices de la pluie et du vent. Vous privez votre sol du riche humus formé par leurs feuilles.

«Maintenant, allez à la fenêtre suivante, et vous allez voir quel sera l'aspect de votre terre si vous continuez à détruire vos arbres. Plus tard, nous vous montrerons comment éviter cette dévastation de vos terres.»

Nous avions aussi installé dans l'exposition trois appareils stéréoscopiques montrant une série de vues en couleurs prises par notre photographe pour illustrer les diverses méthodes de plantation. Le succès tout spécial qu'obtint cet appareil confirma notre opinion concernant l'avenir de la photographie «3D» en matière d'éducation de base.

Une série de loupes de différentes puissances révélaient ensuite aux villageois la possibilité de voir les objets grossis et la beauté d'une graine d'arbre en germination. Ils étaient accompagnés de dessins et de légendes explicatifs.

L'exposition fut finalement installée dans le hall central du bungalow pour notre «soirée d'adieu», le 19 juillet. La réaction qu'elle provoqua chez nos visiteurs, parmi lesquels quelque cinq cents paysans de notre zone expérimentale, fut des plus réconfortantes pour ceux qui avaient travaillé si longtemps et avec tant d'acharnement à sa réalisation.

A ce moment, nous avons publié une nouvelle édition révisée de notre Manuel5, illustrée de dessins et de photographies de l'exposition. Notre désir serait, pour le cycle suivant, si nous pouvons réunir les fonds nécessaires, de construire un stand d'exposition entièrement transportable, qui pourrait se déplacer de village en village sur une charrette à buffles construite à cet effet. Pour y parvenir, il faudrait de nouveaux essais d'installations sonores moins coûteuses et moins compliquées. Enfin, nous avons l'intention de publier une troisième édition, définitive, de notre Manuel sur les stands d'exposition destinés à l'éducation de base.

5 How to construct an Educational Museum - Exhibition Unit (Comment réaliser un stand de musée - exposition éducatif) (GTS/FE/20). Ronéotypé, 17 p.

Radio

Notre stagiaire en radio prit également comme sujet central «La plantation et la protection de l'arbre». Les programmes de six émissions rurales furent établis. Ils comprenaient un certain nombre de causeries et un «opéra» composé par Sri K. A. Karanth, l'écrivain kanari bien connu, portant sur la scène le problème du déboisement dans les villages.

Nos émissions furent enregistrées sur notre propre magnétophone et furent reproduites dans les villages, puis à nouveau devant un public sympathisant lors de notre soirée d'adieu. L'effet produit sur le public campagnard sera expérimenté d'une manière plus systématique au cours du second cycle.

La radio n'a pas encore été utilisée dans notre zone comme instrument d'éducation rurale et de vulgarisation, mais l'expérience réalisée avec notre propre matériel d'enregistrement nous a appris la manière dont notre sujet pourrait être traité dans les régions où il serait possible d'installer à demeure des postes récepteurs pour capter les émissions rurales.

Lutte contre l'analphabétisme

Une équipe de six membres de notre groupe fut spécialisée dans l'enseignement de l'alphabet aux adultes. Nous partions de l'idée que savoir lire n'est pas un but en soi et n'est pas non plus une nécessité préalable de l'éducation de base, mais que, chaque fois qu'apprendre à lire aux adultes constitue une politique admise, cet enseignement doit être efficace et fécond. Le monde est pavé des débris des tentatives avortées. Dans beaucoup de pays, des sommes importantes sont dépensées pour instruire des adultes illettrés suivant des méthodes surannées et académiques, jusqu'à ce qu'ils parviennent à lire un passage donné et à obtenir un certificat primaire, mais sans atteindre le stade quelquefois appelé «l'instruction fonctionnelle». Le but de notre programme était donc de former un groupe de futurs spécialistes chargés d'enseigner à des adultes la lecture et l'écriture suivant des méthodes rationnelles et modernes, à former des instituteurs et à installer des classes. Ce projet a conduit à rédiger une série complète de nouveaux manuels pour débutants et de matériel d'enseignement en langue kanari, et à faire l'épreuve de ce matériel dans trois classes expérimentales. Nous avons toujours estimé que l'enseignement de l'alphabet devrait être lié aux autres aspects de l'éducation de base et du progrès des collectivités, aussi avons - nous introduit la foresterie dans notre programme de publication.

Deux principes importants, parmi bien d'autres, ont guidé la rédaction de nos manuels d'enseignement: a) ils doivent être attrayants et pouvoir intéresser des adultes; b) ils ne doivent pas tenter d'enseigner des idées nouvelles ou des sujets compliqués en même temps que les rudiments de la lecture et de l'écriture.

