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Chapitre 2

LE CONTEXTE GENERAL

2.1 Introduction

Il apparaît de plus en plus que les perspectives du secteur dépendent en grande partie de l'action des pouvoirs publics, facteur au moins aussi important mais plus difficile à analyser scientifiquement que les tendances macro-économiques ou techniques ou que la composition par âges des ressources forestières. Dans le présent chapitre, on s'efforcera de décrire et d'analyser le contexte général dans lequel s'insère le secteur de la foresterie et des produits forestiers, en s'attachant non seulement aux politiques intéressant le secteur lui-même, mais surtout à celles des autres secteurs qui influent notablement sur lui.

Le présent chapitre a pour objectifs de définir les domaines de l'action des pouvoirs publics, à l'intérieur comme à l'extérieur du secteur de la foresterie et des produits forestiers, qui peuvent avoir une incidence sensible sur celui-ci, les principales questions et les zones d'incertitude; d'élaborer un “scénario de référence” de cette action, en décrivant l'évolution jugée la plus vraisemblable par les auteurs de la cinquième Etude; et d'estimer l'orientation et l'ampleur des changements que pourrait entraîner pour le secteur de la foresterie une modification de ces politiques.

Pareille analyse permettra d'identifier certains des principaux domaines d'incertitude dans le scénario de référence qui sera présenté au chapitre 11 pour le secteur et aider à concevoir d'autres scénarios de politique générale.

Une telle analyse (examen explicite du contexte général, en particulier des politiques “non forestières”) est nouvelle dans les études des perspectives à long terme du secteur, et repose sur des travaux préparatoires intensifs, notamment une réunion spéciale sur la question qui s'est tenue en juin 1994, après avoir été préparée par une réunion officieuse en janvier 1993. Le document de base sur la question, examiné par la réunion, a été établi par T.J. Peck et J. Descargues et sera publié en tant que document de travail de la cinquième Etude. La rédaction de ce document a été financée par le Gouvernement suisse, avec un apport important de la Division des politiques et de la planification forestières de la FAO et de la Chaire de politique et d'économie forestières de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (Suisse). La section 2.3 résume pour l'essentiel les conclusions du document de travail et de la réunion; pour de plus amples renseignements et une analyse générale, on se reportera à cette documentation.

2.2 Politique du secteur forestier

Depuis une centaine d'années ou davantage, les politiques forestières des pays européens sont axées sur la préservation, ou l'expansion, du potentiel productif des ressources forestières en les protégeant contre les menaces extérieures (insectes, incendie, empiètement par d'autres utilisations des sols, etc.) et en s'opposant à des volumes d'abattage excessifs, afin d'assurer une offre à long terme de bois et de tous les autres biens et services dérivés de la forêt. Les instruments utilisés à cette fin varient beaucoup selon les circonstances mais ils comprennent normalement la surveillance et l'inventaire pour repérer et analyser les tendances, obligation pour tous les propriétaires d'établir un plan de gestion, l'aide publique à diverses mesures sylvicoles ou, dans certains cas, des régimes fiscaux favorables, des services de vulgarisation et, ce qui est peut-être le plus important, les activités d'aménagement des services publics forestiers. L'adhésion à ces objectifs prioritaires a été sans faille et durable (sauf en période de guerre) et a bénéficié partout de l'appui de l'opinion publique.

Certains pays s'étaient dotés de politiques à long terme visant à développer leurs ressources forestières ou à améliorer leur qualité, notamment la Bulgarie, l'Espagne, la France, la Finlande, la Hongrie, l'Irlande ou le Royaume-Uni. De tels programmes, en même temps que l'extension naturelle sur des terres agricoles marginales, ont permis de compenser et au-delà l'abandon de terres forestières pour d'autres usages, notamment urbaine et d'infrastructure, entraînant une expansion régulière des forêts européennes et de leur matériel sur pied depuis le début des années 50.

