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Rapports entre le feu et le pacage en forêt1

par R. S. CAMPBELL

Chef de la Division des recherches sur l'aménagement des terrains de parcours, Station d'expériences forestières du sud, Service forestier des Etats-Unis, Nouvelle - Orléans (Louisiane).

1 Cet article a été préparé à l'origine sous forme d'étude pour la Réunion technique relative aux terrains de parcours forestiers qui s'est tenue à Rome du 29 mars au 3 avril 1954. Voir Unasylva, Vol. VIII, N° 2, p. 82.

En de nombreuses régions du monde, l'usage du feu est devenu une pratique courante pour faciliter la chasse, améliorer le pâturage et déboiser le sol. Qu'il ait été allumé par la foudre ou par l'homme, l'incendie est depuis longtemps associé à plusieurs formations végétales fondamentales. «Sans les incendies, écrivait H. L. Shantz2, une grande partie de la surface du sol, actuellement couverte de graminées, se transformerait certainement en forêts, beaucoup de forêts de conifères se transformeraient en forêts de feuillus, et une grande partie des associations végétales méditerranéennes les plus élevées et les plus riches se convertiraient en forêts.»

2 H. L. Shantz, The use of fire as a tool in the management of the brush ranges of California. Cf. la bibliographie donnée en fin d'article.

Dans certaines régions, le feu est considéré comme nuisible, notamment en ce qui concerne l'aménagement des forêts et des bassins de réception. Le but de cet article est de donner un exposé sommaire des effets du feu dans les conditions de climat et de végétation les plus répandues, et de souligner les points importants à considérer dans une politique ayant pour but soit de lutter contre le feu, soit de l'utiliser dans l'aménagement des pâturages forestiers.

Climats tempérés humides

Les zones tempérées humides comportent les vastes étendues de forêts de conifères de l'hémisphère septentrional et les forêts de feuillus ou de feuillus et de conifères en mélange qui, dans une certaine mesure, existent sur tous les continents.

La tendance générale dans beaucoup de forêts feuillues tempérées, notamment en Europe occidentale et dans le nord - est des Etats-Unis, est de séparer la forêt et le pâturage. Il s'ensuit que, dans ces régions, la question des relations entre le feu et le pacage est sans gravité.

L'extrême opposé est représenté par la zone de pins de la plaine côtière du sud - est des Etats-Unis. Dans cette région l'utilisation méthodique du feu a pris un grand développement en foresterie, souvent en liaison avec le pacage et les incendies. Cette situation mérite d'être étudiée plus en détail car elle fournit un exemple de bien des aspects caractéristiques qui peuvent être transposés ailleurs.

Région des pins de la plaine côtière du sud - est des Etats-Unis

Les sols de la plaine côtière du sud - est des Etats-Unis appartiennent pour la plupart à des types latéritiques podsolisés rouges et jaunes, qui se sont formés sous le couvert des forêts spontanées de pins purs ou mélangés de feuillus. On estime que, sur 90 pour cent de sa superficie, la forêt vierge de Pinus palustris est parcourue par l'incendie au moins une fois tous les trois ou quatre ans, la plupart du temps par des feux courants superficiels.

La composition chimique des horizons superficiels du sol dans l'aire de Pinus palustris semble être légèrement améliorée par de fréquents passages du feu. La potasse, le calcium et d'autres constituants minéraux sont restitués au sol sous des formes facilement assimilables. La - répétition des feux se traduit par un accroissement léger, mais réel, de la teneur en azote du sol. Cet enrichissement en azote est surtout attribué à la décomposition des racines des graminées des surfaces incendiées qui, autrement, se couvriraient de brousse (formée de végétaux ayant moins de racines que les graminées). Des incendies trop fréquents ont une influence néfaste sur les propriétés physiques des horizons superficiels des sols dans l'aire de Pinus palustris, car dans les brûlis le sol est jusqu'à cinq fois plus dur et absorbe moins rapidement l'eau que le sol des surfaces non incendiées. La couverture morte et les cinq premiers centimètres de l'horizon B des parcelles non incendiées ont une microfaune beaucoup plus riche que les horizons homologues des zones incendiées.

