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Du succès ou de l'échec des associations forestières

L'échec d'une association forestière qui ne survit pas à quelques années d'activité peut parfois être attribué à quelque vice d'organisation. On peut en rendre responsable une insuffisance de capitaux, qui ne lui permet pas de se livrer à des travaux intéressant ses membres, ou au contraire une surcapitalisation qui la grève, dès le départ, de frais improductifs. On peut incriminer une gestion inexpérimentée, le manque de personnel technique, l'absence d'un animateur qui est indispensable pour que toute entreprise collective fonctionne de façon satisfaisante.

Mais lorsqu'on constate que les coopératives forestières, si florissantes, comme on l'a vu, dans certains pays, ont dans d'autres beaucoup de peine à s'établir, au point qu'en dressant une liste des pays mentionnés dans les pages précédentes on n'arriverait guère qu'à une vingtaine, lorsqu'on remarque que, même dans les pays où le mouvement des coopératives forestières est très développé leur activité s'est orientée dans des directions assez différentes, on peut légitimement se demander s'il n'y a pas des circonstances extérieures à l'organisation même des associations qui en favorisent ou en défavorisent la formation, ou qui rendent leur succès plus ou moins assuré lorsqu'elles tentent de se constituer.

La chose paraît d'autant plus probable qu'en fait le mouvement des associations en général prend, dans tous les pays sans exception, une amplitude qui caractérise très nettement l'évolution sociale et économique de la dernière moitié du XIXe siècle et de la première moitié du XXe. Sans parler des autres formes d'associations, le mouvement coopératif connaît, en général, un extraordinaire succès, particulièrement dans le domaine de l'agriculture au sens large et des industries rurales. Succès d'ailleurs compréhensible étant donné les progrès qu'elles ont dès maintenant permis de réaliser pour le relèvement du niveau de vie des populations. Il n'est pas exagéré de dire que la prospérité du Danemark, par - exemple, est fondée en grande partie sur ces associations coopératives, et ce n'est pas sans raison que le Département des affaires économiques des Nations Unies a publié en 1954 un livre intitulé Le progrès rural par l'action coopérative.

Pourquoi donc, lorsqu'il s'agit d'associations spécialisées dans le domaine de la forêt ou des produits forestiers, leur développement est-il si variable d'un pays à un autre, pourquoi prend-il des formes diverses? Telle est la question qu'on se propose d'examiner ci-après, en se référant aux différentes formes d'associations qui on été étudiées dans les pages qui précèdent.

En admettant, en principe, que l'association est une chose désirable, on recherchera si les obstacles qui se présentent à leur développement peuvent être surmontés et par quels moyens.

Les obstacles aux formes les plus strictes de coopératives

La reconstitution de blocs forestiers importants sous propriété collective à partir de petites forêts morcelées que leurs propriétaires acceptent de rassembler pour les soumettre et se soumettre eux-mêmes aux prescriptions d'un aménagement unique, ne tenant aucun compte des limites antérieures de propriété, est une opération qui ne rencontre nulle part un accueil très chaleureux. Cette constatation est vraie quelle que soit la forme des associations qui se constituent ainsi, qu'il s'agisse de véritables sociétés par actions, comme celles auxquelles on a fait allusion dans la partie intitulée «Intégration totale des intérêts des participants», ou de sociétés auxquelles nous avons donné plus ou moins arbitrairement le nom de coopératives, comme les «coopératives forestières de production» que nous avons rencontrées dans la partie intitulée «Les coopératives forestières».

On a dit au début de cette étude que les législations existantes pouvaient être peu favorables à de semblables associations.

On a dit aussi que le particularisme fréquent des populations paysannes en général et spécialement des propriétaires forestiers pouvait expliquer leur manque d'enthousiasme. Ce sentiment, qui est peut-être à la base des difficultés, est bien loin d'être méprisable. Il mérite au contraire d'être apprécié à sa juste valeur: l'attachement d'un propriétaire à sa forêt s'accompagne en effet généralement d'une juste conception des soins qui doivent lui être donnés, et l'on est souvent étonné, du moins dans les pays où la conscience forestière de la population est bien développée, de voir la sollicitude dont certains petites forêts sont entourées. Pour le propriétaire attaché non seulement aux bénéfices qu'il tire de sa petite forêt, mais encore aux souvenirs familiaux qu'elle représente, l'incorporation de cette forêt dans une masse anonyme équivaut presque à une expropriation.

Mais il y a sans doute d'autres raisons à la difficulté que rencontre la formation d'associations forestières du type que nous considérons, et nous croyons qu'elles sont de deux ordres.

LES MOYENS DE MISE EN VALEUR

Tout d'abord, il ne suffit pas de grouper un certain nombre de petites parcelles forestières privées dont certaines-et peut-être toutes-peuvent être en assez mauvais état, pour obtenir une forêt de haute valeur économique, avec des perspectives de rendement en nature et en argent susceptibles d'inciter leurs propriétaires à réaliser une aussi belle opération.

Une grande ferme collective, composée d'un certain nombre de petites fermes privées, ne devient pas nécessairement productive, à moins qu'on ne procède à des investissements sous forme de machines de grande culture, de bâtiments, de moyens d'évacuation des produits, de contrôle, etc. Il en est de même pour une forêt. On peut dire que ce n'est qu'à un moindre degré; cependant, il ne faut pas perdre de vue que la sylviculture évolue elle aussi, et que, tout au moins dans les pays où la superficie forestière accessible n'est guère susceptible de grandes modifications, il lui faut, à elle aussi, produire plus à l'unité de surface, et que des procédés culturaux qui se rapprochent beaucoup des procédés agricoles lui sont de plus en plus fréquemment appliqués. Une grande forêt, pour être rentable, doit en tout cas posséder des routes convenables. Si l'association qui en est propriétaire veut bénéficier des revenus supplémentaires que l'exploitation, le débardage, le transport et peut-être même la transformation primaire des produits forestiers peuvent lui procurer, elle doit équiper la forêt avec du matériel d'exploitation et de transport moderne, éventuellement avec une scierie mobile ou fixe. De toutes façons, il faut lui assurer un contrôle technique et faire surveiller les opérations culturales et les coupes par un personnel convenablement formé. Bref, il faut consacrer à la forêt un certain capital dont peut-être les petits propriétaires forestiers ne disposent pas ou dont les conditions d'investissement ne lui paraissent pas assez attrayantes.