Dans les années 80, les politiques forestières se sont fixé d'autres objectifs importants et ont connu certains aménagements institutionnels. La plus importante de ces modifications a été l'accent beaucoup plus marqué accordé aux autres fonctions de la forêt que la production de bois, en particulier la préservation de la diversité biologique et l'offre de loisirs. Ces nouvelles fonctions figurent à présent au même titre que la production durable de bois parmi les objectifs de la politique forestière de tous les pays européens, ce qui a conduit à l'adoption de toute une série de mesures : méthodes d'aménagement différenciées, interdiction ou limitation sévère des coupes dans certaines régions, publication de directives pour une gestion performante, programmes de vulgarisation, etc. Sans jamais ignorer ces autres fonctions, les forestiers et les responsables des politiques forestières leur avaient souvent préféré la production de bois lorsque des choix devaient être faits, ou avaient supposé qu'elles découleraient naturellement d'une gestion axée sur la production.

En partie sous la pression d'un mouvement écologique de plus en plus revendicatif et avisé, la forêt a acquis une plus grande importance aux yeux des responsables et est devenue un sujet de débat politique (et non plus technique) sérieux dans de nombreux pays.

Le débat passionné au sujet du déboisement des forêts tropicales, axé (en Europe) essentiellement sur la protection des écosystèmes naturels, a accéléré la réévaluation des buts et des méthodes de la foresterie européenne, processus qui se poursuit actuellement. L'adoption au niveau international de listes de critères et d'indicateurs d'un aménagement forestier durable afin d'éclairer la réflexion et de faciliter les comparaisons internationales, ainsi que le mouvement connexe en faveur d'une procédure permettant de certifier que les bois proviennent de sources gérées de manière durable, entraîneront sans aucun doute de nouveaux changements dans les objectifs et les méthodes de gestion.

Alors que les responsables, publics comme privés, de l'aménagement forestier font face à ces nouvelles exigences, des tensions importantes s'exercent sur les budgets de tous les Etats d'Europe en raison des déficits structurels. La demande de nouveaux services et la pression en faveur de dépenses supplémentaires intervient donc à un moment où les fonds publics se font plus rares. Une réaction a été d'accroître l'efficacité et la rentabilité de l'administration des forêts en privatisant les services forestiers, ou plus souvent en réduisant le caractère public de leur statut, en décourageant les déchets de toutes sortes et en favorisant une gestion consciente des coûts. On a aussi appelé à accroître les recettes provenant d'autres sources que les ventes de bois ou les fonds publics, notamment la perception de redevances auprès des utilisateurs de divers services, mais de telles mesures se sont heurtées à de nombreuses difficultés politiques et pratiques.

2.3 Scénario de référence concernant le contexte général dans les autres secteurs

L'évolution et les choix fondamentaux dans un certain nombre d'autres secteurs exerceront une influence majeure, sinon déterminante, sur les perspectives du secteur de la foresterie et des produits forestiers. On trouvera donc dans le présent chapitre un “scénario de référence”, établi à partir de la réunion susmentionnée au sujet de cette évolution et de ces choix fondamentaux.

Il convient de souligner que ce scénario ne porte que sur les changements de politiques susceptibles d'influer sensiblement sur le secteur de la foresterie et des produits forestiers. Les grandes orientations qui ne devraient subir aucune modification majeure et celles qui n'auraient pas d'incidence sensible sur le secteur ne seront pas examinées ici. Le scénario de politique générale présenté dans le présent chapitre a été approuvé et examiné par la réunion spéciale et sera comparé au chapitre 11 aux scénarios découlant des autres parties de l'Etude.

i) Croissance économique

a) Scénario concernant la politique générale

Adoption de nouvelles mesures visant à renforcer la croissance économique et à réduire le chômage en Europe occidentale, axées sur la construction et le développement régional.

