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5. DONNÉES ET RECHERCHES SUR LA GESTION DE LA PÊCHE


5.1 Besoins nationaux
5.2 Besoins régionaux et sous-régionaux
5.3 Descriptions de la pêche au requin
5.4 Identification des espèces
5.5 Identification et structure des stocks
5.6 Observation de la pêche
5.7 Méthodes de collecte des données
5.8 Recherche scientifique
5.9 Gestion des données
5.10 Évaluation des stocks
5.11 Adoption du Système de référence du développement durable
5.12 Gestion et évaluation du risque

5.1 Besoins nationaux

Les États reconnaîtront que la conservation et la gestion des requins doit reposer sur des données scientifiques fiables, que les responsables de la pêche et d'autres parties prenantes pourront intégrer dans leurs prises de décisions. C'est pourquoi les États veilleront à ce que les recherches appropriées soient entreprises dans toutes les disciplines de la pêche, notamment la biologie, l'écologie, la technologie, la science de l'environnement et l'économie.

Les États devraient promouvoir l'utilisation des résultats de la recherche comme base à l'établissement des objectifs de gestion, des points de référence biologiques, des indicateurs de durabilité, des niveaux de risque acceptables, des calendriers et des critères de performance, et pour créer les liens appropriés entre la recherche appliquée et la gestion halieutique.

5.2 Besoins régionaux et sous-régionaux

Les États appuieront la mise en place de mécanismes visant, entre autres, à faciliter la recherche sur les requins et le suivi de la pêche aux niveaux régional et sous-régional, et encourageront le partage des données et des résultats de cette recherche entre les régions et les sous-régions. Des programmes d'observation et de recherche menés en collaboration et portant sur l'évaluation des stocks partagés de requins transfrontières seront établis à travers les ORAP et les arrangements sous-régionaux bilatéraux et multilatéraux. Les États seront tenus de respecter des procédures reconnues d'observation et de recherche et de s'accorder sur la précision des données afin d'harmoniser la gestion des stocks partagés de requins transfrontières aux niveaux régional et sous-régional.

5.3 Descriptions de la pêche au requin

Le Code de conduite pour une pêche responsable requiert que les décisions politiques visant la pêche régionale, sous-régionale, nationale ou locale soient formulées et prises en pleine connaissance de la nature des pêches considérées, notamment les différents groupes de pêcheurs ou les flottilles et leur composition ainsi que les fonds de pêche qu'ils utilisent ou se proposent d'utiliser.

Les décisions politiques visant les pêches devraient s'appuyer sur les informations suivantes:

- les groupes d'intérêt, leurs caractéristiques et leur intérêt dans la pêche;

- les facteurs économiques liés à la pêche, en particulier la dépendance économique et sociale des différents groupes d'intérêt à l'égard de la pêche;

- des détails sur les coûts et les avantages de la pêche pour la région, le pays ou un territoire local;

- le rôle de la pêche en tant que fournisseur d'emplois aux différents groupes ou communautés,

- les autres sources d'emploi et de revenus pour les différents groupes d'intérêt ou communautés;

- l'accessibilité actuelle de ces ressources ou l'existence d'un droit de propriété sur ces dernières;

- les institutions qui prennent part à l'heure actuelle aux prises de décisions concernant la pêche, et

- une récapitulation historique de la pêche et des rôles des différents groupes d'intérêt au sein de ce secteur.

La pêche d'un stock donné peut être simple, si elle est pratiquée par une seule flottille relativement homogène. Mais elle peut aussi être complexe, s'il est exploité par plusieurs types de flottilles, qui vont, par exemple, des flottilles industrielles à haute technologie aux flottilles artisanales, chacune utilisant des engins de pêche différents dotés d'une sélectivité différente ou opérant dans des fonds de pêche différents.

Il faudrait récolter et analyser des données et des informations sur chaque flottille, notamment:

- le nombre de navires ou d'unités;
- les caractéristiques et la sélectivité des engins de pêche;
- le régime saisonnier de la pêche, le cas échéant;
- la localisation de la pêche par rapport à la distribution du stock et des autres flottilles;
- tout instrument de navigation et moyen technologique au service de la pêche, et
- d'autres facteurs connexes.

5.4 Identification des espèces

On préparera des guides pratiques pour identifier les espèces à partir de l'animal entier, de la carcasse et, éventuellement, des ailerons, de la peau, des vertèbres et de la tête.

Un programme de suivi, de recherche ou de gestion de la pêche ne peut être mené à bien que s'il est possible de déterminer la composition spécifique de la prise. En plus des incertitudes taxonomiques qui subsistent à propos d'un grand nombre d'espèces de requins et d'autres chondrichtyens, des pratiques courantes, telles l'étêtage, l'éviscération, l'amputation des ailerons, le dépouillement, le découpage en filets ou l'ablation du foie en mer compliquent encore plus l'identification des espèces de requins dans une capture. Bien qu'il existe des “techniques génétiques d'identification rapide”, basées sur l'électrophorèse et sur d'autres méthodes utilisant l'ADN mitochondrien et nucléaire, permettant de déterminer les espèces, ces techniques reposent sur des procédés coûteux et lents qui ne se prêtent généralement pas à l'observation ou à la surveillance de routine. Il est donc indispensable que les requins soient débarqués sous une forme qui autorise l'identification de leur espèce pour que l'on puisse contrôler et surveiller les captures de façon efficace à terre.

On ne peut obliger les pêcheurs à débarquer les requins entiers, car ceux-ci demandent à être éviscérés et vidés le plus vite possible après leur capture pour éviter que la qualité de la chair et d'autres produits se dégrade. Une option qui permet habituellement de déterminer l'espèce, le sexe et la longueur partielle d'un requin consiste à émettre un règlement qui autorise l'étêtage et l'éviscération des requins en mer, mais qui impose de les débarquer sous la forme de carcasses encore pourvues de leurs ailerons, de la peau, des ptérygopodes et, le cas échéant, de leur colonne vertébrale. Une autre possibilité consiste à laisser la tête sur le corps en enlevant les branchies, lorsque l'identification de l'espèce à partir de la carcasse est hasardeuse.

Si l'identification des espèces obéit à un impératif commercial, on rédigera des guides pratiques basés sur les ailerons et d'autres parties du corps. L'obligation d'étiqueter clairement, en mentionnant le nom de l'espèce, les produits du requin (carcasse, chair, ailerons, peau, tête, colonne vertébrale, foie, huile de foie et mâchoires) sera régie par des prescriptions juridiques.

5.5 Identification et structure des stocks

L'identification et la détermination de la structure des stocks font partie intégrante de l'évaluation des stocks halieutiques et sont des éléments qui conditionnent l'efficacité de la gestion halieutique et qui sont nécessaires à la “gestion spéciale” des espèces jugées menacées ou très raréfiées. L'identification du stock et sa structure servent à déterminer l'échelle d'application appropriée de la surveillance et des stratégies d'exploitation halieutique ou de la “gestion spéciale”.

