Page précédente Table des matières Page suivante


Inventaire forestier au Mexique

NOBERTO SANCHEZ MEJORADA ET ABRAHAM ESCARPITA H.,
Directeur et Sous-directeur du Département forestier de Celulosa Michoacan, et

LOUIS HUGUET
Expert forestier de la FAO au Mexique

On a déjà exposé dans cette même Revue (voir Unasylva, Vol. IV, n° 2, juin 1953) que le Mexique n'était pas seulement le pays aride tel qu'on le connaît dans le monde, mais qu'il possédait aussi d'importantes forêts tropicales et tempérées. En particulier, on a pu estimer que ce pays possédait quelque 10 000 000 d'hectares de forêts de conifères dont un cinquième encore vierge. Malgré ces richesses et son effort d'industrialisation, le Mexique importe encore chaque année la totalité de sa consommation de papier journal et plus de la moitié de sa consommation de cellulose, ce qui représente une valeur d'environ 21 millions de dollars. Ces quantités ne correspondent guère qu'à 500 000 mètres cubes de bois de pins ou de sapins locaux (Pinus et Abies spp.) qui conviennent parfaitement pour la production de papier journal et de cellulose. Or, comme un hectare de conifères au Mexique peut produire environ 3 mètres cubes par an, il semblerait que l'exploitation rationnelle de moins de 200 000 hectares suffirait pour produire, au Mexique même, le papier journal et la cellulose chimique dont l'importation représente une importante sortie de devises précieuses.

Le gouvernement mexicain a donc décidé de développer l'industrie nationale de la cellulose et du papier, et parmi les diverses régions forestières du pays on a sélectionné une zone d'environ 500 000 hectares dont la moitié environ est peuplée de conifères, pour y installer non seulement une usine de cellulose et de papier journal mais encore une chaîne d'industries forestières. La région choisie se trouve (Figure 1) située autour de la ville d'Uruapan dans l'Etat de Michoacan et à 500 km de la ville de Mexico, capitale du pays et principal centre de consommation de la cellulose et du papier journal.

Il s'agit de forêts de conifères peuplées surtout de pins, qui ont déjà été exploitées pour la production de sciages il y a environ 20 ou 30 ans. On aurait pu, certes, trouver, au Mexique même, des forêts vierges plus riches dans des zones plus reculées du pays, principalement au nord-ouest, mais on a préféré des forêts plus pauvres, plus faciles à exploiter, situées près des marchés principaux. L'étude, la réalisation et l'administration du projet ont été confiées à Nacional Financiera, S.A., qui est la banque officielle du gouvernement mexicain chargée de promouvoir et de financer le développement industriel du pays.

Cette Nacional Financiera, qui a bénéficié dès le début du projet de la coopération d'un fonctionnaire forestier de l'Assistance technique de la FAO, a admis aussitôt que la première étape dans l'étude du projet était l'exécution d'un inventaire forestier, et, dès 1954, deux ingénieurs forestiers mexicains ainsi que le fonctionnaire de la FAO (les trois coauteurs de cet article) ont commencé ce travail qui est actuellement terminé.

PORTÉE DU PROJET

Dès le début des études, on avait en vue l'établissement d'une usine de cellulose de pin utilisant le procédé au sulfate, d'une capacité minimum de 30000 tonnes annuelles, d'une usine de papier journal produisant environ 32 000 tonnes de pâte mécanique lesquelles, mélangées à environ 8 000 tonnes de la pâte chimique semi-blanchie issue de la première usine, produiraient environ 40 000 tonnes annuelles de papier journal. En même temps, on prévoyait l'installation d'une scierie dont la capacité absorberait le reliquat des approvisionnements en bois laissé disponible par les deux usines précédentes. Dans un avenir plus lointain, on prévoyait même une usine de placages qui utiliserait les grumes de meilleure qualité et une usine de charbon, à laquelle on destinerait les déchets de la scierie et les feuillus de la région qui sont en général de très mauvaise qualité pour le sciage Toutes ces industries devaient être parfaitement «intégrées» entre elles de façon à tirer de l'arbre abattu l'usage le plus conforme à la technique et à l'économie.