Les gouvernements pensent devoir choisir entre donner la priorité à la lutte contre l'inflation, notamment par l'intermédiaire de mesures monétaires et budgétaires restrictives, ou donner la priorité à la lutte contre le chômage en stimulant la croissance économique. Assurément, toutes les politique macro-économiques recherchent le chemin d'une croissance régulière, forte et non inflationniste, mais malheureusement, l'on n'a encore trouvé aucune recette fiable et universellement applicable. Au début des années 90, l'inflation a atteint les niveaux les plus faibles jamais enregistrés dans la plupart des pays occidentaux, au prix d'un ralentissement de la croissance, voire, parfois, d'une décroissance, et d'un chômage très élevé qui, en 1993, a atteint 10,3 % en moyenne en Europe occidentale. Un tel niveau de chômage est largement considéré comme intolérable à long terme en raison des pressions sociales qu'il entraîne. Pour cette raison, la seconde moitié des années 90 devrait être marquée par des mesures visant à réduire le chômage et à stimuler la croissance, notamment une nouvelle baisse des taux d'intérét, le relâchement des restrictions de crédit et une allocation accrue des deniers de l'Etat à certaines activités, en particulier la construction (travaux publics, modernisation du patrimoine immobilier, notamment à des fins d'économies d'énergie, et transformation à l'usage de groupes particuliers tels que les personnes âgées) et le développement régional (infrastructure, tourisme, industries rurales, en particulier dans les zones les plus pauvres et les plus éloignées). Cette hypothèse reste néanmoins très incertaine, car la marge de manoeuvre des gouvernements est désormais plus réduite qu'auparavant en raison des facteurs internationaux (firmes multinationales, engagements officiels, tels que les accords monétaires et autres de l'Union européenne, tension sur les marchés des changes), ainsi que dans certains cas, de puissantes contraintes intérieures concernant les déficits des budgets publics.

b) Conséquences pour le secteur de la foresterie

Pour le secteur de la foresterie, les mesures d'encouragement de la croissance se traduiraient principalement par une demande plus forte de produits forestiers, en particulier ceux utilisés dans la construction. L'appui aux économies rurales pourrait également prendre la forme d'une aide à l'établissement et à la modernisation des industries forestières et de la foresterie dans les régions visées.

ii) Energie

a) Scénario de politique générale

Le maintien d'une offre abondante d'énergie continuera à freiner les changements d'orientation dans le secteur énergétique. Il n'y aura pas de bouleversements majeurs de l'offre et les nouvelles taxes sur l'énergie n'entraîneront pas de hausses substantielles des prix.

Les prix du pétrole n'ont pas augmenté en termes réels entre le début des années 70 et le milieu des années 90, la mise en valeur de nouvelles sources de combustibles fossiles (gaz naturel, mer du Nord et Alaska, etc.), les économies d'énergie dans le logement et les transports et l'effondrement des mécanismes efficaces de soutien des prix de l'OPEP ayant de nouveau affaibli le marché. Il n'y a eu aucune interruption notable de la production (par exemple, accident nucléaire, guerre) depuis un certain temps, et les économies occidentales ont “absorbé” les restrictions de l'offre lorsqu'il y en a eu (par exemple durant la guerre du Golfe).

Les “verts” et d'autres groupes exercent de fortes pressions morales sur les gouvernements pour qu'ils prennent de fermes mesures préventives afin de réduire la consommation de combustibles fossiles et d'électricité d'origine nucléaire, d'encourager les énergies renouvelables, considérées comme la seule solution valable à long terme, et de réduire les rejets de carbone dans l'atmosphère. La principale mesure proposée est l'imposition de lourdes taxes sur les combustibles fossiles (impôt sur les émissions carboniques). Etant donné toutefois que l'offre de ces combustibles restera abondante dans l'avenir prévisible (en supposant qu'elle ne sera pas interrompue pour des raisons du genre mentionné ci-dessus), et compte tenu de l'incertitude scientifique quant aux réserves de ces combustibles et au changement climatique, ainsi que du coût politique et économique élevé à court terme d'une telle taxe à un taux suffisant pour exercer un effet, il semble à l'heure actuelle probable que les gouvernements ne se rallieront à ces idées que pour la forme.

