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Développement des marchés pour les produits forestiers - Besoins et techniques 1

1 Rapport présenté au cinquième Congrès forestier mondial.

E. BRYAN, Membre de la «Forestry Commission» du Royaume-Uni

Chacun sait que la vente et l'utilisation des produits ligneux ne constituent pas l'unique fin des forêts et de la foresterie. Pour toutes sortes de raisons les forêts sont nécessaires à l'homme, notamment pour prévenir l'érosion, régulariser le régime des eaux, briser la force du vent, et, ce qui n'est pas le moins important, satisfaire un certain sens de la beauté et du bien-être propre à l'être humain. Toutefois, à notre époque où les questions économiques jouent un rôle particulièrement important dans tous les domaines, bien des gens attendent des forêts et des services forestiers qu'ils soient rentables. Les budgets des administrations forestières sont soumis à des contrôles constants. Par conséquent, un des buts essentiels de leur gestion est l'utilisation et la vente de leurs produits dans de bonnes conditions.

J'ai le sentiment qu'il serait bon que je commence par définir ce que j'entends par «produits de la forêt». Dans le cadre de la présente communication il s'agit de grumes à sciage, à tranchage, de panneaux durs, de panneaux isolants rigides, de panneaux de particules, de pâte de bois (mécanique, au sulfite ou au sulfate), de bois de mine de tous genres, de bois utilisés pour faire des clôtures ou pour d'autres emplois agricoles. Je laisserai à leurs experts respectifs les autres produits forestiers qui ne sont pas fournis par le tronc même de l'arbre, par exemple les fruits, les noix, les huiles essentielles, etc. Votre Comité m'a confié un sujet bien vaste, et pour le réduire à des proportions compatibles avec une seule communication, j'ai l'intention de parler brièvement des résineux, dont la plupart ont un marché bien établi, puis de passer à la commercialisation des feuillus, affaire bien plus complexe, surtout lorsqu'il s'agit d'espèces tropicales, et enfin d'étudier ce vaste débouché qui comprend, entre autres, les contreplaqués, les panneaux durs, les panneaux isolants, les panneaux de particules et la pâte.

En général, on connaît bien sur les marchés les essences résineuses et leur réputation est établie. Par rapport aux feuillus, il n'existe qu'un nombre relativement faible de résineux. Les grandes forêts résineuses du monde sont bien connues, la plupart d'entre elles ont fait l'objet d'inventaires assez précis. On tire à présent une grosse partie de la production mondiale de résineux de forêts que l'on a réussi à régénérer ou de plantations. Le tsuga (Western hemlock) de Colombie britannique et le pin de Parada du Brésil sont parmi les derniers à s'être fait une place sur le marché international, mais le pin rouge de Chine (Pinus koraiensis), dont de petites quantités sont déjà parvenues à Londres, pourrait se révéler un nouveau venu avec lequel il faudra compter. Les gros producteurs de résineux se trouvent en face de deux problèmes: tout d'abord l'intégration de tous leurs produits ligneux, en second lieu, la commercialisation des bois provenant de plantations et d'origine exotique, c'est-à-dire des résineux qui ont poussé dans des régions autres que leur habitat d'origine. En ce qui concerne le premier problème, un certain nombre de pays producteurs de résineux ont fait de gros progrès dans le sens d'une utilisation complète de l'arbre sur pied. Les Etats-Unis, le Canada et la Suède sont à cet égard des exemples remarquables. La Suède dépend des produits forestiers pour une très grosse partie de son économie nationale, Dans ce pays, de grosses entreprises intégrées produisant des avivés (planches et bastaings), des panneaux durs, des panneaux isolants, des pâtes, améliorent progressivement leurs positions. En cette matière on doit préciser que la commercialisation est confiée à des experts qui connaissent bien leur affaire et s'entendent à conserver les débouchés qu'ils ont déjà acquis, aussi bien qu'à assurer leur expansion.