Les stocks peuvent être identifiés à l'aide de techniques génétiques, phénotypiques et de marquage. La structure des stocks peut être déterminée directement à partir de la variation génétique entre les stocks, les techniques de génétique moléculaire permettant de bien mesurer l'endogamie entre les stocks. Le plus grand degré de variation génétique et le nombre plus élevé d'allèles que l'on trouve dans certains marqueurs ADN mitochondriens et nucléaires (microsatellite) laissent supposer que les techniques faisant appel à l'ADN offrent généralement une plus grande résolution que les techniques basées sur les allozymes. La variation phénotypique entre les stocks peut être utilisée pour déterminer indirectement la structure du stock et bien qu'elle ne permette pas de déduire l'isolement génétique entre les stocks, elle peut indiquer si des animaux vivant dans des milieux différents ont subi un isolement prolongé. La structure du stock peut être déduite de la variation phénotypique des caractères méristiques et morphologiques. Dans certains cas également, la composition des vertèbres (teneur en calcium, strontium, carbone et oxygène, notamment) peut être utilisée pour mettre en évidence la séparation entre des nourriceries ou distinguer des stocks appartenant à deux régions différentes. Le relâchage des poissons marqués et leur capture ultérieure ainsi que le traçage de ces derniers peuvent aussi être utilisés pour identifier les stocks, et déterminer les trajectoires de migration et la fréquence des mouvements entre différentes régions d'une pêcherie.

La taille globale d'un stock est d'une importance fondamentale pour n'importe quelle espèce ou population, mais l'état du stock peut être évalué avec plus de précision si la structure du stock est prise en considération, à savoir le sexe, la taille, l'âge et le stade de développement des requins. Ce type de structure est commun aux espèces de requin, et la recapture de requins marqués à une position éloignée du lieu où ils ont été relâchés indique que beaucoup d'espèces sont de grands migrateurs. Le mélange entre des populations génétiquement distinctes a aussi été constaté. La complexité de la structure des stocks, combinée au fait que les pêcheurs visent plus d'une espèce, rend plus difficile l'interprétation de la capture par unité d'effort (CPUE) et, sans ventilation spatiale des données, peut supprimer la fiabilité de la CPUE en tant qu'indice de l'abondance relative. Ces complexités doivent être prises en considération dans les modèles d'évaluation des stocks in situ.

Une population caractérisée par d'abondants mélanges entre individus se trouvant dans différentes régions d'une pêcherie (que la population soit distribuée de façon homogène ou qu'elle soit très structurée) doit être évaluée et gérée comme un seul stock. Toutefois, s'agissant d'une population à distribution homogène caractérisée par un faible mélange entre les individus occupant des régions différentes d'une pêcherie, il pourrait être plus judicieux de l'évaluer et de la gérer par sous-stock régional. Les populations dont les différentes parties sont séparées dans l'espace et ne se mélangent guère doivent normalement être évaluées et gérées par sous-stocks, mais la dynamique de la flottille qui opère dans la pêcherie peut requérir que la pêcherie soit évaluée et gérée comme une seule unité. En revanche, les pêcheries de requins à structure spatiale marquée et où les différentes populations en âge de reproduction se mélangent réclament des modèles à plusieurs stocks. En outre, lorsque le taux de mélange entre différentes régions d'une pêcherie est élevé, l'évaluation des stocks nécessite des modèles à structure spatiale qui incorporent la fréquence des mouvements entre régions distinctes d'une pêcherie.

5.6 Observation de la pêche


5.6.1 Capture: débarquements et rejets
5.6.2 Effort de pêche
5.6.3 Indice d'abondance
5.6.4 Composition des captures

5.6.1 Capture: débarquements et rejets

La capture totale en nombre ou en poids doit être enregistrée ou estimée, car elle représente un prélèvement de biomasse et d'individus de l'écosystème et l'impact fondamental que la pêche exerce sur les populations de poissons. La plupart des méthodes d'évaluation des stocks s'appuient sur les données concernant les captures, qui forment aussi la variable permettant d'observer les fluctuations du stock. Si le poids et le nombre ont été relevés, on peut déterminer le poids moyen des requins de la capture.

Les captures devraient être subdivisées en catégories avec le plus de détails possible, les catégories prioritaires étant basées sur l'espèce, la localisation et la date. Une catégorisation plus poussée, par sexe et longueur du requin (ou par grandes fourchettes de tailles ou de stade de développement) permet d'appliquer des modèles d'évaluation des stocks fondés sur le sexe et la longueur.

Le rejet des requins morts ou en mauvais état a des implications biologiques importantes et devrait toujours être consigné ou estimé. La capture totale se compose de la totalité des débarquements et des rejets. Les prises accessoires de requins, qu'elles soient conservées ou rejetées, doivent également être notées.

Le transbordement de requins en mer doit être pris en compte dans tous les systèmes de surveillance des captures, sinon, on risque d'omettre une proportion considérable de la capture. Il sera peut-être nécessaire de faire appel à des observateurs montés à bord pour surveiller ces événements ou à des contacts par le truchement de l'État du pavillon du navire receveur.

Les requins sont souvent étêtés, éviscérés et amputés de leurs ailerons avant d'être débarqués et il devrait y avoir un système permettant de convertir ce qui reste du requin en unités d'équivalent poids vif (dénommées aussi prise nominale ou poids entier ou arrondi) à l'aide de facteurs de conversion appropriés. Par conséquent, si les formulaires de notification réservent un espace au poids de la capture, ils devraient aussi prévoir un espace pour la forme des requins (entiers, carcasses étêtées et éviscérées munies des ailerons, carcasses étêtées et éviscérées amputées de leurs ailerons, ailerons seuls ou foie seul). Sans cette précaution, le poids des captures sera ambigu.

La capture globale peut être calculée à partir des journaux de bord, des bordereaux de vente ou d'entretiens avec les pêcheurs ou des intermédiaires. L'estimation des rejets peut quelquefois aussi être obtenue auprès des pêcheurs. Les données communiquées par des observateurs embarqués pendant les sorties de pêche ne sont pas négligeables lorsqu'il n'y a pas d'informations détaillées sur les rejets effectués durant la sortie ni sur les lieux de pêche visités.

