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Chapitre 2. Les éléments qui déterminent la décision de décentraliser


OBJECTIF

L'objectif de ce chapitre est d'analyser quelques uns des principaux problèmes théoriques et pratiques relatifs à la décision de décentraliser. La première question qui sera abordée portera sur les différentes raisons économiques pour lesquelles des administrations peuvent souhaiter s'impliquer dans la prestation de services agricoles. La nature de ces «prestations» sera ensuite étudiée. Suivra alors une analyse de trois des grands principes en fonction desquels se déterminent la forme et l'ampleur d'une décentralisation, à savoir le principe de subsidiarité, de spécialisation et de non-superposition de compétences. Enfin, seront aussi examinés les problèmes pratiques qui, pour l'essentiel, portent sur les aspects organisationnels qui affectent les résultats de la réforme institutionnelle.

POINTS CLÉS

· Les principales raisons pour lesquelles les administrations s'impliquent dans la prestation de services agricoles tiennent à l'existence de dysfonctionnements des marchés, à l'existence de biens méritoires et à la volonté de redistribuer le revenu.

· La prestation d'un service peut être analysée selon quatre composantes: le financement, la production, la réglementation et la consommation. Il n'y a aucune raison pour que ces composantes soient prises en charge par la même unité, la même organisation ou le même niveau de gouvernance.

· Trois principes fondamentaux aident à décider de la forme pertinente de décentralisation. Il s'agit des principes de subsidiarité, de non-superposition des compétences et de spécialisation.

· Sachant que la décentralisation requiert une modification des organisations et de leurs interrelations, il est nécessaire de bien comprendre la culture des organisations, les structures de pouvoir et les rôles et motivations des fonctionnaires et responsables politiques des administrations concernées.

2.1 Les rôles traditionnels de l'administration en tant que prestataire de services

Les «défaillances» du marché

Les réformes institutionnelles mises en œuvre au cours des dernières décennies en matière de services à l'agriculture ont permis de mettre l'accent sur les raisons qui justifiaient l'engagement des pouvoirs publics en ce domaine. L'une de ces principales raisons tient à l'existence de ce qui a été perçu comme diverses formes de «défaillances» ou de «dysfonctionnements» du marché. Par ces termes, on se réfère aux cas où on ne peut aboutir à des situations économiquement efficaces[19], c'est-à-dire où les prix des biens et services reflètent adéquatement les coûts (d'opportunité) de la société qui les produit, alors même que l'allocation de ces biens et services résulte du libre jeu des échanges marchands et de la libre entreprise.

Exclusivité et rivalité

Le peu d'exclusivité[20] et la faible rivalité[21] sont deux causes des défaillances du marché. Ces caractéristiques concernent les biens collectifs purs que sont les lois, les réglementations et régulations instaurées par les organismes publics, les services assurés par le système de défense nationale, par la police, par le système judiciaire ou encore les services d'inspection de l'agriculture. Ces biens sont habituellement fournis par l'administration et financés par le biais des impôts car ils profitent potentiellement à tous les membres de la société et l'existence de «resquilleurs» ne permet guère de faire payer directement les usagers.

Classification des différents types de biens

Dans le cas de nombreux services à l'agriculture, le degré d'exclusivité et de rivalité dépend cependant de la nature du service et des conditions dans lesquelles celui-ci est assuré. Des services identiques tels que le conseil technique pourront ainsi, dans certaines situations, n'être efficacement fournis que par le secteur privé et dans d'autres, par le secteur public. En outre, certains services appelés biens à péage ou biens de club[22] sont non-rivaux (au moins jusqu'au point où les capacités de production déterminent le coût marginal de l'unité supplémentaire) tout en étant exclusifs. Le secteur privé et les organisations de la société civile (OSC) proposent ainsi de nombreux biens de club et les font payer à leurs utilisateurs. Mais lorsque l'offre provient d'un monopole, certaines formes d'intervention publique peuvent s'avérer nécessaires, de façon à empêcher que les prix appliqués ne soient supérieurs à ceux justifiés par l'efficacité économique. Le terme de «biens en propriété collective» fait référence à des biens rivaux qui sont aux mains de l'état, d'un groupe d'individus ou encore d'OSC qui en contrôlent l'accès. Cela s'applique par exemple souvent au cas des parcelles de parcours dont les droits d'accès sont régis par des droits coutumiers. Comme on le verra au chapitre 11, cela s'applique souvent aussi à la distribution de l'eau car il est alors important de garantir un accès identique à toutes les parties. A l'autre extrême de ce spectre, se trouvent les biens privés purs qui sont à la fois exclusifs et totalement rivaux. Les fertilisants ont ces deux caractéristiques et offrent un bon exemple de biens qui peuvent être efficacement fournis par le secteur privé et commercialisés par le biais du marché[23].