Nous n'essayâmes donc pas d'enseigner l'art de la plantation. L'histoire écrite pour nos débutants par Sri K. S. Karanth, et les illustrations réalistes pour nous par un artiste indien célèbre, Sri K. K. Hebbar, avaient un sujet religieux, toujours attrayant pour les paysans de l'Inde, mais au travers de toute cette histoire régnait l'idée qu'une terre sans arbres est une terre pauvre. En effet, au moment le plus passionnant de l'histoire, un mendiant yogi donne une poignée de graines au chef du pauvre village, et lui dit: «Ceci est une bénédiction, va et plante - les»; et en quittant le village désolé, il promet: «Lorsque ces arbres auront grandi et donneront de l'ombre, je reviendrai». Et dix ans plus tard, à la fin du second livre, le yogi revient et retrouve le village autrefois stérile agréablement ombragé, et les champs et les jardins fertiles et bien cultivés.

Plus tard, dans notre second cours, nous pourrons envisager la publication de lectures suivies, en langage simple, sur les «Relations des arbres avec le climat et la fertilité du sol», ou la «Méthode de plantation sur banquettes et tranchées».

Formation des ouvriers agricoles

Etant donné qu'il appartient aux spécialistes de l'éducation de base de former des ouvriers et des moniteurs agricoles et de rédiger à leur usage des guides simples, nous avons étudié cette branche d'activité, et au cours de notre étude, nous avons rédigé un projet de manuel pour les ouvriers de «l'échelon village» (suivant le terme indien) sur «La plantation d'arbres en régions sèches».6

6 Manual for Village - Level Workers in Fundamental Education: Tree Planting in Dry Areas (GTS/FE/18). Ronéotypé, 14 p.

Ce document fut soumis à la FA et fait déjà l'objet d'une révision, notamment en vue de faire ressortir la difficulté et l'importance de la protection des jeunes arbres contre les chèvres et le bétail. Son but est de suggérer en langage très simple comment le moniteur du village ou le vulgarisateur peuvent arriver à persuader les paysans de planter et de protéger les arbres. Sous forme de dialogues imaginaires, il soulève les objections que les paysans soulèveront, et les réponses à leur donner. Il traduit en termes pratiques les conseils qui nous ont été donnés par la Division des Forêts. Il décrit la manière dont les arbres peuvent être plantés dans les terres incultes, grâce à la méthode des tranchées et banquettes, sans pour cela interdire le pacage du bétail. Il indique quelles essences peuvent être plantées à la limite des cultures et comment elles peuvent être utilisées comme compost pour enrichir le sol. Il indique en termes simples l'influence vitale des arbres sur le climat et les ressources en eau, et donne une liste des essences convenant à la région avec des notes sur leur utilisation et la manière rationnelle de les planter.

Comme tout notre matériel, c'est l'aboutissement d'un plan pédagogique et il ne doit donc pas être jugé d'après le niveau des publications destinées à un centre d'éducation de base déjà existant. Néanmoins, nous pensons que, après nouvelle révision, il comprendra tout ce qu'il faut pour constituer un opuscule utile aux ouvriers agricoles de cette région.

Conclusion

Peut-être ne peut-on encore prétendre que l'expérience d'union entre l'éducation de base et la foresterie qui vient d'être tentée soit un succès indiscutable, car nous n'avons pas encore réalisé - ni tenté - une vaste campagne de boisement, ni n'avons encore ébranlé d'une manière sensible le conservatisme et l'inertie séculaires des paysans. A deux points de vue, nous avons conscience qu'il a été extrêmement précieux, d'abord comme exercice d'entraînement, et ensuite comme expérience pilote.

Examinons brièvement les deux aspects du programme.

Seize jeunes gens, venant de dix pays d'Europe et d'Asie, ont bénéficié de cette expérience. Tous sont de futurs spécialistes de l'éducation de base; quatre d'entre eux occupent des postes subalternes, mais comportant des responsabilités, dans les plans et les centres d'éducation de base de l'UNESCO au Cambodge, en Thaïlande et en Bolivie. L'un d'eux a repris son poste au Mouvement d'éducation des masses en Birmanie; six autres se consacrent au travail d'éducation et de progrès économique et social dans l'Inde.

Ils ont beaucoup appris sur les relations très complexes qui existent entre les arbres, le climat et la fertilité du sol. Ils se sont rendu compte de la menace que représentent le déboisement et l'érosion. Ils ont appris d'une manière assez détaillée comment, en leur qualité de spécialistes de livres d'enseignement, d'émissions radiophoniques, de films et autres adjuvants visuels, ou en leur qualité d'instituteurs, de techniciens des sciences sociales et de psychologues, ils peuvent collaborer avec des spécialistes appartenant à d'autres domaines techniques pour créer un matériel d'enseignement portant sur différents sujets. Mais Par-dessus tout, ils ont appris, par une expérience intensément vécue, sinon concluante comment l'éducation de base peut et doit être intégrée dans le cadre d'un programme rural plus vaste, non pas comme une fin en soi, mais comme l'un des instruments du progrès d'ensemble de la collectivité. Ils ont appris de quelles façons leurs services de spécialistes en éducation de base pourraient être consacrés à un programme à long terme de politique forestière rationnelle dans des régions où une sylviculture à grande échelle, commerciale ou nationale, n'est pas une entreprise économiquement viable.

Toutefois, c'est en tant qu'expérience - pilote que notre plan présentera Peut-être le plus d'intérêt pour notre organisation - soeur la FA et pour les lecteurs de cette revue.

