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3. PLANIFICATION DE L'EVALUATION


3.1 Introduction
3.2 Objectifs de l'évaluation
3.3 Sources des données
3.4 Hypothèses de base de l'évaluation
3.5 Planification de l'évaluation
3.6 Modélisation du problème et solutions proposées

3.1 Introduction

Le présent chapitre décrit la série d'activités qui se succèdent depuis la consultation initiale avec le client jusqu'à la planification de l'évaluation, et qui correspond à la phase de planification précédant le travail de terrain dont il est question dans les procédures représentées au tableau 2.1.

Les discussions initiales doivent être aussi complètes que possible et supposent des échanges d'idées dans les deux sens concernant les objectifs des études et le type d'évaluation correspondant. Le mandat doit être assez souple pour pouvoir être révisé au cours de la prospection ou de l'évaluation compte tenu des résultats provisoires. Ces consultations initiales devraient permettre de

i. définir clairement et sans ambiguïté les objectifs;

ii. réunir des données et des hypothèses qui serviront de base à l'évaluation des terres;

iii. établir un programme de travail pour l'exécution des prospections, le rassemblement des données et l'échelonnement des activités;

iv. définir le mode de présentation des résultats définitifs en relation avec les objectifs fixés.

3.2 Objectifs de l'évaluation

Il faut tout d'abord établir les objectifs de la mise en valeur proposée et prendre conscience des difficultés que posera l'accomplissement de ces objectifs et des hypothèses sur lesquelles ils se fondent. Avant de s'entendre avec le client sur les objectifs, l'équipe chargée de l'évaluation consultera des planificateurs, des experts des disciplines concernées et des représentants de la population locale susceptible d'être touchée par le projet.

Les objectifs devront toujours être clairement énoncés mais avec un degré de précision qui variera beaucoup d'une étude à l'autre. La définition des objectifs d'une étude peut se faire à deux niveaux de généralisation: un but général et un but spécifique.

Une évaluation des terres à but général évalue l'aptitude d'une zone donnée à tous les modes d'utilisation possibles. Ceux-ci comprennent aussi bien les utilisations existantes que de nouvelles utilisations comme l'introduction de nouvelles cultures. L'évaluation peut porter sur les grandes catégories d'utilisation des terres, mais il est généralement préférable de pousser l'étude, au moins dans une certaine mesure, jusqu'aux différentes cultures pratiquées à des niveaux d'aménagement définis dans les grandes lignes. En aucun cas, il ne faudra indiquer toutes les catégories d'utilisation dès le début de la prospection, car un des objectifs de l'évaluation à but général est précisément d'identifier, d'analyser et de décrire de nouvelles utilisations potentielles.

Dans une évaluation des terres à but spécifique, les catégories d'utilisation des terres à prendre en considération sont limitées et, au moins en partie, spécifiées dans les objectifs. C'est généralement le cas des évaluations conduites au niveau d'un projet ou, parfois, au plan régional. Au stade de la reconnaissance, on aura comme exemples des études menées pour localiser les zones les plus favorables à l'agriculture pluviale proprement dite et où des terres cultivables pourront être trouvées, ou au développement de cultures déterminées. A un degré plus détaillé, l'objectif peut être d'obtenir une production totale donnée d'une culture vivrière particulière (par exemple, de maïs) ou un niveau de revenu déterminé pour des petits exploitants agricoles. La tendance actuelle est de fixer des objectifs plus spécifiques et souvent à plus brève échéance. Cela limite la gamme des utilisations possibles à considérer dans l'évaluation.

L'expérience a montré qu'une classification des aptitudes à un seul mode d'utilisation risque d'induire en erreur. Il est presque toujours souhaitable de proposer au moins deux formes d'utilisation. Cela n'implique pas nécessairement un changement d'utilisation; on peut envisager la continuation de l'utilisation présente, avec des méthodes d'aménagement modifiées ou non. Dans le cas de terres inhabitées, il est possible, pour avoir un élément de comparaison, d'évaluer les avantages qu'on aurait a laisser ces terres en leur état.