Il convient à nouveau d'insister sur les incertitudes qui entachent un tel scénario: un nouveau Tchernobyl ou un bouleversement politique dans une zone productrice qui entraînerait une interruption non temporaire des approvisionnements pourrait amener les gouvernements à modifier radicalement leur politique dans un délai assez bref.

b) Conséquences pour le secteur de la foresterie

Sauf changement majeur dans la situation des prix de l'énergie, l'utilisation à grande échelle du bois comme source d'énergie continuera à n'être presque jamais rentable. Une telle situation empêcherait très probablement le développement d'un grand marché du bois énergie, perpétuant les problèmes d'aménagement forestier associés à la faiblesse des marchés du menu bois et la difficulté de couvrir les coûts des coupes d'éclaircie. Par ailleurs, cela rendrait économiquement non rentables les projets de plantations énergétiques, généralement préconisés pour résorber l'excédent des terres agricoles.

Le prix de l'énergie est également l'un des principaux facteurs qui détermine la rentabilité des divers emplois des déchets de la transformation du bois. Sa stabilité privilégierait leur utilisation en tant que matière première plutôt que comme source d'énergie et rendrait plus difficile et plus coûteuse l'élimination des déchets qui ne peuvent servir de matière première.

Enfin, un faible prix de l'énergie découragerait l'utilisation des vieux papiers et des autres déchets urbains comme source d'énergie. Etant donné que ces déchets doivent être éliminés d'une façon ou d'une autre et que les décharges sont de moins en moins acceptables, on serait incité, encore davantage qu'aujourd'hui, à les utiliser comme matière première du papier, en concurrence avec la fibre vierge.

iii) Environnement

a) Scénario de politique générale

Renforcement des politiques en matière de protection de l'environnement, de diversité biologique et développement durable et de gestion des déchets.

Quoique des mesures de protection de l'environnement et en faveur du développement durable assez ambitieuses aient déjà été prises, et que de nouvelles mesures puissent s'avérer très coûteuses, l'élan politique suscité par la CNUED et les campagnes de nombreuses ONG écologiques est tel que de nouvelles actions semblent inévitables. Elles pourraient notamment prendre les formes suivantes : l'établissement et l'application rigoureuse de stratégies nationales (voire multinationales) de développement durable; de nouvelles limitations de la pollution, si possible en recourant davantage aux mécanismes du marché tels que les droits de polluer négociables; la mise à part de zones plus vastes pour la protection de la diversité biologique (réserves naturelles); le renforcement sensible de la réglementation applicable à l'élimination des déchets et de l'obligation pour les “producteurs” de déchets de payer le coût intégral d'une élimination acceptable pour l'environnement, souvent notablement supérieur aux taxes perçues à l'heure actuelle; la limitation du développement de l'énergie nucléaire.

La rigueur et l'efficacité de la législation de l'environnement varient énormément selon les pays. Amener tous les pays au même niveau de conscience écologique que, par exemple, l'Allemagne ou les Pays-Bas aurait déjà des conséquences importantes. Dans le présent scénario, on suppose toutefois que les chefs de file dans ce domaine continueront eux-mêmes à progresser et que les autres pays les rattraperont, stimulés par les institutions internationales telles que l'Union européenne et les conventions internationales, comme celles négociées dans le cadre de la CEE/ONU. En outre, l'interdépendance des économies et des populations fera bientôt que la législation de l'environnement d'un pays européen ne saurait être sensiblement plus laxiste ou plus rigoureuse que celle de ses voisins ou partenaires commerciaux.

b) Conséquences pour le secteur de la foresterie

Les conséquences pour le secteur seraient profondes et complexes et devraient être examinées en détail. On en trouvera une liste partielle ci-après:

iv) Agriculture

a) Scénario de politique générale

Des superficies considérables de terres agricoles seront soustraites à la production alimentaire; on recherchera activement et on financera d'autres utilisations des sols, notamment la foresterie.

