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INTRODUCTION

1.1 Objectifs de la cinquième Etude

i) Considérations générales

La présente Etude des perspectives à long terme du bois dans le secteur de la foresterie et des produits forestiers est destinée aux décideurs et à leurs conseillers. Quiconque prend une décision doit en prévoir les conséquences probables, ce qui suppose d'avoir une idée implicite de l'avenir et des facteurs extérieurs qui influeront sur les conséquences de la décision prise. Dans la grande majorité des cas, cette vision de l'avenir n'est pas vraiment explicitée car les possibilités de changements sont limitées et les mauvaises décisions ne tirent guère à conséquence. Mais lorsque les enjeux et les risques deviennent plus importants, une analyse rigoureuse des conséquences de toute mesure particulière (ou d'une série d'options différentes) est souvent jugée nécessaire.

Parmi les nombreux facteurs qui renforcent le caractère aléatoire de toute décision figurent : la multiplicité des acteurs et des facteurs, surtout si le décideur n'en a pas la maîtrise (ce qui est le cas, par exemple, lorsqu'il existe une dimension internationale importante); un horizon temporel lointain; une mauvaise connaissance des rapports de cause à effet dans le domaine considéré. Toutes ces caractéristiques rendent à la fois plus nécessaire et plus difficile l'analyse des conséquences des différentes décisions possibles. Les trois facteurs susmentionnés caractérisent toutes les grandes décisions à prendre dans le secteur des forêts et des produits forestiers, dont le caractère international et la complexité vont croissant, dont les composantes sont soumises à des interactions d'ordre économique, social et biologique souvent mal comprises et dans lequel les horizons temporels sont souvent très lointains.

Le propriétaire d'une forêt qui élabore un plan de gestion, le gouvernement qui élabore une politique forestière, l'investisseur qui envisage d'investir dans le secteur des produits forestiers et bien d'autres encore sont très vite conduits à se demander comment l'offre, la demande, les prix et les échanges de bois ronds et des divers autres produits forestiers vont évoluer au niveau international. Chacun d'eux pourrait en principe se forger sa propre opinion sur ces questions; mais dans la pratique, la multiplicité des facteurs et l'éloignement de certains des principaux acteurs font que cela leur serait très difficile, d'autant plus que le secteur des forêts et des produits forestiers, par sa nature même, comporte d'importants éléments internationaux, tels que les marchés mondiaux des sciages ou de la pâte, à côté d'aspects purement locaux tels que les conditions des sites ou les structures sociales des campagnes.

Une solution appliquée depuis le début des années 50 consiste à étudier, en faisant appel à la coopération internationale, les perspectives d'évolution de l'offre et de la demande de bois ronds et de produits forestiers. Les études sur les tendances du bois en Europe, publiées tous les 10 ans environ depuis 1952, dans le cadre de la FAO et de la Commission économique pour l'Europe, ont été établies par le secrétariat CEE/FAO, mais les experts nationaux y ont beaucoup contribué 1. La présente étude est la cinquième étude complète de cette série.

ii) Mandat

Les deux organes responsables - la Commission européenne des forêts de la FAO et le Comité du bois CEE/ONU - ont approuvé le mandat pour la cinquième Etude des tendances du bois en Europe (ci-après désignée cinquième Etude) :

“Les principaux objectifs de l'Etude sont les suivants :

  1. présenter les perspectives d'évolution de la demande européenne de produits forestiers;

  2. présenter les perspectives d'évolution de l'offre de bois ronds provenant des forêts européennes;

  3. présenter les perspectives d'évolution de l'équilibre entre l'offre et la demande, en prenant en compte toutes les composantes du secteur, y compris le commerce, l'utilisation des déchets industriels et des vieux papiers et l'industrie des produits forestiers.

  4. lus de ces objectifs principaux, l'Etude (ou la documentation connexe) devrait aussi viser à atteindre, dans la mesure du possible, les objectifs suivants qui leur sont associés :

  5. fournir une base de données à l'intention des analystes;

  6. présenter les tendances observées dans le passé sur la longue période, en particulier les tendances structurelles;

  7. présenter les perspectives d'évolution des prix des bois ronds et des produits forestiers;

  8. présenter les perspectives d'évolution du commerce international des bois ronds et des produits forestiers;

  9. améliorer la qualité de la base de données pour les études des perspectives à long terme.”

En outre, les organes responsables ont jugé que l'Etude devrait tenir compte des effets éventuels des politiques qui étaient menées actuellement ou qui étaient susceptibles d'être appliquées ultérieurement dans d'autres secteurs - notamment dans ceux de l'agriculture, de l'environnement et de l'aménagement régional - et qui pourraient avoir des incidences sur la foresterie, ainsi que de la politique forestière elle-même. Il faudrait aussi dégager et examiner les principales questions de politique générale dans le secteur des forêts et des produits forestiers.