3.3 Sources des données

Avant d'arrêter définitivement les objectifs des études et le plan de travail, il convient de passer en revue les cartes, les rapports techniques, les publications et toute autre documentation concernant la zone à l'étude et les utilisations proposées. Si, à ce stade, l'équipe chargée de l'évaluation n'a pas suffisamment de temps à sa disposition pour étudier les rapports en profondeur, elle devra cependant avoir connaissance de leur existence. L'expérience a montré que l'utilisation des rapports déjà faits peut faire gagner un temps précieux et améliorer les résultats de l'évaluation finale. Pour obtenir les rapports techniques et autres renseignements utiles, il faut explorer systématiquement les possibilités suivantes:

i. le client (généralement un service gouvernemental);

ii. d'autres ministères; pour des études sur l'agriculture pluviale, il est cependant intéressant de vérifier si le service de l'irrigation ou celui de l'élevage disposent de rapports sur la question; les services météorologiques ont peut-être publié des études agroclimatologiques ainsi que des données générales;

iii. les projets FAO/PNUD ou Banque Mondiale;

iv. les projets d'aide bilatérale;

v. les rapports de bureaux d'études; les consultants ne sont pas autorisés à révéler le contenu de leurs rapports techniques, mais ils peuvent indiquer à quel service il faut s'adresser officiellement pour les obtenir;

vi. les universités, notamment les facultés d'agronomie, les instituts géographiques, etc;

vii. les stations de recherche, nationales et internationales;

viii. les publications: le volume des publications est tel aujourd'hui que les informations intéressantes et utiles passent souvent inaperçues. Les bibliographies, les extraits de revues ou les fiches de données informatisées peuvent être d'une grande utilité.

3.4 Hypothèses de base de l'évaluation

Certaines hypothèses sont tellement évidentes, dans les conditions physiques, socio-économiques et politiques d'un pays ou d'une région qu'on ne prend pas toujours la peine de les mentionner: l'aridité d'une région désertique, ou encore un niveau de vie élevé ou faible. Toutefois, pour faciliter le transfert des informations d'une zone à l'autre, il est bon de consigner brièvement ces hypothèses.

Les données et les hypothèses concernant la zone du projet doivent être tout d'abord reconnues et énoncées. Dans la présentation finale des résultats, ces informations pourront être utilement regroupées dans un chapitre du rapport. Elles porteront sur:

- situation et accessibilité;
- zone climatique;
- relief et principaux caractères des sols;
- population et taux de croissance démographique;
- niveau de vie (par exemple, produit intérieur brut par habitant);
- instruction;
- base de l'économie actuelle;
- infrastructure économique (routes, services urbains);
- subventions du gouvernement;
- taille des exploitations et autres propriétés foncières;
- régime foncier;
- régime politique.
Outre le contexte général, d'autres hypothèses servant aussi de base à l'évaluation, influencent l'interprétation et l'applicabilité des résultats dans le temps et dans l'espace. Il est par exemple important de décider si la situation et l'accessibilité seront prises en compte, et, dans l'affirmative, de quelle manière (voir section 7.2. LQ 23 "Intérêt pour des évaluations"). Il est également nécessaire d'exposer clairement les contraintes sociales, institutionnelles et politiques qui sous-tendent la planification des utilisations futures des terres de cette zone. Un cas que l'on rencontre fréquemment est celui de savoir si les droits des propriétaires ou des utilisateurs actuels des terres resteront in touchés ou si l'on peut envisager une nouvelle colonisation ou des expropriations; ces considérations peuvent influer grandement sur les superficies et les modes d'utilisation qui n'ont pas été évalués mais sont cartographiés comme "sans intérêt" sous le prétexte qu'un changement d'utilisation est exclu. Les descriptions des types d'utilisation des terres dépendent aussi du contexte politique et social; par exemple, les exploitations seront-elles gérées individuellement, collectivement ou par l'Etat. De semblables hypothèses doivent être considérées.