Les externalités et les retombées

Une autre cause des «imperfections du marché», qui elle aussi peut justifier l'intervention publique, tient à l'existence de ce qu'on appelle des externalités, effets externes ou retombées[24]. Lorsque les externalités concernent des biens habituellement considérés comme privés, les mécanismes d'intervention des pouvoirs publics visant à rendre la production et la consommation économiquement plus efficaces passent généralement par des instruments de réglementation et de fiscalité. Les contrôles directs de la production, les taxes et subventions, et la création de droits de propriété et de marchés portant sur ces externalités[25] constituent les principaux outils utilisés. Mais lorsque les capacités de gouvernance sont faibles ou que les instruments de réglementation administrative et fiscale sont susceptibles d'être contournés, les pouvoirs publics n'ont souvent pas d'autre solution que de se lancer eux-mêmes dans la production du bien concerné.

Les monopoles

Les «dysfonctionnements du marché» se manifestent aussi lorsqu'on se trouve en présence de monopoles et qu'il y a de fortes probabilités que les prix soient nettement supérieurs au niveau des coûts de production et du profit économique courant. Mais certaines situations de monopole découlent aussi des interventions publiques lorsque, par exemple, une administration accorde à un agent économique public ou privé un droit exclusif d'achat de certains produits agricoles auprès des paysans. Les tendances monopolistiques peuvent également résulter de la totale mainmise d'un agent sur l'utilisation d'un bien (par exemple, un puits ou le matériel biologique de semences hybrides), de la fragmentation d'un marché, des économies d'échelle, de la faiblesse des infrastructures ou encore du manque de crédit. Les pouvoirs publics peuvent s'opposer à ces tendances en instaurant des politiques qui favorisent la concurrence et le libre échange et qui garantissent aux producteurs nationaux et internationaux l'abaissement des barrières commerciales. Mais dans le cas des monopoles naturels[26], les pouvoirs publics risquent fort d'assumer eux-mêmes la responsabilité directe de la production d'un bien ou d'un service afin de peser sur les prix pour qu'ils soient en deçà du coût moyen de production et non, comme c'est alors le cas, supérieurs à son coût total. A défaut, ils peuvent aussi réguler les prix du secteur privé ou la distribution de ses produits.

Une autre cause de «dysfonctionnement» tient encore à l'absence de marchés ou au fait que les marchés sont incomplets du fait d'informations imparfaites, de l'existence de risques ou de la faiblesse des infrastructures de transport et de communication. Tout cela affecte plus spécialement la prestation des services agricoles dans les zones isolées et renchérit ses coûts au point d'empêcher souvent le secteur privé de proposer certains biens et services.

Les biens méritoires

Jusqu'ici, ont été analysés les différents types d'imperfections du marché qui permettent de justifier certaines formes d'intervention des pouvoirs publics visant à améliorer l'efficacité économique. Mais cette intervention dans l'offre de services peut aussi avoir une autre justification liée à la notion de biens méritoires ou tutélaires. Ces derniers sont constitués de biens ou services dont la consommation est préconisée par les pouvoirs publics afin de protéger les individus soit d'eux-mêmes, soit des autres, dans des cas où l'on considère que les gens risquent de ne pas agir dans le sens de leur intérêt[27] s'ils sont laissés à eux-mêmes. Justifiée par l'idée paternaliste que les pouvoirs publics sauraient mieux que les individus où se trouve leur propre intérêt, ce type d'intervention des pouvoirs publics ne doit pas être confondu avec les interventions visant à corriger les externalités.