5.6.2 Effort de pêche

Dans l'évaluation des stocks, une relation peut être établie entre l'effort de pêche et la mortalité halieutique. Pour ce faire, l'effort de pêche doit être calculé directement et précisément en fonction de l'engin de pêche. L'effort varie en fonction de l'engin. Les unités d'effort de pêche pour les filets maillants sont des kilomètres-remontée ou des kilomètres-heures qui sont calculés en fonction de la longueur totale des filets maillants et de la durée de trempage. Les unités attribuées aux hameçons sont aussi des hameçons-remontée ou des hameçons-heures calculées en fonction du nombre total d'hameçons et de la durée de trempage. La durée de trempage ne doit plus être prise en compte à partir du moment où les appâts se sont détachés des hameçons. La durée de trempage pour les filets maillants et les palangres munies de hameçons appâtés comprend trois phases: l'installation, le relevage et la période entre les deux. L'unité du chalut est la distance chalutée, qui peut être déduite des positions du navire au début et à la fin de chaque trait ou du temps et de la vitesse de chalutage. Les espèces ou le groupe d'espèces visés doivent être consignés, car ce paramètre risque d'influencer fortement la CPUE.

La hauteur des filets maillants et l'ouverture de leurs mailles, la dimension des hameçons, la distance moyenne entre les hameçons et les appâts, la dimension du chalut et l'ouverture des mailles de la poche devraient aussi être notés. La puissance des navires et l'existence de systèmes d'assistance à la navigation, tels le système de détermination du point par satellite (Global Position Fixing) et les échosondeurs à écran couleur, sont des indices de la puissance de pêche des navires.

L'enregistrement des espèces ou du groupe d'espèces visés permet de préciser si l'effort de pêche est ciblé ou non ciblé dans l'évaluation des stocks.

5.6.3 Indice d'abondance

L'évaluation des stocks halieutiques s'appuie sur une série chronologique de valeurs d'un indice d'abondance qui est proportionnel à la taille du stock. Dans le cas des stocks de requins, ils peuvent être obtenus à partir des CPUE et de résultats de campagnes indépendantes de la pêche.

La CPUE, ou taux de capture, est un indice qui se prête bien au suivi à long terme de la pêche et il est souvent employé comme indice de l'abondance du stock, lorsqu'on suppose qu'il existe une relation entre l'indice et la taille du stock. Cependant, à elle seule, la CPUE ne reflète pas toujours de façon fiable la taille du stock. La modification de l'efficience halieutique ou des schémas opérationnels au cours du temps peut poser un problème; il convient de mener des enquêtes de routine sur les engins de pêche. La CPUE peut aussi être trompeuse dans des opérations où les pêcheurs qui visent des agrégations de poisson peuvent fournir des CPUE élevées alors que le stock décline rapidement (hyperstabilité), ou, inversement, des pêcheurs prélevant dans des agrégations très vulnérables dans une population à distribution par ailleurs diffuse peuvent faire diminuer les CPUE bien plus rapidement que l'abondance du stock (hyperappauvrissement). Il faudrait fournir une CPUE distincte par unité de stock, flottille et type d'engin. Si la structure du stock est complexe, les données subiront une ventilation spatiale. Certains problèmes associés aux différences d'efficience entre les navires et à la variation annuelle des zones de pêche peuvent être compensés par la normalisation des CPUE au moyen de modèles linéaires généralisés; cependant, la normalisation exige un examen statistique attentif de la structure (erreur) résiduelle des données.

Une étude de la densité du peuplement de poissons, menée indépendamment des opérations de pêche avec un navire courant équipé d'engins de pêche courants peut permettre d'éviter les distorsions inhérentes aux CPUE tirées de la pêche. Ces études risquent d'être coûteuses et doivent être soigneusement préparées, en particulier si on adopte un échantillonnage stratifié pour améliorer la précision.

5.6.4 Composition des captures

La taille et/ou l'âge des mâles et des femelles requins, pris séparément, donnent des informations sur la structure du stock. Les mâles et les femelles des requins et d'autres chondrichtyens sont faciles à différencier par la présence de ptérygopodes chez les mâles. Lorsque les pêcheurs enlèvent les ptérygopodes en mer, mais ne touchent pas aux nageoires pelviennes des femelles, il est encore possible de déterminer le sexe des poissons, mais lorsque les mâles et les femelles ont été dépouillés de leurs nageoires pelviennes, le sexe des poissons ne peut être déterminé que par des observateurs présents à bord.

La composition selon la taille peut être établie à partir de l'échantillonnage des captures ramenées par les navires. La détermination de la longueur des requins se fait d'après une mesure normalisée. Comme les requins sont généralement étêtés, éviscérés et amputés de leurs ailerons, la longueur mesurée est partielle. Si la position de la jonction entre la nageoire caudale et le tronc est facile à repérer, alors la longueur partielle fiable la plus longue du tronc qui peut être mesurée est comprise entre le bord postérieur de la dernière fente branchiale et la base de la queue. La dernière fente branchiale peut être remplacée par la marge antérieure de la base de la nageoire pectorale ou, si celle-ci a été enlevée, la marge antérieure de la ceinture pectorale. Les autres positions sur le tronc utilisées pour définir les longueurs partielles sont les bases des nageoires dorsales. Quand les requins sont débarqués par catégories de taille, il est nécessaire d'échantillonner toutes les catégories et d'appliquer des méthodes d'augmentation qui livrent des estimations précises de la composition selon la longueur de chaque capture.

On convertira la longueur partielle de la carcasse débarquée en longueur totale du requin ou en longueur à la fourche, afin de présenter les données en longueur totale ou en longueur à la fourche. S'il y a lieu d'adopter plus d'une mesure normalisée de la longueur, les données seront converties en une seule longueur normalisée, idéalement la longueur totale ou la longueur à la fourche.

La composition de la capture selon l'âge est déterminée à partir de la longueur en fonction de l'âge. Il faut pour ce faire déterminer les âges des requins dont ont connaît la longueur dans chacune des classes de longueur qui couvrent toute la fourchette de taille des animaux capturés afin d'obtenir une clé de détermination de l'âge en fonction de la longueur. L'utilisation de cette clé à la lumière de la composition de la capture selon la taille permet d'établir la composition de la capture selon l'âge. Pour déterminer l'âge des chondrichtyens, on compte les stries d'accroissement sur une vertèbre sectionnée ou une vertèbre entière ou sur d'autres parties dures, comme des épines sectionnées. Idéalement, les clés de détermination de l'âge en fonction de la longueur sont révisées chaque année, car la composition de la population selon l'âge change continuellement.

5.7 Méthodes de collecte des données


5.7.1 Notification des données sur la pêche
5.7.2 Énumérateurs/observateurs
5.7.3 Notification par les utilisateurs des ressources
5.7.4 Campagnes indépendantes de la pêche

On devrait collecter les données en continu ou à des intervalles suffisamment rapprochés pour produire des séries de données chronologiques. Plusieurs méthodes de collecte des données sont applicables.

5.7.1 Notification des données sur la pêche

Certaines variables peuvent être consignées dans des registres, conformément à une obligation légale, qui fournissent ainsi une énumération complète. Ces registrent rassemblent des informations sur les navires de pêche, les entreprises, les engins, les licences et l'identité de chaque pêcheur. Les données à fournir sur les navires sont le type de navire, sa dimension, le type d'engin, le pays d'origine, la capacité en poissons, le nombre de pêcheurs et la puissance du moteur.