Les politiques agricoles des trente dernières années ou davantage ont amené une surproduction de produits alimentaires dans la plupart de l'Europe, une distorsion des échanges agricoles et des coûts élevés tant pour le budget de l'Etat que pour les consommateurs, sous forme de “soutien” des prix à des niveaux excessifs et non durables. On constate aujourd'hui une volonté générale aux niveaux national et international (Union européenne, GATT) de remédier à cette situation. De nombreux problèmes se posent toutefois en raison de la complexité des systèmes et des politiques et du grand nombre de personnes, presque toutes dans des zones rurales vulnérables, qui dépendent, directement ou indirectement, de tels programmes de subvention.

Il semble peu douteux que des superficies considérables de terres agricoles (des dizaines de millions d'hectares en Europe) seront soustraites à la production alimentaire au cours des vingt prochaines années ou utilisées d'une manière beaucoup plus extensive (diminution des rendements à l'hectare et des intrants). Les gouvernements se sont également engagés à maintenir l'emploi et le niveau de vie dans les zones rurales, et même à les élever dans les régions les plus pauvres. Ils devraient donc rechercher d'autres activités viables que la production alimentaire sur la plupart des terres concernées et prévoir un financement public à cette fin, quoique dans des proportions considérablement moindres qu'actuellement.

La foresterie serait l'une des très rares options réalistes pour la conversion à grande échelle des terres agricoles; d'ailleurs, le boisement de celles-ci est encouragé, notamment dans l'Union européenne. Les programmes de ce genre ont toutefois rencontré assez peu d'écho en raison de l'opposition traditionnelle dans de nombreuses régions entre la foresterie et l'activité agricole, de problèmes techniques, des craintes d'une baisse des valeurs foncières, du peu d'empressement à accepter le revenu agricole inférieur procuré par la foresterie, etc. Sans aucun doute, la conversion aurait rapidement lieu si des subventions suffisamment élevées étaient offertes.

Le boisement des terres agricoles pourrait également contribuer sensiblement à la fourniture d'énergie renouvelable (voir ci-dessus les plantations énergétiques) et à l'atténuation des changements climatiques, en faisant fonction de puits de carbone.

b) Conséquences pour le secteur de la foresterie

Un boisement à grande échelle des terres agricoles (dont le principal objectif serait la production efficace de bois) aurait pour première conséquence une augmentation de la production de bois à un certain moment dans l'avenir. Le volume, la composition par essence et le calendrier de cette future production dépendraient essentiellement des décisions prises par les pouvoirs publics dans les prochaines années, en ce qui concerne notamment : le montant des subventions; les objectifs d'aménagement (production de bois, loisirs, création d'habitats adaptés pour la faune ou la chasse, etc.); le type et le site des terres boisées, encore qu'elles seraient vraisemblablement plus fertiles que les terres forestières existantes; les essences et le régime sylvicole choisis.

On observera qu'une expansion assez générale des forêts sur les terres agricoles pourrait n'entraîner aucun accroissement sensible de la production de bois pour les motifs suivants : envahissement naturel se traduisant par des forêts broussailleuses de faible valeur, absence d'aménagement de la part des propriétaires qui se contenteraient d'empocher les subventions sans intensifier la production de bois, gestion à des fins de loisirs ou de diversité biologique ou de futaies de grande qualité à révolution très longue, etc.

Il importe de noter qu'au cas où un boisement aurait lieu en conséquence de programmes de soutien à l'agriculture, il serait nécessairement induit par l'offre et relativement inélastique au prix étant donné que la majeure partie des coûts serait couverte par le programme de subventionnement.

v) Commerce

a) Scénario de politique générale

Mise au point d'un accord international ayant force exécutoire et viable relatif aux principes à intégrer dans les réglementations et législations nationales en ce qui concerne les questions de commerce et d'environnement.

Tout en voyant sa part dans les échanges mondiaux diminuer, l'Europe adaptera son industrie et son commerce pour bénéficier de l'expansion des nouveaux marchés des pays apparaissant sur le devant de la scène économique.