La redistribution du revenu

Même lorsqu'une économie est à l'optimum économique, cela ne signifie pas pour autant que la répartition des biens qu'elle produit soit cohérente avec les objectifs gouvernementaux. Les pouvoirs publics peuvent ainsi souhaiter mettre en place des filets de sécurité visant à permettre à des personnes temporairement ou durablement défavorisées d'accéder à des niveaux minimums de certains biens ou services. De la même façon, lorsque le principal objectif d'un gouvernement est de se maintenir au pouvoir, il peut s'appuyer sur l'attribution de biens ou services pour améliorer les prestations sociales de ses électeurs potentiels. Si sa rélection dépend plutôt du vote des consommateurs urbains que de celui des habitants des zones rurales, on peut alors s'attendre à voir une augmentation des prestations de biens et services (subventionnés) dans les zones urbaines et un relatif abandon des prestations en zones rurales, voire même à leur taxation. Si par contre, un gouvernement est plus préoccupé par la réduction des inégalités du revenu ou la lutte contre la pauvreté, ses interventions en matière de prestation de biens et de services ont toutes les chances d'être totalement différentes, notamment si la pauvreté est un phénomène principalement rural.

2.2 Une décomposition de la «prestation»

Dans le passé, les pouvoirs publics ont souvent réagi aux dysfonctionnements du marché en se chargeant eux-mêmes d'assurer la prestation de certains services[28]. Cependant, comme cela sera rappelé tout au long de ce document, les réformes institutionnelles mises en œuvre au cours des dernières décennies reposent, entre autre, sur un constat, à savoir qu'il est possible de scinder toute offre d'un bien ou prestation d'un service selon quatre composantes:

Chaque composante peut être prise en charge par un agent spécifique

Ainsi que cela sera répété - là encore - plusieurs fois dans le présent document, il n'y aucune raison pour que ces composantes soient prises en charge par la même unité, la même organisation ou le même niveau de gouvernance. Il s'agit là d'un point fondamental pour toute décision de décentralisation. Dans certains cas, l'état pourra ainsi décider que certains services doivent être réglementés au niveau central tandis que le financement sera assuré par les collectivités locales. Dans le même temps, ces collectivités locales pourront considérer que la production du service est plus efficacement assurée par le secteur privé, dans le cadre d'un contrat, et que les consommateurs finaux sont constitués de groupes cibles de communautés rurales locales. De la même façon, il n'y a aucune raison pour que, dans le cas de biens méritoires qui sont aussi des biens privés, l'administration centrale se charge de leur production si elle peut parvenir aux mêmes fins en se contentant de financer et de réglementer l'offre. Quoiqu'il en soit, une configuration spécifique peut être adoptée pour chaque type de bien ou de service.

2.3 La subsidiarité, la non-superposition des compétences et la spécialisation

2.3.1 Définitions

Au paragraphe 2.1, il a été expliqué que trois types d'arguments économiques permettent de justifier l'intervention publique dans l'offre des biens ou des services, à savoir l'existence de dysfonctionnements du marché, de biens méritoires et la volonté de redistribution du revenu. De la même façon, trois principes généraux aident à décider des niveaux de gouvernance les plus appropriés pour assurer les différentes composantes de l'offre d'un bien ou d'un service. Il s'agit des principes de subsidiarité, de non-superposition des compétences et de spécialisation. Ces trois concepts sont définis dans l'encadré 2.1.

Encadré 2.1 La subsidiarité, la non-superposition des compétences et la spécialisation

La subsidiarité

Principe selon lequel les responsabilités administratives doivent être assignées au niveau le plus bas de gouvernance susceptible d'assumer ces responsabilités avec compétence.

La non-superposition des compétences

Principe selon lequel un service devrait être financé et contrôlé au premier niveau de compétence qui n'entraîne pas d'externalités (voir le paragraphe 2.1) sur les juridictions adjacentes.

La spécialisation

Principe selon lequel des limites doivent être imposées au domaine de compétence au sein duquel une organisation a autorité pour prendre des décisions autonomes. La notion de «domaine de compétence» se réfère aux domaines pour lesquels une organisation a une responsabilité de décision et des moyens pour les mettre en œuvre.