Le second problème est plus complexe. Les résineux exotiques, ou provenant de plantations, doivent trouver de nouveaux débouchés, ou, dans certains cas, s'imposer sur un marché aux dépens des importations en provenance d'outre-mer. Une même essence est susceptible de présenter des qualités différentes de celles qu'elle possédait dans son habitat original. Il serait bien utile de procéder à ce sujet à des recherches. Le Royaume-Uni se trouve en face de problèmes de ce genre: en dehors du travail considérable réalisé par les propriétaires privés, la Forestry Commission de Grande-Bretagne possède 1250 000 acres (500 000 ha) de boisements, qui sont surtout des plantations récentes de résineux. Le laboratoire de recherches sur les produits forestiers de Princes Risborough met en œuvre, pour le compte de la Commission, un programme de recherches bien conçu. Il est juste de rendre ici hommage aux travaux des laboratoires de recherches forestières du monde entier, et de reconnaître les encouragements qu'ils ont reçus de leurs gouvernements respectifs. En Afrique du Sud, en Australie, et en Nouvelle-Zélande on a fort bien réussi à créer des débouchés pour les résineux exotiques. Mais c'est pour encourager l'emploi des feuillus que les laboratoires de recherches sur les produits forestiers ont probablement à jouer leur rôle le plus important. Ils peuvent permettre d'apprécier la valeur commerciale d'essences nouvelles en fournissant des indications scientifiques détaillées sur leur structure, leur texture, leurs qualités mécaniques. Ils peuvent aussi découvrir des utilisations inédites pour ces essences nouvelles, en les soumettant à des essais en fonction des exigences particulières aux diverses catégories d'utilisateurs. Ainsi, certains arbres ne conviennent pas au sciage, mais produisent d'excellents tranchages. L'acajou du Gabon en est un exemple typique. On s'est aperçu à l'occasion de l'emploi de produits chimiques, que certaines essences résistaient aux acides. Mais je dois souligner que le chêne a été reconnu comme le meilleur bois pour la fabrication des tonneaux à conserver le vin bien avant la création de laboratoires de recherches sur les produits forestiers!

Pour que la recherche ait toute sa valeur, pour qu'elle soit pleinement utile, il est indispensable d'établir une collaboration étroite entre les laboratoires de recherches sur les produits forestiers et les intérêts commerciaux. Il faut pourtant reconnaître que l'on ne peut dire que les introductions de nouveaux bois sur les marchés internationaux aient été historiquement le résultat de la seule recherche scientifique. En réalité, dans bien des cas, il semble qu'elles aient eu lieu presque accidentellement, ou aient résulté de grands événements historiques dépassant la portée du commerce normal.

Aux Etats-Unis, la grande expansion de la production des sciages qui s'est produite dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle a été provoquée par une demande énorme émanant d'un public qui cherchait un matériau susceptible de fournir rapidement des logements et des meubles, à mesure qu'il se déplaçait des rives de l'Atlantique vers les régions de l'Ouest.

Les unes après les autres, les essences ont été mises sur le marché, à mesure que l'on constatait que leurs qualités mécaniques permettaient de satisfaire une demande sans cesse croissante. Plus tard, l'énorme production américaine a débordé le marché intérieur pour apparaître sur les marchés internationaux de consommation. Sur un autre continent, il est très douteux que l'expansion des bois de l'Afrique occidentale, qui tend à chasser de l'Europe occidentale les feuillus d'Amérique du Nord eût pu se produire, tout au moins aussi rapidement, sans la seconde guerre mondiale qui a perturbé les marchés et les devises. Cette expansion considérable de la production du bois dans les territoires d'Afrique occidentale, les progrès qu'elle a marqués, les marchés qu'elle a conquis, gagneraient sans aucun doute à être étudiés par des économistes. L'impulsion première a certainement résulté de ce que des marchés gros consommateurs ont été brutalement coupés des sources d'approvisionnement auxquelles ils avaient été habitués pendant plusieurs générations. Sans ce stimulant, il n'est nullement certain que l'on aurait trouvé des débouchés pour un nombre aussi élevé d'essences d'Afrique occidentale, tout au moins dans un laps de temps aussi court. Le ramin est encore un exemple d'un bois que le commerce connaissait à peine avant la seconde guerre mondiale, et qui a maintenant conquis des débouchés très importants, surtout au Royaume-Uni et en Australie.