Les données concernant les entreprises de pêche, de transformation du poisson et de commercialisation sont notifiées à diverses fins. Les registres des entreprises de pêche devraient inclure des données sur le nombre de navires et des détails concernant les navires et les engins de pêche. Les entreprises de transformation et de commercialisation du poisson devraient fournir des données sur le type de transformation, le type de poisson et la capacité de transformation et de commercialisation.

La détention d'une licence de pêche valide devrait être rendue obligatoire pour les opérateurs des navires et des engins de pêche. Contrairement aux registres des navires, les licences de pêche sont généralement accordées pour des pêcheries spécifiées et une période donnée. Du fait qu'elles doivent être renouvelées périodiquement, les licences offrent un bon moyen d'imposer aux opérateurs une mise à jour des informations sur les navires et les engins de pêche.

La tenue des registres des navires est une opération complexe qui obéit à des procédures administratives bien établies reposant sur des dispositifs efficaces de communication, de stockage et de traitement des données. À ce titre, ils s'appliquent à certains types et échelles d'unités de pêche, tels que les flottilles industrielles et semi-industrielles. Les bateaux de pêche artisanale et de subsistance qui englobent un grand nombre d'unités de pêche ne sont souvent pas inclus dans un système d'enregistrement.

5.7.2 Énumérateurs/observateurs

Les énumérateurs, aussi dénommés observateurs, peuvent effectuer des mesures directes et mener des entretiens et des enquêtes à l'aide de questionnaires, soit à bord des navires, soit sur les lieux de débarquement, dans les usines de transformation et sur les marchés. Les énumérateurs peuvent récolter des données sur les captures (débarquements et rejets) et l'effort de pêche pour des navires sélectionnés, des données biologiques, des données sur les prises accessoires, sur l'environnement, sur la valeur et le prix des débarquements et des informations commerciales.

Les observateurs en mer peuvent collecter des données sur la capture et l'effort, et vérifier leur concordance avec celles du journal de bord du navire. Ils peuvent également recueillir des détails sur les engins de pêche, les opérations de pêche et des données biologiques (composition selon le sexe et la longueur, stade de développement, fécondité et fréquence de reproduction) et prélever des échantillons de vertèbres ou de colonne vertébrale en vue de l'âgéage ultérieur en laboratoire.

Sur les lieux de débarquement, dans les installations de transformation et sur les marchés, les observateurs peuvent réunir des données concernant les débarquements (qualité, quantité, valeur et prix), la forme des carcasses débarquées (par exemple étêtée, éviscérée et dépourvue des ailerons), des données biologiques (composition selon le sexe et la longueur, et échantillons de vertèbres). Si les requins sont débarqués entiers, des données sur le stade de développement et des épines peuvent aussi être recueillies. Les données communiquées par les transformateurs et les commerçants sur les espèces et les quantités achetées peuvent être utilisées pour valider les débarquements inscrits dans les journaux de bord.

5.7.3 Notification par les utilisateurs des ressources

On a demandé à certains utilisateurs de ressources de fournir une énumération complète. Cela supposait de leur part de remplir des formulaires, ces utilisateurs étant des entreprises de pêche, des pêcheurs, des transformateurs de poisson, des opérateurs du marché et, quelquefois, des entreprises commerciales et des bureaux des douanes. Ces méthodes de collecte de données conviennent le mieux à la pêche industrielle et semi-industrielle.

Les entreprises de pêche et les pêcheurs peuvent fournir des données de base sur les captures et l'effort de pêche, et la notification de ces données sur des formulaires du journal de bord et/ou sur des déclarations de débarquement peut être rendue obligatoire si l'on subordonne l'octroi de la licence à cette notification. Les formulaires des journaux de bord devraient contenir des informations détaillées sur les captures par espèces, sur chaque opération de pêche, et notamment sur les fonds de pêche (profondeur, latitude et longitude ou grille de référence), le type et la quantité d'engins de pêche déployés ainsi que la durée des opérations de pêche. Les déclarations de débarquement devraient consister en un résumé des captures par espèces pour chaque sortie. L'utilisation des formulaires de notification disponibles sous forme informatisée prétraitée dans les entreprises peut réduire le coût de la collecte des données.

La confidentialité des informations (notamment sur les fonds de pêche) sera régie par les dispositions convenues relatives à la notification des données et les résumés statistiques rendus publics ne devraient pas contenir d'informations attribuables à un navire donné ou à une entreprise. Le risque existe que les quantités capturées et les revenus perçus sur les débarquements soient minimisés ou, au contraire, amplifiés, et que les données soient délibérément faussées, notamment celles qui se rapportent aux fonds de pêche.

On peut demander aux usines de transformation et aux marchés de notifier les quantités et la valeur des requins qu'elles ont reçus, transformés et vendus. Ils pourraient aussi mentionner l'identité du navire qui a débarqué la capture et des données sur la composition selon le sexe et la longueur des requins manipulés.

L'énumération du contenu des captures débarquées sous forme entière ou transformée demande une attention considérable. Dans certains cas, les captures débarquées peuvent être envoyées directement dans une usine de transformation ou dans un entrepôt frigorifique. Les débarquements peuvent être consignés sous forme détaillée à condition que chaque lot soit identifié par sa source (nom du navire, identificateur de sortie). Ces rapports peuvent aussi donner des informations sur leur rendement et les ventes, y compris la destination et le prix.

Il est possible, notamment pour les grandes flottilles de petits navires qui débarquent leur pêche dans des endroits centralisés, de fournir une énumération complète des débarquements en dressant un compte rendu des transactions commerciales. Il faut pour ce faire conserver tous les bordereaux de vente, factures et comptes. Les formulaires doivent prévoir un espace pour les identificateurs primaires, à savoir le nom du navire (ou des navires dans le cas des navires transporteurs qui transbordent le chargement pêché par des flottilles opérant au large) qui vend la capture, la date et le numéro de la sortie, ainsi que le poids total, le prix et la valeur de vente par espèce ou groupe d'espèces. Ces comptes rendus des ventes devraient être établis sur des formulaires correctement identifiés, en plusieurs exemplaires destinés à l'administration commerciale, au vendeur (navire ou entreprise), à l'acheteur et à l'autorité halieutique.

Des rapports généraux sur les ventes (marché, transformation en usine et données sur l'exportation) peuvent livrer des informations sur le volume des ventes et sur les prix par type de produit (carcasse, chair, ailerons, colonne vertébrale, foie, huile de foie et peaux). Ces données sont utiles aux analyses bioéconomiques, mais ne se prêtent guère à l'évaluation des stocks, si elles ne sont pas accompagnées d'informations complémentaires sur le navire, les fonds de pêche, l'effort de pêche ou l'espèce de requin.