On peut assurément surmonter cette difficulté en facilitant aux petits propriétaires intéressés l'obtention de prêts dans des conditions favorables, et surtout remboursables à long terme, ou par un système de subventions. Il semble que dans certains pays le groupement de terres à reboiser, sous la forme visée, ait eu plus de succès que le groupement de forêts déjà constituées. Or, le reboisement donne lieu généralement à des subventions ou prêts importants. C'est peut-être là une indication que l'extension d'une telle politique du regroupement des petites forêts sous propriété collective mériterait d'être envisagée.

LE RÔLE DE LA «FORÊT DE FERME»

En second lieu, la petite forêt n'est pas toujours une entité isolée. Dans beaucoup de pays c'est, en grande majorité, une «forêt de ferme». Mais il faut aussi noter que, le Japon excepté, dans les pays où l'on parle de «forêts de ferme» cette forêt n'est pas aussi petite qu'on veut bien le dire. Elle atteint fréquemment 10 ou 20 hectares en moyenne, ce qui est déjà considérable par rapport au morcellement bien plus poussé de certains pays ou de certaines régions. Une forêt de 10 hectares moyennement traitée peut aisément produire, même dans de médiocres conditions de sol et de climat, une trentaine de mètres cubes annuellement, et par conséquent donner lieu à des ventes annuelles ou biennales. La forêt de ferme est donc, en général, une partie intégrante de la ferme. Dans les pays du nord de l'Europe, elle produit une part considérable, et parfois la part la plus importante, du revenu du fermier, sans parler des bois qu'elle fournit et qui sont directement utilisés sur la ferme, du travail qu'elle assure au fermier et à sa famille en dehors du temps consacré aux travaux agricoles.

La séparation dans ces pays de la forêt de ferme et de la ferme y déclencherait donc de graves répercussions économiques et sociales. On peut en dire de même de l'Autriche et de nombreuses régions d'Allemagne, telles que la Forêt noire. On objectera sans doute que la forêt communale couvre les mêmes besoins dans d'autres régions et que la forêt collective pourrait donc les couvrir aussi. En fait, l'aménagement d'une forêt collective importante ne saurait avoir la même souplesse. Elle ne peut, en tout cas, jouer pour le fermier pris individuellement le rôle de caisse d'épargne et de ressource extraordinaire dans des conjonctures financières difficiles qu'il apprécie au plus haut point.

PERSPECTIVES LIMITÉES DE DÉVELOPPEMENT DE CETTE FORME DE COOPÉRATIVE

Il semble donc qu'on doive renoncer à voir cette forme de regroupement de la forêt morcelée faire des progrès considérables. Cela ne signifie pas que la législation ne doive pas chercher à le favoriser dans toute la mesure du possible, mais il semble qu'on doive surtout viser à une législation semblable, par exemple, à celle du Danemark (lois du 6 avril 1909 et du 4 octobre 1919) prohibant ou limitant le lotissement des massifs forestiers, ou bien tendant à faciliter aux héritiers d'une forêt le maintien de cette forêt en indivision.

Il s'agit là, sans doute, de mesures plutôt négatives, qui arrêteraient le mal à venir sans remédier au mal déjà fait. Une politique plus positive consisterait à faciliter l'acquisition de forêts, et surtout de forêts morcelées, par des sociétés ou associations, disposant de capitaux suffisants non seulement pour effectuer de telles acquisitions, mais encore pour mettre rationnellement en valeur le massif reconstitué. L'expérience semble montrer, en effet, que s'il est difficile de constituer des sociétés de ce genre avec de petits propriétaires de forêts, il est relativement facile d'intéresser une société ou une association déjà constituée à l'acquisition d'une massif forestier. L'idéal est assurément que cette association soit une association désintéressée ou une association de professionnels de la forêt ou du bois, ou bien une coopérative forestière; cependant, toute autre société disposant de capitaux à placer peut jouer un rôle analogue. Encore est-il nécessaire, cependant, que le placement d'un capital en forêt soit suffisamment attrayant pour une société de ce genre. La sécurité relative du placement forestier, tout au moins dans les régions ou les massifs boisés ne sont pas menacés par l'incendie, les insectes ou les maladies, est un élément permanent d'attraction. Il s'y ajoute actuellement le fait que les bois sur pied atteignent un prix élevé par rapport aux autres matières premières et que les progrès de la sylviculture permettent, en bien des cas, d'espérer un revenu comparable à celui des placements industriels ou commerciaux.

Les conditions paraissent donc particulièrement favorables pour la réalisation d'opérations de ce genre, qu'il y aurait peut-être lieu de favoriser, dans certains cas du moins, par des mesures spéciales.

Il est des cas, particulièrement pour les boisements en essences à croissance rapide, où les circonstances se prêtent très aisément à la formation de sociétés ou coopératives à forme stricte. En Turquie', par exemple, la loi reconnaît la pleine propriété de la superficie plantée à toute personne effectuant un boisement sur des terrains publics. De nombreuses coopératives pour la plantation de peupliers se sont organisées qui bénéficient non seulement de cette disposition de la loi, mais aussi de beaucoup d'autres avantages: exemption d'impôts, fourniture gratuite des plants, conseils et aide technique du service forestier. On peut signaler, par exemple, la Yesil Yurt Tarim ve Barindirma Kooperatifi Adana-Ceyhan, qui groupe exclusivement des fonctionnaires de l'Etat, au nombre de 1200, et qui, créée en 1946, a boisé 400 hectares en Populus conadensis entre 1949 et 1950. Chacun des membres ne peut posséder qu'une part, dont la valeur est fixée à 600 livres turques. D'importantes coopératives de plantation de peupliers du même genre sont également signalées en Argentine.

Formation d'associations forestières à buts généraux ou de défense des intérêts professionnels

La formation d'associations forestières ou d'associations de conservation des ressources naturelles à but désintéressé et celle d'associations ayant en vue la défense des intérêts professionnels de leurs membres, qui font l'objet de la partie de la présente étude intitulée «La défense des intérêts généraux ou professionnels», ne soulèvent guère de questions.