En ce qui concerne la végétation, on a constaté que les incendies annuels d'hiver, dont l'intensité n'est pas contrôlée, retardent la croissances des gaules de Pinus palustris d'un cinquième environ en diamètre et d'un quart en hauteur. Au cours d'une période de dix ans, le taux de survie des semis de Pinus palustris fut de 43 pour cent dans des parcelles non brûlées et non pâturées, et de moins de 5 pour cent dans des parcelles brûlées chaque année; des feuillus buissonnants envahirent les parcelles non brûlées, tandis que les feux annuels firent obstacle à leur développement. Sur les surfaces non brûlées, la broussaille et l'accumulation de la couverture morte étouffent les plantes herbacées et les graminées, tandis que dans les régions brûlées chaque année, les Andropogon spp. et les légumineuses spontanées croissent en abondance.

Les incendies et même les feux annuels sont évidemment trop nuisibles à la végétation forestière et à la station elle - même. Toutefois, l'exclusion totale du feu détermine une évolution vers une association mélangée de pins, de feuillus et de mort - bois, considérée comme indésirable au point de vue de la forêt, de l'élevage ou de l'aménagement cynégétique. Dans une certaine mesure, l'emploi du feu semble souhaitable dans la sylviculture de Pinus palustris. En ce qui concerne la politique à suivre, les feux dirigés sont utilisés avant tout dans un but cultural, et secondairement seulement pour améliorer le pâturage.

Les buts spéciaux en vue desquels les feux peuvent être utilisés dans les forêts de Pinus palustris et de P. caribaea sont énumérés comme suit par Conarro: préparation du terrain pour les semis ou les plantations de pins, lutte contre les insectes et les rongeurs, élimination des maladies des végétaux et des mort - bois indésirables, réduction des matières combustibles qui pourraient alimenter les incendies, amélioration des pâturages, maintien de conditions favorables au gemmage. Harper a indiqué que la destruction de la couverture vivante par des feux courants a augmenté le rendement en résine de Pinus palustris d'environ 4 pour cent au cours de l'année suivante, tandis que les incendies qui tuaient les aiguilles abaissaient le rendement jusqu'à 19 pour cent. L'incinération dirigée est également utilisée pour assurer la nourriture et le couvert au gibier des montagnes. Bickford et Curry ont rédigé des instructions détaillées permettant de déterminer s'il est nécessaire d'utiliser le feu et d'appliquer ce traitement à des parcelles délimitées.

Dans les pâturages où les graminées se dessèchent et perdent leur valeur nutritive à l'état de maturité, le feu peut être utilisé pour faire disparaître la végétation vieillie, afin que le bétail puisse pâturer une herbe verte et succulente, riche en principes nutritifs. Dans les associations à Andropogon du Mississippi, de la Louisiane et de l'est du Texas, il n'est pas toujours nécessaire de pratiquer des incinérations fréquentes si les herbages sont suffisamment pâturés pour éviter l'accumulation excessive d'herbes sèches; mais dans les associations à graminées coriaces (Aristida spp.) du sud-est des Etats-Unis les feux systématiquement pratiqués tous les trois ans environ semblent essentiels pour le bon rendement du pâturage,

Au printemps et au début de l'été, le bétail paît la plupart du temps sur les surfaces récemment brûlées, s'il en existe. Le nombre de bêtes au pacage doit donc, au début de l'année, être basé avant tout sur la superficie des hautes terres parcoures par le feu. D'année en année, il est également important d'ajuster le nombre des bêtes à la réduction de l'herbage qui peut survenir au fur et à mesure que la densité des peuplements forestiers s'accroît.

Forêts mélangées de feuillus et de conifères et forets de sapins

Dans beaucoup de forêts de la zone tempérée à climat humide, les relations entre le feu, les forêts et le pacage sont entièrement différentes de celles qui viennent d'être décrites pour la région des pins de la section taeda aux Etats-Unis. En Nouvelle-Zélande, par exemple, lorsque des incendies se produisent sur la lisière des forêts mélangées de feuillus et de conifères, «les arbres chauffés par les flammes meurent et les fougères et les broussailles gagnent du terrain, créant des saillants vulnérables, à partir desquels des incendies ultérieurs peuvent se propager plus avant». En Islande septentrionale, où des pentes très rapides ont été converties en pâturages améliorés, d'assez vastes étendues ont été envahies par des broussailles, qui ne peuvent être détruites par le feu. De même, dans la région de sapins de Douglas (Pseudotsuga menziesii) du nord - ouest des Etats-Unis, des incendies successifs ont favorisé l'établissement d'une végétation dense de fougères (Pteridium aquilinum), créant un cercle vicieux qui tend à maintenir les taches de fougères et à empêcher l'installation soit de plantes fourragères soit d'un nouveau boisement. Certains indices font cependant prévoir que des incinérations soigneusement dirigées pourraient avoir leur place dans l'aménagement des forêts pâturées de Pinus ponderosa des montagnes Rocheuses. Leur rôle serait de réduire les dangers d'incendié, et, Peut-être, d'éclaircir les peuplements denses avant régénération.

