Page précédente Table des matières Page suivante


Cours de foresterie mondiale pour diplômés

SVEND O. HEIBEBG, Directeur des Cours pour diplômés de l'Ecole forestière de l'Université de Syracuse *

* Communication présentée au cinquième Congrès forestier mondial.

Quelques heures de voiture seulement séparent l'université de Seattle de Fort Vancouver où, sur les rives de la Columbia, arriva, en 1825, le botaniste écossais David Douglas. Il était loin de prévoir que le magnifique sapin auquel son nom devait être attaché, le «Douglas», deviendrait l'essence forestière exotique la plus appréciée des forestiers européens. Il ne réalisait pas davantage que l'écotype qu'il rapporta à Kew Gardens en Angleterre était appelé à être la plus précieuse de toutes les sources de semences importées par la suite en Europe.

Ceci se passait neuf ans seulement après la création de la première école forestière de niveau universitaire du monde. C'est en effet en Allemagne, à Tharandt, qu'en 1816 l'école d'Henri Cotta devint l'Académie royale forestière de Saxe. Ainsi, c'est en 1816 que naquit la première école donnant une formation forestière universitaire.

A cette époque Cotta ne pouvait guère prévoir qu'aujourd'hui, une ou deux «révolutions» plus tard, 10 000 étudiants seraient inscrits dans les écoles forestières du monde entier.

Au temps de Douglas et de Cotta, l'emplacement de cette université, et même la totalité de la vaste cité actuelle de Seattle, était couvert d'une puissante forêt vierge, qu'aucun homme blanc n'avait vraisemblablement jamais contemplée.

A l'instar de Douglas et Cotta, pionniers l'un et l'autre dans des domaines différents de la foresterie, la génération d'aujourd'hui se doit de produire des hommes dont l'œuvre et la clairvoyance puissent atteindre des objectifs éloignés et d'une importance durable.

En dépit de ce court espace de temps - au sens forestier du terme, seulement une ou deux révolutions depuis l'époque de Douglas et de Cotta - nous vivons actuellement dans un monde profondément différent. Aujourd'hui la chose la plus difficile est peut-être de prédire, et même de croire en l'avenir. Au contraire, Douglas et Cotta, et les générations d'après les guerres napoléoniennes et le Congrès de Vienne, pouvaient attendre en toute confiance l'avènement d'une ère marquée par le développement de la science, de l'instruction, de la technique, du commerce, et l'accroissement de la population mondiale. Et même, ce qui est plus important, d'une ère de plus grande liberté individuelle et de plus grand respect de la dignité et des droits de l'homme.

Notre jeunesse d'aujourd'hui, au contraire, regarde avec inquiétude et crainte vers l'âge atomique et ses menaces de destruction de l'humanité et de notre héritage culturel.

Depuis quelques années, beaucoup ont compris que la coopération mondiale est une nécessité, et que notre responsabilité envers l'humanité va de pair avec notre responsabilité envers la race, la nation ou la tribu. Aujourd'hui cette nécessité de la coopération n'est pas seulement un moyen de rendre le monde plus habitable. Il est clair comme de l'eau de roche qu'entente et coopération sont une nécessité pour notre existence même.

Tout au long de la vie, nous avons besoin de chefs capables de voir au-delà des besoins de la tribu, de la nation ou de la race, et de considérer la prospérité du monde comme notre objectif. Comment pouvons-nous en matière d'instruction, et pour nous dans le domaine de l'instruction forestière, aider au développement de tels hommes?

Dans presque tous les centres d'instruction du monde, l'accent a été mis avec force pendant la plus grande partie de ce siècle sur l'éducation des masses à tous les niveaux. Cela a été aussi la tendance dans l'instruction forestière. Les rares élus admis à l'académie de Cotta sont une préfiguration lointaine des quelque 10 000 étudiants qui sont aujourd'hui inscrits dans les écoles et facultés forestières du monde entier.

Cette progression n'est pas seulement une manifestation de l'extraordinaire croissance de notre profession pendant les derniers cent cinquante ans, mais aussi la matérialisation du fait que notre profession participe au développement général de l'instruction. Nous croyons que la ressource la plus valable que nous ayons est le savoir. Plus nous partagerons ce savoir, meilleur sera le monde.