Plus ces associations sont orientées vers la défense d'intérêts professionnels et plus elles se formeront spontanément si ces intérêts existent effectivement et distinctement des intérêts des autres industriels, commerçants, propriétaires ou fonctionnaires, et si ces intérêts ont réellement besoin d'être défendus. L'orientation de ces associations vers des activités qui ne sont pas strictement bornées à la défense de ces intérêts immédiats, qui ne visent pas uniquement à améliorer temporairement la situation présente de leurs membres, est une autre question qui mérite d'être étudiée, car c'est principalement par une telle orientation qu'elles peuvent avoir une influence favorable, à plus ou moins long terme, sur la politique forestière.

Il se trouve que les conditions qui favoriseront une telle orientation sont aussi celles qui favorisent la formation et le succès des associations forestières à but désintéressé dont on a dit toute l'importance pour le développement d'une politique forestière. Ce sont essentiellement des conditions psychologiques et sociales.

Une association forestière à but désintéressé, puissante et agissante, a peu de chance de se constituer dans un pays où l'éducation des masses en matière de conservation naturelle et même l'éducation tout court est négligée. Il importe que la population ait conscience des valeurs tant économiques qu'esthétiques et sociales de la forêt pour que certains de ses éléments se préoccupent de donner leur adhésion à une association dont ils ne peuvent, sans cela, comprendre les motifs. Sans doute la personnalité de ceux qui animent ces associations leur dévouement aux intérêts publics, l'autorité dont ils jouissent dans la population et les cercles gouvernementaux jouent un rôle très important. Malgré ces qualités, leur action risque d'échouer dans un milieu mal préparé à l'accueillir, ou bien les associations qu'ils créeront ne recueilleront l'adhésion que de personnes appartenant aux milieux informés du pays, personnes éminentes, souvent, mais dont le petit nombre réduit par là même l'efficacité de l'association. L'effet de masse indispensable au succès de l'association, et qui peut seul garantir des résultats positifs, ne pourra être obtenu. L'aide morale ou financière de l'Etat, à de telles associations, si justifiée qu'elle puisse être compte tenu des buts qu'elles se proposent, sera elle-même inefficace. C'est bien à l'Etat, qu'il appartient d'agir, mais par de tout autres voies que cette aide directe: par l'éducation de toutes les classes de la population, par l'éveil de la conscience nationale aux principes de la conservation des ressources naturelles.

De même, l'action des associations professionnelles ne présentera que peu d'intérêt pour le progrès économique et social du pays si leurs membres ne sont pas conscients qu'ils ont un rôle à jouer qui dépasse le cadre de leurs entreprises ou de leurs occupations individuelles.

Il est assurément difficile d'exiger des groupements de forestiers ou d'industriels forestiers très spécialisés, et par conséquent peu nombreux, qu'ils jouent un rôle, par exemple dans la recherche sur la forêt ou sur les bois. Toutes les associations de forestiers ne peuvent rassembler un nombre de membres approchant de celui de la Society of American Foresters qu'on a mentionnée plus haut ou de l'Association des techniciens forestiers du Japon, qui groupe plus de 12 000 participants et qui, outre ses nombreuses publications, peut se livrer à des activités telles que l'aménagement de forêts modèles ou les recherches sur la photographie aérienne appliquée aux inventaires forestiers. Mais les exemples ne manquent pas de petits groupements professionnels bien plus modestes qui, sans perdre de vue la défense des intérêts matériels et momentanés de leurs membres, se livrent à des activités utiles non seulement à l'avenir de leur profession mais aussi à l'ensemble de la nation.

Il y a là encore une importante question d'éducation, mais surtout cette fois d'éducation civique, bien que trop de petits et grands industriels forestiers soient aussi insuffisamment au fait des principes de la conservation des ressources naturelles. Mais, d'un autre côté, il est normal que l'Etat, apporte une aide à ceux de ces groupements qui ne limitent pas leur action à de simples revendications et s'engagent dans des activités progressistes. Avec ses stations de recherches forestières et ses laboratoires de recherches sur les produits forestiers, l'Etat, peut entreprendre des études sur les problèmes qui lui sont soumis par des groupements. Il peut leur communiquer le résultat des recherches qui les intéressent, les conseiller pour qu'ils conseillent à leur tour leurs membres. Si les associations entreprennent des recherches, elles peuvent être utilement guidées pour l'établissement de leurs programmes, et ces recherches peuvent être coordonnées avec celles de l'Etat, Une aide financière peut être ici particulièrement fructueuse. Elle se justifie notamment pour les associations de propriétaires forestiers qui entreprennent une action d'éducation technique de leurs membres, et cette justification est d'autant plus aisée qu'il s'agit d'associations ne retirant aucun profit matériel de leurs activités.

En résumé, l'Etat, a un rôle important à jouer, soit pour favoriser la création d'associations désintéressées susceptibles de soutenir une politique forestière rationnelle, soit pour orienter, dans un sens économiquement et socialement utile, l'action des associations professionnelles.

Formation des coopératives forestières proprement dites

En ce qui concerne les coopératives forestières, l'étude des conditions qui favorisent ou défavorisent leur formation est beaucoup plus délicate et nécessite un examen détaillé.

Il est indéniable que les dispositions d'esprit, le caractère des populations, façonné par des circonstances historiques et par leur environnement physique, les rendent plus ou moins aptes à unir leurs efforts dans un but commun. Les circonstances historiques sont sans doute pour beaucoup dans le développement des coopératives au Danemark ¹ La nécessité de se grouper pour faire face aux difficultés de la vie en montagne a peut-être favorisé le maintien des formes de propriétés communales ou collectives en Europe occidentale, et la formation de bonne heure d'associations coopératives au Japon. Ceci s'applique à tous les genres de coopératives. Comme les coopératives forestières sont presque toujours apparues après les coopératives agricoles, qu'elles se sont même en général formées dans leur sein et y restent même souvent plus ou moins rattachées, ceci s'applique donc aussi aux coopératives forestières.

(¹ Cf. FAO, Agricultural Development and Rural Reform in Denmark, Rome, avril 1953.)

TROIS CONDITIONS ÉVIDENTES MAIS PARFOIS NÉGLIGÉES

Mais, pour que des coopératives spécifiquement forestières puissent se former, il y a trois conditions évidentes et qui sont cependant parfois perdues de vue. Il faut que la petite propriété forestière existe, qu'elle ait une valeur appréciable pour son propriétaire, et qu'enfin ce dernier ait effectivement conscience de cette valeur.