Le volume minimum de bois rond exigé par un tel programme était donc:


Mètres cubes

Cellulose chimique: 30 000 tonnes par an, à raison de 5 m3 en grumes ou rondins sous écorce par tonne

150 000

Pâte mécanique: environ 32 000 tonnes, à raison de 3 m3 en grumes par tonne

100 000

Scierie, capacité fixée à un minimum arbitraire

100 000


350 000

On notera cependant que parmi les 100 000 m3 en grumes à scier, un minimum de 20 pour cent sort de la scierie sous forme de délignures et autres déchets qui peuvent être avantageusement transformés en pâte chimique, ou même en pâte mécanique, de telle sorte que le volume minimum de bois en grumes de plus de 8 cm sous écorce, réellement nécessaire, est seulement de 330 000 m3 annuellement.

Un inventaire forestier était donc nécessaire pour les principales raisons suivantes:

1. S'assurer aussitôt que possible que la forêt pouvait réellement fournir, sur la base du rendement soutenu, un minimum de 330 000 m3 annuels et préciser quelle était la possibilité exacte, de façon à déterminer la capacité définitive de la scierie.

2. Déterminer les caractéristiques (espèce, longueur et diamètre) des grumes admises dans les différents départements industriels de façon à projeter en conséquence les. diverses installations et à connaître les investissements nécessaires.

3. Etablir carte forestière, le plan d'aménagement et le règlement d'exploitation indispensables.

4. Comme, par ailleurs, on prétendait faire participer les propriétaires des forêts aux bénéfices de l'entreprise, et qu'on devait normalement le faire proportionnellement à la possibilité de chaque propriétés forestière en particulier, il fallait estimer cette possibilité pour chaque propriété; or, il y a plus de 3 000 propriétés. Il fallait donc établir un véritable cadastre forestier.

PREMIÈRE ÉTAPE: RECONNAISSANCE PRÉLIMINAIRE DE LA FORÊT

On avait, bien entendu, de sérieuses raisons de penser que la zone forestière située autour de la ville d'Uruapan réunissait les conditions nécessaires à l'installation d'une usine de cellulose et de papier. Ces conditions sont essentiellement les suivantes:

1. Approvisionnement en eau, convenable en qualité et en quantité;

2. Communications satisfaisantes avec le reste du pays;

2. Proximité des principaux marchés;

4. Approvisionnement en énergie électrique suffisant et bon marché.

On a, bien entendu, reconnu d'abord que les quatre conditions essentielles étaient remplies mais il fallait vérifier rapidement que la possibilité de la forêt était au moins égale aux 330 000 m3 minimums, requis par les projets envisagés: cela était l'objet principal de la «reconnaissance préliminaire de la forêt» qui a été effectuée au cours de novembre et de décembre 1953.

On a donc tout d'abord réuni toute la documentation à incidences forestières qui existait sur cette région: études, croquis, cartes, points de triangulation, photographies aériennes anciennes, etc. Ensuite, on a effectué par tous les moyens possibles, à pied, à cheval, en camionnette et en avion des reconnaissances aussi poussées que possible.

A la suite de cette reconnaissance:

1. On a pu estimer qu'il y avait au moins 100 000 ha de bonnes forêts exploitables, ce qui correspondait à un accroissement minimum annuel de 450 000 m3. Entre la possibilité minimum requise, 330 000 m3, et l'accroissement que nous venons d'estimer, il restait donc une marge de sécurité de 120 000 m3 bien suffisante pour affirmer, après avoir tenu compte des usages domestiques de la population de la zone considérée, qu'on pouvait décider l'exécution immédiate du programme minimum envisagé.

2. Les points de triangulation déjà existants ont été réparés et, les prenant comme base d'une triangulation complémentaire à effectuer, on a pu décider quels étaient les autres points à déterminer, et planifier cette triangulation complémentaire.

3. Un contrat ferme définissant des points tels que zone à couvrir, échelle et type des photographies, distance focale à employer, hauteur de vol, a été signé avec la compagnie chargée de prendre les photographie aériennes.

4. Les principaux chemins susceptibles d'une utilisation ultérieure pour l'exécution de la triangulation et de l'échantillonnage de la forêt ont été reconnus, et un croquis des zones forestières a été établi. Ces données préliminaires ont permis d'estimer approximativement le coût de l'exploitation forestière et de la matière première amenée à l'usine.