Climats tempérés secs

Les régions plus sèches, telles que celles des associations de type méditerranéen (arbustes sclérophylles) et des brousses désertiques, manquent de pâturages, d'eau et de combustible domestique. Les forestiers sont directement intéressés à la mise au point d'une politique du feu dans de telles régions.

Si les formations végétales de type méditerranéen sont parmi les plus largement répandues sur le globe, leur superficie totale est néanmoins relativement faible. Shantz estime que «dans le monde entier, cette formation arbustive sclérophylle est considérée par les phytogéographes comme la conséquence des incendies... Les mêmes besoins physiologiques et écologiques se retrouvent dans cette formation, que ce soit dans le sud de l'Europe, en Afrique du Nord, en Asie Mineure, en Australie méridionale, en Afrique du Sud, dans le Chili central, ou en Californie.» Les pluies d'hiver font développer une couverture arbustive qui devient très inflammable pendant la saison sèche d'été. Shantz pense que l'usage généralisé du feu est la principale raison pour laquelle une grande partie de la Californie est maintenant couverte par une brousse de chamise, l'Adenostoma fasciculatum, à peu près inutilisable. En Grèce, des feux de maquis répétés ont entièrement détruit le sol sur des étendues considérables.

Sampson a dressé un inventaire concis des richesses forestières, pastorales, hydrauliques et cynégétiques de l'association dite chaparral, en Californie. Il conclut que les feux abandonnés au hasard devraient être remplacés par des feux dirigés, essentiellement limités aux meilleures terres à chaparral, et complétés par des méthodes d'aménagement favorisant la régénération et la stabilité de la végétation herbacée. Il recommande:

1. de tenir compte des bénéfices attendus en les comparant aux frais engagés;

2. de choisir pour les brûler des parcelles bien déterminées et d'établir des pare - feux suffisants;

3. de ne brûler que tard en automne si les risques d'incendiés sont élevés;

4. d'employer un personnel suffisamment nombreux et expérimenté.

Brousse désertique

La valeur pastorale des terrains de parcours semidésertiques est souvent réduite par une végétation arbustive dense. Pechanec et Stewart soulignent que les incendies dans les brousses à armoise (Artemisia spp.), association de la région située entre les chaînes de l'ouest des Etats-Unis, sont généralement nuisibles et souvent désastreux pour les pâturages, le bétail et les autres biens. Les surfaces parcourues par des incendies accidentels peuvent se couvrir d'une végétation encore plus dense d'armoise, ou bien le brome annuel peut venir remplacer les graminées vivaces; mais les feux dirigés procurent la certitude d'un accroissement de la valeur et de la possibilité de pacage des terrains de parcours, sans dommage pour les propriétés riveraines.

Les principales conditions nécessaires à la mise à feu des pâturages envahis d'armoise sont les suivantes:

1. que le feu soit dirigé;

2. que les sols aient une cohésion suffisante et que les pentes soient inférieures à 30 pour cent;

3. que la brousse d'armoise soit dense et constitue plus de la moitié du couvert végétal;

4. que les graminées et les forbs vivaces et résistants aux incendies forment plus de 20 pour cent du couvert végétal (si ces conditions ne peuvent être réunies, l'incinération ne peut être pratiquée que là où il est possible de réensemencer);

5. que le pacage soit convenablement aménagé après le passage du feu.

Une étude plus approfondie a révélé que les matières organiques, l'azote et le taux d'humidité correspondant sont réduits sensiblement, mais temporairement, dans une couche superficielle épaisse d'un centimètre du sol des surfaces soumises à un feu intense. Les feux dirigés semblent propices aux graminées et aux forbs à rhizomes qui se reproduisent généralement par rejets, mais endommagent gravement les arbustes qui ne rejettent pas, les forbs sous - arbustifs et quelques - unes des meilleures graminées cespiteuses.

Des conditions très analogues se retrouvent dans le sud de l'Argentine, où Davies a noté les bienfaits d'incinérations périodiques à l'aide de lance - flammes pour combattre l'envahissement de la végétation arbustive, qui constitue parfois jusqu'à 80 pour cent de la brousse et de la végétation désertique de Patagonie. Il conseille une incinération sélective pour éviter la destruction des arbustes consommés par le bétail.