La petite propriété forestière est loin d'exister dans tous les pays du monde. C'est un phénomène qui semble à peu près limité à l'Europe, à l'Amérique du Nord (encore n'a-t-elle au Canada qu'une très faible importance superficielle relative), et au Japon. Ailleurs, c'est la forêt propriété de l'Etat, ou de la Fédération d'Etats qui prédomine, ou bien la grande forêt privée. Les grands propriétaires forestiers ne sentent guère le besoin de s'unir, du moins sous forme coopérative. Leurs forêts constituent une source de revenus suffisante pour qu'elles soient soumises à des aménagements rationnels sous le contrôle d'un personnel technique compétent, et l'écoulement des produits de la forêt ne pose pas de problèmes particuliers. Lorsque ces forêts sont d'accès difficile, au contraire, elles ne retiennent guère l'attention de leur propriétaire qui, ou bien les laisse inexploitées, ou bien en tire des revenus dans la mesure où il le peut, fût-ce au prix d'une dévastation temporaire ou définitive des peuplements existants. Dans ces conditions, on s'explique aisément que les coopératives forestières soient peu développées ou inexistantes dans ces pays. Les seules formes de coopératives forestières qui puissent s'y développer sont celles qui grouperaient de petits exploitants ou de petits industriels, et surtout - développement qui se produit effectivement - celles qui grouperaient des ouvriers forestiers ou de petits artisans auxquels le bois sert de matière première. Le développement des petites plantations forestières sur terrains particuliers dans certains pays pourrait cependant donner lieu dans l'avenir à la constitution de coopératives analogues à celles que nous avons étudiées dans la partie intitulée «Les coopératives forestières».

Mais il existe des cas où la petite propriété forestière n'a pas de valeur, ou bien son propriétaire ne lui en attribue pas. Elle peut, par exemple, avoir été dévastée par des exploitations excessives et même si une régénération naturelle s'y établit, il peut être difficile de convaincre le propriétaire qu'un capital qui ne portera des fruits que dans de longues années mérite l'effort de devenir membre d'une association.

La difficulté, ici, n'est pas nécessairement insurmontable. Elle existe au Royaume-Uni, mais les efforts de propagande, d'aide technique et financière du gouvernement et la politique qu'il a mise en œuvre pour la reconstitution et l'extension de la richesse forestière du pays, ont provoqué un grand mouvement de boisement et de reboisement. Celui-ci a entraîné, comme on l'a vu, la formation de coopératives, et celles-ci, à leur tour, aident au développement du mouvement.

Mais il arrive aussi que la petite forêt, tout en étant raisonnablement riche, ne retienne pas l'attention de son propriétaire. La raison peut en être qu'elle est réellement trop petite. Ainsi qu'on l'a déjà noté, il y a en effet des degrés dans le morcellement entre les pays dits «de petite propriété forestière». Dans les pays ou les régions où ce morcellement était déjà très avancé lorsque le mouvement coopératif a pris naissance, on peut aisément s'expliquer qu'il ne se soit pas constitué de coopératives forestières, et qu'il soit encore bien difficile d'en constituer maintenant. L'exemple du Japon, où le morcellement est extrêmement poussé et où les coopératives forestières sont cependant très développées, pourrait sembler en opposition avec ce qui vient d'être dit, mais il faut en ce qui concerne ce pays se rappeler deux choses. D'une part, l'habitude des coopératives et associations, même dans le domaine des forêts, y est très ancienne. D'autre part, la petite propriété forestière est restée intimement liée à la petite propriété agricole. Elle est, en grande majorité, une «forêt de ferme», tout comme la «petite forêt» des pays du nord de l'Europe qui est, en moyenne, relativement beaucoup plus grande.

Dans ces pays, comme en Autriche et dans beaucoup de régions d'Allemagne, la forêt est, pour l'agriculteur, ainsi qu'on l'a vu, partie intégrante de son exploitation. Tous les éléments sont alors réunis pour favoriser la formation de coopératives forestières: des forêts, de faible étendue il est vrai, mais capables de répondre aux soins qui leur sont prodigués et des propriétaires qui s'intéressent nécessairement à leurs forêts, parce qu'ils doivent compter sur elles pour leur procurer une part relativement importante de leurs revenus. Des situations analogues se présentent d'ailleurs dans d'autres régions; c'est, par exemple, le cas des Landes, en France, où les coopératives forestières sont très développées, tandis qu'elles sont rares dans le reste du pays. Dans les pays du nord et du centre de l'Europe, la situation est plus favorable peut-être encore du fait du développement déjà ancien d'un véritable esprit coopératif dans tous les domaines.

RELATIONS ENTRE LES COOPÉRATIVES FORESTIÈRES ET LE CONTRÔLE DE L'ETAT

On peut cependant douter que tout cela soit encore suffisant. Des conditions analogues sont réalisées aux Etats-Unis où, malgré quelques belles réussites, les coopératives forestières proprement dites ne paraissent pas prendre un rapide développement.

Une analyse plus détaillée permet en effet de constater un fait important. C'est que, dans tous les pays où les coopératives forestières ont pris un large développement, l'Etat, exerce sur les forêts particulières un contrôle strict. Cela est particulièrement vrai pour des pays où se sont développées surtout les coopératives ayant pour but d'apporter à leurs membres une aide technique, moins peut-être pour celles qui ont pour but d'assurer l'écoulement des bois provenant de leurs forêts, bien que, comme on l'a vu, ces dernières exercent fréquemment aussi des activités de conseil et tendent de plus en plus à le faire. C'est là un phénomène d'autant plus curieux que, dans les pays où l'Etat, exerce un contrôle relativement sévère sur la propriété forestière particulière, il y consacre nécessairement un nombreux personnel qui, tout en contrôlant, aide les propriétaires particuliers de ses avis. Mais, en réalité, ce personnel, si nombreux soit-il, ne saurait cependant suffire à sa tâche s'il ne pouvait s'appuyer sur des coopératives forestières bien organisées. Celles-ci ont donc, à un degré plus ou moins grand, une tâche quasi officielle à remplir, une responsabilité à décharger, qui ne figure sans doute pas dans les textes de lois de façon précise, mais qui est bien leur rôle dans la pratique. Contrôle assez strict de la forêt par l'Etat, responsabilité pratiquement et partiellement mise à leur charge, telles sont les deux conditions qui semblent favoriser le développement des coopératives, du moins des coopératives d'aide technique qui, du point de vue de la mise en œuvre par l'Etat, d'une saine politique forestière, sont les plus intéressantes.