La subsidiarité

Plusieurs facteurs influencent le niveau de subsidiarité. L'un tient à l'existence d'économies d'échelle par rapport à la taille du pays. Lorsque l'offre d'un service profite d'économies d'échelles importantes, sa décentralisation et la création des petites unités qui en auront la charge auront tendance à renchérir les coûts moyens. Il est donc probable que le niveau de subsidiarité sera alors plutôt élevé. Un autre facteur renvoie au souhait plus ou moins marqué de l'administration centrale d'atteindre certains objectifs politiques, comme l'équité. Dans ce cas, l'administration centrale aura certainement tendance à vouloir continuer de contrôler l'allocation des ressources, voire même de sélectionner des groupes cibles bénéficiaires des services. Toute décentralisation peut en effet s'appuyer sur des mécanismes de déconcentration ou de délégation qui permettront à l'administration centrale de maintenir son contrôle alors même que celle-ci vise à atteindre certains objectifs de dévolution aux collectivités locales par le biais de dotations conditionnelles. Dans un tel cas, le niveau de subsidiarité aura par contre toutes les chances d'être relativement faible car il sera accepté que les services doivent être adaptés aux besoins locaux.

L'intérêt du principe de subsidiarité par rapport à la possibilité de scinder une prestation en ses diverses composantes devrait être évident. Il aide en effet à choisir quelles fonctions seront les mieux assurées par l'administration centrale, par les différents niveaux des collectivités territoriales, par les OSC ou par le secteur privé. D'autres exemples sont toutefois utiles pour mieux illustrer l'application du principe de subsidiarité. Dans les pays où la distribution d'eau est à la charge d'un organisme national, la subsidiarité aura éventuellement pour conséquence de placer la distribution dans certains quartiers ou dans certaines zones sous la responsabilité opérationnelle d'une agence locale autonome. Celle-ci sera en effet mieux placée pour se mettre au service de cette zone, pour prendre les décisions opérationnelles courantes, pour assurer la maintenance et réagir rapidement en cas de panne. En fonction du principe de subsidiarité, il peut donc s'avérer nécessaire de subdiviser de grands réseaux d'irrigations en unités indépendantes plus petites, chargées chacune de la maintenance et de l'entretien, et qui seront distinctes de l'agence responsable des portions du réseau nécessaires à toutes ces unités.

La non-superposition des compétences

L'impact des externalités varie énormément selon la zone géographique et le nombre de personnes concernées. Or cet aspect prend une importance particulièrement aiguë dans le cadre de la décentralisation car, pour être économiquement efficace, le service doit être géré et financé à une échelle qui n'entraîne pas d'effets externes. Ceci permet en effet de limiter le «resquillage». Ce raisonnement permet de comprendre pourquoi, par exemple, un service devra être géré et financé au niveau départemental lorsqu'il n'y a pas de retombées sur les départements adjacents. Dans la même logique, une piste qui donne accès à un unique village, un micro-projet d'irrigation dont les bénéficiaires appartiennent tous au même hameau, ou encore un dispensaire qui ne sert qu'à un village constituent des affaires communautaires ou éventuellement communales. Une route d'accès reliant plusieurs villages, un réseau d'irrigation à cheval sur plusieurs communes ou un centre de santé intercommunal sont par contre des affaires qui relèvent d'un niveau infra-départemental car leur impact déborde et retombe au-delà des limites communales.

La spécialisation

La spécialisation se réfère au domaine de compétence d'une organisation. A chaque niveau de gouvernance correspond un domaine de compétence, c'est-à-dire un ensemble d'activités ou d'orientations dont il est responsable et au sujet duquel il doit prendre des décisions de manière indépendante et mobiliser des moyens de mise en œuvre. Ce domaine de compétence peut se référer à:

Le principe de spécialisation ne permet pas toujours de définir de façon simple ce domaine de compétence. Les collectivités territoriales sont en effet des instances non-spécialisées qui abordent de nombreuses questions. Les instances de base des OSC sont par contre fortement spécialisées tandis que celles des niveaux supérieurs sont généralement impliquées sur plusieurs lignes d'activités sociales ou productives.