Climats tropicaux humides

Cette catégorie comprend les rain forests tropicales à précipitations abondantes en toutes saisons, aussi bien que les forêts tropicales humides à hivers secs. Beaucoup d'autres régions semblables du globe ont subi le feu pendant de longues années, notamment comme conséquence des cultures nomades. En fait, la pratique de la culture nomade et les risques d'incendies et de feux de brousse qu'elle entraîne peuvent aisément détruire la forêt tropicale, particulièrement sur les pentes rapides ou dans les régions à longue saison sèche.

Pour le Cambodge, Allouard inscrit l'incinération des pâturages parmi les causes fondamentales des incendies des forêts tropicales. Il recommande un programme de classification et de protection des terres, d'éducation et de recherches, en vue d'encourager la foresterie et de satisfaire aux besoins pastoraux des populations. Un problème et un programme analogues sont proposés pour les forêts du Venezuela. Aubréville exprime des inquiétudes sur la disparition des futaies tropicales de l'Afrique centrale. Le progrès social des populations indigènes étant lié au développement de leur agriculture, il suggère des restrictions à imposer à l'emploi inconsidéré du feu et aux défrichements. Il préconise un programme à long terme, établi sur le plan international, pour étudier les problèmes posés par les sols et les forêts d'Afrique, pour mettre au point de nouvelles méthodes agricoles adaptées aux besoins locaux, et encourager une politique de protection et d'aménagement des forêts.

On trouve des conditions différentes dans les hautes terres méridionales du Tanganyika, où l'on signale que les rain forests primitives ont fait place à des prairies découvertes, à la suite d'abattages d'arbres et de mises à feu annuelles sévissant vraisemblablement depuis deux ou trois siècles. Ces pâturages de montagne semblent appartenir à un type exceptionnellement stable, qui ne se laisse endommager facilement ni par un pacage intensif, ni par les feux. Les incinérations pratiquées au cours de la saison sèche, Peut-être tous les deux ans, semblent maintenir la végétation herbacée la plus haute et la plus dense et détruire la broussaille gênante et les mauvaises herbes.

Le développement progressif de la politique concernant les feux dirigés et le pacage aux Indes jusqu'en 1925 est décrit en détail par Stebbing. La première politique de protection intégrale a graduellement fait place à une politique qui reconnaît le rôle possible en sylviculture des feux de printemps, d'abord pour le teck, puis plus tard pour le chir (Pinus longifolia).

Banerji appelle l'attention sur la pénurie générale de fourrage en face de l'énorme cheptel de l'Inde, avec, dans beaucoup de régions, la surcharge inévitable des pâturages, les dommages subis par les arbres à la suite d'émondages trop sévères en vue de la nourriture du bétail et l'abus fréquent du feu. Il indique que la tendance actuelle en ce qui concerne les réserves forestières comporte d'abord, afin de permettre la réinstallation des meilleures graminées, la mise en défense et les mesures de protection contre les incendies, suivies de fauchage et de pacage léger, puis d'un pacage soumis à une rotation avec des périodes de repos. L'emploi du feu dirigé en vue du pacage a, semble-t-il, un rôle à jouer dans certaines régions choisies. Banerji insiste sur la nécessité des recherches et de la coordination des activités visant à l'aménagement des pâturages dans le cadre d'une politique nationale.

Bharucha et White soulignent l'importance du pacage et du feu dans l'évolution écologique et concluent que «la mise en valeur agricole future de l'Inde dépend avant tout d'une coordination convenable de méthodes d'élevage nouvelles avec la mise en valeur des ressources en puissance de pâturages et de fourrage».

Climats tropicaux secs

Les problèmes du pacage et du feu dans les climats tropicaux secs sont analogues, sur bien des points, à ceux des climats tropicaux humides. Les régions principales sont les savanes tropicales, les forêts arbustives et le brousses désertiques de l'Afrique, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, de l'Asie méridionale es de l'Australie septentrionale. Suivant Roseveare, les mises à feu, en Amérique du Sud, peuvent avoir pour but la destruction des anciens herbages en vue de fournir une végétation fraîche et rajeunie, la destruction de la forêt et du sous - étage pour obtenir des pâtures ou des terres arables, et la destruction des insectes et des parasites. Les opinions divergent au sujet de l'incinération des pâturages forestiers, et des recherches - sont indispensables pour établir des faits précis.