5. Il a été possible d'indiquer d'une façon suffisamment exacte l'espèce, le diamètre, la longueur des grumes ou des rondins. Il a été également possible d'effectuer un échantillonnage des différentes espèces et des différentes classes de diamètre des arbres de façon à étudier quelles devaient être les méthodes de production du papier journal.

6. Il a été possible de dresser le tableau du personnel (ingénieurs, dessinateurs, chefs d'équipe d'échantillonnage, manœuvres, chauffeurs) nécessaire à l'exécution de l'inventaire.

Toutes ces données ont été présentées au début de 1954, en même temps qu'un état des prévisions de dépenses et des besoins en matériel, à la Nacional Financiera.

DEUXIÈME ETAPE: ETABLISSEMENT DE LA CARTE FORESTIÈRE

Exécution d'une triangulation sur le terrain

Pour établir une carte, il est nécessaire de disposer au préalable d'un certain nombre de points de triangulation. Au sein de la zone étudiée, il en existait déjà deux parfaitement déterminés et localisés par le Service géographique mexicain. Ces deux points ont été pris comme base, et sur eux a été fondée toute la triangulation de la zone. En tout, 24 points ont été déterminés de telle manière que la distance moyenne entre deux points voisins était d'environ 20 à 25 km, ce qui a, obligé à travailler de nuit au moyen d'un théodolite Wild T2 et de signaux lumineux. Malgré la distance qui sépare les points de triangulation, il a été possible de vérifier, en comparant la carte avec un levé topographique effectué d'une façon indépendante, que cette carte était d'une exactitude bien suffisante pour l'usage auquel on la destinait.

Prise de photographies aériennes

Les photographies furent prises à peu près en même temps par une compagnie mexicaine spécialisée. L'appareil utilisé était un Wild, modèle RC5a, avec une lentille de 21 cm de distance focale. La dimension des photographies était de 18 x 18 cm et leur échelle moyenne de 1:15 000.

Etablissement du canevas: Triangulation mécanique

En premier lieu, les points de contrôle terrestre, c'est-à-dire les 24 points de triangulation, furent reportés à l'échelle de 1:15 000 sur une énorme feuille de papier à dessin blanc fixée sur une table de contre-plaqué. Pour établir la carte, nous avons adopté le système de projection orthogonale en prenant comme axes des coordonnées le méridien 102° 00' 00" et le parallèle 19° 30' 00" qui passaient à peu près au milieu de la zone forestière et, comme point de contact du plan de projection avec la terre, le centre de ces coordonnées. De cette façon, tout point de la zone était parfaitement défini par ses coordonnées. Pour des raisons pratiques, on a divisé dès le début la zone sur le terrain en rectangles de 8 X 16 km, donnant ainsi naissance aux feuilles de la carte dont les dimensions étaient, compte tenu de l'échelle, de 53,33 X 106,6,6 cm.

FIG. 3. On relie les étoiles formées par les templets pour obtenir le canevas.

FIG. 4. Interprétation des photographies aériennes au stéréoscope avec usage éventuel de binoculaires grossissants.

On est ensuite passé à l'exécution de la triangulation «mécanique», appelée ainsi puisqu'elle se fait pour ainsi dire d'elle-même, au moyen de réglettes (en américain: templets), évidées selon leur axe et pouvant se monter en étoile autour du centre de chaque photographie (Figure 2). En joignant les étoiles formées sur chaque photographie, on a constitué un réseau métallique semi-articulé formant le canevas de la carte à établir. Ces points représentent, dans le système orthogonal adopté, la projection des points du terrain localisés sur les photographies et par lesquels passaient les réglettes. Sur chaque photographie, on avait localisé le centre de la photographie et celui des photographies adjacentes (points dits «principaux»), ainsi que quatre points appelés «auxiliaires» convenablement situés. Un exemple de canevas est donné par la figure 3.