On trouvera ci-après quelques exemples, qui sont loin de couvrir toute la gamme des possibilités:

i. limites des informations utilisées (par exemple, seules les conditions du sol indiquees sur telle ou telle carte ont été employées);

ii. fiabilité et applicabilité des données disponibles à l'intérieur et à l'extérieur de la zone à l'étude;

iii. localisation prise en considération ou non;

iv. démographie (poursuite ou diminution des taux de croissance actuels);

v. infrastructure et services (les services de réparation, facilités de crédit, services de vulgarisation agricole, etc., resteront inchangés ou seront améliorés);

vi. niveau d'intrants (les intrants renouvelables utilisés par les exploitants des terres resteront inchangés ou augmenteront);

vii. régime foncier et autres facteurs institutionnels (maintien de la propriété privée perpétuelle ou du régime communautaire de droit coutumier, ou encore coopératives agricoles);

viii. demande, marchés et prix (par exemple, on se fonde sur les prix pratiqués dans la région ou sur les cours mondiaux s'il n'y a pas dans la région de débouchés pour la culture envisagée; les conséquences de la production abondante escomptée sur les prix du marché sont, ou ne sont pas, prises en considération);

ix. améliorations foncières; lorsqu'il s'agit d'une classification des aptitudes potentielles, il faut décrire l'importance et la nature des améliorations;

x. base de l'analyse économique (l'amortissement des dépenses en capital est ou n'est pas partiellement ou totalement inclus; la main-d'oeuvre familiale, dans le cas des petits exploitants, est ou n'est pas comprise dans les coûts; taux d'actualisation utilisés dans les analyses des coûts/avantages).

3.5 Planification de l'évaluation


3.5.1 Portée et échelonnement des activités
3.5.2 Etendue et délimitation des terres à évaluer
3.5.3 Catégories d'utilisation des terres à prendre en considération
3.5.4 Etudes de base: portée, degré d'intensité et échelle
3.5.5 Types de classification d'aptitude à employer
3.5.6 Méthode à deux phases et méthode parallèle
3.5.7 Personnel et calendrier des activités

3.5.1 Portée et échelonnement des activités

Un plan illustrant l'échelonnement des activités relatives au rassemblement des données et à l'évaluation des terres doit être établi lors des consultations initiales. Ce plan doit prévoir les apports en personnel et en matériel, les moyens de transport et les logements, préciser les dates et l'échelonnement des prospections et des activités propres à l'évaluation, ainsi que les coûts. Il faut prévoir également une marge de temps en prévision de difficultés inattendues; enfin le plan doit être suffisamment souple pour pouvoir être modifié au vu des conclusions provisoires.

Quand on planifie une évaluation des terres, il faut prendre dès le départ un certain nombre de décisions concernant:

- l'étendue et les délimitations des terres à évaluer;
- les catégories d'utilisation à prendre en considération;
- la portée, le degré d'intensité et l'échelle des études nécessaires;
- le type et la méthode de classification à employer;
- l'échelonnement des activités;

3.5.2 Etendue et délimitation des terres à évaluer

Ces éléments peuvent avoir été déterminés avant la demande de l'évaluation, par exemple au moment de l'élaboration d'un plan de mise en valeur de telle unité administrative. La zone peut encore n'être délimitée qu'après sélection des modes d'utilisation pertinents, compte tenu de ce que certaines superficies semblent n'avoir qu'une aptitude potentielle à ladite utilisation. Dans les études très poussées notamment, on aura recours aux cartes établies lors de prospections de reconnaissance ou d'autres prospections moins détaillées, pour choisir les zones qui semblent se prêter à des catégories d'utilisation déterminées ou souvent, carrément, pour rejeter des zones qui d'évidence ne conviennent pas aux utilisations envisagées.

3.5.3 Catégories d'utilisation des terres à prendre en considération

Des catégories d'utilisation sont retenues en fonction de l'objectif de l'évaluation et du contexte physique, économique et social de la zone considérée. Les objectifs indiquent s'il faut inclure une vaste gamme de catégories d'utilisation ou s'il faut, au contraire, orienter l'étude vers une utilisation déterminée. Dans la plupart des cas, le contexte physique, comme les aspects climatiques qui touchent toute la zone à l'étude, réduit sensiblement le nombre d'utilisations possibles. Par ailleurs, des facteurs sociaux et économiques, comme les niveaux de vie ou la nécessité de se soumettre à un type de régime foncier donné (privé ou communautaire), constituent aussi des contraintes.