Beard affirme que toutes les savanes tropicales d'Amérique sont Peut-être régulièrement parcourues par des incendies, mais que toute la végétation actuelle résiste au feu. Il conclut que le maintien de la végétation herbacée ne dépend pas du feu et que la savane est un climax édaphique généralement localisé sur des formes de terres dégradées exposées à des alternatives de détrempage et de dessiccation. McCorkle, parlant des feux dans les savanes de la Guyane britannique, conclut qu'il faudrait soumettre les mises à feu à des restrictions, que des feux occasionnels peuvent présenter quelque utilité en simplifiant l'utilisation du pâturage, mais qu'il sera difficile de remédier à cette situation parce que cette coutume est profondément enracinée dans les moeurs des Indiens indigènes.

En Afrique, on s'accorde à reconnaître que la forêt et le sol tendent à s'appauvrir, mais le désaccord apparaît quant à la cause de cette évolution. Aubréville condamne le feu pour ses effets sur la production du bois et les conditions de vie, et pour ses répercussions possibles sur les précipitations. Jeffreys cite les autorités indigènes en ce qui concerne la nécessité et la pratique de l'incinération, et attribue la dégradation du couvert végétal et du sol à une culture épuisante plutôt qu'au feu. Sample conclut qu'«il est clair que les feux de prairie ne peuvent être interdits ou condamnés comme totalement destructeurs; pratiqués avec discernement, ils peuvent être précieux en fournissant au bétail une nourriture plus propre à la consommation.» Il suggère que, lorsque cela est économiquement réalisable, le fauchage est préférable au feu.

L'emploi avantageux du feu dans les régions tropicales de prairies et de prairies mélangées de brousse s'est beaucoup développé dans le veld d'Afrique du Sud. Scott souligne que les principes fondamentaux de l'aménagement du veld doivent reposer sur la connaissance de l'écologie de chaque association particulière de veld et sur le cycle saisonnier des graminées. L'aménagement diffère suivant les divers types de veld, «doux», intermédiaires ou «acides», selon les espèces présentes, leur valeur pour l'alimentation du bétail à différents stades de leur développement, l'envahissement par une brousse indésirable, et l'influence de l'époque et de la fréquence des feux. Il serait nécessaire d'étendre les principes d'aménagement du veld aux vastes territoires bantous, mais on se heurte aux difficultés soulevées par les cultures nomades, au fait que la possession de bétail est un signe de richesse, à la propriété, collective des terres, à la mauvaise répartition de l'eau et à l'absence de clôtures.

Rôle du pacage dans la protection contre l'incendie

Le pacage réduit d'une manière appréciable les dangers d'incendie en enlevant ou en morcelant les matériaux combustibles et en ouvrant des pistes à travers la forêt. Aux Etats-Unis par exemple, Lemon a constaté qu'un pacage modéré consommait 44 pour cent de l'herbe dans un pâturage expérimental de la Georgie méridionale.

Le pacage peut également être utilisé pour la protection contre les incendies sur des pare - feux fumés et ensemencés traversant les forêts. Peavy rapporte que des surfaces fumées et ensemencées furent chaque année tondues par le bétail au cours d'une expérience d'une durée de quatre ans dans le centre de la Louisiane.

En faisant pâturer le bétail dans les terrains de parcours forestiers pour contribuer à la protection contre les incendies, il est important d'éviter des abus localisés, qui peuvent compromettre la régénération des arbres et provoquer le tassement du sol par piétinement. Les méthodes habituelles pour obtenir une répartition uniforme du pacage sont les clôtures, la garderie du bétail l'établissement de points d'eau et l'épandage de sel dans les zones faiblement pâturées.

Les moyens d'obtenir une répartition plus uniforme du pacage et les méthodes permettant d'établir et d'entretenir des pare - feux pâtures sont des domaines de recherches intéressants, qui devraient conduire à une meilleure coordination de l'élevage avec la protection contre les incendies et d'une manière générale avec l'aménagement forestier.

Conclusions

Dans presque toutes les régions du monde le problème du feu dans ses rapports avec le pacage en forêt est étroitement lié avec d'autres problèmes d'utilisation des terres et d'amélioration des conditions sociales et économiques Le climat, la couverture vivante et ses réactions au feu, la population, les ressources, le cheptel, l'agriculture et les habitudes sociales sont si variables que le problème du feu doit être abordé pays par pays et région par région.