Cette évocation rapide de ce qui s'est passé en Afrique occidentale soulève un vaste problème: une évolution semblable du commerce mondial, en souhaitant que ce ne soit pas cette fois à la suite d'une guerre, se produirait-elle jamais en faveur des vastes forêts feuillues existant en Amérique du Sud, surtout dans les bassins de l'Amazone et de l'Orénoque? On en vient presque à penser que, dans bien des cas, les feuillus, si l'on ne prend pas des mesures économiques basées sur les résultats des recherches, doivent attendre, chacun leur tour, que se produise un enchaînement favorable de circonstances qui leur permette de parvenir sur les marchés internationaux. Les frets, les dépenses d'exploitation, les frais de transformation, les redevances, etc., sont en effet susceptibles de varier énormément d'un point à l'autre du globe.

Prenons par exemple les acajous de l'Afrique occidentale et de l'Afrique orientale. Ils sont de qualités très semblables mais, sur le marché du Royaume-Uni tout au moins, le second est handicapé par un trajet maritime bien plus long.

D'autre part, certains bois peuvent avoir de bons débouchés locaux et n'exercer qu'une influence éphémère sur les marchés internationaux. On en a eu un exemple très net au Royaume-Uni immédiatement après la seconde guerre mondiale. L'emploi du bois, en raison de la politique des devises et d'autres difficultés, y a été strictement réglé par un système de licences jusqu'en 1953. Pourtant, en 1946, le ministère britannique du Commerce a mis sur pied un programme connu sous le nom de Hardwood Overseas Procurement Order Part III permettant aux entreprises privées d'importer et de vendre librement des bois feuillus provenant d'un certain nombre de territoires nommément désignés. Dans l'année où ces importations ont été les plus fortes, on n'a pas importé au Royaume-Uni moins de 350 espèces de feuillus qui sont aussitôt passés à la consommation. Des feuillus comme les freijo, jequitiba et louro vermelho du Brésil, les rauli, laurel et coigue du Chili, les amarillo, Fernán Sánchez et Roble de l'Equateur, les chan, katon et haldu du Siam, ont trouvé temporairement des débouchés rémunérateurs. Mais lorsque le gouvernement britannique a autorisé à nouveau, en 1951, la libre consommation des résineux, un grand nombre d'entre eux ont disparu aussitôt du marché. Des 350 espèces de feuillus en question, il n'en est même pas resté la moitié qui aient conservé aujourd'hui une place stable sur le marché britannique de consommation.

Ceci nous amène à une question essentielle: les gouvernements et les services forestiers peuvent-ils, avec l'aide de laboratoires de recherches sur les produits ligneux, aider les industries productrices de bois? Une méthode consiste à pousser les recherches sur les qualités de feuillus que l'on connaît déjà pour permettre d'utiliser davantage certaines essences. Le ramin constitue un remarquable exemple de bois que l'on apprit ainsi à apprécier. A cet égard il est remarquable que l'on ait fait des recherches considérables aussi bien dans les pays consommateurs que dans les pays producteurs. Nous devons donc supposer que le consommateur, de son côté, ne cesse de poser des questions sur les qualités et les possibilités de diverses essences.

Il semble presque que la réussite de l'introduction sur le marché international de nouvelles essences feuillues ait été surtout affaire d'entreprises individuelles, profitant d'un moment favorable pour élargir considérablement les débouchés d'une essence qui, précédemment, n'avait que des utilisations traditionnelles locales. Jusqu'à présent on n'a guère d'exemple que des mesures économiques prises dans ce but aient réussi à élargir immédiatement les débouchés d'une essence déterminée. Une fois qu'une essence a acquis une réputation internationale, les gouvernements peuvent incontestablement accroître ou compromettre ses chances de main tien. Si l'on élève les taxes jusqu'à des taux excessifs, si l'on frappe de droits d'exportation prohibitifs une essence qui, temporairement, se vend bien, on court toujours le risque de tuer la poule aux oeufs d'or.