Dans la Section 4.3 on suggère certaines modalités de faire une première identification des cultures et des catégories d'utilisation à considérer.

Dans de nombreux cas, certains types d'utilisation ne sont pas envisageables sur certaines unités de terre. Par exemple, s'il y a des raisons de penser qu'il n'y aura pas de déplacements importants de population, les types d'utilisation propres à soutenir une population de faible densité n'ont pas lieu d'être proposés pour des unités de terre qui sont déjà très peuplées. Si les hypothèses avancent clairement qu'il n'est pas question de modifier les limites des réserves forestières, il ne sert à rien d'évaluer les terres de ces réserves en vue d'une production agricole.

Les hypothèses servant de base à l'évaluation, telles qu'elles ont été fixées lors des consultations initiales, tenues avec les mandataires, sont la cause la plus fréquente de l'exclusion d'une utilisation pour certaines zones de terre. Mais il y a d'autres causes. Des préférences alimentaires marquées de la population peuvent justifier le refus de cultures qui, du point de vue climatique, auraient pu être prises en considération dans l'évaluation. D'autres fois, le rejet de certaines utilisations a comme origine les réalités économiques ou le simple bon sens. Comme dans certains des exemples cités, l'absence d'intérêt d'une utilisation déterminée s'applique souvent à une unité administrative plutôt qu'à une unité physique de terre.

On peut éviter un travail inutile en éliminant des types d'utilisation qui ne méritent pas que l'on s'y intéresse dans des zones particulières. Cela permet de concentrer l'effort sur l'évaluation des combinaisons intéressantes de terres et d'utilisations. Celles qui sont éliminées sont indiquées sur les cartes d'aptitude ou dans les tableaux par les lettres NA (non applicable). Il importe de signaler que la mention "non applicable" n'implique en aucune manière que la terre n'est pas apte à l'utilisation considérée, mais qu'elle n'a pas été évaluée à cette fin.

3.5.4 Etudes de base: portée, degré d'intensité et échelle

On décidera de la nécessité de rassembler des données au moyen d'études de terrain en fonction des objectifs spécifiques de l'étude et des types d'utilisation des terres à envisager. On consultera les ouvrages spécialisés résultant de recherches antérieures et on ordonnera et assemblera les cartes et les images de télédétection correspondant à l'échelle des prospections. La liste des types de données à réunir dans le cadre des prospections de base dont on peut avoir besoin pour faire une évaluation en vue de développer l'agriculture pluviale est la suivante:

i. Etudes des ressources en terres (Section 5.2):
- relief
- sol
- climat (agroclimatologie)
En outre, il peut être intéressant (pour l'agriculture pluviale) de faire des études élémentaires sur les ressources ou l'alimentation en eau, la végétation, la faune, ou les maladies.

ii. Etudes de l'utilisation des terres et de l'agriculture:

- utilisation actuelle

- agriculture pratiquée (plans de cultures, rendements végétaux, etc.)

- infrastructure agricole existante (installations, personnel de vulgarisation, stations de recherche, etc.).

iii. Etudes économiques (Section 9.4):
- main-d'oeuvre (disponibilité, coût)

- marchés (demandes, actuelles et futures)

- prix (des intrants et des produits, prix actuels et prévisions)

- économie rurale

- accessibilité (routes et autres systèmes de transport, facilité et coût de la livraison des intrants et de la commercialisation).

iv. Etudes sociologiques:
- population (présente et projetée; notamment migrations)

- sociologie (régime foncier, organisation sociale, niveau d'instruction et comportement des agriculteurs, etc.)