Interprétation des photographies

Nous revenons donc aux photographies sur lesquelles ont été marqués, avant la triangulation mécanique, les points de triangulation géodésique, les «points principaux» et les «points auxiliaires» dont il vient d'être question. Au moyen d'un stéréoscope à miroir, on est passé ensuite à l'étude de ces photographies (Figure 4). On y a marqué les limites entre les zones forestières et non forestières. Au sein des zones forestières on a délimité les zones déboisées et les zones encore boisées. Enfin, on a effectué la division en «strates». Les limites de chaque strate ont été marquées au crayon gras de manière à pouvoir effacer facilement avec une gomme très tendre sans détériorer la photographie. Toutes les «strates» indiquées dans la classification et dont la superficie était supérieure à 2 ha, pouvant être reconnues sur les photographies, ont été délimitées. Le stéréogramme qui figure hors texte donne un exemple de cette classification (Figure 5). Nous insistons sur le fait que tout le travail d'interprétation a été confié à un même ingénieur forestier, de façon que l'erreur soit toujours dans le même sens. Ce que nous demandions à notre classification n'était pas tellement d'avoir une valeur absolue, mais plutôt une valeur relative, puisqu'elle visait à découper la forêt en éléments homogènes, c'est-à-dire en éléments au sein desquels les variations et, par conséquent, l'intensité d'échantillonnage, sont plus réduits que dans l'ensemble de la forêt non «stratifiée».

Report sur la carte des détails reconnus sur les photographies

Tous les détails indiqués par l'interprétation des photographies et, en outre, les principaux détails figurant normalement sur toutes les cartes en général (rivières, villages, routes, sources, etc.), ont été reportés sur le canevas pour constituer la carte. Un multiscope a été utilisé pour faire coïncider, dans l'œil ou l'esprit de l'opérateur, trois points de canevas avec les trois mêmes points de la photographie à transférer, ce qui a permis de voir les détails en stéréoscopie et de rectifier ainsi automatiquement les déplacements de points sur les photographies entraînés par les différences d'altitude.

Nous avons ainsi obtenu, pour toute la région, une carte forestière planimétrique préliminaire.

TROISIEME ÉTAPE: ECHANTILLONNAGE DE LA FORÊT SUR LE TERRAIN ET ÉTABLISSEMENT DE LA CARTE DÉFINITIVE

Organisation de l'échantillonnage

Se fondant sur la carte préliminaire ainsi exécutée et sur des reconnaissances plus approfondies de la région, on a ensuite divisé les forêts en 12 zones naturelles destinées à être transformées ultérieurement en Séries d'aménagement. Cette division a été fondée sur les caractères écologiques et topographiques de la zone comme il est de règle en matière de constitution de séries d'aménagement; la superficie de chaque série était donc de 15 000 à 25 000 hectares.

Explication des symboles

NF.

Terrains forestiers

F 1.

Terrains qui ont été occupés par la forêt, mais qui sont maintenant réservés à l'agriculture à la suite de défrichements.

F 2.

Terrains occupés par des pâturages.

Qp I-1.

Massif forestier mixte forme de pins et de chênes au sein duquel le chêne est l'espèce dominante, la densité du massif est très faible et la hauteur moyenne des arbres est comprise entre 10 et 20 m.

Qp-II.2.

Massif forestier semblable à celui qui précède mais avec une densité faible et une hauteur des arbres comprise entre 20 et 30 m.

Pq. III-2.

Le pin est l'espèce la plus abondante et vit en mélange avec le chêne. La densité est moyenne, et les arbres ont des hauteurs qui varient entre 20 et 30 m.

PAQ-III-2.

Le pin, le sapin et le chêne se trouvent en mélange et en proportions à peu prés égales. La densité est moyenne et la hauteur des arbres est comprise entre 20 et 30 m.

R

Ces strates de faible importance sont couvertes totalement par une régénération de pins et par quelques sapins.

FIG. 5. Stéréogramme de la montagne du Pilon, Zone 4, illustrant l'interprétation forestière des photographies aériennes (pour voir en relief, utiliser un stéréoscope de poche du type Fairchild, Modèle F 271). La partie inférieure du stéréogramme exposée au nord (un «adret») est couverte par une plus grande quantité d'arbres. Ces peuplements sont plus denses et plus hauts que ceux qui se trouvent à la partie supérieure du stéréogramme. Ces derniers, exposés au sud (sur l'«ubac»), sont de ce fait soumis à l'influence des vents chauds et secs qui, montent de la zone tropicale située en contrebas. Le versant nord possède des sapins tandis que le versant sud ne possède que des pins et des chênes.