L'Etude devrait également traiter de l'offre et de la demande de liège et de produits dérivés du bois 2.

Elle devrait, par ailleurs, examiner les effets de la demande de biens et de services autres que le bois fournis par la forêt sur l'offre de bois, ainsi que les autres interactions entre l'offre de bois et les autres fonctions de la forêt.

L'Etude portera sur l'Europe 3 mais les autres régions qui exercent une influence sur la situation européenne, notamment en lui fournissant des produits forestiers, seront prises en considération.

L'Etude qui sera publiée au milieu des années 90 présentera les perspectives d'évolution du bois jusqu'en 2040 environ, mais la période allant jusqu'en 2010 fera l'objet d'un examen plus détaillé.

Chaque fois que possible, les données antérieures et les projections seront fournies pays par pays.

Le Comité a noté que, parmi les politiques qui étaient menées actuellement ou qui étaient susceptibles d'être appliquées ultérieurement dans d'autres secteurs et qui pourraient avoir des incidences sur le secteur des forêts et des produits forestiers, figuraient les politiques de renforcement de l'intégration économique régionale. Les effets possibles de ces politiques devraient être analysés et intégrés dans la cinquième Etude (ECE/TIM/49, par. 47 à 56).

Les perspectives d'évolution de l'offre et de la demande de biens et services autres que le bois, malgré leur importance, ne seront pas examinées dans le cadre de l'Etude : la nature des problèmes, les données et les méthodes requises sont si différentes qu'il a été jugé impossible d'étudier les deux choses en même temps. Toutefois, la cinquième Etude achevée, le Comité du bois et la Commission européenne des forêts lanceront une étude sur les perspectives d'évolution des biens et services autres que le bois, dont les ambitions seront les mêmes que celles de la cinquième Etude.

iii) Méthodologie

La méthodologie et la structure de la cinquième Etude ont été élaborées en consultation avec l'équipe restreinte qui en était chargée et répondent aux principes fondamentaux suivants : les choix sont faits de façon pragmatique, des méthodes de base différentes peuvent être appliquées dans chaque secteur; le raisonnement suivi et les hypothèses utilisées doivent être transparents, afin de permettre aux lecteurs de vérifier et, éventuellement, de modifier les scénarios; dans la mesure du possible, les hypothèses (par exemple, celle concernant la croissance du PIB ou les prix des produits forestiers) doivent être les mêmes dans l'ensemble de l'Etude.

L'Etude a été établie en trois temps : élaboration de scénarios initiaux, selon les méthodes les plus diverses (analyse économétrique, prévisions nationales, estimations du secrétariat); analyse de cohérence, afin de corriger les scénarios initiaux (partiels) et de construire des scénarios de base dans lesquels les prévisions concernant les différents pays et les différents secteurs soient cohérentes. Pour éviter des contradictions entre telle ou telle partie de l'Etude, les scénarios initiaux (partiels) ont ensuite été rectifiés pour les rendre conformes aux scénarios de base; examen d'autres scénarios possibles (analyse de sensibilité), et des conséquences des scénarios de base sur les différentes composantes du secteur, et examen des principales conclusions de l'Etude.

La cinquième Etude devant également être un outil de travail pour les analystes et plus particulièrement pour ceux qui examinent les perspectives d'évolution du secteur des forêts et des produits forestiers au niveau national, les données qui y figurent ainsi que celles contenues dans la documentation connexe sont fournies pays par pays. Il est possible d'obtenir des informations complémentaires sur les sources, etc., ou de recevoir les données sur support informatique en se mettant en rapport avec le secrétariat.

1.2 Aperçu du secteur européen des forêts et des produits forestiers

L'Europe est un continent riche et densément peuplé, recouvert à 35 % environ de forêts. Avec 0,28 hectare de forêts et autres terrains boisés par habitant, elle se situe très en dessous de la moyenne mondiale, qui est de 0,63 hectare par habitant. L'Europe possède environ 5 % des forêts de la planète. Mais, contrairement à celles de beaucoup d'autres régions, où la déforestation va bon train, les forêts d'Europe ont cessé de décroître vers le début du XXe siècle et ont connu depuis un développement régulier, (exception faite des périodes de guerre), que l'on considère la superficie de la couverture forestière ou le matériel sur pied. Au cours des années 80, la superficie des forêts d'Europe s'est accrue d'environ 1,9 million d'hectares. Là encore, contrairement à ce qui se passe dans beaucoup d'autres régions, la plupart des forêts d'Europe sont aménagées et ce, depuis fort longtemps (on a la preuve que les forêts du Somerset, au Royaume-Uni, étaient déjà aménagées (coupes de rajeunissement) à l'âge de pierre). Rares sont les forêts primaires ou “vierges” en Europe.