L'échelle et le degré de précision des études nécessaires seront déterminées en fonction des objectifs de l'évaluation, et du temps et de l'argent disponibles. Dans le cas des prospections pédologiques, qui constituent la base principale des évaluations intéressant l'agriculture pluviale, les études doivent présenter des degrés de détail et d'échelle déterminés: études de reconnaissance, études semi-détaillées, détaillées et très détaillées (Section 5.2.2). Il n'existe pas de règles aussi précises pour les autres sortes de recherches dont le degré de précision doit, néanmoins, être en rapport avec celui des études concernant les ressources en terres. Il serait vain d'effectuer des prospections pédologiques détaillées sans les faire suivre d'études aussi approfondies dans les autres domaines; inversement, des études économiques intensives ne seront guère fiables si l'étude pédologique ne va pas au-delà de l'étude de reconnaissance.

Le degré de détail et la fiabilité des résultats dépendent du rapport qui s'établit entre le temps et les ressources allouées et l'étendue de la zone à étudier. C'est lors des discussions préliminaires qu'il convient de décider clairement du genre de prospections et de la densité de l'échantillonnage exigés par l'évaluation. Si le temps imparti ne suffit pas pour produire toutes les informations nécessaires à une prévision crédible des résultats, il faut fixer les priorités.

La place des prospections des ressources en terres dans l'ensemble des travaux d'évaluation diffère selon que l'on dispose ou non d'informations. Deux cas extrêmes peuvent se présenter:

i. Il existe déjà, pour la zone à l'étude, des cartes et des données fiables sur les formes de relief, les sols, le climat, etc., à une échelle et à un degré de détail appropriés.

ii. Il n'existe ni cartes ni données; les prospections antérieures ont été faites à une échelle trop petite ou ne sont pas fiables.

Dans le premier cas, on dispose déjà d'une bonne documentation pour l'évaluation. Toutefois, il sera presque certainement nécessaire de procéder à des études supplémentaires à la fois pour interpréter les cartes existantes et pour rassembler sur le terrain des données complémentaires, particulièrement pour évaluer les qualités et les caractéristiques des terres.

Dans le second cas, la réalisation de prospections de base des ressources en terres constituera une part importante, tant en argent qu'en durée, de l'évaluation.

C'est à la fois un mal et un bien. Le temps passé à effectuer l'évaluation s'allonge de plusieurs mois ou de plusieurs années peut-être mais, en compensation, il sera possible de concevoir les prospections de façon à répondre exactement aux besoins de l'évaluation.

3.5.5 Types de classification d'aptitude à employer

La portée générale du Cadre laisse le choix entre plusieurs méthodes possibles pour organiser les activités de collecte des données et d'évaluation des terres.

Le type de l'évaluation est lié à la quantité et à la nature des données recueillies sur le terrain. Plusieurs choix se présentent:

- les résultats de l'évaluation doivent-ils être exprimés qualitativement ou quantitativement?

- dans quelle mesure faut-il inclure des critères économiques?

- comment les opérations doivent-elles se dérouler? Faut-il que l'analyse des données physiques et celle des données socio-économiques s'effectuent simultanément (méthode parallèle) ou l'évaluation socio-économique doit-elle être faite après une première interprétation des données physiques (méthode en deux phases)?

Ces choix sont examinés plus en détail dans les sections ci-après.

i. Classification qualitative ou quantitative de l'aptitude des terres

Une classification qualitative est une classification dans laquelle les résultats sont exprimés en termes uniquement qualitatifs, sans que soient faites des estimations précises de la production (rendements agricoles), des intrants, des coûts ou des profits. Les limites qui séparent les classes d'aptitude sont définies d'un point de vue uniquement qualitatif.

Une classification quantitative de l'aptitude des terres est une classification dans laquelle les résultats sont exprimés numériquement, ce qui permet de comparer les aptitudes à différents modes d'utilisation. Il y a deux sortes d'évaluation quantitative: l'évaluation physique et l'évaluation économique.

Une évaluation quantitative physique fournit des estimations chiffrées des profits que l'on peut escompter; dans le cas de l'agriculture pluviale, il s'agit des rendements agricoles et de la production. Pour ce faire, il faut également chiffrer les quantités d'intrants utilisés, tonnes d'engrais, nombre de sarclages, applications de pesticides. Les critères de distinction entre les classes d'aptitude sont, entre autres, les estimations des rendements obtenus avec des quantités d'intrants et des mesures d'aménagement données.