Certains domaines semblent par contre pouvoir être aisément définis en fonction du principe de spécialisation. Les écoles primaires sont, par exemple, souvent de la responsabilité des municipalités, les collèges des départements ou provinces, les lycées des régions et les universités de l'administration centrale. Cette répartition des responsabilités s'accompagne généralement d'une déconcentration partielle de l'administration ministérielle. Dans certains pays, les professeurs du primaire sont alors payés directement par la municipalité tandis que la construction des nouvelles écoles élémentaires est assurée par les collectivités territoriales lorsque celles-ci souhaitent, dans le cadre de la dévolution, utiliser à cet effet les fonds qui leurs sont alloués dans cette optique. La relation entre les administrations des écoles primaires et le Ministère de l'éducation en sera-t-elle alors modifiée? Des services tels que le système de santé ou la distribution d'eau sont souvent placés dans des configurations identiques.

Des problèmes similaires concernant les domaines de compétence peuvent se poser lorsque des attributions de plusieurs ministères font l'objet d'une dévolution aux collectivités locales. Dans quelle mesure, par exemple, le transfert des responsabilités depuis un ensemble de ministères responsables des différents aspects du développement rural - la promotion de l'éducation, la production agricole, les services de santé, les infrastructures de transport, la distribution d'eau, les communications, etc. - impliquera-t-il aussi un transfert de compétences en matière de fixation des normes et réglementations en fonction desquelles les services devront être assurés? Si les normes et réglementations de l'administration centrale doivent être respectées, quelles procédures l'administration doit-elle alors mettre en œuvre pour pouvoir les faire respecter? Dans quelle mesure sera-t-il possible de rendre ces procédures compatibles avec le détail de l'allocation des ressources des collectivités territoriales sachant que cela risque de compromettre la liberté d'initiative de ces dernières?

Lorsque l'intérêt général est manifestement en jeu, dans le cas par exemple de l'utilisation d'une ressource particulièrement rare telle que l'eau ou de la prévention d'une épidémie qu'elle soit animale ou humaine, il est clair qu'il est du ressort de l'administration centrale d'établir les règles et que les organisations décentralisées devront les appliquer. La dévolution de compétences sur un tel domaine devrait donc s'accompagner de l'obligation de respecter les niveaux supérieurs qui ont autorité de tutelle sur la réglementation en la matière. Cela instaure de fait une limite à ce domaine. Mais que dire alors en matière de recommandations techniques et de coûts dans le cas d'un service qui ne pose pas de problème d'intérêt général?

L'égalité de traitement

Lorsque l'administration centrale retient l'équité parmi ses principaux objectifs, l'offre de services doit suivre un principe supplémentaire, à savoir qu'à niveau égal, traitement égal. Quelques exemples permettront de mieux illustrer les implications de ce principe:

2.3.2 Une re-lecture des formes de décentralisation

On peut maintenant rapidement examiner comment les différents principes énoncés ci-dessus jouent sur les diverses formes de décentralisation.

La déconcentration

La déconcentration ré-attribue certaines tâches et fonctions spécifiques jusqu'alors exécutées par le personnel du siège de l'administration centrale à des fonctionnaires basés dans différents endroits du pays. Le personnel, l'équipement, les véhicules et les ressources budgétaires sont transférés à des unités des services départementaux ou régionaux. L'autorité de décision nécessaire à une conduite autonome des opérations est confiée aux responsables de ces services alors qu'auparavant ces décisions devaient être prises au siège de l'administration centrale ou tout au moins avalisées par celui-ci. Selon le principe de subsidiarité, la déconcentration conduit à une gestion des affaires dans laquelle l'autorité concernant les décisions opérationnelles est confiée au niveau administratif qui dispose directement de toutes les informations nécessaires pour prendre ces décisions. La déconcentration doit alors permettre d'améliorer l'efficacité de l'administration. Le principe de spécialisation ne s'y applique qu'en moindre mesure et dans les limites géographiques du territoire sur lequel les services déconcentrés ont autorité. Le personnel de ces services déconcentrés fait toujours partie de l'administration centrale et ne peut agir que sous son contrôle. Les fonctionnaires de base n'ont aucune autorité pour prendre des initiatives indépendantes concernant ce qui doit être fait; la planification, la programmation, la préparation du budget et le déblocage des ressources restent sous le contrôle du centre.