En raison du niveau généralement élevé de développement économique, la consommation de produits forestiers est importante (moins qu'en Amérique du Nord cependant). La consommation de bois de sciage a progressé assez lentement et dépend davantage des cycles de l'activité sur son principal marché, celui de la construction de logements, que du taux de croissance générale. La consommation de panneaux dérivés du bois, qui, après la guerre, avaient connu une phase de développement commercial accéléré et s'étaient rapidement implantés sur les marchés ne progresse plus que lentement, même si certains produits (panneaux de fibres de densité moyenne, panneaux de grandes particules orientées, par exemple) sont en train de gagner de nouvelles parts de marché au détriment d'autres produits. La consommation de papier et de carton progresse à peu près au même rythme que le PIB depuis 40 ans, malgré la crainte répandue de voir le papier supplanté par les nouvelles techniques (électronique, nouveaux procédés de conditionnement). Environ 37 % des papiers et cartons consommés en Europe sont récupérés pour recyclage.

Les abattages représentent environ 420 millions de m3 sur écorce en Europe, soit quelque 70 % de l'accroissement annuel net. Bien qu'elle soit loin de récolter le potentiel biologique maximum de ses forêts et qu'elle dispose donc d'un potentiel qui lui permettrait d'accroître sensiblement les quantités enlevées sur son territoire, l'Europe importe beaucoup de produits forestiers des autres continents : environ 66 millions de m3 EQ en 1992 (chiffre net), dont près de la moitié sous forme de pâte. Les importations proviennent des principales régions productrices de bois. L'Europe (surtout l'Union européenne) et le Japon sont les premiers importateurs mondiaux de produits forestiers.

1.3 Analyse comparée des tendances observées dans les années 80 et des scénarios proposés dans la quatrième Etude

La cinquième Etude étant la dernière d'une série d'études qui tirent chacune largement parti de l'expérience acquise à la faveur des études précédentes, il convient d'examiner de façon méthodique les scénarios élaborés dans le cadre des études antérieures et de les comparer à ce qui s'est effectivement passé, afin de mettre en évidence d'éventuels changements de tendance ou défauts méthodologiques. Les graphiques joints au présent document montrent en parallèle les tendances observées au cours des années 80 et les scénarios proposés par la quatrième Etude. En ce qui concerne les scénarios relatifs à la demande, il est intéressant de savoir si les éventuels écarts sont imputables à des problèmes liés à l'analyse économétrique ou aux scénarios retenus pour les variables exogènes (essentiellement le PIB, l'accroissement de la population et les investissements dans le logement). Les derniers scénarios sont donc également présentés à côté de ceux concernant les produits forestiers.

Il est à noter que les scénarios utilisés dans la quatrième Etude, comme ceux de la cinquième, concernaient l'évolution à long terme et n'étaient pas censés tenir compte des fluctuations cycliques.

i) PIB

La croissance réelle du PIB des pays européens membres de l'OCDE a été plutôt plus faible que celle prévue par la quatrième Etude (1,7 % à 2,1 %) pendant la première moitié des années 80 et plutôt plus forte au cours de la deuxième moitié de la décennie. Les scénarios de croissance du PIB prévus ont rendu assez bien compte de la réalité des années 80 dans l'ensemble. Le contraste entre les deux moitiés de la décennie se retrouve pour d'autres paramètres.

ii) Investissements dans le logement

L'évolution des investissements dans le logement, qui constituent le principal secteur d'utilisation finale des sciages et des panneaux, varie beaucoup d'un pays à l'autre. La quatrième Etude proposait deux scénarios correspondant, l'un à un taux de croissance zéro et l'autre, à un taux de croissance égal à la moitié du taux de croissance du PIB. En 1990, sur les cinq plus grandes puissances économiques d'Europe occidentale, deux (l'Allemagne et le Royaume-Uni) ont obtenu des résultats supérieurs à la fourchette des prévisions, deux (l'Italie et l'Espagne) des résultats se situant à l'intérieur de cette fourchette et un (la France) des résultats inférieurs. Cela confirme qu'il est très important de prendre en considération les facteurs nationaux. On constate également que, comme pour le PIB, la croissance des investissements dans le logement a été sensiblement plus faible au cours de la première moitié de la décennie que durant la seconde. Au début des années 90, la situation de l'investissement résidentiel était très médiocre, ce qui n'était pas sans conséquence sur la consommation de sciages et de panneaux.