Notre plan était un programme à court terme ayant pour but de former des spécialistes de techniques pédagogiques, mais au cours des neuf mois de notre premier cours, nous avons pu nous faire une idée exacte de la manière dont un centre d'éducation de base plus permanent pourrait remplir ces trois fonctions de recherche des méthodes pédagogiques, de création de matériel d'enseignement, ainsi que de formation des spécialistes et des vulgarisateurs chargés de l'utiliser, et de quelle façon ces services pourraient être utilisés dans un programme de progrès rural - qui engloberait également une politique forestière tendant à encourager la population au reboisement et à la protection des arbres.

Dans les régions où l'ignorance et les contraintes économiques ont amené une destruction inconsidérée des arbres, une politique forestière doit, pour aboutir à une action universelle et efficace, gagner l'appui de la population. Nous pensons qu'un tel but exige une éducation de base intensive, faisant systématiquement appel à tous les moyens disponibles pour une pénétration et une propagande massive. Sur la base de notre expérience - pilote, nous estimons qu'un centre d'éducation fondamentale pourrait produire ces matériels au cours d'une année, avec les conseils d'un spécialiste forestier doué d'imagination. Ils doivent être créés à l'intention d'une seule région climatique et agricole, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne pourraient être adaptés avec succès à d'autres régions et à d'autres pays. Toutefois, nous persistons à croire qu'un matériel importé n'est que le piètre succédané d'un matériel fait sur mesure pour répondre aux besoins locaux.

Nous proposons qu'un centre d'éducation de base entreprenne la production d'un tel matériel - sans omettre bien entendu de le mettre à l'épreuve en étudiant les réactions et la compréhension de l'auditoire. (L'étude du consommateur est tout aussi importante pour la vente d'idées que pour la vente de chaussures, de casseroles ou de cigarettes). Nous avons constamment insisté dans notre cours sur le fait que l'éducateur ne doit pas dépasser les limites de sa compétence, et prétendre être un agronome ou un sylviculteur. De même nous estimons que le spécialiste agronome ou forestier ne doit pas prétendre être un spécialiste de l'éducation. La production d'affiches ou de films éducatifs; ou de livres ou de brochures pour des adultes qui savent tout juste lire et écrire, demande tout autant de spécialisation dans le métier que faire pousser un arbre dans une terre désertique. Cette œuvre doit être réalisée par des centres dotés d'un personnel et d'un équipement appropriés, et non par de petits groupes de propagande, travaillant indépendamment dans les divers techniques de l'Etat.

Ainsi, en supposant un centre établi, doté d'un personnel compétent et d'un matériel de production approprié, considérons le prix de revient d'une campagne régionale de reboisement en prenant pour base nos expériences de l'Inde (cf. tableau).

Ce programme sous - entend qu'il existe dans la région des instituteurs, des moniteurs et autres agents de l'éducation de base, ainsi que des ingénieurs forestiers et des spécialistes de la vulgarisation résidant dans le village, dont quelques-uns disposent d'appareils de projection, qui soient capables d'utiliser ce matériel ou puissent rapidement apprendre à le faire. Cette formation serait elle - même une fonction propre à un centre d'éducation de base.

Il n'est pas essentiel naturellement que tous ces instruments d'éducation fondamentale soient tous mis en œuvre dans toutes les campagnes entreprises, mais, même en supposant que l'effort de propagande soit porté à son maximum et que les frais de production s'élèvent à 15.000 roupies (3.180 dollars), un tel plan ne serait-il pas justifié en face des sommes que représentent les dommages causés par le déboisement, l'érosion et la perte de fertilité du sol?

PRIX DE REVIENT DE L'ÉQUIPEMENT POUR UNE CAMPAGNE REGIONALE DE REBOISEMENT EN INDE

Equipement

Roupies

Dollars

Une affiche (en deux couleurs - 1000 exemplaires)

100

21

Un film à thèse (20 minutes - noir et blanc, avec commentaire - 2 exemplaires)

2.500

530

Trois film fixes (50 exemplaires)

300

63

Six émissions radiophoniques (supposant l'existence d'un réseau émetteur et récepteur)

300

63

Stand transportable d'exposition, avec équipement audio-visuel1

de 5.000 à 15.000

de 1.060 à 3.180

Six livres, brochures, et recueils de dessins pour adultes sachant lire (250 exemplaires chaque)

3.000

630

Un précis pour instituteurs et vulgarisateurs (50 exemplaires)

300

63

TOTAL

500

2.430

1 Ce stand peut être installé sur un camion de projection cinématographique à un prix de revient considérablement inférieur.

Au cours de notre modeste expérience de Mysore, nous avons essayé de coordonner la foresterie et l'éducation de base. Si un expert forestier pouvait être introduit dans un des centres d'éducation de base de l'UNESCO déjà établi, une union plus durable pourrait être réalisée afin de montrer au monde ce que peut accomplir une telle association pour arrêter la destruction de ses ressources naturelles vitales7.

7 Voir également «La forêt: ce que chacun doit en savoir». Unasylva, Vol. VIII, N° 9, 1954.


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