Cette thèse démocratique est acceptée dans la plupart des pays. Mais, en adaptant notre organisation culturelle à la satisfaction des exigences qu'entraîne une telle philosophie, nous serons probablement amenés à freiner le développement intellectuel des meilleurs étudiants. La liberté de l'instruction, si fortement préservée dans maintes universités européennes, aura probablement à souffrir de l'instruction des masses. En outre, le système de la direction d'études d'un groupe d'étudiants par un tutor, appliqué avec tant de succès dans plusieurs «collèges» anglais et américains ne se prête pas facilement à l'instruction du grand nombre.

S'il est important pour la société que l'instruction soit donnée à tous, il est également important que l'instruction des plus doués n'ait pas à souffrir. C'est une nécessité capitale pour les chefs de la plupart des branches de l'activité, y compris la foresterie. Dans notre effort pour ouvrir largement les portes du savoir à la masse, nous ne devons pas négliger de développer les talents des élites.

Discuter comment cet objectif peut être partiellement atteint dans l'enseignement élémentaire et dans les premières années universitaires sortirait du cadre de cette communication. C'est pourquoi je me bornerai aux possibilités qu'offre la formation complémentaire des forestiers diplômés.

Les programmes qu'offrent dans le monde les écoles forestières de niveau universitaire peuvent, me semble-t-il, être caractérisés comme étant encombrés de cours techniques visant à préparer les étudiants à certaines professions du pays même où est installée l'école. Il ne reste que peu de place dans les programmes pour l'instruction générale qui élargirait le champ intellectuel des élèves et leur donnerait une meilleure perspective des forêts et de la foresterie en regard de notre culture.

La nécessité de ces cours généraux peut ne pas être aussi impérieuse si l'instruction pré-forestière comprend un programme de culture générale ou si l'école forestière fait partie d'une université qui peut procurer les nombreux avantages culturels qu'offrent les universités. Cette dernière idée présuppose que les étudiants forestiers ont la possibilité de participer à la vie intellectuelle et culturelle de la communauté universitaire et y sont encouragés.

Une autre caractéristique fréquente des programmes d'enseignement forestier élémentaire est l'absence d'une appréciation de la valeur de la recherche. La foresterie est une technique et l'accent est plutôt mis sur le comment de la foresterie que sur le pourquoi. Parfois l'instruction forestière supérieure elle-même a été accusée de ressembler davantage à une formation professionnelle qu'à une formation universitaire.

En définitive, on peut dire que dans sa majorité l'instruction forestière donne l'impression d'être «régionale». Les élèves reçoivent une formation orientée étroitement vers les besoins de leur pays ou, très souvent, de la région de leur pays où est établie l'école.

Cette accusation d'une tendance à une formation essentiellement professionnelle peut être liée aux bases empiriques de plusieurs des principales disciplines forestières plutôt qu'à une base expérimentale, telle que nous commençons d'en établir maintenant.

Il est fréquent de voir combien diffèrent les techniques forestières d'un pays à l'autre. Ceci est en opposition complète avec les autres professions telles que les travaux publics, la médecine et l'architecture. A titre d'exemple, prenons la construction d'un pont moderne. Aujourd'hui un tel pont se construit de façon presque identique en Afrique, en Europe ou en Amérique. Les traitements médicaux sont virtuellement les mêmes partout où se pratique la médecine moderne alors qu'il n'y a pas si longtemps, lorsque dominaient guérisseurs locaux et médecine populaire, les traitements des maladies humaines variaient considérablement à travers le monde. L'architecture moderne elle-même est en train d'adopter des principes de base communs. Au Japon, en Amérique, en Scandinavie, les maisons récentes sont remarquablement semblables quant aux principes des projets, cependant qu'il est laissé une grande latitude pour satisfaire les goûts et usages locaux.

Vous serez d'accord, j'en suis certain, sur le fait que la foresterie est loin d'en être là. Maint principe forestier de base est interprété différemment dans des conditions comparables. Des peuplements forestiers situés dans des conditions climatiques, biologiques et économiques identiques, subissent des traitements souvent très différents. Les notions de densité de peuplement et de matériel sur pied optimum dans une situation donnée sont appliquées de façons très diverses dans des conditions identiques. Il est tout naturel bien entendu que les conceptions et les codifications de l'autorité publique vis-à-vis du patrimoine forestier varient nécessairement beaucoup suivant les différents systèmes politiques et les traditions de gestion de ce patrimoine. Mais c'est seulement là où sont invoqués les seuls facteurs techniques que nous pouvons espérer l'acceptation et l'application des principes les plus logiques.