Nous en arrivons maintenant à un autre aspect de la commercialisation des feuillus, en dehors des grands marchés internationaux. Il s'agit des possibilités considérables de débouchés locaux pour les bois dans les secteurs peu développés d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud. Bien souvent il existe d'importantes populations à faible niveau de vie au voisinage de grands territoires boisés dont elles ne tirent guère parti pour le moment. Les dernières statistiques annuelles mettent en évidence de larges variations dans la consommation des sciages par 1000 habitants: 155 m³ pour l'Europe, 390 m³ pour l'U.R.S.S., 515 m³ pour l'Amérique du Nord, 15 m³ pour l'Afrique, 35 m³ pour l'Asie. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. Il est d'ailleurs heureux, et inévitable, que la consommation locale de bois augmente avec le niveau de vie, ce qui permet de prévoir des ventes bien plus importantes sur le plan local, mais il faudra procéder à des recherches très soigneuses pour déterminer quelles essences auront le plus de valeur dans leur pays d'origine, et lesquelles continueront à être une source principale de revenus grâce au commerce d'exportation. Par exemple, de nombreux feuillus trouvent un bon débouché local en Afrique grâce à leur résistance aux dégâts d'insectes, tout en n'ayant aucune valeur pour l'exportation en raison de leur poids et de la dureté de leur grain. On procède déjà à de nombreuses recherches à ce sujet dans certains pays d'Afrique et d'Asie, mais il faudrait en faire davantage.

Une illustration remarquable de ce qui précède est apportée par les recherches que l'on poursuit en Malaisie. Le forestier s'y trouve typiquement obligé de faire le choix des essences à favoriser et des essences à supprimer parmi plusieurs centaines d'espèces différentes de feuillus. Une première étape a consisté à diviser les feuillus en trois groupes, à savoir lourds, de densité moyenne et légers. Presque aussitôt on a décidé de ne conserver dans la forêt qu'un petit nombre de feuillus lourds, car il leur faut au moins 150 ans pour parvenir à maturité et, d'autre part, leurs débouchés sont actuellement incertains. D'un autre côté on s'est aperçu que certains feuillus de densité moyenne traités en vue d'une production commerciale, comme le keruing, pouvaient parfaitement être préservés par imprégnation et être utilisés par conséquent comme les autres pour faire des traverses ou des pièces analogues. Un travail énorme reste encore à faire pour déterminer, par des essais, quels sont les feuillus légers et de densité moyenne les plus intéressants, qu'il convient de favoriser dans les peuplements forestiers.

Après avoir constaté que la durabilité pouvait être compensée par la facilité d'imprégnation, on est tombé d'accord sur le fait que deux des caractéristiques les plus importantes pour une essence à commercialiser sont l'aptitude à ne subir, une fois en place, ni déformation ni distorsion, et, dans notre époque de production industrielle, à être facile à travailler aux machines-outils. En ce qui concerne les feuillus tendres, on a estimé également que l'on devait éliminer autant que possible ceux qui sont susceptibles d'être attaqués par les insectes. Les insecticides modernes permettent de réduire ce risque dans une large mesure' mais leur emploi onéreux augmente les frais de production. La Malaisie nous offre donc l'exemple typique d'un pays où les forestiers se sont attaqués au problème du choix des essences à faire pousser dans leurs forêts en fonction de leur valeur commerciale ultérieure.