Le commerce et l'environnement pourraient bien constituer le thème central de la prochaine série de négociations commerciales multilatérales, après l'achèvement du Cycle d'Uruguay et la création de l'Organisation mondiale du commerce. Les pays les plus riches cherchent à éviter le “dumping environnemental” alors que les pays en développement craignent que de telles mesures ne servent d'obstacles non tarifaires pour les empêcher d'accéder aux marchés et accroître leurs coûts. Le commerce des produits forestiers, et à ce propos des propositions visant à interdire l'importation de bois provenant de forêts gérées de manière non durable, ont déjà fait l'objet de débats et de conflits à l'échelon international, et il semble certain que ces produits seront au coeur des discussions sur le commerce et l'environnement à l'OMC. En dépit d'importants problèmes techniques et politiques, on pense que des arrangements seront conclus pour définir, au niveau international, des méthodes d'aménagement forestier acceptables et pour mettre en place un système permettant de certifier que tel échantillon ou telle expédition de produits forestiers provient de sources acceptables. Pour qu'un tel système soit efficace, il doit être quasiment universel, ce qui supposerait la fixation de normes moins rigoureuses que celles souhaitées par certains mouvements écologiques.

La dernière décennie a vu l'émergence d'économies à croissance rapide essentiellement sur la ceinture du Pacifique. Le taux de croissance économique du pays le plus peuplé du monde, la Chine, a également été impressionnant, mais de nombreux spécialistes estiment cette croissance fragile et l'avenir incertain en raison de facteurs politiques et sociaux ainsi que des fortes disparités entre les régions du pays du point de vue de la croissance économique. Le plus souvent, celle-ci repose sur l'expansion des exportations. Les traditionnelles régions commerçantes, notamment l'Europe, ont en conséquence vu leur part diminuer dans le commerce mondial. Cette tendance devrait se poursuivre et s'étendre à d'autres régions, telles que l'Amérique latine. Jusqu' à présent, la croissance d'un grand nombre de ces pays n'a pas entraîné un élèvement correspondant du niveau de vie, en partie parce que la plus grande partie des bénéfices ont été réinvestis. Cela devrait toutefois changer et les firmes européennes auront l'occasion d'accroître leurs exportations de tous les types de biens et services vers ces “pays émergents”. De même, les industries européennes, qui ont perdu du terrain dans certains secteurs, ont montré qu'elles demeuraient compétitives dans d'autres.

b) Conséquences pour le secteur de la foresterie

Les conséquences de l'application de normes environnementales communes dans le secteur de la foresterie dépendront dans une large mesure du détail des mesures adoptées. Il est concevable que les pratiques normales actuelles soient jugées acceptables et que les courants commerciaux ainsi que la compétitivité des différentes régions productrices se modifient peu. Toutefois, il est plus vraisemblable que l'aménagement des forêts primaires, qu'elles soient tropicales, tempérées ou boréales, sera soumis à des normes beaucoup plus strictes qu'auparavant et que les pays dont le bois provient en grande partie de ces forêts (par exemple les producteurs de feuillus tropicaux, mais également le Canada et la Russie), aient davantage de difficultés à exporter vers l'Europe. En tout état de cause, ils devront absorber des coûts de production sensiblement plus élevés, résultant d'une gestion plus intensive.

Tous les producteurs de bois devront supporter le coût du système de certification qu'ils pourront ou non répercuter sur les consommateurs. L'existence d'un système crédible de certification, négocié avec la participation de tous les gouvernements (y compris les ministres de l'environnement) et sous la surveillance attentive de la communauté des ONG, permettrait cependant d'affirmer résolument le caractère renouvelable, durable et écophile des produits forestiers. Certains matériaux concurrents auraient sans doute plus de difficultés à passer l'examen approfondi dont font à présent l'objet les forêts, de sorte que le débat sur la certification des produits forestiers pourrait bien se conclure finalement par un avantage concurrentiel pour l'ensemble du secteur de la foresterie et des produits forestiers.