Le fait que nous ne constations pas l'acceptation généralisée des principes en matière forestière reflète, je crois, pour une part, l'insuffisance de rapports internationaux dans notre discipline et, pour une autre part, le manque d'une formation suffisamment poussée de nos élèves forestiers les plus doués, c'est-à-dire des élèves les plus aptes à suivre avec profit des études postérieures à l'obtention du diplôme et menées sur un plan international.

Il y a aujourd'hui une demande pour une telle formation internationale en matière forestière. Pour le prouver je ne me référerai qu'à une seule institution, l'Ecole forestière de l'Etat de New-York où j'exerce. Nous y avons eu 45 élèves étrangers pendant la dernière année universitaire. Cela représente 33% du nombre total de nos élèves diplômés. Il est plus que probable que des situations similaires existent dans d'autres écoles. Cela nous amène à une question fondamentale: comment devraient être planifiées et organisées de telles études supérieures à l'échelle de la foresterie mondiale?

A la différence de l'étudiant avant son diplôme, l'étudiant diplômé devrait bénéficier d'une beaucoup plus grande liberté dans le choix des cours, de manière à cultiver ses aptitudes particulières. Atteindre cette souplesse dans la fixation d'un programme d'études peut être difficile dans le cas d'un étudiant venant d'un pays étranger et non familiarisé avec les possibilités offertes par la nouvelle institution ni avec les coutumes locales. Dans ces conditions, il devient difficile de le conseiller pour l'aider à déterminer son meilleur programme à suivre. Il est même difficile d'évaluer le bagage universitaire acquis antérieurement.

Nous devons aussi reconnaître que les programmes secondaires qui fournissent la base des études postérieures varient grandement d'un pays à l'autre. Non seulement les programmes diffèrent par leur contenu et leur qualité, mais aussi la durée de l'enseignement secondaire peut varier de 25%.

Nous savons que les programmes d'enseignement forestier professionnel des écoles forestières des différents pays comportent entre eux de grandes différences bien plus grandes que celles que nous trouvons dans le monde entre les programmes professionnels de travaux publics, ou ceux de la médecine. Ces différences peuvent s'expliquer en partie par les types de forêts ou de sols qui caractérisent un pays en particulier. En Suisse, le génie forestier constitue une partie importante et nécessaire du programme forestier. En Finlande, la gestion de la forêt marécageuse figure sur la liste des options. Les pays dont la foresterie s'appuie surtout sur la régénération font une large place à la sylviculture. Les pays qui en sont au stade intermédiaire entre les foresteries d'exploitation pure et de régénération mettent - relativement - davantage l'accent sur l'utilisation et moins sur la sylviculture et les sciences annexes.

Dans une certaine mesure, ces différences peuvent être attribuées à la tendance utilitaire déjà mentionnée et qui peut se trouver dans l'instruction forestière. Cependant, plus nous creuserons vers les principes de base, plus nous découvrirons combien nous avons de points communs.

Il me semble que le temps est venu d'organiser des conférences internationales spéciales sur les programmes d'enseignement forestier. Cela devrait être d'un grand profit pour notre profession.

A l'heure actuelle, l'établissement d'un programme d'études pour les élèves forestiers internationaux diplômés est difficile et demande une grande largeur de vues de la part du conseiller. Il ne doit pas seulement savoir quels cours, quelles possibilités de recherches sont valables, mais il devrait aussi être capable d'apprécier la variété des niveaux de culture acquis par les étudiants dans un groupe cosmopolite.

Heureusement, les étudiants de la foresterie mondiale ont généralement une maturité relative et ont des objectifs bien déterminés. Ils font partie de l'élite de leur école et de leur milieu professionnel. Dans les cas les plus favorables, les étudiants sont capables d'énoncer leur propre programme, d'esquisser leurs problèmes de recherche, et même de choisir leur propres conseillers. Ceci représente l'idéal pour le travail après diplôme: le moins possible de directives de la part du conseiller, et le plus possible d'initiative de la part de l'étudiant. C'est le but à rechercher.