Un élément important de la réussite dans la commercialisation de nouvelles essences est la création et l'application de règles pratiques de classement. Des exemples remarquables de réussite dans cette voie existent pour le ramin et le hêtre du Danemark. Actuellement deux genres principaux de classement dominent: en premier lieu le système basé sur la théorie de l'obtention d'un nombre maximum d'échantillons de classement net de tout défaut sur la face classée d'une planche quelconque, en second lieu ceux qui font appel à ce qu'on appelle «l'aspect» où l'on considère le nombre de défauts admis dans une planche de dimensions déterminées. Le premier a été créé par les producteurs de sciages des Etats-Unis. Il y est devenu très populaire et paraît donner satisfaction au consommateur. Mais le marché du Royaume-Uni ne lui a pas été aussi favorable, ce qui pourrait bien être une des raisons pour lesquelles les bois d'Afrique occidentale continuent à défendre leur position en Grande-Bretagne. Ils sont encore classés surtout d'après l'aspect. Bien des consommateurs pensent qu'ils ont ainsi plus de possibilités d'utiliser la planche avec le maximum d'économies lorsqu'ils la refendent en vue de son utilisation finale. Le classement d'après les qualités mécaniques, présenté aussi en Amérique du Nord, est quelque chose de nouveau. Il vise à classer d'après la résistance, c'est-à-dire de façon à fixer avec précision les efforts que pourra supporter une pièce de bois utilisée en construction. Si l'on veut que le bois maintienne sa position en construction malgré la concurrence de l'acier et du béton précontraint, il faudra prendre bien davantage de mesures pour développer la production et la commercialisation des bois classés d'après ce système, surtout parmi les résineux. En outre, les forestiers eux-mêmes ont une grande influence sur l'économie de l'utilisation de leurs bois par le choix de la méthode de sylviculture qu'ils pratiquent, par exemple, en fixant un âge d'exploitabilité de 100 ans, en déterminant la périodicité des exploitations ou autres techniques. Il faut souligner ici une fois de plus que pour assurer de façon durable la bonne commercialisation des bois, il est indispensable de pratiquer une politique forestière bien établie. S'il en était autrement, les capitaux considérables nécessaires à l'installation des scieries, des usines de contreplaqués, de panneaux durs, de panneaux de copeaux, de papier, ne seraient pas attirés vers les pays tropicaux. Actuellement, si l'on établit une comparaison avec les industries du bois plus anciennes d'Europe, des Etats-Unis et du Canada, on constate qu'il est malheureusement nécessaire de perdre une part énorme de la totalité de l'arbre, qui est soit abandonnée dans la forêt tropicale, soit transformée en déchets de scierie. Le problème consiste à mettre au point les techniques industrielles et à obtenir les capitaux nécessaires pour fabriquer des produits finis comme les panneaux durs, les panneaux de particules et les pâtes. Ici, la Division des forêts de la FAO joue son rôle en réalisant un grand nombre d'études sur la possibilité de transformer les déchets de production des feuillus tropicaux en panneaux ou en pâte dans de petites installations industrielles.