La croissance rapide sur la ceinture du Pacifique aura pour principale conséquence globale un accroissement de la demande des produits forestiers : que cela entraîne une hausse des prix dépendra de la capacité de l'ensemble du système à réagir à cet accroissement par une augmentation de l'offre (par exemple en aménageant des plantations à croissance rapide). Autre conséquence : les débouchés à l'exportation pour les produits, le matériel et les services (par exemple de consultant).

vi) Pays en transition 1

a) Scénario de politique générale

Edification progressive des bases permettant le retour à l'expansion économique dans les pays en transition qui attireront des investissements étrangers croissants.

Immédiatement après les bouleversements politiques survenus en 1989/90 dans les ex-pays à économie planifiée d'Europe orientale, une vague d'optimisme avait fait prévoir une reprise rapide de ces économies qui devaient atteindre dans un temps relativement bref des niveaux de vie proches de ceux de l'Occident. Au fur et à mesure toutefois que l'ampleur des changements sociaux, économiques et individuels nécessaires apparaissait plus clairement, cet optimisme a fait place à un pessimisme marqué et au cynisme, accentués par la profonde récession qu'ont connue tous les pays dans la première moitié des années 1990. Actuellement (automne 1994), seuls deux de ces pays connaissent une expansion et, dans tous, la production est très inférieure au niveau de 1989, les niveaux de vie ont brutalement chuté tandis que le chômage et l'inflation augmentaient. On estime toutefois que les mesures nécessaires ont été ou sont actuellement prises dans les pays d'Europe orientale pour jeter les bases d'une croissance saine à l'avenir et mettre en place les institutions stables de l'économie de marché. Les niveaux de production antérieurs à 1989 seront retrouvés à mesure que les économies engagent un processus de convergence avec les pays occidentaux à économie de marché plus avancés.

Il existe toutefois d'énormes différences entre les pays en transition, en ce qui concerne leur potentiel et leur main-d'oeuvre qualifiée, l'orientation choisie pour le processus de transition (thérapie de choc ou graduelle) et la détermination des gouvernements à s'y tenir, même en période de troubles et d'incertitude; de telles difficultés sont souvent attribuées à la transition elle-même, plutôt qu'aux erreurs chroniques de gestion économique aux conséquences desquelles elle est censée remédier. S'il y a donc tout lieu de s'attendre à une croissance satisfaisante dans certains pays en transition, dans d'autres les progrès ne pourront être que lents. Le rythme de la reprise et les futurs taux de croissance sont également entachés d'une grande incertitude.

b) Conséquences pour le secteur de la foresterie

La principale conséquence pour le secteur de la foresterie sera la croissance de la demande de produits forestiers qui pourrait accompagner la reprise économique, en particulier, compte tenu de la forte demande contenue de logements de qualité. En outre, la consommation par habitant de papier est très faible par rapport aux critères occidentaux et devrait augmenter rapidement avec l'expansion du revenu réel. Dans un premier temps, cette demande pourrait être satisfaite en partie par les importations, d'autant que l'infrastructure industrielle de ces pays est ancienne, inefficace et polluante.

vii) Le rôle du secteur public

a) Scénario de politique générale

Les dépenses publiques seront réduites mais les objectifs sociaux et environnementaux seront maintenus. Les privatisations se poursuivront dans toute l'Europe à un rythme ralenti.

L'ampleur des déficits budgétaires est préoccupante dans presque tous les pays à économie de marché et la plupart des gouvernements se sont engagés à les réduire, malgré les problèmes politiques évidents que pose l'augmentation des impôts et/ou la réduction des prestations. En outre, la hausse des dépenses de santé semble irrésistible alors qu'un nombre croissant de personnes âgées et de jeunes, ainsi que de chômeurs, deviennent dépendants de personnes “productives” en âge de travailler; la conjonction de ces deux facteurs socio-démographiques exerce de sévères contraintes structurelles sur les budgets publics. Il y a actuellement, et il continuera à y avoir, de fortes pressions pour réduire les dépenses les moins prioritaires et pour garantir un emploi efficace des fonds publics. A l'avenir, tous les postes de dépenses, non seulement les nouveaux mais aussi ceux qui existent déjà, devront faire périodiquement l'objet d'une justification politique et il sera difficile de persuader les ministres des finances d'affecter les deniers de l'Etat à d'autres postes qu'à un petit nombre d'activités essentielles.