On est alors passé à l'inventaire par échantillonnage de chaque zone. Le type d'échantillonnage effectué a été l'échantillonnage «au hasard», avec quelques variantes justifiées par des considérations d'ordre pratique comme on le verra ci-dessous. L'intensité d'échantillonnage choisie fut de 2 pour cent, mais après calcul de l'exactitude de l'échantillonnage pour chaque zone, et dans deux cas seulement, on dut augmenter cette intensité et la porter à 5 pour cent. Les unités d'échantillonnage étaient des placettes de 20 X 60 m de forme rectangulaire. On a adopté des dimensions de placettes égales à un multiple de 20 m: les opérateurs n'avaient qu'à compter, au moyen d'une chaîne d'acier résistante et souple d'une longueur de 20 m plus une «rallonge» de 10 m, une fois la longueur de la chaîne pour mesurer la largeur de la placette, et 3 fois la longueur de la chaîne pour mesurer la longueur. Quand le terrain était accidenté, l'opérateur pouvait ou bien «chaîner par ressauts» ou bien estimer la pente du terrain, utilisant de temps en temps un clisimètre pour se contrôler, et rectifier la longueur de la chaîne en utilisant des nœuds fixés sur la rallonge: chaque nœud correspondait à une pente du terrain de 5 en 5 pour cent.

La localisation des placettes rectangulaires fut effectuée indépendamment de l'opérateur. A cet effet, pour chaque série, on appliquait sur la carte un quadrillage transparent du type de celui que l'on indique sur la figure 6, composé de deux familles de lignes parallèles. La direction des lignes de la première famille était perpendiculaire à la direction des lignes de la seconde.

Les lignes de la première famille (horizontales sur notre figure) étaient équidistantes de 1,33 mm sur le quadrillage et par conséquent de 1,33 X 15 000 = 20 m sur le terrain, tandis que les lignes de la deuxième famille présentaient une équidistance trois fois plus grande.

Avant d'appliquer le quadrillage sur la carte et compte tenu du terrain à parcourir, on choisit le sens de déplacement des équipes chargées d'effectuer l'inventaire Le sens choisi fut toujours soit nord-sud, soit est-ouest (ou inversement). Le quadrillage fut alors appliqué sur la carte, mais de telle façon que la direction des lignes de la première famille coïncidât avec le sens de déplacement choisi. Les lignes des deux familles furent alors numérotées, et l'on procéda à deux tirages au sort. Le premier fut effectué d'abord au sein des lignes de la première famille, et l'on tira au sort (avec de vulgaires billes de loto) 14 lignes sur 100 (100 lignes de la première famille représentant 2 km sur le terrain).

On a supposé (Figure 6) que les lignes 2, 6, 12 (marquées par un trait plus épais) sont sorties au sort et l'on a examiné individuellement chaque ligne de la première famille. Pour chacune de ces lignes on a tiré au sort, parmi les lignes de la deuxième famille qui coupent celles de la première à angle droit, à nouveau 14 lignes sur 100 (100 lignes de la deuxième famille équivalant à 60 m X 100 = 6 km sur le terrain).

Sur la figure 6, on a supposé que le long de la ligne 6 de la première famille sont sorties les lignes 3, 9, 13 et 14 de la deuxième famille. On a alors adopté comme sommet sud-ouest des placettes situées sur la ligne 6 de la première famille les points d'intersection de ces lignes avec les lignes 3, 9, 13 et 14 de la deuxième famille issues du tirage au sort. Sur la figure 6, on a indiqué la placette rectangulaire au moyen de hachures. On a procédé, ainsi pour toutes les autres lignes de la première famille, ce qui a donné au quadrillage l'aspect qu'il revêt sur la figure 7 sur lequel a été dessinée en outre la carte forestière. On a adopté ce système de sélection des placettes, un peu compliqué à expliquer mais très rapide à exécuter, parce qu'il permet une certaine concentration des placettes en nombre à peu près fixe (7 sur 3 km de parcours) sur une même ligne parcourue par l'équipe d'inventaire, évitant ainsi de changer la direction de marche de l'équipe; si l'on avait disposé les placettes sans un certain groupage, on aurait eu beaucoup d'erreurs d'orientation et de localisation.

On voit ainsi que pour un rectangle de 2 X 6 km, c'est-à-dire de 1200 ha, on détermine 14 X 14 = 196 placettes de 20 X 60 m = 0,12 ha dont la surface totale est de 196 X 0,12 = 23,52 ha, c'est-à-dire exactement 1,96 pour cent de la forêt, soit approximativement 2 pour cent.