Les informations commerciales qui se réfèrent à des données provenant des douanes ou d'autres sources d'informations commerciales, peuvent aussi fournir des renseignements sur les variables socio-économiques et, dans certains cas, sur les débarquements. La plupart des pays publient des informations sur les exportations et les importations, qui sont importantes dans les pays qui prélèvent des taxes à l'exportation et/ou à l'importation ou des royalties, ou qui accordent des aides à l'exportation. À l'heure actuelle, les données commerciales sont les seules qui permettent d'estimer les débarquements de requins dans beaucoup de pays. Les quantités indiquées par les données commerciales doivent être converties par une formule appropriée pour fournir une estimation du poids total, mais la valeur des données commerciales est souvent amoindrie par la description ambiguë de la forme du produit. Il serait plus utile que les produits tirés du requin soient décrits d'après le nom de l'espèce, le mode de conservation, congélation ou séchage, et sous les formes suivantes:

- entier,
- carcasse étêtée, éviscérée, non écorchée et encore pourvue des ailerons,
- carcasse étêtée, éviscérée, non écorchée et dépourvue des ailerons,
- carcasse étêtée, éviscérée, écorchée et dépourvue des ailerons,
- uniquement de la chair découpée en filets,
- têtes seules,
- cartilage de la tête,
- cartilage vertébral,
- cartilage réduit en poudre,
- peau seule,
- ailerons seuls,
- foies entiers seuls, ou
- huile de foie.

5.7.4 Campagnes indépendantes de la pêche

Les campagnes conduites sur des navires de recherche institutionnels ou sur des navires de pêche commerciale, au niveau du stock, du sous-stock ou de l'espèce, peuvent livrer des indices de l'abondance et de la distribution du stock. Ces campagnes consistent en une pêche effectuée à partir d'un navire courant équipé d'engins courants dans des stations de pêche prédéterminées, sélectionnées à partir d'une grille préétablie, d'un site préétabli ou d'un échantillonnage stratifié aléatoire. Ces campagnes devraient fournir, tout d'abord, une estimation de la densité moyenne du peuplement de poissons (par unité de superficie chalutée ou par nombre de poissons rencontrés par les palangres ou les filets maillants) sur la totalité de l'espace où les stocks pourraient se trouver, et, ensuite, une cartographie de la distribution spatiale de la densité dans l'ensemble de cet espace.

Plusieurs pays réalisent régulièrement des campagnes indépendantes de la pêche portant sur leurs pêches au chalut. Les résultats d'enquête disponibles pour les espèces de téléostéens les plus estimées sont régulièrement analysés, mais la plupart des données concernant les requins et d'autres chondrichtyens ne sont pas systématiquement analysées. De même, les campagnes menées indépendamment de la pêche sur le thon et les thonidés ont produit des données intéressantes sur les prises accessoires de requins, qui n'ont jamais été analysées. Il est donc possible de déduire des indices d'abondance pour plusieurs espèces, en analysant les données recueillies au cours de ces campagnes. Les États et les ORAP devraient accorder la priorité à l'analyse de ces données.

5.8 Recherche scientifique

Les recherches scientifiques sont nécessaires pour mesurer des variables concernant les populations de requins et leurs habitats, et les engins de pêche utilisés pour capturer les requins. Ces recherches peuvent se faire à bord de navires institutionnels ou de navires de pêche commerciaux. À côté des campagnes indépendantes de la pêche, les méthodes de recherche scientifique peuvent couvrir différents objectifs fixés au niveau de l'espèce ou, dans certains cas, du stock ou du sous-stock.

L'un des objectifs est de déterminer des paramètres biographiques à partir de données biologiques sur la composition selon le sexe et la taille, le stade de développement des ovaires et des glandes oviductales, le nombre et la taille des ovocytes, et le nombre et la taille des œufs et/ou des embryons dans l'utérus. On prélèvera également des échantillons de vertèbres ou de colonne vertébrale en vue de la détermination de l'âge en laboratoire.

S'agissant des filets maillants, l'un des objectifs consiste à déterminer comment la sélectivité de ces filets varie en fonction de la longueur des requins et de l'ouverture des mailles du filet. Dans le cas de la pêche au hameçon, on cherche notamment à déterminer comment la sélectivité des hameçons varie en fonction de la longueur du requin et de la taille du hameçon. Pour déterminer les paramètres de sélectivité, il faut réaliser des expériences avec différentes ouvertures des mailles des filets maillants ou avec des hameçons de taille différente.

En ce qui concerne le chalutage, on étudiera, par exemple, la possibilité de mettre au point des dispositifs de réduction des prises accessoires qui diminuent les captures de requins ou le nombre de requins ainsi tués.

Il faudrait mettre au point des méthodes de laboratoire pour déterminer l'âge des requins à partir de, suivant les espèces, les vertèbres entières ou des fragments de vertèbres ou à partir d'autres parties calcifiées, comme une section de la colonne vertébrale présente dans certains groupes de chondrichtyens. Selon les espèces, la clarté visible des stries d'accroissement dans ces structures doit être colorée par un produit chimique et/ou faire l'objet d'une illumination spéciale ou d'une microradiographie pour permettre d'interpréter l'âge.

Des programmes de marquage peuvent être adoptés pour estimer la croissance, la mortalité et la fréquence des mouvements. Les systèmes de marquage des requins qui donnent de bons résultats sont des marqueurs internes introduits dans la cavité cœlomique (cavité corporelle) à travers la paroi corporelle, des boucles d'identification (Rototag) passées au travers des bases antérieures des nageoires dorsales et des marqueurs en forme de pointe insérés entre le cartilage basal des nageoires dorsales. Les marqueurs en forme de pointe insérés dans le tissu musculaire ont de faibles taux de rétention. L'injection d'oxytétracycline dans les requins, ou d'un autre colorant des tissus durs permet de valider les hypothèses au sujet de la périodicité des stries d'accroissement dans les vertèbres des requins et dans d'autres parties dures utilisées pour la détermination de l'âge.

De nombreuses espèces de requins se regroupent dans des sites déterminés pour s'accoupler ou mettre bas, ou empruntent certaines voies de migration prévisibles pour s'y rendre. Il est important d'identifier ces sites et ces voies, car il pourrait être nécessaire de les soumettre à un régime spécial qui consisterait à en faire des zones interdites à la pêche en permanence ou durant certaines saisons, afin de protéger les poissons en période de reproduction. Les habitats essentiels peuvent être identifiés et observés à l'aide de méthodes scientifiques.