Pour démontrer ce point, nous ferons ici une brève revue de la législation forestière concernant la forêt privée et de la structure des organismes chargés de mettre en œuvre cette législation pour les pays auxquels nous nous sommes abondamment référés au cours de ces pages, les pays du nord de l'Europe d'une part, le Japon d'autre part 2, En ce qui concerne l'Autriche, on se contentera de mentionner que, depuis la loi forestière de 1852, c'est-à-dire depuis plus de cent ans, toutes les propriétés boisées sont, en principe, soumises au contrôle des pouvoirs publics.

(2 Pour les pays du nord voir, FAO, Politique nationale forestière en Europe, Rome, 1954; et R. E. Marsh, Public Policy toward Private Forest Land in Sweden, Norway and Finland, The Charles Lathrop Parck Forestry Foundation, Washington, 1954.)

L'exemple des pays du nord de l'Europe

La Finlande est peut-être le pays du nord de l'Europe où les organismes publics, privés et semi-privés jouent les râles les plus étroitement coordonnés dans la mise en œuvre de la politique forestière et l'application de la législation sur les forêts privées.

Cette législation est sévère. Sans doute aucun aménagement n'est imposé au propriétaire privé, aucune pression n'est exercée sur lui pour l'obliger à exploiter ou à ne pas exploiter; mais le principe de base de la loi de 1928 est qu'aucune coupe ne doit être exécutée qui, soit directement, soit parce qu'elle laisse le sol en mauvais état, empêche la régénération naturelle, ni aucune coupe qui, dans un jeune peuplement vigoureux, ne peut être considérée comme une éclaircie raisonnable. Un avis écrit de son intention de couper doit être donné par le propriétaire pour toute coupe destinée à la vente ou à l'approvisionnement d'une usine, à moins qu'il ne s'agisse d'une éclaircie normale ou que la coupe ne soit prévue par un plan officiellement approuvé. La coupe proposée est alors examinée par un technicien forestier représentant de l'Etat, qui l'interdit s'il la juge contraire à la loi, ou suggère au propriétaire les mesures appropriées. Celui-ci peut légalement passer outre: après de nouvelles visites sur le terrain, pendant ou après l'exploitation, le technicien rapporte le cas et, si le résultat de la coupe constitue effectivement une coupe abusive aux yeux de la loi, la procédure de a clôture» se trouve déclenchée.

La clôture est une prohibition partielle ou totale d'utiliser la forêt à certains usages (coupe et pâturage, notamment) accompagnée, s'il y a lieu, de mesures destinées à assurer la régénération. Cette clôture est prononcée provisoirement par voie administrative; un accord écrit est signé à ce sujet avec le propriétaire, ou, s'il ne peut être arrivé à un accord, la clôture est définitivement ordonnée par l'autorité judiciaire qui en fixe les conditions. Si une coupe est effectuée en violation d'un arrêté de clôture, d'un accord écrit ou d'un plan approuvé, ou si le propriétaire néglige de déclarer son intention de couper, le cas, après inspection, est également soumis à l'autorité judiciaire, les droits du propriétaire étant garantis par la possibilité d'un appel à deux degrés.

Cette législation est sanctionnée par des amendes qui peuvent être élevées, et le bois illégalement exploité peut aussi être saisi et vendu, le produit de la vente devant être utilisé au bénéfice général de la forêt privée.

Dans la pratique, on chercher à régler les affaires qui se présentent par voie d'accords, et surtout par voie d'avis, d'aide et d'assistance financière donnés aux propriétaires. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une législation, peut-être imparfaite - car on a l'intention de remédier par une nouvelle législation à certains points faibles - mais qui exige des propriétaires une stricte discipline.

Pour en assurer l'application, l'organisation du service forestier finlandais, ou plutôt celle de sa branche-la plus importante - qui a la charge des forêts privées, est très complexe. L'élément clef est constitué par le bureau forestier du district. Il en existe 18 pour l'ensemble du pays, dont deux dans la partie de langue suédoise. C'est l'organisme directement responsable de l'application de la loi à toutes les forêts privées, qu'il s'agisse de forêts de ferme, de forêts de sociétés industrielles, ou d'autres sortes de forêts. Les membres du bureau, au nombre de trois à cinq, aussi bien que le personnel technique, fonctionnaires forestiers, subalternes, etc., qu'il emploie ont le statut de fonctionnaires de l'Etat, et c'est celui-ci qui finance la plus grande partie des dépenses du bureau. Cependant, les membres du bureau ne sont pas désignés par l'Etat, L'un deux est choisi par l'Association forestière centrale (Tapio pour les 16 districts de langue finlandaise, l'Association centrale de sylviculture pour les deux districts de langue suédoise), dont on indiquera le rôle plus loin, et les autres par les associations agricoles locales.

Ce sont, en général, d'éminentes personnalités des milieux agricoles ou politiques du district, parfois membres du parlement. Les membres du bureau, en fonction pour trois ans avec possibilité de renouvellement, élisent eux-mêmes leur président.

A l'échelon de la commune, conformément à la loi, existent des bureaux forestiers communaux, composés d'au moins trois membres désignés par le conseil municipal. C'est ce bureau qui, en principe, reçoit et applique les instructions du bureau forestier du district, bien que son financement et son statut interne soient du ressort de la commune, sur avis du bureau du district et après approbation du gouverneur. Le personnel administratif de terrain du bureau de district, lorsqu'il opère dans la commune, reçoit aide et assistance du bureau forestier communal.

Mais, par rapport au petit propriétaire forestier, le bureau forestier communal ne joue qu'un faible rôle comparé à celui des associations forestières de paroisse dont on a vu ci-dessus qu'il était obligatoire pour le propriétaire de faire partie, ou du moins de participer à leur financement. Ces associations, dirigées par un bureau élu par leurs membres, emploient un certain nombre de forestiers techniciens. Ce sont elles qui, spécialement créées pour aider les propriétaires dans la gestion de leurs forêts, font finalement passer dans la pratique les instructions du bureau forestier de district.

Le petit propriétaire forestier peut encore, pour ses ventes de bois, s'assurer, comme on l'a vu, le concours de la grande coopérative de vente qui a déjà été mentionnée, mais qui se borne, en principe, à des opérations commerciales.