Pour tous les pays et tous les peuples, il existe un point de départ commun: l'emploi inconsidéré ou trop fréquent du feu est universellement condamné par ceux qui ont étudié avec soin la question. Il est absolument évident que, quelles que soient les conditions de climat, l'usage excessif du feu, surtout s'il s'accompagne d'abus de pacage ou de culture nomade, dégrade à la fois la couverture vivante et le sol et entraîne un abaissement de la productivité des forêts et des pâturages. Ces effets pernicieux, lorsqu'ils sont poussés à l'extrême dans les régions à population dense, se traduisent par une sous - alimentation de plus en plus accentuée tant du bétail que des hommes, et, finalement, par les taudis ruraux.

En beaucoup de régions, le feu semble avoir un rôle précis dans l'aménagement forestier et pastoral. Le problème est d'éliminer les feux laissés au hasard, et de pratiquer l'incinération suivant certaines règles partout où elle est nécessaire.

Le problème du feu doit être considéré comme n'étant que l'un des aspects de l'ensemble complexe des efforts qui tendent à améliorer l'aménagement et la productivité des ressources naturelles renouvelables. La politique sur l'emploi du feu dans l'aménagement des pâturages forestiers implique:

1. la nécessité de restreindre les mises à feu pratiquées imprudemment pour tenter d'améliorer la production d'herbe;

2. la possibilité que le pacage contribue à la protection des pâturages forestiers contre les ravages des incendies;

3. l'utilisation des feux réglementés pour améliorer l'herbe et les conditions de pacage, sans porter atteinte aux richesses en bois;

4. l'utilisation des feux réglementés comme procédé technique de sylviculture et d'aménagement forestier;

5. la coordination d'une politique du feu visant à l'amélioration des pâturages avec la politique et l'administration ressources naturelles,

La mise au point et l'application d'une politique du feu exigent les mesures suivantes:

1. enquêtes pour déterminer l'étendue, la fréquence et les motifs des mises à feu;

2. programme d'utilisation des terres permettant d'établir les besoins et les disponibilités en ce qui concerne les terres arables, les produits ligneux, la protection des bassins de réception et l'herbage pour le gibier comme pour les animaux domestiques; il faut estimer le cheptel nécessaire pour les travaux agricoles, la production de viande et de textiles, et les besoins en nourriture de ces animaux sous forme d'herbage d'arbres d'émondé, de pâtures améliorées, dé fourrage et de cultures productrices d'aliments pour le bétail; les terres doivent être classées en vue de répondre à ces besoins, et il faut examiner les modifications possibles à apporter aux coutumes et à l'organisation agricole et sociale;

3. recherche permettant de dégager une écologie appliquée pour chaque grande association végétale, de définir les effets du feu sur la végétation et la station, les conditions devant entraîner l'interdiction de l'emploi du feu, la nécessité, l'époque, la fréquence et les techniques des feux dirigés, ainsi que l'aménagement après incinération;

4. zones de démonstration et d'enseignement pour faire connaître aux utilisateurs des terres les améliorations qu'il est nécessaire d'apporter à leurs pratiques actuelles;

5. programme d'action pour la protection contre les incendies et la réglementation des incinérations dirigées dans le cadre d'une meilleure utilisation des terres.

Ouvrages cités

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Union internationale pour la protection de la nature

La FAO était représentée au Congrès de l'Union internationale pour la protection de la nature qui s'est tenu à Copenhague en octobre dernier; le Directeur général avait adressé un message d'encouragement.

La protection, telle qu'elle est conçue par l'Union, et l'utilisation, telle qu'elle a été comprise par la FAO, ont évolué simultanément en convergeant vers une conception plus large de la conservation, en vue d'assurer l'utilité permanente des ressources naturelles pour l'homme et si possible d'accroître cette utilité.

La conservation n'est pas seulement un désir sentimental et une vue de l'esprit. Ainsi que l'exprime un article récent de la revue American Forests publiée par l'Association forestière américaine, la conservation est l'un des plus grands problèmes de notre temps. «Avant tout, c'est un problème scientifique de découvertes nouvelles, qui exige un bon reportage fait par de bons reporters... Les écrivains qui approfondiront réellement la question apprendront rapidement qu'ils sont aux prises avec l'un des sujets les plus passionnants et les plus riches en aspects divers que puisse offrir le monde.»

Pour les forestiers, l'un de ces aspects est l'établissement de parcs forestiers nationaux tels que le Banff National Park (Canada), où a été prise la photo ci - contre. Un autre aspect est la préservation de vastes surfaces de foret vierge, la ou il en existe, en vue d'études et d'observations scientifiques. Le président de l'Union internationale des instituts de recherches forestières a récemment demandé que tous les pays conservent dans ce but une partie de leur patrimoine.


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