L'idéal serait que l'étudiant se comporte, et soit considéré, comme un jeune collègue du professeur dans leur commune recherche de la vérité. Nous savons tous que cet idéal n'est pas la règle. Les étudiants recherchent des «directeurs d'études» plutôt que de prendre l'initiative et la responsabilité de leur propre formation. Et les professeurs découvrent vite qu'il est plus facile de diriger que de conseiller. Certes, les étudiants diplômés ne sont souvent considérés et traités que comme des assistants. Dans ces conditions, l'étudiant incline à trouver que sa recherche personnelle, sa formation et son développement intellectuel sont fortement freinés.

A côté des normes et exigences éducatives nécessaires pour assurer un degré de connaissances déterminé, l'étudiant diplômé en foresterie mondiale doit disposer de toute la liberté d'étude possible pour pouvoir satisfaire convenablement à ses propres besoins. Une telle liberté ne devrait pas seulement comprendre le choix des matières proprement forestières, mais aussi le choix des matières considérées comme sortant franchement du bagage classique du forestier.

Beaucoup d'étudiants entreprennent des études universitaires pour approfondir leur connaissance d'une spécialité étroite particulière et pour rechercher la solution d'un problème de leur choix. Ces étudiants s'attacheront principalement aux cours en relation étroite avec leur spécialité et, en règle générale, consacreront le plus clair de leur temps à la recherche et seulement peu de temps à des cours réguliers. Le but final de l'effort de ces étudiants est d'ordinaire un diplôme de Docteur.

Mais une seconde catégorie d'étudiants s'intéresse à un champ plus étendu. Ces étudiants se préparent à assumer la responsabilité d'un domaine professionnel plus vaste. Ils prévoient les contacts humains qu'ils auront aussi bien dans leur profession qu'au dehors. Ils peuvent éventuellement être appelés à devenir les interprètes et les conseillers en matière forestière des chefs de leur communauté ou de leur pays. Ils peuvent avoir à donner leur avis sur la législation ayant des répercussions forestières.

Ces étudiants peuvent avoir besoin de cours de sociologie, de relations humaines, d'histoire, de droit général ou civique, outre des cours forestiers de niveau élevé. Ils devront se développer non seulement en tant que forestiers, mais en tant qu'hommes ayant des connaissances humaines étendues, ayant aussi une profonde connaissance des besoins de notre civilisation. Nous devons avoir dans notre profession des chefs capables de mettre en valeur, de présenter, et parfois de défendre la place de la foresterie dans la société.

Une troisième catégorie d'étudiants susceptibles d'être concernés par un programme supérieur de foresterie mondiale comprend en particulier les étudiants qui veulent se préparer à l'assistance technique forestière, présentement assumée par les Nations Unies et par certains pays. Ces étudiants auront besoin, outre leurs spécialités, d'étudier les problèmes économiques de la foresterie ainsi que la phytogéographie à l'échelle du monde. Ils peuvent avoir à participer à un ou plusieurs cycles d'études sur la vie internationale. Ils peuvent suivre des cours tels que le cours sur «l'humanité universelle» professé pour les diplômés à l'Institut Maxwell des affaires civiques et publiques de l'université de Syracuse, qui fait figure de pionnier en ce domaine.

Il est douteux que les cours techniques destinés aux étudiants en foresterie mondiale puissent se développer sur une grande échelle. L'objectif essentiel devrait en être l'étude des principes. Les applications sont, évidemment des plus utiles pour illustrer ces principes, mais en écologie forestière, sylviculture, économie forestière, aménagement, technologie du bois, protection de la faune, forêts d'agrément, aménagement des bassins versant, etc., les principes sont universels. Les applications sont légion et doivent être étudiées localement.