Quant à la Tapio et à l'Association centrale de sylviculture, ce sont deux puissantes et vastes organisations coopératives, disposant d'un nombreux personnel de haute formation professionnelle. Leurs activités sont des plus variées: organisation de la propagande en faveur de méthodes rationnelles de traitement de la forêt, publication de manuels, récolte de graines, gestion de pépinières et répartition de plants, exécution de travaux de drainage, etc. Mais leur principale fonction est de servir de liaison entre les bureaux forestiers de district et le service forestier, d'une part, les propriétaires et leurs associations de paroisse, d'autre part.

Ainsi, d'un bout à l'autre de l'échelle administrative, les associations coopératives sont étroitement liées à l'application de la loi. On peut penser que cette loi, dont on a vu le caractère strict, serait difficilement comprise et difficilement appliquée si de telles associations n'existaient pas et n'étaient pas étroitement liées au service forestier, si elles n'étaient pas, en fait, presque responsables de la mise en œuvre de la loi.

Les législations forestières de la Suède et de la Norvège sont également des plus sévères en ce qui concerne la forêt privée. En Suède, la loi prévoit que les forêts dont le taux d'accroissement n'est pas descendu au-dessous d'une certaine valeur ne doivent pas être exploitées, sauf pour des coupes d'éclaircies. Les autres forêts peuvent être exploitées, mais sous la double condition que leur exploitation ne compromette pas le rendement soutenu de la forêt ou du massif auquel elles appartiennent, et ne rende pas la régénération, naturelle ou artificielle, difficile ou impossible. Le propriétaire doit, en outre, assurer cette régénération, et peut être obligé par une décision de justice à effectuer les opérations nécessaires s'il se refuse à prendre les mesures qui lui sont conseillées ou ordonnées par les organismes administratifs intéressés.

En Norvège, les dispositions de la loi relative aux forêts privées sont analogues, bien que les règlements d'application en soient peut-être moins rigides. Un trait particulier de cette législation est que le propriétaire qui effectue une coupe doit déposer à une banque qui lui est assignée un certain pourcentage de la valeur du bois vendu, décomptée à son point de livraison. La somme ainsi déposée garantit l'exécution des travaux de régénération de la forêt exploitée. Une loi récente a même étendu ce système de dépôt. Calculé de façon différente, un certain pourcentage du prix de vente, déposé à l'occasion de chaque coupe, peut être utilisé à des travaux d'investissement, construction de routes, exécution de réseaux de drainage, construction d'habitations ou d'abris pour la main-d'œuvre forestière.

Mais en Suède, comme en Norvège et en Finlande, si l'on ne peut dire que la mise en œuvre de cette législation dépende entièrement des associations, du moins doit-on reconnaître qu'elles y sont constamment impliquées, et que peut-être même cette législation serait, sans elles, inapplicable. Mais on peut aussi penser que, si cette législation n'existait pas, ces institutions seraient beaucoup moins développées, ou, en tout cas, se préoccuperaient beaucoup moins des aspects sylvicoles de l'aide aux propriétaires.

S'il n'existe, ni en Suède ni en Norvège, une puissante association présentant le même caractère que la Tapio finlandaise, le service forestier, ou du moins la branche de ce service responsable des forêts privées, est étroitement encadré, conseillé, soutenu dans son action, par les associations et coopératives forestières. En Norvège, par exemple, cette branche est en relations permanentes, d'une part avec la Société forestière norvégienne, qui groupe les associations forestières de comtés, et d'autre part avec l'Association des propriétaires forestiers de Norvège. Celle-ci groupe les associations des propriétaires forestiers de districts, qui rassemblent elles-mêmes par district les associations forestières de commune, au nombre de plus de 300. L'Association des propriétaires forestiers de Norvège est elle-même, rappelons-le, une branche de la Fédération des associations coopératives de Norvège.

Les bureaux forestiers de comtés, qui jouent en Norvège un rôle à peu près indentique à celui des bureaux forestiers de district de Finlande sont, à leur tour, en contact permanent avec les associations forestières de comtés, qui désignent du reste l'un des trois membres du bureau. A l'échelon inférieur, enfin, on trouve les bureaux forestiers de commune, en liaison directe avec les associations communales de propriétières de comtés, qui désignent du reste l'un des trois membres du bureau) et avec les associations de propriétaires forestiers de district.

L'exemple du Japon

Au Japon, la législation forestière relative aux forêts privées est bien plus stricte encore. Elle repose, en fait, sur l'aménagement obligatoire. Ces restrictions sur le droit de propriété des forêts ne sont pas, d'ailleurs, d'origine récente. Cependant, sous l'ancienne législation forestière du pays, le soin d'établir les prescriptions d'aménagement était laissé ou plutôt imposé-aux associations de propriétaires forestiers. Peut-être cette considérable responsabilité n'a-t-elle pas été étrangère au développement de ces associations coopératives.

Dans la nouvelle législation forestière de 1951, c'est l'Etat, lui-même qui est, en principe, responsable de l'établissement des aménagements. La complexité de cette tâche est évidente si l'on tient compte de la centralisation qu'exige la loi. Celle-ci dispose, en effet, que le Ministère de l'agriculture fixe, pour des périodes de cinq ans, d'une part une division de l'ensemble de la forêt nationale en grandes unités de base dont chacune correspond, en principe, au bassin fluvial, et d'autre part un plan d'aménagement de base pour l'ensemble de cette forêt. Ce plan d'aménagement de base doit se conformer aux exigences suivantes:

a) aucune exécution de coupes blanches sur de jeunes peuplements;
b) exécution rationnelle des coupes d'éclaircie nécessaires sur les jeunes peuplements;
c) reboisement des surfaces parcourues par les coupes principales, dans un délai n'excédant pas deux ans;
d) interdiction des coupes dans les forêts situées sur des pentes raides.

En outre, il doit prescrire:

a) les superficies à planter avec les méthodes et les espèces à utiliser;
b) les méthodes d'exploitation auxquelles les coupes doivent être soumises;
c) les routes à établir et les autres dispositions à prendre relativement aux transports des produits;
d) les mesures destinées à assurer la protection de la forêt contre le feu, les insectes et les maladies;
e) toutes autres mesures intéressant directement l'aménagement de la forêt.