Ceci nous amène à la question de la commercialisation de produits forestiers tels que les contreplaqués, les panneaux durs, les panneaux isolants, les panneaux de particules et les pâtes. Ici encore nous enregistrons l'évolution presque générale de débouchés obtenus de façon très pragmatique à partir de débuts expérimentaux réalisés sur une petite échelle. C'est un fait historiquement établi que de l'époque de Jules César à la fin du XIXe siècle il n'y a pas eu de modification profonde des méthodes d'utilisation du bois. Des essences nouvelles ont apparu sur le marché, on a inventé de nouveaux outils, de nouvelles machines, mais le bois a toujours été utilisé selon les mêmes bases traditionnelles. Au début du XXe siècle un bouleversement a suivi l'invention du tranchage et la fabrication en gros des contreplaqués. Maintenant que nous avons les diverses catégories de panneaux, qui peut dire avec certitude sous combien de formes on utilisera le bois dans une centaine d'années? C'est précisément au stade des panneaux durs, d'isolement ou de revêtement que nous observons, dans le cadre d'un organisme que l'on appelle FIDOR (Fiber Building Board Development Organization, London), des campagnes publicitaires destinées à lancer, au commandement, de nouveaux produits sur le marché. Cet organisme a été créé en 1953 et subventionné volontairement. Il continue à rendre des services appréciés à ses membres. Comme on l'a dit précédemment, le contreplaqué a été le premier matériau pour lequel on ait rompu avec les utilisations traditionnelles du bois. Il n'est pas exagéré de dire qu'il a conquis un marché davantage grâce aux expériences tentées par des consommateurs entreprenants qu'à la suite d'une action concertée des fabricants. Maintenant il existe un certain nombre d'associations qui s'occupent à la fois de défendre les contreplaqués contre des nouveaux venus encore plus récents, et de réserver une part encore plus grande des débouchés internationaux à leur propre produit national. En voici un exemple. La Plywood Manufacturers' Association de Colombie britannique (P.M.B.C.) poursuit depuis quelque temps une active campagne de vente en faveur des contreplaqués de ce pays. Elle a si bien réussi que les ventes de contreplaqués de douglas au Royaume-Uni en 1959 ont dépassé de 50% les chiffres de 1958. Aux Etats-Unis, un organisme qui travaille aussi sur la côte du Pacifique, la Douglas Fir Plywood Association, a dépensé 5 millions de dollars en 1959 pour encourager les ventes. Aujourd'hui l'association finlandaise de l'industrie du contreplaqué est en train d'organiser les débouchés commerciaux de contreplaqués de bouleaux suédois au Royaume-Uni. La National Lumber Manufacturers' Association des Etats-Unis elle-même, naguère si assurée de la valeur compétitive des sciages américains, est en train de préparer une campagne commerciale sous le nom de Marketing unlimited. On estime que cette campagne d'encouragement aux ventes coûtera 12 500 000 dollars par an, et qu'elle sera financée grâce à une taxe de 1 dollar pour environ 2,36 m³ de sciages frappant la production des industriels qui la soutiennent. Ce projet bénéficie de l'assentiment général de la presse professionnelle aux Etats-Unis. On remarquera que pratiquement tous les programmes définis ci-dessus, aussi bien pour les sciages que pour les autres produits forestiers, ont ceci de commun qu'ils sont mis en œuvre soit pour défendre un débouché contre des produits de substitution nouveaux, soit pour réserver à leur propre production une plus grande part d'un marché existant.

Il semblerait donc que les forestiers et les professionnels devraient avoir pour but commun la commercialisation des produits du bois sous les formes les plus économiques et les plus attrayantes, pour lui permettre de lutter avec succès contre des matériaux ou des produits compétitifs. Ce but d'efficacité devrait être poursuivi dans toutes les opérations, y compris les pratiques sylvicoles, les transformations, l'expédition, la commercialisation et la distribution. Le forestier peut encore jouer un rôle en élaborant une politique forestière harmonieuse, qui permettra d'amener ses arbres sur le marché sous leur plus bel aspect, et aussi en décidant quelles sont les essences à encourager et celles à supprimer. Le forestier ne doit pas non plus perdre de vue que la transformation moderne du bois en sciages ou en autres produits, exige de gros investissements, et qu'en conséquence le professionnel a besoin avant tout d'une politique continue, de garanties sur la production et la fourniture de la matière première qu'il utilise. A cet égard on peut observer avec un grand intérêt le système de licences d'aménagement qui a été institué en Colombie britannique après la seconde guerre mondiale. Comme vous le savez l'idée première est d'assurer la continuité de la production de toute une gamme de produits forestiers, des sciages aux pâtes, et en même temps d'obtenir une régénération convenable des forêts. Le forestier peut aussi, par le contrôle du paiement des redevances, faciliter dans une très large mesure le développement des marchés locaux et la consommation d'essences qui jusque-là n'étaient guère recherchées. A notre époque, où l'idée du rendement soutenu est à la mode, les forestiers des tropiques souhaitent avant tout une politique forestière libérale qui permette de trouver des débouchés pour le plus grand nombre possible d'essences. Ils devraient éprouver quelque réconfort à constater qu'un grand nombre d'essences qui ont commencé leur carrière comme «secondaires», figurent maintenant en tête des listes de prix des importateurs.