Localisation des échantillons sur la carte et sur le terrain

On applique le quadrillage sur la carte préliminaire et on y marque les sommets de chaque rectangle ainsi déterminé. Pour retrouver facilement et rapidement les placettes sur le terrain, on se contente de retransférer sur les photographies un seul point facilement reconnaissable de chaque ligne issue du premier tirage au sort. Si l'on ne trouve sur cette ligne aucun point facilement reconnaissable tel qu'un arbre caractéristique, une maison, l'angle d'un chemin ou d'un champ, on localise un point voisin; dans ce dernier cas, on relie par azimuth et distance le point hors ligne avec la ligne elle-même. Ces points sont appelés «points de départ».

FIG. 6. Les lignes du quadrillage sont indiquées à l'encre bleue.

FIG. 7. Répartition des unités d'échantillonnage sur (le brouillon de) la carte forestière. Les unités qui tombaient en des endroits non boisés ont été éliminées.

Pour des raisons pratiques, on groupe les lignes en «blocs» de 2,5 X 3 km. La distance de 3 km est en effet la distance qu'une équipe peut parcourir en un jour en levant 7 placettes sur une même ligne de la première famille (premier tirage au sort). Les équipes d'inventaires ont donc été munies des photographies portant l'indication des points de départ de chaque ligne de placettes ainsi que du diagramme d'inventaire sur papier millimétrique sur lequel est indiquée la position des placettes d'inventaire par référence avec le point de départ (Figure 8).

Comme toutes les distances étaient des multiples de 20 m et que tous les azimuths correspondaient à l'un des points cardinaux, les erreurs étaient réduites au minimum (les figures 9 et 10 illustrent quelques aspects de ce travail).

Des arbres ont été abattus en quantité suffisante pour établir des tables de cubage. Ces tables étaient à double entrée mais les hauteurs étaient groupées seulement en trois catégories de 10 en 10 m, cela en accord avec l'interprétation de photographies au stéréoscope. Cette estimation fut d'ailleurs confrontée ultérieurement avec les résultats portés sur les feuilles d'inventaire.

FIG. 8. Diagramme d'inventaire. D = Point de départ. E = Ligne de placettes.

FIG. 9. Localisation d'une unité d'échantillonnage au moyen de la boussole et de la chaîne.

FIG. 10. Dès que l'on atteint la placette d'échantillonnage, on cloue sur l'arbre le plus proche une plaque métallique portant son numéro.

Groupage des échantillons par strates et établissement de la carte définitive

On a déjà dit que ces strates avaient été dessinées sur la carte préliminaire. Comme, par ailleurs, on pouvait localiser chaque placette sur la carte par simple application du quadrillage transparent, on pouvait savoir à quelle strate de la carte appartenait chaque placette inventoriée. On a donc groupé les placettes par strates. A la suite du groupement des placettes par strates, on a pu en outre contrôler l'interprétation effectuée au stéréoscope et rectifier la carte préliminaire qui devint alors une carte définitive.

QUATRIÈME ET DERNIÈRE ÉTAPE: EXPLOITATION DES MESURES PRISES SUR LE TERRAIN

Détermination de l'hectare moyen de chaque strate

Pour chaque placette, on a calculé séparément le volume total de chaque genre botanique. En faisant la moyenne arithmétique de ces résultats, on a obtenu une première estimation du volume moyen (par genre botanique et par strate) des placettes. Ensuite, pour chaque strate, pour chaque genre et pour chaque catégorie de diamètre (de 5 en 5 cm), on a déterminé le nombre moyen d'arbres par placette. On a obtenu ainsi une deuxième méthode de calcul du volume moyen par placette.

En multipliant le résultat par le facteur 1/0,12 (puisque la superficie d'une placette est de 0,12 ha) on obtint le volume moyen par hectare.

On procéda de la même façon pour le nombre moyen d'arbres par hectare et par catégorie de diamètre.

FIG. 11. Mesure de la hauteur moyenne du peuplement. Ultérieurement cette mesure sera confrontée avec l'interprétation (déjà effectuée) des photographies au stéréoscope (voir: Deuxième étape).

Accroissements

De nombreux sondages à la tarière de Pressler furent effectués durant l'inventaire de chaque placette. Les sondages furent également groupés par strate, et l'on détermina le temps de passage moyen d'une catégorie de diamètre à la suivante. Par des méthodes tout à fait classiques, on détermina l'accroissement de l'hectare moyen pour chaque catégorie de diamètre, puis pour l'ensemble des arbres de cet hectare moyen.