L'un des moyens les plus féconds pour l'instruction des groupes si hétérogènes qui se rencontreront dans un programme de foresterie mondiale est le «séminaire». Dans sa forme orthodoxe - un professeur travaille avec un groupe d'élèves poursuivant des recherches - d'excellents résultats peuvent être obtenus. Les séminaires se prêtent mieux que tout autre procédé d'enseignement pour provoquer une participation active de l'étudiant. Chaque membre du séminaire fait des recherches et des rapports sur un seul aspect d'une problème commun, le groupe au complet discute chaque rapport et examine le problème dans son ensemble. Les séminaires donnent l'occasion à des conférenciers de l'extérieur, à des visiteurs de l'étranger, à des forestiers locaux aussi bien qu'à des forestiers spécialistes scientifiques de certaines branches forestières de présenter une gamme de sujets d'intérêt courant. De tels stimulants ajoutent à la vitalité et à la variété du programme du séminaire et sont des plus adéquats dans un tel programme. Des contacts et influences variés développent l'esprit critique des élèves.

Indépendamment du programme d'instruction, le facteur le plus important, dans tout travail éducatif, est le professeur. Un établissement d'instruction vaut ce que vaut l'ensemble de ses professeurs. La bibliothèque, les laboratoires, l'équipement et, dans le cas de l'instruction forestière, les forêts de l'établissement, constituent d'importances facilités d'instruction. Mais au point de vue de leur importance pour l'instruction, aucun de ces facteurs ne peut se comparer avec la capacité du corps professoral à inspirer et à guider les élèves sur les chemins du savoir.

Dans un programme de foresterie mondiale, il est évidemment nécessaire que l'ensemble des professeurs aient une vue étendue du monde et s'y intéressent. Il serait préférable que quelques-uns d'entre eux aient acquis au moins une partie de leur formation et de leur bagage intellectuel dans des pays étrangers, et que les autres aient une occupation professionnelle à l'étranger ou y voyagent. A Syracuse, 15 membres du corps professoral ont acquis tout ou partie de leur formation générale dans 12 pays différents. En réalité, l'hétérogénéité d'un corps professoral peut poser des problèmes à la fois professionnels et personnels, mais, aussi bien que pour les étudiants, horizons et points de vue différents sont sources d'émulation et d'échangés féconds dans toute profession.

Des professeurs «visiteurs» (ou associés) donnant des cours ordinaires ou dirigeant des séminaires dans leurs spécialités, peuvent apporter une contribution appréciable à un groupe d'étudiants et au corps professoral permanent. Ces professeurs «visiteurs» peuvent venir en application d'un programme d'échanges et assumer des cours compris dans le cycle normal. Cela peut ne pas être toujours facile pour le «visiteur», ni intéressant pour l'établissement s'il a à enseigner des matières du programme général de base, ou s'il n'a pas eu connaissance préalable du contenu ou des méthodes habituelles en ces mêmes matières. Il est de loin préférable, pour toutes les parties intéressées, que le professeur «visiteur» professe des cours de son choix dans sa spécialité. Un tel arrangement lui permettra aussi plus facilement de poursuivre ses recherches et études personnelles, ce qui est généralement l'un des buts majeurs de ces visites. Beaucoup d'universités disposent déjà de crédits pour l'enseignement par des «visiteurs». Il serait heureux pour notre profession que l'enseignement par «visiteurs» puisse se pratiquer dans les écoles forestières du monde entier sur une échelle plus grande qu'à présent.

Il est probable que la plupart des étudiants diplômés préféreront s'inscrire à une seule école pour toute la durée de ces études ultimes. Parfois, le meilleur endroit où l'étudiant peut poursuivre les recherches particulières qui l'intéressent peut être l'établissement où il a reçu une formation élémentaire. Dans ce cas, c'est probablement là qu'il profitera le mieux de l'enseignement qui achèvera son instruction professionnelle. Dans la plupart des cas, cependant, un changement d'école est à conseiller. Aller dans une nouvelle école donnera à l'étudiant de nouveaux professeurs, un nouvel entourage et une nouvelle impulsion qui stimuleront son développement intellectuel. Dans les universités allemandes, il est de pratique courante d'encourager même l'élève des classes élémentaires à s'inscrire pour un ou plusieurs semestres à une école autre que celle où il a reçu la plus grande partie de sa formation. Partout en Europe, et plus encore en Amérique, les étudiants diplômés sont invités à poursuivre leur travail dans un nouveau milieu éducatif.