Il pourrait aussi être nécessaire d'accorder une protection spéciale contre les incidences de la pêche et la dégradation des habitats aux espèces qui possèdent des nourriceries bien circonscrites, où se trouvent les nouveau-nés et les juvéniles. Souvent situées dans des endroits peu profonds à proximité de la côte, les nourriceries sont exposées à l'altération des habitats résultant du développement industriel, domestique et agricole dans les zones côtières et les bassins versants. D'autres facteurs, tels que l'aquaculture, l'écotourisme, la propagation d'organismes exotiques, la pollution du milieu marin, et, dans certaines régions du monde, le réchauffement de la planète et l'appauvrissement de la couche d'ozone, sont susceptibles de nuire aux nourriceries. Ces changements doivent être suivis attentivement.

5.9 Gestion des données

Il y a lieu de conserver les données sous leur forme primaire et d'assurer le fonctionnement à long terme de systèmes de gestion des données. Le volume des données primaires brutes est souvent très élevé et ne peut être exploité de manière efficace que s'il est incorporé dans un système de gestion de bases de données. Une base de données remplit les fonctions suivantes:

- veiller à ce que les données soient conformes aux classifications normalisées

- garantir la validité des données

- assurer l'intégrité des données et leur cohérence interne

- assurer la conservation et la tenue des données primaires

- autoriser un accès facile aux données afin de faciliter leur synthèse

- permettre l'intégration de différents ensembles de données, de façon à accroître leur utilité et leur valeur.

À mesure que la puissance des outils informatiques s'accroît, il devient plus facile et moins coûteux de stocker et de traiter de grands volumes de données primaires. Il est important d'associer des concepteurs de bases de données à la conception de tous les systèmes de collecte de données.

Les bases de données locales peuvent être intégrées dans un système qui facilite leur gestion et leur validation. Les données saisies et validées localement devraient être accessibles depuis la base de données centralisée.

Pour suivre et évaluer les stocks transfrontières, il faudra partager les données au niveau régional et donc intégrer les données recueillies par le biais de différents programmes nationaux de collecte de données sur la pêche. Cette intégration est subordonnée aux conditions suivantes.

5.10 Évaluation des stocks

Les États et les ORAP devraient conduire une évaluation du stock, et la documenter de façon exhaustive, pour chaque espèce importante capturée dans les pêcheries où elle est visée et réunir des informations sur les tendances manifestées par les pêcheries où les requins sont capturés accidentellement et rejetés ou non.

Les caractéristiques biographiques des requins diffèrent de celles de la plupart des téléostéens et invertébrés, pour se rapprocher davantage de celles des mammifères marins et terrestres, qui sont celles des animaux obéissant à une sélection de type K. De sorte qu'à bien des égards, la dynamique des stocks halieutiques de requins ressemble davantage à celle des populations de mammifères marins qu'à celle des stocks de téléostéens ou d'invertébrés. Les modèles d'évaluation des stocks halieutiques doivent donc être appliqués avec discernement.

En l'absence de données chronologiques sur les captures et les indices d'abondance des stocks, on évalue les populations de requins par analyse démographique ou par analyse du rendement par recrue, lesquelles ignorent la régulation dépendante de la densité. L'analyse démographique est un processus qui combine les taux de mortalité et de natalité en fonction de l'âge pour produire des estimations du taux de reproduction net, de la période intergénérationnelle et du taux de croissance intrinsèque (instantané). Cette méthode requiert l'établissement d'une table de cohorte pour la population, basée sur des estimations fiables de la mortalité, de la natalité et de la longévité, et repose habituellement sur les hypothèses suivantes: stabilité de la répartition des âges, proportion des sexes identique et taux de recrutement constant. Récemment, on a affiné l'analyse démographique en y incorporant les effets dépendants de la densité, en autorisant la variation de la mortalité des adultes en fonction de la taille de la population. L'analyse du rendement par recrue est une forme simplifiée de l'analyse démographique, car elle n'inclut pas les taux de reproduction; mais, à l'instar de l'analyse démographique, elle suppose que le recrutement est constant et indépendant de la taille du stock.

L'évaluation des stocks devrait intégrer une série chronologique des estimations des captures totales, en nombre ou en poids, celles-ci représentant un prélèvement de biomasse et d'individus de l'écosystème et l'impact fondamental que la pêche exerce sur les populations de poissons. Les évaluations devraient aussi s'appuyer sur une série chronologique d'indices d'abondance, calculés à partir de la CPUE ou des campagnes indépendantes de la pêche. Lorsqu'on dispose de séries chronologiques sur les captures et les indices d'abondance des stocks, il est possible d'évaluer les populations de requins à l'aide de modèles de dynamique de la biomasse. Ces modèles reposent sur l'hypothèse que le taux de croissance de la population réagit immédiatement à un changement de densité de la population et que le taux de croissance naturelle correspondant à une densité donnée est indépendant de la composition du stock selon l'âge. Si ces hypothèses sont envisageables dans le cas des espèces plus productives, à durée de vie plus courte, elles ont toutes les chances de ne pas s'appliquer aux espèces à longue durée de vie et peu productives.

Les modèles délai-différence présentent des avantages sur les modèles de dynamique de la biomasse en ce sens qu'ils intègrent quelques informations biologiques. Toutefois, ni le modèle de dynamique de la biomasse, ni le modèle délai-différence ne peuvent traiter toutes les informations sur la reproduction des requins et tous deux se basent sur l'hypothèse d'une “sélection très poussée”, qui n'est pas valable dans le cas des filets maillants ou des chaluts.

Les modèles d'évaluation les plus appropriés aux requins sont complètement structurés en fonction des âges et ne décrivent pas un état d'équilibre, ils peuvent inclure des séries chronologiques sur les captures et les indices d'abondance, les paramètres démographiques de croissance, de reproduction et de mortalité naturelle et des paramètres ayant trait à la sélectivité des engins de pêche. Il est possible d'adapter ces modèles afin d'y inclure des données annexes, comme la taille moyenne ou le poids moyen des requins de la capture. Il est également facile de les adapter pour y incorporer d'autres hypothèses possibles sur des mécanismes dépendants de la densité qui s'expriment à travers la mortalité, la fécondité ou la croissance naturelles dépendantes de la densité. Ces modèles peuvent aussi être structurés dans l'espace afin d'inclure des données ventilées dans l'espace et d'intégrer les déplacements des requins entre différentes régions de la pêcherie.

Pour établir la structure complexe du stock d'une espèce, on évalue les stocks à l'aide de modèles structurés dans l'espace et de données ventilées dans l'espace. Dans certains cas, les modèles multi-stocks s'imposent. L'évaluation du stock d'une pêcherie à l'aide de modèles agrégés dans l'espace peut donner des résultats très incertains. Les indices d'abondance et les paramètres démographiques, qui tiennent compte de la structure spatiale et de la structure du stock et qui combinent les données concernant la recapture d'un poisson relâché après marquage avec les données sur les captures, sont à même de réduire sensiblement le degré d'incertitude de l'évaluation.