Depuis une dizaine d'années, la privatisation des industries à capitaux d'Etat ou d'autres entreprises a été un moyen en vogue pour accroître les recettes de l'Etat et réduire les ponctions sur les finances publiques. De plus en plus, on demande à tous les services de l'Etat de prouver le bien-fondé du maintien de leur statut et de leur gestion dans la sphère publique. La question n'épargne même pas certaines fonctions considérées traditionnellement comme relevant exclusivement de la puissance publique, telles que la gestion des prisons ou certaines fonctions de police. Toutefois, dans plusieurs pays, les candidats “évidents” à la privatisation (principalement les entreprises manufacturières à capitaux d'Etat qui sont rentables) ont déjà été privatisés et la poursuite des privatisations est de plus en plus controversée.

Pareille détermination à maîtriser les dépenses et les déficits publics paraît en contradiction avec le scénario proposé ci-dessus et préconisant des incitations économiques dans les domaines de la construction et du développement rural pour contenir le chômage dans des limites acceptables. Cette contradiction ne fait qu'illustrer le difficile dilemme auquel sont confrontés les pouvoirs publics qui doivent réduire le chômage tout en maintenant les déficits budgétaires dans des limites raisonnables. Le scénario envisage que les fonds publics seront effectivement utilisés pour stimuler l'emploi et l'économie rurale, les économies étant réalisées dans d'autres domaines.

b) Conséquences pour le secteur

Les activités forestières auront de plus en plus de mal à obtenir des subventions car on attendra d'elles qu'elles s'autofinancent selon des critères commerciaux normaux ou qu'elles démontrent clairement (c'est-à-dire en termes quantitatifs) la valeur pour la société des biens et services non marchands de la forêt. Il sera nécessaire de trouver des modes de financement novateurs de l'offre de biens et de services autres que le bois (par exemple en faisant payer les utilisateurs) et de réduire les coûts de production du bois. Les déficits d'exploitation injustifiés des services forestiers publics seront comprimés de même que les subventions aux propriétaires privés de forêts. Pour cette raison et par suite de l'évolution des négociations du GATT sur la question, les subventions aux industries forestières seront réduites afin de créer des conditions équitables entre les partenaires commerciaux.

Ces dernières années, de nombreux pays ont disjoint, sur le plan administratif, les fonctions opérationnelles des services publics forestiers des fonctions d'orientation et de surveillance. Ces dernières sont souvent demeurées au sein du ministère de tutelle alors qu'un organisme relativement autonome, géré selon des principes quasi-commerciaux, était chargé de la gestion des forêts publiques. Dans de nombreux pays, ce type de gestion a permis d'accroître l'efficacité et de réduire les coûts. Dans un petit nombre de pays tels que le Royaume-Uni, la Suède, et hors d'Europe la Nouvelle-Zélande, une privatisation des forêts domaniales a été sérieusement envisagée, voire engagée, par cession de la propriété à des personnes ou à des sociétés privées. Il est encore trop tôt pour évaluer les résultats de ces initiatives qui sont très controversées 2.

Dans la pratique toutefois, les conséquences de ce phénomène sont les mêmes, avec ou sans privatisation : une gestion des terres domaniales plus rigoureuse, orientée vers la production de bois, et la tentative de financer les biens et services autres que le bois directement et ouvertement, plutôt qu'au moyen d'un déficit général des organismes publics ou d'un programme de subventionnement non ciblé.

Notes du chapitre 2

1 Voir également le chapitre 10.

2 Au Royaume-Uni, la privatisation n'est plus une option sérieusement envisagée.


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