Pour le travail de fin d'études en foresterie mondiale cette pratique doit être étendue plus loin. Il me semblé que des accords de coopération pourraient être passés entre plusieurs écoles forestières situées dans des pays différents. Les accords coopératifs concernant le travail post-universitaire devraient faciliter ce travail pour les étudiants suivant les cours de deux ou plusieurs écoles où ils pourraient bénéficier de bourses en cas de travail satisfaisant. Au début, sans aucun doute, le diplôme serait délivré par une seule institution. Celle-ci pourrait être la faculté devant laquelle la thèse serait défendue. Il serait éventuellement désirable que les autres écoles participant aux accords délivrent un diplôme complémentaire. Une telle action demanderait une compréhension et une coopération internationales considérables. Si elle se réalisait, elle renforcerait substantiellement ce programme.

Cependant, la délivrance du diplôme n'est pas ou ne devrait pas être le point dominant. Le but essentiel de ces programmes coopératifs serait à la fois d'aider les étudiants forestiers diplômés à trouver l'occasion de développer au maximum leurs capacités intellectuelles et, autant que possible, à réaliser leurs objectifs, tandis qu'en même temps seraient créées des circonstances favorables à une réelle foresterie mondiale.

Les étudiants devraient pouvoir, non seulement assister à des cours de formation et participer à des séminaires dans des institutions intéressées, mais aussi rassembler des données de recherches partout où ils étudieraient. Cela ne serait évidemment pas systématique dans tous les cas, mais beaucoup d'études se rattachant aux diverses disciplines de la foresterie et de ses sciences de base se prêtent à des applications dans différentes conditions climatiques, biologiques et économiques. Grâce à ces accords internationaux, la recherche pourrait contribuer considérablement à une meilleure compréhension entre les forestiers du monde entier et à un renforcement de la foresterie mondiale.

Avec une telle instruction - formation élémentaire dans leur propre pays, puis études complémentaires auprès de deux ou plusieurs écoles forestières à l'étranger - ces forestiers auraient un excellent bagage général pour leurs carrières professionnelles.

Ils apporteraient à leur propre pays de nouvelles impulsions, de nouvelles techniques et de nouvelles pensées, susceptibles d'amener des progrès dans la recherche, l'enseignement ou la technique.

S'ils choisissaient de travailler à l'étranger, ils y apporteraient un solide bagage intellectuel aussi bien en instruction internationale générale qu'en formation spécifiquement forestière.

La civilisation que nous construisons et devrions construire est internationale dans son essence. Nous devrions adopter les théories et techniques les meilleures, sans égard à leurs origines. Nous pouvons vouloir sauvegarder des traditions nationales attachantes. Mais, pour la plus grande partie de notre culture, nous devrions continuellement examiner, éprouver, rejeter ou adopter des théories et techniques susceptibles d'aider à donner sa forme à un monde meilleur pour l'humanité.

La coopération entre des écoles forestières du monde entier, esquissée dans cette communication, entraînera nécessairement des dépenses supplémentaires: frais de déplacements pour les réunions, frais d'échange de professeurs, frais administratifs, vraisemblablement publications y compris l'esquisse et l'énumération des objectifs, le but et les moyens du programme. Dans ce supplément de dépenses la part des voyages, études et recherches des étudiants ne sera pas la moindre.

Heureusement des fondations privées ont parmi leurs objectifs le soutien de tels enseignements internationaux. Lorsqu'un accord peut être passé entre quelques écoles forestières capables et désireuses de coopérer pour une instruction supérieure étendue, des demandes d'aide financière peuvent être adressées à ces institutions philanthropiques.

Il semble également possible que certaines grandes sociétés qui emploient des forestiers dans diverses parties du monde trouveraient intéressant d'offrir des bourses à des étudiants, aussi bien pour la formation que pour la recherche. Ces sociétés - et il y en a beaucoup de par le monde - ont besoin d'hommes ayant une large formation internationale. Elles peuvent, en outre, parfaitement apprécier les bienfaits de contacts établis avec la recherche et de liaisons avec les institutions éducatives.

Il devrait être possible d'établir entre les écoles forestières du monde une coopération beaucoup plus étroite que celle existant en 1960. Nous ne sommes pas en compétition. Nous avons devant nous une tâche redoutable - comme nous le savons tous - quand nous considérons les ressources forestières du monde, les conditions où elles se trouvent, la façon dont nous les utilisons, et l'immense besoin qu'a le monde de nos forêts.


Page précédente Début de page Page suivante