Dans certaines pêcheries, l'évaluation des stocks à l'aide de modèles structurés dans l'espace peut requérir qu'il y ait des sous-populations qui ne se reproduisent pas entre elles à un moment donné, mais qui se mélangent à d'autres stades de leur vie. Ces sous-stocks qui se mélangent peuvent faire preuve d'un “attachement au pays natal” qui se concrétise par un “retour au bercail” au cours duquel les requins femelles gravides retournent sur leur lieu de naissance. Selon cette hypothèse, le “stock” peut être défini comme un “groupe d'animaux qui ont la même nourricerie et le même schéma de déplacement”. Si les femelles de différents stocks s'accouplent au hasard avec les mâles, alors le “stock” a plus de chances de reposer sur la mémoire que sur la génétique.

Dans le cas des espèces migratrices, les modèles structurés dans l'espace doivent s'appuyer sur des estimations de la fréquence des mouvements entre les diverses régions d'une pêcherie. Une approche consiste à estimer la fréquence des mouvements entre des régions distinctes, lorsque cette fréquence décrit la proportion d'animaux quittant une région pour se rendre dans l'autre durant un intervalle de temps spécifié. Cette approche traite séparément la contribution de chaque requin marqué et fait appel aux données sur les requins marqués recapturés et non recapturés. Les données à introduire dans le modèle englobent la totalité de l'effort de pêche inscrite dans des intervalles de temps discrets pour chaque type d'engin de pêche, la sélectivité de chaque engin déployé dans la pêcherie, ainsi que la région, la longueur du requin et les dates de relâchage et de recapture.

Les programmes de relâchage-recapture de requins marqués ont souvent une échelle trop limitée pour permettre de déterminer le nombre de paramètres de mouvement à introduire dans un modèle d'évaluation du stock complètement structuré dans l'espace. Une méthode consiste à élaborer une série d'hypothèses (variantes possibles) concernant le mouvement, susceptibles d'être converties en modèles de simulation, modulables selon les différentes valeurs de paramètres supposés de mouvement. Ces valeurs des paramètres peuvent ensuite être utilisées en tant que valeurs fixées ou valeurs de départ, qui seront réestimées ultérieurement, dans un modèle d'évaluation du stock complètement structuré dans l'espace.

5.11 Adoption du Système de référence du développement durable

Le fait d'établir les objectifs visant la pêche au requin et la conservation des requins dans le cadre du Système de référence du développement durable (SRDD) présente des avantages qui sont décrits dans le huitième numéro des Directives techniques de la FAO pour une pêche responsable: “Indicateurs pour le développement durable des pêches de capture marines”. Le SRDD offre un cadre qui s'articule autour de quatre dimensions (économique, sociale, écologique, de gouvernance) et qui permet d'établir des “critères”, de fixer des “objectifs” et d'ordonner les “indicateurs” s'y rapportant ainsi que leurs “points de référence” (ou valeurs de référence) respectifs.

Un SRDD efficace sélectionne, ordonne et utilise les indicateurs de façon à livrer des informations pertinentes sur la réalisation des objectifs du développement durable et des objectifs politiques (y compris leur fondement juridique), à l'échelle voulue. Il est peu coûteux et simple à compiler et à utiliser. Il optimise l'utilisation de l'information, traite différents niveaux de complexité et différentes échelles et facilite l'intégration et l'agrégation des indicateurs. En outre, il fournit des informations prêtes à être communiquées aux parties prenantes et peut contribuer à améliorer directement les processus de prise de décisions. L'élaboration d'un SRDD se déroule en cinq étapes.

i) Préciser la portée du SRDD. Dans le cas des requins, cela pourrait consister à établir un SRDD pour une pêcherie de requins, pour les captures accessoires de requins dans une pêcherie où les espèces de requins ne sont pas visées, ou pour une espèce de requin réclamant une “gestion spéciale”.

ii) Créer un cadre pour la mise au point des indicateurs. Ce cadre peut obéir à une approche structurelle représentant les quatre dimensions du développement durable. Le cadre dénommé “pression-état-réponse” est particulièrement recommandé, qui repose sur la pression imposée par les activités humaines sur certains aspects du système, les états de ces aspects et les réponses sociétales souhaitées.

iii) Spécifier les critères, les objectifs, les indicateurs potentiels et leurs points de référence. Les “critères” incarnent les propriétés du système qui seront affectées par l'instauration du développement durable. Celles-ci sont déterminés par les quatre dimensions du SRDD, et, dans chaque dimension, on définit plusieurs critères pour sélectionner les objectifs, les indicateurs et les points de référence. Ces critères englobent, par exemple, la capture, la valeur de la capture, et la valeur nette de la pêche dans le cas de la dimension économique; l'emploi, le revenu, la tradition halieutique et la consommation de protéines, s'agissant de la dimension sociale; l'abondance relative, le taux d'exploitation et la structure de la capture pour la dimension écologique; et la capacité de gestion, la transparence du processus et le degré de mise en conformité pour la dimension de gouvernance. Les critères améliorent la communication, la transparence, l'efficacité et la comptabilité de la gestion des ressources naturelles.

Les “indicateurs” sont des outils d'aide à l'évaluation des résultats atteints par les politiques et la gestion de la pêche, aux échelons mondial, régional, sous-régional, national et infranational. Ces outils permettent de décrire la situation des ressources halieutiques et des activités halieutiques et d'évaluer les tendances associées aux objectifs du SRDD, sous une forme aisément compréhensible. Les indicateurs jouent un rôle important dans la communication des résultats scientifiques aux décideurs puisque, à partir de modèles complexes, ils leur fournissent des données finales exprimées en termes simples. Lorsqu'une dimension du SRDD l'autorise, l'élaboration des indicateurs devrait débuter par l'identification des objectifs, se poursuivre par la définition d'un modèle (conceptuel ou numérique) décrivant la compréhension scientifique du système, et se conclure par la détermination des variables du modèle qui mesurent la performance par rapport aux objectifs fixés et pour lesquelles les informations sont déjà disponibles ou faciles à obtenir. Les indicateurs doivent être valables sur le plan scientifique, en ce sens que, en l'état actuel des connaissances, ils reflètent l'objectif qu'ils sont supposés décrire et mettent à profit les meilleures connaissances scientifiques disponibles. Les indicateurs doivent aussi être réalisables, efficaces par rapport à leur coût et faciles à comprendre. L'interprétation de la variation des valeurs affichées par un indicateur au cours du temps n'a de sens, dans le cadre du SRDD, que par rapport à une valeur de référence correspondant à un “objectif”, qui peut être soit un objectif précis, soit une contrainte (limite) identifiée pour le système.