Dans le passé, nous l'avons déjà dit, le commerce du bois ne s'est pas embarrassé de recherches scientifiques. Il existait des débouchés, on y écoulait largement le bois. Il a fallu arriver au milieu du XIXe siècle pour que le bois, en tant que matériau de construction, se heurte à une concurrence sérieuse. Ce fut, coup sur coup, l'apparition de l'acier, de l'aluminium et de ses alliages, du béton précontraint, des plastiques. Une des mesures prises pour faire face à la situation fut la création du laboratoire des produits forestiers. Mais la plupart de ces produits qui sont appréciés aujourd'hui ne sont pas plus vieux qu'une génération de chercheurs.

Pour les économistes du XIXe siècle, il était évident que le jeu de l'offre et de la demande assurait l'utilisation de chaque matériau dans les emplois auxquels il était le mieux adapté. Mais ces principes ne tiennent plus. Etant donné la gamme considérable de matériaux disponibles, le principe de l'utilisation industrielle éclectique a perdu sa vigueur. On ne peut être assuré qu'en fonction de ses seules propriétés intrinsèques un matériau sera choisi comme le meilleur pour un emploi déterminé. Le seul critère valable aujourd'hui consiste à savoir si le produit fini donne satisfaction. Le consommateur final ignore les matériaux employés: il achète le produit fini et se fait une opinion sur l'utilité qu'il a pour lui. Ceci nous amène à penser que la recherche appliquée au bois a un grand rôle à jouer à l'avenir si on l'oriente vers l'étude des utilisations finales. On aimerait voir une organisation où le créateur du produit fini aurait la faculté de s'adresser au chercheur du laboratoire de recherches, de lui poser des questions précises, de recevoir aussi des réponses précises sur la façon dont le bois se comportera dans une série de conditions déterminées correspondant à l'emploi qu'il veut en faire.

Dans l'étude intitulée «Tendances de l'utilisation du bois et de ses dérivés dans la construction» qui a été préparée en collaboration, en 1957, par les Secrétariats de la FAO et du Conseil économique des Nations Unies on déclare que les forestiers, aussi bien que les représentants des intérêts commerciaux, devraient accueillir avec sérénité le remplacement progressif des sciages par d'autres dérivés du bois. Cette situation nouvelle n'aura pas seulement pour conséquence le développement futur de nouveaux marchés pour les produits ligneux, elle entraînera fréquemment l'apparition de débouchés pour des bois de qualité inférieure remplaçant les qualités supérieures susceptibles de donner des sciages, qui pourraient bien par ailleurs devenir de plus en plus rares. Si l'on ne disposait pas de ces techniques nouvelles pour l'utilisation des bois de qualité inférieure, la forêt perdrait des débouchés considérables.

Lorsque l'on cherche à créer des débouchés pour les produits ligneux, il semble bien que les services fores tiers doivent fournir à ceux qui veulent mettre sur pied de grosses installations de fabrication de pâtes et de panneaux les renseignements les plus sûrs, tant en ce qui concerne les disponibilités en bois que leur prix de revient probable. Il existe ici une difficulté: d'une part il est nécessaire de prendre des décisions fermes à long terme sur la politique à suivre; d'autre part, compte tenu de la possibilité de changements monétaires ou de perturbations du marché, il est indispensable de choisir un terme de comparaison pour réévaluer périodiquement les prix de la matière première. Cependant cette situation s'est déjà rencontrée dans un certain nombre de pays producteurs de bois, et l'on constate avec plaisir que l'on a presque toujours réussi à trouver des solutions satisfaisantes à la fois pour les intérêts commerciaux et les services forestiers en présence.

Les mêmes remarques, sous des aspects différents, s'appliquent à la commercialisation de nouvelles espèces de bois tropicaux. Ici encore l'idéal est de créer des contacts étroits entre les services forestiers locaux et les professionnels du bois pour déterminer les quantités susceptibles d'être délivrées et les redevances à payer. On n'insistera jamais trop sur le fait qu'il faut avant tout pour assurer la commercialisation des produits ligneux, une politique forestière stable.


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