Une classification d'aptitude économique est une classification dans laquelle les résultats sont exprimés, au moins en partie, en termes économiques ou financiers. Elle se caractérise essentiellement par l'emploi de valeurs monétaires pour exprimer les coûts des intrants et les prix des produits. Les critères de distinction entre les classes d'aptitude sont, du moins en partie, d'ordre économique.

Il importe de noter que ces définitions s'appliquent à la façon d'exprimer les résultats de l'évaluation. Les données recueillies doivent être dans tous les cas aussi quantitatives que possible. En outre, quelques données économiques de base sont nécessaires, même pour l'évaluation qualitative.

Les évaluations qualitatives conviennent généralement pour des études peu détaillées de régions étendues et dans tous les cas où l'on cherchera à identifier des zones où l'on envisage d'introduire des cultures particulières, d'entreprendre des études de faisabilité pour de futurs projets et de lancer des projets de colonisation des terres. La plupart de ces études couvriront plus d'un grand type d'utilisation. Les évaluations qualitatives ont une durée de validité relativement longue, c'est-à-dire que leurs résultats restent valables pendant un bon nombre d'années.

Les évaluations quantitatives physiques peuvent être envisagées dans le cas des prospections couvrant un nombre restreint d'utilisations, pour lesquelles des estimations de la production potentielle sont nécessaires. On peut citer comme exemple une évaluation effectuée en vue de planifier l'expansion d'une production céréalière. Ces estimations matérielles de la production sont normalement suivies d'analyses économiques effectuées à un stade ultérieur de la planification et ne portant éventuellement que sur les parties les plus intéressantes de la zone primitivement étudiée.

L'évaluation économique est indispensable aux stades des études de faisabilité des projets et de leur mise en oeuvre; elle intervient aussi dans la plupart des études de planification agricole. Les évaluations économiques ont une durée de validité relativement courte, elles se périment rapidement en raison de l'évolution des coûts et des prix.

ii. Rôle de l'économie

Une évaluation des terres doit toujours comprendre des considérations économiques. Il importe cependant de ne pas confondre la science économique dans son sens large avec l'analyse économique ou financière.

Le degré de détail de l'analyse économique varie beaucoup selon les objectifs de l'étude et l'intensité des prospections effectuées. Dans les évaluations qualitatives peu détaillées, les conditions économiques et sociales des utilisateurs des terres, et les ressources dont ces derniers disposent, sont exposées brièvement. Les combinaisons mode d'utilisation/unité de terre, classées comme aptes, font l'objet d'une analyse économique simple pour vérifier la viabilité financière des exploitations ou autres unités de production. Ainsi, bien que les résultats de l'évaluation ne soient pas exprimés en termes économiques, certains critères économiques (comme les coûts et les prix) viennent appuyer ces résultats.

Pour des évaluations plus détaillées, l'analyse économique est plus fouillée. Elle fait intervenir un ou plusieurs types de comparaison entre les coûts et les avantages des utilisations envisagées. L'analyse peut se faire du point de vue financier, du point de vue économique, ou des deux à la fois. Les résultats finals comprendront des renseignements tels que les marges brutes d'exploitation, mis en rapport avec les classes d'aptitude des terres.

Il est donc nécessaire, au stade de la planification, de décider clairement quelle sera la place de l'analyse économique dans l'évaluation. Cette décision dépendra souvent du stade d'avancement de la planification de la mise en valeur. On trouvera dans la Section 9.4 des directives concernant l'analyse économique.

iii. Evaluation des terres sans classification des aptitudes

Il n'est pas intrinsèquement nécessaire pour la classification de l'aptitude des terres que les résultats soient présentés sous forme de classes différenciées d'aptitude. Ainsi, dans une évaluation visant à localiser des zones destinées à une monoculture, la banane par exemple, les résultats pourront être exprimés sous la forme des intrants nécessaires, des rendements estimatifs, et des marges brutes d'exploitation calculées pour différentes unités de terres. Cela veut dire que l'on pourra utiliser une échelle continue plutôt que des classes différenciées (Cf. Lang et Murdoch, 1979).