Les “valeurs de référence” sont appelées par convention “points de référence visés” et “points de référence limites” (ou “points de référence seuils”). L'élaboration et la formulation d'un ensemble d'“objectifs” qui sera accepté par toutes les parties prenantes représentent déjà une étape majeure vers l'instauration du développement durable. Le SRDD met les objectifs en perspective et peut contribuer à rendre explicites les relations et les compensations entre les objectifs. Pour certains critères, des objectifs tels que la conservation ou la reconstitution du stock de poissons peuvent être stipulés dans des accords internationaux bien spécifiques, des textes de loi ou correspondre aux attentes de la population. D'autres peuvent n'avoir jamais été clairement formulés.

Les “objectifs” se rapportant à un critère donné doivent être identifiés à différents niveaux du système. Certains objectifs découlent d'accords internationaux ou de politiques nationales en vigueur, mais d'autres doivent être beaucoup plus spécifiques. Les objectifs sont, par exemple, la conservation ou la reconstitution d'un stock de requins. Un objectif plus spécifique consisterait à maintenir la biomasse d'un stock à un niveau capable de supporter le rendement durable optimal, niveau qui a été défini par rapport à deux points de référence concernant la biomasse: Blimite, un point de référence limite indiquant le plus bas niveau de biomasse compatible avec la pérennité de la ressource, et Bobjectif, un point de référence traduisant le niveau de biomasse jugé approprié à la pêche et visé dans le cadre de la gestion.

iv) Sélectionner un ensemble d'indicateurs et de points de référence. Le cadre, les critères et les objectifs associés à chaque critère devraient, pris ensemble, donner une représentation admise de la signification du développement durable pour la pêche et rendre limpide la marche à suivre pour mettre au point l'indicateur et le point de référence. Si, par exemple, l'objectif consiste à maintenir la mortalité halieutique à un niveau spécifié, l'indicateur et son point de référence sont déjà définis. Lorsque les objectifs sont moins quantitatifs, les indicateurs et les points de référence sont plus difficiles à définir. En général, les indicateurs devraient s'appuyer sur des priorités politiques et répondre aux impératifs suivants: faisabilité, disponibilité des données, efficacité par rapport au coût, forme compréhensible, exactitude et précision, fiabilité, validité scientifique, acceptabilité pour les parties prenantes, aptitude à communiquer l'information, opportunité, justification juridique et documentation adéquate.

La sélection des indicateurs et des points de référence s'opère en cinq étapes: i) déterminer les critères et les objectifs précisés ou implicites autour desquels les indicateurs et les points de référence s'articuleront, ii) mettre au point un modèle conceptuel du mode de fonctionnement du système, iii) déterminer les indicateurs et les points de référence potentiels nécessaires pour évaluer les progrès par rapport aux objectifs, iv) étudier la faisabilité, la disponibilité des données, le coût et les autres facteurs qui conditionnent l'application pratique des indicateurs et v) fournir des informations sur les méthodes utilisées pour calculer ou formuler les indicateurs.

v) Spécifier la méthode d'agrégation et de visualisation. Les indicateurs et leur interprétation doivent être présentés sous une forme facile à comprendre par l'utilisateur. Les indicateurs peuvent s'exprimer par une simple valeur, mais la comparaison des indicateurs au sein d'un système et entre différents systèmes exigera un changement d'échelle. Pour ce faire, on convertit l'indicateur en quotient afin de créer un “point de référence relatif”. Si, par exemple, une valeur de référence de la biomasse mature (par exemple la biomasse mature initiale) est prescrite, l'indicateur dont l'échelle aura été modifiée sera un quotient (ou une proportion) de cette valeur et se situera entre 0 et 1. L'interprétation de l'échelle de l'indicateur en termes de jugement de valeur (par exemple “bon”, “passable”, “médiocre”) présente des avantages dans la mesure où les objectifs sociétaux sont respectés.

5.12 Gestion et évaluation du risque

L'approche de précaution (voir section 1.4) et le Système de référence du développement durable (voir section 5.11) forment ensemble un cadre décisionnel pour la gestion des risques dans le domaine de la conservation des espèces de requin et de la gestion de la pêche au requin. La prise de décisions implique le risque qu'une incertitude débouche sur un résultat indésirable. Le traitement de l'incertitude dans la conservation des espèces et la gestion de la pêche passe par l'évaluation du risque.

S'agissant d'un stock de requins, l'évaluation du risque revient à quantifier le degré d'incertitude des résultats d'un modèle d'évaluation intégrant la dynamique de la population du stock, compte tenu du modèle adopté avec toutes ses hypothèses implicites et explicites et des données disponibles. Afin d'évaluer le risque, le modèle doit inclure des composantes stochastiques, dans lesquelles un ou plusieurs paramètres du modèle sont exprimés en distributions de probabilité et/ou les données, comme la série chronologique des indices d'abondance, sont ajustées au modèle sous la forme de distributions de probabilité plutôt que de simples valeurs moyennes.

Pour évaluer les risques associés à l'exploitation d'une population de requins, on calculera, par exemple, la probabilité que la taille de la population tombe en dessous d'un certain seuil (“point de référence biologique”).Dans le cas présent, la taille de la population peut se traduire par la biomasse totale, la biomasse mature, le nombre total d'animaux, le nombre de recrues, le nombre de naissances ou une autre quantité, habituellement exprimée comme une proportion de la taille de la population initiale (avant la pêche). Dans le cadre du SRDD, ces paramètres sont des “indicateurs” de l'abondance du stock, prise ici comme “critère”; le “point de référence biologique” serait un “point de référence limite” et/ou un “point de référence visé” et l'“objectif” de gestion consisterait à maintenir la taille de la population au-dessus du “point de référence” spécifié. S'agissant de la “gestion des risques”, toutefois, chaque “point de référence” doit être exprimé en regard d'un “niveau de risque” et d'une “période de risque”. Ensemble, ces éléments composent un cadre approprié à l'“analyse des risques” dans l'évaluation du stock et, appliqués à une projection dans l'avenir, à l'évaluation d'autres stratégies d'exploitation possibles. Ce cadre se prête aussi à la formulation de règles décisionnelles adoptées dans le cadre d'un processus consultatif. Ensuite, si le modèle d'évaluation et les données retenus prédisent que l'“indicateur” tombe en dessous du “point de référence” (l'événement défavorable) à la valeur de la probabilité du risque désignée durant une période spécifiée, des mesures de gestion peuvent être appliquées rapidement, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une large consultation. Pour illustrer d'un exemple le fonctionnement de cette procédure, on pourrait introduire des changements convenus et prescrits dans la stratégie d'exploitation appliquée (en cours) dans une pêcherie de requins, si le modèle d'évaluation prédisait que d'ici 7 ans (“période” adoptée) la biomasse mature du stock aurait une probabilité de 20 pour cent (niveau de risque adopté) de tomber en dessous de la barre des 40 pour cent de la biomasse mature initiale (“point de référence limite” adopté).


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