Extension des résultats moyens à l'ensemble de la série

Avec un planimètre, on détermina la surface de chaque strate et l'on multiplia cette surface par les chiffres obtenus pour l'hectare moyen tels que volume total par hectare ou par catégorie de diamètre pour un même genre botanique, nombre d'arbres, accroissement, etc. Dans certains cas, certaines strates ne reçurent aucun échantillon du fait de leur faible superficie mais, par comparaison avec des strates semblables appartenant à d'autres séries de la zone forestière ou à des strates comparables de la même série, on leur affecta un volume et une composition par hectare: en fait, la somme de ces volumes supposés ne dépassa jamais plus de 5 pour cent du volume total de la série étudiée. L'erreur commise était donc négligeable.

Calcul de l'erreur

On calcula l'erreur par strate par les méthodes tout à fait classiques du calcul statistique. (Calcul de l'écart type, de l'écart type de la moyenne et de l'erreur d'échantillonnage.)

On calcula ensuite l'erreur commise dans l'estimation du volume de la série tout entière. Quand l'erreur pour l'ensemble de la zone était supérieure a ± 5 pour cent, on complétait l'inventaire et, pour cela, on déterminait l'intensité d'échantillonnage supplémentaire nécessaire. En fait, cela ne se produisit que dans les deux zones les plus réduites et les plus hétérogènes, et il suffit d'effectuer un inventaire complémentaire à 3 pour cent pour obtenir l'exactitude désirée. Toutes les erreurs d'échantillonnage calculées l'ont été pour une probabilité de 0,05. A ces erreurs d'échantillonnage s'ajoutent les erreurs habituelles en matière d'inventaires: erreurs de mesure, erreurs dues aux tarifs de cubage, etc.

Exécution d'un cadastre forestier

On a déjà expliqué qu'en raison du caractère du projet pour lequel l'inventaire était effectué, il était nécessaire d'établir un véritable cadastre forestier. Là encore, les photographies se révélèrent d'une très grande utilité. Un chef d'équipe spécialisé visita toutes les propriétés forestières et marqua sur les photographies, où elles étaient presque toujours facilement reconnaissables, les limites de ces propriétés. Il marqua même les litiges assez nombreux entre propriétaires. Au total, on reconnut plus de 3 000 propriétés différentes. Ensuite, au moyen du multiscope, on transféra les limites des propriétés des photographies à la carte. Pour estimer enfin la richesse forestière de chaque propriété, on mesura sur la carte la superficie de chaque strate contenue dans la propriété en question, et on multiplia les superficies ainsi obtenues par le volume moyen par hectare de chaque strate tel qu'il a été déterminé plus haut. La somme des volumes de toutes les strates contenues dans la propriété fut adoptée comme le volume total sur pied de la propriété forestière considérée. On effectua un calcul du même genre pour les accroissements. Il est évident que les résultats ainsi obtenus sont d'autant moins exacts que la superficie de la propriété est plus réduite.

De toute façon, sans les photographies aériennes, un tel cadastre forestier et une telle évaluation de la richesse de chaque propriété auraient été beaucoup plus coûteux et beaucoup plus longs à exécuter.

Rédaction de l'inventaire

Pour chaque série, les résultats de l'inventaire furent présentés dans un mémoire auquel étaient annexés les cartes forestières et le cadastre forestier. Non seulement on y donnait le volume total de la série par genre botanique et par strate, mais encore la superficie de chaque strate, la composition par classe de diamètre et par strate, etc. Tous les résultats qui pouvaient être traduits par des graphiques furent inclus sous cette forme dans des annexes, par exemple: nombre d'arbres de l'hectare moyen par genre botanique et par strate. On comprend qu'en se fondant sur ces résultats extrêmement détaillés, ainsi présentés sous une forme facile à consulter, il sera aisé et rapide de rédiger ultérieurement le projet d'aménagement de chaque série.

ORGANISATION, RÉSULTATS GÉNÉRAUX ET COÛT DE L'INVENTAIRE

Organisation administrative de l'inventaire

Le tableau figurant à la fin de l'article donne le schéma de cette organisation.