Ce mode de présentation des résultats peut convenir pour des études détaillées portant sur une utilisation, ou un nombre limité d'utilisations, et on a vu des études conduites de cette façon. C'est une application justifiée des principes de l'évaluation des aptitudes. Les procédures employées pour arriver à ces résultats sont les mêmes que dans d'autres évaluations, si ce n'est qu'elles omettent les phases qui impliquent la détermination de classes d'aptitude. Les responsables de l'évaluation souhaiteront peut-être envisager une présentation de ce genre si les conditions susmentionnées sont réunies, mais pour éviter toute confusion, on posera comme principe, dans le reste du texte, l'emploi d'une classification des aptitudes.

3.5.6 Méthode à deux phases et méthode parallèle

On peut opter pour l'une ou l'autre de ces méthodes pour organiser les évaluations des terres mettant en jeu des données économiques quantitatives (Cf. Cadre fig. 1).

i. La méthode à deux phases comprend une première approximation de l'aptitude des terres faite à partir de critères physiques, puis une analyse socio-économique des possibilités les plus prometteuses.

ii. Dans la méthode parallèle, des critères économiques entrent en jeu tout au long du travail d'évaluation des compatibilités et de classification des aptitudes. Les classes de terres reposent sur une évaluation économique et les limites physiques sont choisies pour s'accorder avec les limites économiques.

La méthode à deux phases a l'avantage d'aller plus directement au but recherché, les activités et les responsabilités étant clairement définies. La classification initiale, basée sur des facteurs physiques, restera valable pendant une durée relativement longue et l'évaluation économique finale peut être facilement révisée en fonction de la conjoncture économique. L'inconvénient de cette méthode est que l'évaluation physique initiale peut passer à côté de possibilités économiques prometteuses. Il est également à craindre que l'analyse économique formelle ne soit jamais achevée, une fois que les classes de terres auront été établies.

La méthode parallèle est plus directe et permet une approche plus intégrée. Elle évite aussi les problèmes inhérents à la méthode à deux phases et assure une intégration complète des aspects physiques et économiques. Cependant, nombre de relations complexes qui existent entre les végétaux et l'environnement ne sont pas suffisamment comprises pour être traduites en termes de rapport coûts/avantages et il peut arriver que des erreurs, faites à partir de vagues présomptions, conduisent à un résultat final erroné. En outre, les résultats de la classification sont très sensibles aux fluctuations de prix et autres conditions économiques et ne peuvent être facilement révisés sans une nouvelle vérification détaillée des hypothèses originelles. A l'heure actuelle, cette méthode n'est accessible qu'à des chercheurs ou à des équipes multidisciplinaires sophistiquées.

Pour assortir les exigences des modes d'utilisation avec les qualités des terres on peut se servir de critères économiques, mais l'évaluation d'ensemble repose sur la méthode à deux phases. Son succès exige une bonne organisation et un esprit de coopération.

Jusqu'à présent, la plupart des études concernant l'agriculture pluviale ont, en pratique, employé la méthode à deux phases. Pour cette raison, mais aussi parce qu'elle est moins complexe à décrire, on supposera, dans le reste du texte, que c'est la méthode à deux phases qui prévaut, sauf indication contraire.

3.5.7 Personnel et calendrier des activités

Une liste des disciplines normalement concernées par une étude d'évaluation de terres destinées à la production végétale figure dans la section 2.3.iii; on peut en déduire le genre de spécialistes que l'évaluation requiert. Néanmoins, le dosage des besoins en personnel variera selon les circonstances et, en particulier, selon l'étendue et les types de prospection de base à effectuer et l'importance de l'analyse économique. En fonction des circonstances, l'équipe se composera de spécialistes des ressources naturelles (pédologues, agroclimatologues), d'experts de l'utilisation des terres (agronomes), et d'économistes. La façon la plus efficace de programmer les arrivées de personnel consiste à former une équipe réduite qui sera présente pendant toute la durée de l'étude et qui sera complétée pour de courtes périodes par des spécialistes (cooptés parmi les agents des ministères techniques ou engagés comme consultants).