FIGURE 1.3.1FIGURE1.3.2
PIB de l'Europe de l'OCDEConsommation totale de sciages
FIGURE 1.3.1FIGURE 1.3.2
FIGURE 1.3.3FIGURE1.3.4
Consommation totale de panneauxConsommation de papier et carton
FIGURE 1.3.3FIGURE 1.3.4

iii) Population

Durant les années 80, l'accroissement de la population a été très largement conforme à la “variante moyenne” établie par l'Organisation des Nations Unies. En Turquie, au cours des années 80 la population s'est accrue de 2, 3 % par an. Ce taux légèrement supérieur à celui prévu dans le scénario de la quatriéme Etude (2,2 %), est de loin le plus élevé d'Europe.

FIGURE 1.3.5FIGURE 1.3.6
Taux de récupération des vieux papiersTotal des quantités enlevées
FIGURE 1.3.5FIGURE 1.3.6

iv) Consommation de produits forestiers

La consommation de sciages est restée inférieure à la fourchette des prévisions pendant toute la décennie, l'écart étant plus grand pendant la première moitié que durant la seconde, tandis qu'un recul brutal était enregistré au début des années 90. On notera, toutefois, une différence considérable entre les deux grandes catégories de produits. La consommation de sciages résineux, proche de la fourchette des prévisions pendant la plus grande partie de la décennie, a augmenté, dépassant la limite inférieure de la fourchette à la fin de la période. En revanche, la consommation de sciages feuillus est restée bien inférieure à la fourchette de prévisions pendant toute la décennie. Quant à savoir quelles en sont les causes, on en est réduit à des conjectures : faiblesse générale de la demande sur les deux principaux marchés (la France et l'Italie), attitude des consommateurs qui hésitent à utiliser des sciages d'origine tropicale, distorsion statistique due au fait que de plus en plus on importe des produits manufacturés en bois de feuillu (fenêtres, portes et chambranles, menuiserie) plutôt que des sciages feuillus (d'où une baisse des importations de sciages). Le choix de l'année de référence (moyenne calculée sur trois ans au lieu de cinq) a peut-être aussi joué un rôle.

La consommation de tous les types de panneaux dérivés du bois s'est située en deçà de la fourchette des prévisions pendant la première moitié de la décennie, au-delà durant la seconde, dans les limites de cette fourchette en 1990, et en dessous au début des années 90.

La consommation de papiers et de cartons s'est située à l'intérieur de la fourchette des prévisions pendant la plus grande partie de la décennie, ne lui devenant supérieure que sur la fin, selon un schéma identique à celui du PIB, la variable exogène des projections. Cela montre que les élasticités de la consommation de papier utilisées dans la quatrième Etude étaient, dans l'ensemble, correctes.

v) Récupération des vieux papiers

La poursuite de la forte croissance du recyclage des vieux papiers est venue confirmer les scénarios de la quatrième Etude : en fait, celle-ci avait même sous-estimé le taux de récupération.

vi) Quantités de bois ronds enlevées

Les scénarios de la quatrième Etude concernant les enlèvements ont été élaborés par des experts nationaux. Au cours des années 80, les enlèvements se sont situés à peu près à la limite inférieure de la fourchette des prévisions de la quatrième Etude, qui correspondait à une croissance assez faible et sont tombés en deçà de cette limite durant la récession du début des années 90. Il existe cependant des disparités profondes entre les pays et entre les assortiments. Dans les pays nordiques qui sont fortement tributaires des exportations et donc très exposés à la concurrence internationale, les quantités effectivement enlevées ont été, la plupart des années, inférieures à celles prévues dans la quatrième Etude. Dans le cas de l'Union européenne, les résultats ont été inférieurs aux prévisions durant la première moitié de la décennie et supérieurs durant la seconde. Pendant pratiquement toute la période, les enlèvements de grumes sont demeurés en deçà des prévisions, alors que les enlèvements de petit bois (bois de trituration, mais aussi bois de chauffage, bois de mine et autres bois d'industrie) sont restés dans les limites de la fourchette des prévisions jusqu'en 1990.

Les différences importantes constatées au niveau des pays entre les scénarios et l'évolution réelle s'annulent plus ou moins au niveau européen. Dans presque tous les pays en transition, les quantités enlevées ont été inférieures aux prévisions, ce qui est compréhensible vu la situation particulière de ces pays; il en est allé de même en Finlande, en Italie et en Turquie. En Belgique, en Espagne, en Norvège, aux Pays-Bas, au Portugal et au Royaume-Uni, les résultats ont été supérieurs aux prévisions.

Notes du chapitre premier

1 Les études sur les tendances du bois en Europe ont été publiées aux dates suivantes : 1952 (première étude), 1964 (deuxième Etude), 1969 (“Revue intérimaire”), 1976 (troisième Etude) et 1986 (quatrième Etude).

2 Il n'a malheureusement pas été possible de satisfaire à cet objectif.

3 Y compris les trois Etats baltes.


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