La délégation

La délégation transfert les responsabilités de mise en œuvre de certaines tâches et de prestation de certains services depuis l'administration centrale vers des organismes indépendants fonctionnant hors du cadre de l'administration publique. Comme exemples, on peut citer le cas d'une entreprise publique de distribution d'eau qui se voit confiée la responsabilité de planifier, construire et de faire fonctionner les réseaux de distribution (au-delà d'une certaine taille) à l'échelle du pays, ou encore le cas d'une agence de développement d'un bassin hydraulique, celui d'un institut de recherche agricole, d'un entrepôt céréalier stratégique ou bien d'un organisme de gestion de projets. La délégation repose sur l'application des principes de subsidiarité et de spécialisation. Les organismes délégués peuvent appartenir au secteur public ou au secteur privé. Des modifications d'ordre politique et fiscal sont nécessaires bien que l'administration centrale conserve ses prérogatives en matière de définition des orientations, d'identification de la politique à suivre et des objectifs spécifiques à atteindre, et d'approbation du budget détaillé de l'organisme bénéficiant de la délégation d'autorité. Les personnels de ces agences déléguées jouissent cependant d'une considérable autonomie de mise en œuvre, notamment en ce qui concerne la façon de conduire les actions qui leurs sont déléguées, y compris la gestion des ressources humaines et les procédures de passation de marchés. Ils sont en outre responsables de leurs résultats. Il est par ailleurs utile de souligner que, par le degré d'autonomie dans l'interprétation des tâches qu'elle implique, la délégation va bien au-delà d'un simple contrat. Un organisme sous contrat chargé de la construction d'un pont ne pourra ainsi le bâtir que là où le lui dira le Ministère des travaux publics et selon les caractéristiques techniques que celui-ci lui indiquera. Dans le cadre de la délégation, une compagnie nationale de distribution d'eau décidera par contre de manière indépendante du lieu où elle doit construire ses installations et de leurs caractéristiques techniques.

La dévolution

La dévolution constitue une forme beaucoup plus avancée de décentralisation. La dévolution transforme le rôle des administrations locales de simples agents de l'administration centrale en prestataires autonomes de biens et de services. Cela suppose que l'autorité, la responsabilité, les actifs et les ressources financières soient transférés vers les niveaux inférieurs des pouvoirs publics, départementaux ou régionaux dans le cas d'un état-nation, suivant les principes de subsidiarité et de spécialisation[30]. La dévolution requiert elle aussi des modifications d'ordre politique et fiscal. Les collectivités territoriales auxquelles sont confiés les moyens et responsabilités acquièrent une capacité autonome d'initiative et de décision concernant la définition de leurs propres règles, buts et objectifs. Elles acquièrent également une capacité d'élaboration et de mise en œuvre de leurs politiques et stratégies et une capacité d'affectation des ressources entre leurs différentes activités au sein du domaine de compétence qui leur est assigné. En outre, elles sont souvent mandatées pour trouver des ressources financières soit par des taxes, soit même, dans certains cas, en empruntant sur les marchés financiers.

Les OSC et le partenariat

Les principes exposés précédemment sont également à l'origine d'une partie de la logique qui sous-tend la création d'autres mécanismes de décentralisation en soutien à des communautés et groupes d'intérêts locaux existant à un niveau inférieur à celui des collectivités territoriales et hors de l'administration publique. On a pu voir, en effet, que d'après le principe de subsidiarité, il est nécessaire de s'adresser aux institutions les plus proches possible des bénéficiaires finaux des services concernés. Or non seulement les collectivités territoriales n'ont finalement pas toujours les moyens de répondre aux besoins de ces petits groupes de population mais elles sont, en outre, souvent surchargées par les tâches qui, suivant le principe de non-superposition des compétences, leur incombent à un niveau supérieur à celui du groupe ou de la communauté.

La privatisation

Partout dans le monde, l'expérience a montré qu'à de rares exceptions près, l'administration publique n'est qu'un piètre producteur de biens et de services. Cela tient notamment à ce qu'elle n'encourage guère la motivation comme le fait le secteur privé en récompensant la réussite et sanctionnant les résultats insuffisants[31].