Une évaluation de terres est une tâche hautement qualifiée et on ne peut trop insister sur l'importance d'avoir un personnel bien préparé et expérimenté. Il est souhaitable aussi que les spécialistes recrutés pour cette entreprise aient une expérience professionnelle dans ce domaine ou soient prêts à s'initier à ce genre de travail, mais réunir un groupe de spécialistes, sans leur assurer une direction et une coordination appropriées, n'est pas ce qu'on appelle une approche multidisciplinaire.

L'échelonnement des activités dans une évaluation appliquée à la production végétale est représenté dans la figure 1.1 et dans le tableau 2.1. Le temps consacré à chacune de ces activités varie considérablement selon les objectifs de l'évaluation, l'étendue de la zone étudiée, l'échelle et le degré de détail des recherches, et les fonds disponibles. Des évaluations de zones villageoises ou de grandes exploitations, qui ne comprennent qu'un nombre limité d'utilisations possibles des terres, peuvent se faire en quelques semaines ou quelques mois avec une petite équipe (un pédologue chargé aussi de l'évaluation des terres, un agronome et un économiste). Une évaluation polyvalente aboutissant à un plan directeur régional de développement rural peut exiger plusieurs années de travail et une équipe de dix personnes ou plus.

Un budget-temps doit être calculé pour chaque activité et inclus dans le plan de l'évaluation; ces estimations sont nécessaires pour établir le document de projet ou toute autre proposition à soumettre aux commanditaires. Elles se fonderont essentiellement sur l'expérience acquise lors d'études analogues, dans des environnements similaires. Il faut prévoir du temps pour les prospections de base indispensables, ainsi que pour la rédaction du rapport final.

Il est à noter que l'emploi de la méthode à deux phases n'implique pas nécessairement que les économistes doivent attendre l'achèvement de l'évaluation physique pour intervenir. Il est certain que nombre de résultats de l'évaluation physique (besoins d'engrais, prévisions des rendements) entreront dans l'analyse économique, mais un grand nombre de données économiques et sociologiques peuvent être recueillies pendant que s'effectuent les études de base (marchés, prix, projections de la demande, main-d'oeuvre). Le déroulement simultané des activités peut faire gagner beaucoup de temps; l'introduction de certains éléments de la méthode parallèle peut aussi rendre les premiers échanges d'informations plus productifs.

3.6 Modélisation du problème et solutions proposées

Après avoir examiné les objectifs, les hypothèses, les sources de données, les modes d'utilisation à considérer, les prospections à effectuer, le type de classification des aptitudes, la méthode et l'échelonnement des activités, l'équipe chargée de l'évaluation sera en état d'indiquer à quels résultats on peut s'attendre. Elle devra élaborer un modèle descriptif, énonçant le problème ou les besoins, les méthodes à employer et la façon dont les résultats de l'évaluation permettront de résoudre le problème ou de répondre aux besoins.

Ce modèle sera soumis à l'organe gouvernemental ou au commanditaire de l'étude. Il importe de bien faire comprendre qu'une étude faite à une échelle et avec un degré de précision donnés ne répondra qu'à certains besoins de mise en valeur; des prospections de reconnaissance, par exemple, ne peuvent servir à planifier des exploitations. L'énoncé des résultats doit être aussi spécifique que possible. Par exemple, on établira "des cartes au 1/50 000e montrant les terres aptes à la culture du maïs, de l'arachide..., et à l'agriculture mécanisée". Il importe de préciser clairement le type et le degré de détail de l'analyse économique à effectuer et de s'assurer que c'est bien ce qui convient au prochain stade de la planification de la mise en valeur.

Des éléments de ce modèle du problème et des solutions proposées pour le résoudre seront incorporés dans le programme de travail, le document de projet ou le contrat. Cependant, pour se réserver une certaine liberté de manoeuvre, on fournira moins de détails que dans le modèle original, préparé comme base de discussion. Le document de projet doit aussi prévoir la possibilité de modifier le mandat à la lumière des conclusions provisoires de l'évaluation.


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