En conformité avec les instructions données par le Ministère de l'agriculture et par son plan de base, il appartient au gouverneur de chaque préfecture de diviser le plan de base en unités d'aménagement, et d'établir pour chacune de ces unités un projet de plan d'aménagement, également applicable pour une période de cinq ans à toutes les forêts privées comprises dans l'unité. Ce projet n'est, toutefois, confirmé que lorsque les propriétaires forestiers, leurs associations ou toute autre personne intéressée par la mise en œuvre du plan ont eu la possibilité de l'examiner et de faire valoir leurs objections. Le plan d'aménagement fixe:

a) la superficie minimum sur laquelle des plantations doivent être exécutées ainsi que les méthodes et essences à utiliser;

b) les travaux et coupes d'entretien et d'amélioration à exécuter sur les peuplements;

c) le volume maximum total des bois à exploiter et sa répartition entre les coupes principales et les coupes d'éclaircie d'une part, entre catégories de produits d'autre part (bois d'œuvre résineux, bois d'œuvre feuillu, bois de feu ou de charbon résineux, bois de feu ou de charbon feuillu), en tenant compte par ailleurs des conditions spéciales qui s'appliquent à certaines catégories de forêts, et notamment aux forêts de protection;

d) les méthodes d'exploitation;

e) les routes forestières à établir et les autres questions relatives au transport des bois;

f) enfin, les mesures destinées à assurer la protection de la forêt et à en rationaliser l'aménagement.

Sur la base de ce plan d'aménagement, c'est encore au gouverneur de préfecture qu'il appartient de préparer un projet, annuel celui-ci, de règlement. Ce règlement fixe, propriétaire par propriétaire et parcelle par parcelle, les superficies spécifiques à reboiser (ainsi que les méthodes et essences à employer) et le volume maximum susceptible d'être exploité, d'une part sur les parcelles soumises à certaines restrictions spéciales, d'autre part sur les forêts ordinaires.

Les propriétaires ne sont pas obligés d'exploiter un volume donné, mais tout propriétaire désireux d'exploiter doit soumettre au gouverneur de la préfecture une demande précisant l'emplacement de la coupe, son volume et la répartition de ce volume en bois de diverses catégories. Le total des coupes autorisées par le gouverneur ne peut dépasser, en principe, les prescriptions du règlement annuel. La loi dispose cependant qu'une certaine élasticité (de l'ordre de 20 pour cent) est permise, la préférence devant être donnée aux coupes d'éclaircie, puis aux coupes de jardinage, à l'exploitation des arbres les plus âgés, ou, à âge égal, de ceux de plus forte dimension.

Bien que des voies de recours soient ouvertes par la loi au propriétaire qui ne se conforme pas à la décision prise par le gouverneur, c'est cependant à lui qu'appartient la décision finale pour tout ce qui intéresse l'aménagement des peuplements dans chaque forêt privée. On imagine donc aisément le travail nécessaire, non seulement pour établir aux différents échelons les plans et règlements d'aménagement, mais encore pour assurer leur exécution. Si les associations de propriétaires n'ont plus, en principe, aucun rôle à jouer dans la première phase de cette opération, il est évident qu'on ne saurait se passer d'elles pour la mise en œuvre de la seconde, et on a vu d'ailleurs ci-dessus que, dans bien des cas, elles se chargeaient, en pratique, de certaines au moins des opérations dont la responsabilité repose sur les gouverneurs.

La nouvelle législation forestière japonaise est encore trop récente pour qu'on puisse tirer des enseignements de sa mise en œuvre, mais il est certain qu'elle favorise - peut-être dans une moindre mesure que la précédente mais de façon encore très sensible - la constitution d'associations coopératives de propriétaires.

UN IMPORTANT PERSONNEL DE TECHNICIENS EST NÉCESSAIRE

Toutefois, il faut noter que l'organisation d'ensemble de la foresterie privée en Japon, aussi bien d'ailleurs que dans les pays du nord de l'Europe, nécessite un nombre considérable de personnel forestier de tout grade et de toute formation. Il faut, en effet, non seulement que l'Etat, puisse recruter le personnel qui sera, directement ou indirectement, sous ses propres ordres; il faut encore que les associations de tous genres puissent disposer du personnel technique dont elles ont besoin pour mener à bien leurs activités. Il ne faut pas se dissimuler que, pour assurer une orientation convenable de la politique forestière des forêts privées, le personnel technique dont on doit disposer est considérable, quelles que soient les méthodes auxquelles on décide de recourir. Malgré son importance, l'effectif numérique du personnel forestier de la forêt privée, dans les pays du nord de l'Europe, est encore jugé insuffisant, en général, par ces pays eux-mêmes. Au Japon, il est plus important encore, ce qui s'explique aisément si l'on tient compte du nombre des fonctionnaires nécessaires pour l'exécution de révisions d'aménagement sur l'ensemble des forêts avec une périodicité de cinq ans et pour l'établissement de règlements annuels répartis sur une multitude de petites forêts. Quelques chiffres donneront à ce sujet des idées plus précises.

La superficie des forêts particulières au Japon étant d'environ 11400 000 hectares, le gouvernement employait en 1953 dans les préfectures 1066 agents techniques spécialement chargés de l'aide technique et du contrôle des forêts particulières, sous la direction de 2 099 fonctionnaires. En outre, l'ensemble des associations forestières employait cette même année 3 825 techniciens à plein temps et 1181 à temps partiel. Elles disposaient en outre de 4 409 employés de bureau, dont 2 644 employés à plein temps, et de 3103 employés et ouvriers non qualifiés.

Coopératives forestières spécialisées ou rattachées aux coopératives agricoles - Avantages et inconvénients

Si toutes les conditions que l'on vient d'examiner ne sont pas remplies, faut-il renoncer à faire bénéficier la forêt privée, et en particulier les petits propriétaires de forêts ou les petits propriétaires désireux d'établir des plantations forestières, du bienfait des coopératives ?

Evidemment non; mais, dans ce cas, il est certainement préférable de ne pas rechercher la constitution de coopératives spécifiquement forestières.

On a déjà mentionné que, dans beaucoup de pays, les coopératives forestières locales se groupaient, aux échelons supérieurs, sous l'égide de l'association coopérative agricole ou plus exactement de la fédération groupant ces associations à l'échelle nationale. On a fait remarquer qu'elles trouvaient à ce système l'avantage d'une plus large audience auprès des pouvoirs publics, ainsi que des possibilités financières plus étendues. Mais rien n'empêche de poursuivre cette association entre coopératives forestières et coopératives agricoles jusqu'à l'échelon local, ou plus exactement de n'avoir à cet échelon qu'une seule coopérative qui aidera ses membres dans la gestion et l'équipement de leur forêt, la vente de ses produits, et la solution de leurs problèmes financiers d'origine forestières, comme elle les aide dans le domaine agricole.