Sélection, formation et contrôle du personnel d'exécution

Les chefs de brigade et l'équipe furent choisis parmi des jeunes gens de 18 à 25 ans qui ne possédaient pratiquement aucune instruction forestière mais une éducation primaire supérieure et une bonne résistance physique. Il a donc fallu les initier à l'usage de la boussole, de la chaîne, à la reconnaissance des espèces (12 espèces de pins), et à l'emploi de la tarière de Prassler, etc. Après 4 à 5 mois d'une sorte de stage, au cours duquel on a éliminé environ 2 sur 3 de ces stagiaires, on est arrivé à former une équipe homogène, jeune et dynamique, fière de ses connaissances et extrêmement efficace, de 2 chefs de brigade, de 6 chefs d'équipe et de leurs auxiliaires.

Le contrôle du travail des équipes a été également important. En effet, au bout de quelque temps, on était arrivé à définir la «norme» de travail quotidien pour chaque type de terrain (par exemple, 7 placettes en terrain moyen) et, pour augmenter le rendement, on payait en supplément toute placette mesurée en plus de la norme. Les équipes pouvaient malheureusement avoir tendance à sacrifier la qualité à la quantité. Aussi, périodiquement, l'un des ingénieurs ou l'un des chefs de brigade revisait-il le travail des chefs d'équipe, choisissant au hasard un certain nombre de placettes déjà mesurées et recommençait à les mesurer.

Résultats de l'inventaire

Nous les donnons rapidement en un tableau:


Hectares

Superficie photographiée

558 000

Superficie dépourvue de forêts
(dont: 227 600 ha de terrains agricoles ou de pâturages, 9 000 ha de laves volcaniques produites par une éruption volcanique récente, 2 900 ha couverts par les villages ou autres habitations, et 1 500 ha de lacs ou barrages)

24 1000

Superficie forestière

317 000

Clairières en forêts

45 000

Superficie couverte par des arbres

272 000

ainsi divisée:



Feuillus purs (de peu d'intérêt économique)

22 000


Résineux mêlés de feuillus

250 000

Ces derniers 250 000 ha constituent pratiquement la partie intéressante de la forêt.

Dans ces 250 000 ha, on a trouvé, en chiffres ronds:


Mètres cubes sur pied

Pins (90 %) et sapins (10 %)

25 000 000

Chênes (85 %) et aulnes (15 %)

500 000

Accroissement annuel brut:



Conifères

1 000 000


Feuillus

60 000

Taux moyen d'accroissement annuel des conifères: 4 pour cent.

Coût de l'inventaire

Le coût total a été de 92 000 dollars et le coût, par kilomètre carré de:


Dollars

Prise des photographies

2,80

Etablissement de la carte

6,40

Echantillonnage sur le terrain

6,40

Travail de bureau et rédaction de l'inventaire

4,00

Frais d'administration

2,40

Les deux premiers chiffres se rapportent au kilomètre carré photographié (total: 5 580 km2) tandis que les trois suivants se rapportent seulement à la superficie forestière (total: 3 170 km2).

Le coût moyen par km2 boisé est donc de 29 dollars et par km2 photographié (boisé à 57 %) de 16,50 dollars.

Il s'est agi d'un inventaire intensif effectué non pas seulement en vue de la connaissance générale de la richesse d'une région mais d'un aménagement forestier et d'une exploitation ultérieure. C'est le type d'inventaire qui revient le plus cher.

Si l'on rapporte le coût de l'inventaire à la possibilité annuelle de 750 000 m3 de résineux (75 % environ de l'accroissement) et si l'on veut amortir l'inventaire en 10 ans, le coût de l'inventaire par m3 de grumes est de cent (5,25 francs français), chiffre très négligeable, même si l'on y ajoute l'intérêt de l'argent pendant 10 ans, en comparaison du prix du bois en forêt au Mexique, qui est pourtant peu élevé, environ 2 dollars en moyenne par m3 (sciages et pâtes).

Cette dernière considération suffit à justifier le travail qui a été exécuté.

INVENTAIRE FORESTIER DE CELULOSA MICHOACAN - ORGANISATION ADMINISTRATIVE

Total du personnel: 37 personnes.

* A la fin de l'inventaire, les chefs de brigade ou d'équipe ont été utilisés au bureau pour le calcul laborieux des surfaces.


Page précédente Début de page Page suivante