Les questions forestières présentant un caractère spécial, il sera naturellement nécessaire que la coopérative s'assure le concours de techniciens forestiers, si ces questions sont relativement importantes dans l'aire où elle opère, ou, si elles le sont peu, elle devra du moins entretenir d'étroites relations avec les services forestiers d'aide et d'avis aux propriétaires particuliers. Mais, dans l'ensemble, cette fusion sera probablement avantageuse tant pour la coopérative, dont les frais de contrôle et de bureau seront réduits, que pour les membres de la coopérative eux-mêmes. C'est effectivement cette fusion que l'on constate dans bien des pays dont il a été à peine fait mention dans les pages qui précèdent, parce que les coopératives strictement forestières y sont rares, sinon absentes. C'est ainsi qu'en Italie le système coopératif est très développé. La mise en œuvre des lois de 1933 sur la bonification intégrale et de 1952 sur les territoires de montagne (cette dernière intéressant au premier chef les forestiers qui en ont la responsabilité principale) est basée en grande partie sur la constitution de coopératives. Les travaux de boisement, de reboisement et d'amélioration forestière qui peuvent être incorporés dans les travaux d'amélioration foncière ne donnent évidemment pas lieu à la constitution de coopératives forestières particulières. Ils sont traités dans le cadre général de la coopérative rurale intéressée.

Même dans les pays sur lesquels on a longuement insisté, la question du choix entre cette association agricole générale et l'association forestière spécialisée n'a pas toujours été résolue de la même façon dans toutes les régions. En Autriche, les Länder de Carinthie, de Haute-Autriche, de Styrie et du Tyrol ont opté pour l'association forestière spécialisée, ceux de Basse-Autriche et de Salzbourg, pour l'association générale.

Pour reprendre de façon plus détaillée les avantages et les inconvénients de ces deux solutions, on peut dire, à l'avantage de l'association spécialisée, que la forêt livre un produit différent de tous les autres produits agricoles, ayant ses techniques particulières de transformation, soumis à des coutumes commerciales distinctes, ayant son propre marché et ses propres lois d'établissement des prix. L'agriculteur possesseur de forêts connaît parfaitement, en général, les prix et les tendances des produits principaux de son exploitation: céréales ou bétail qu'il porte constamment au marché. Il sait peu de chose du bois: il n'en vend souvent pas même une fois l'an, et les prix se fixent très loin de sa sphère d'influence. Il a peu d'expérience aussi de la façon dont sa forêt doit être traitée parce que ses rares interventions dans la conduite de ses peuplements n'ont en général un effet sensible qu'au bout de longues années.

Un désavantage décisif de la coopérative spécialisée, d'autre part, est la faiblesse de son capital. Dans les pays où les coopératives sont très développées, l'agriculteur doit souvent appartenir à plusieurs associations, dont chacune requiert l'achat de parts et des cotisations. Seule une association dont les exigences à ce point de vue ne sont pas trop lourdes a des chances de recueillir des adhérents assez nombreux. Mais le commerce du bois exige des capitaux importants, parce que ses mouvements sont lents. Une coopérative forestière commerciale n'obtiendra bien souvent des membres, et des livraisons de bois de leur part, que si elle peut donner à ceux-ci une avance financière appréciable. Or, même en Autriche où, on l'a vu, ces coopératives commerciales sont particulièrement développées, les unions ont en général des parts dont le prix est très faible, parfois 10 schillings seulement. Seule l'Alpenholz, dont les membres sont presque tous de grands propriétaires forestiers, dispose d'un capital élevé et le prix de ses parts s'élève à 400 schillings. En général, donc, ces unions dépendent du crédit que veulent bien leur faire les institutions financières spécialisées dans les prêts aux associations.

Les associations générales n'ont pas, le plus souvent, à se préoccuper de ces questions. En Autriche, du moins, aucune ne semble souffrir d'un manque de capital. L'Union des associations provinciales de Basse-Autriche, par exemple, qui a un large courant commercial portant sur tous les produits nécessaires aux agriculteurs: engrais, machines agricoles, semences, matériaux de construction, accepte le bois de ceux de ses membres qui possèdent des forêts en paiement des produits en question.

En principe, on pense en Autriche que les avantages des associations générales l'emportent sur leurs désavantages.

Même à une échelle beaucoup plus locale, au Japon, on pense aussi que les coopératives forestières devraient généralement se fondre avec les coopératives agricoles. On se base, pour recommander cette fusion, sur le fait que le propriétaire de forêt et l'agriculteur sont le plus souvent une seule et même personne. On constate en effet que sur 4 985 coopératives forestières, il en existe 1811 dont tous les membres adhèrent également à une coopérative agricole, et 2 606 dont plus des deux tiers des membres sont aussi membres d'une association agricole. On peut donc dire que, pour presque 90 pour cent des coopératives forestières, la très grande majorité des membres appartient à la fois à une coopérative forestière et à une coopérative agricole.

Ces exemples du Japon et de l'Autriche font cependant ressortir un cas où la coopérative forestière spécialisée se justifie plus aisément. C'est celui des pays où la propriété forestière est en grande partie distincte de la propriété, ou du moins de l'exploitation, agricole. Ces pays s'apparentent assez bien avec ceux où, à côté d'une petite propriété forestière très morcelée, il existe encore des propriétaires de superficies boisées relativement importantes et disposant aussi de fortunes suffisantes pour que, s'ils constituent des coopératives forestières spécialisées, ces coopératives soient en mesure de disposer d'un capital leur permettant de fonctionner de façon convenable.

On retrouve du reste là le point brièvement traité déjà de l'avantage d'inclure dans les mêmes coopératives forestières les grands et petits propriétaires de forêts. Bien que, comme on l'a déjà dit, les idées sur cette question soient très partagées, l'exemple du Japon paraît montrer qu'il est préférable que les deux catégories de propriétaires, dont les préoccupations, sinon les intérêts, sont différentes, restent séparées pour ne pas gêner la bonne marche de la coopérative.


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