Dès lors que les marchés des biens, des services et des ressources sont concurrentiels et fonctionnent correctement, le secteur privé et les OSC sont censés être en mesure d'assurer la production et la distribution des biens privés et des biens à péage dans les cas où n'interviennent aucunes considérations de «mérite» ou de «redistribution du revenu». Le secteur public n'a alors plus à supporter le coût de leur production et les forces du marché suffisent à déterminer l'équilibre entre le prix et le volume de ces biens et services et la demande solvable des consommateurs. Dans le cas où les pouvoirs publics avaient auparavant fortement soutenu l'offre de biens et de services subventionnés, le poids des dépenses publiques sur l'économie sera alors sensiblement réduit. En outre, les distorsions induites sur les prix et les revenus privés par le système de taxes auront tendance à diminuer, ce qui aura des effets d'entraînement positifs sur l'efficacité des mécanismes d'allocation des ressources. Comme cela a déjà été précisé, dans le cas des biens méritoires et des biens associés à une redistribution de revenu, les pouvoirs publics peuvent par ailleurs tout à fait envisager d'abandonner la production de ces biens et services au secteur privé tant que l'administration continue de financer tout ou partie de la dépense et détermine les modalités de sa répartition (consommation).

2.4 Les aspects organisationnels et politiques

2.4.1 La théorie du pouvoir

Comment fonctionnent les organisations

L'efficacité des réformes de décentralisation n'est jamais automatique. Un des problèmes cruciaux découle de la façon selon laquelle les organisations réagissent aux réformes, voire même à la seule crainte de telles réformes. La façon selon laquelle les organisations en général et plus particulièrement les organisations complexes telles que les administrations fixent leurs objectifs propres, définissent les rôles et fonctions de leurs différents services puis interprètent et mettent en œuvre leurs tâches n'est jamais le résultat d'une traduction simple et directe des objectifs généraux qui leurs ont été assignés[32].

Dans ce paragraphe, on abordera quelques uns des principaux facteurs qui déterminent le fonctionnement des organisations et notamment les relations de pouvoir qui se nouent au sein et entre organisations et qui peuvent influencer le résultat final d'un processus de décentralisation. Ces facteurs dépendent, au cas par cas, de la situation de chaque pays, des différentes organisations qui s'y trouvent ainsi que des caractéristique régionales et locales. Ils pèsent sur les modalités de formulation des politiques et, plus encore, sur la manière selon laquelle les décisions politiques sont réellement mises en œuvre.

La théorie du pouvoir

La théorie du pouvoir au sein et à la périphérie des organisations vise à comprendre comment les forces internes et externes à ces organisations déterminent la façon dont celles-ci fixent leurs objectifs, décident de leur structure, développent des dynamiques de management et répondent de fait au jeu des interactions de ces mêmes forces. Cette théorie postule l'existence de coalitions internes et externes entre «groupes d'influence».

Les coalitions internes

A l'intérieur d'une organisation, les groupes d'influence sont constitués par le directeur général, les directeurs de tutelle, la ligne hiérarchique des managers, les planificateurs/contrôleurs/évaluateurs et le personnel d'appui logistique. L'idéologie (collective), ici appréhendée en tant que culture de l'organisation (voir paragraphe 2.4.3), constitue également un facteur d'influence décisif. Les groupes d'influence des différentes catégories peuvent former ensemble des coalitions internes. La coalition interne peut diriger une organisation sur la base de:

Suivant le style de management et la façon dont sont organisées les relations internes, la théorie établit dès lors une distinction entre différents types de coalitions, qualifiées selon les cas de bureaucratique, personnalisée, idéologique, professionnelle ou politisée.

Les coalitions externes

Les groupes d'influence externes ou périphériques à une organisation sont formés par:

Ces groupes peuvent eux aussi constituer une coalition externe qui influence le fonctionnement d'une organisation, notamment dans le cas des grandes entreprises ou des administrations. Ces coalitions externes peuvent être:

Les configurations de pouvoir

Le pouvoir est défini comme étant la capacité d'influer sur le fonctionnement, la production et finalement le résultat des organisations. Dans cette perspective, la décentralisation a pour objet de redistribuer des fractions de pouvoir au sein d'une société. La combinaison des caractéristiques internes et externes des coalitions détermine alors ce qu'on appelle la configuration de pouvoir de l'organisation. Les différentes interactions entre coalitions sont illustrées par le schéma 2.1 tandis que le tableau 2.1 récapitule les caractéristiques des différentes configurations de pouvoir.

Schéma 2.1 La configuration de pouvoir des organisations

Le premier cas présenté dans le tableau 2.1 correspond à une configuration de pouvoir avec une coalition externe dominée et une coalition interne rigide de type bureaucratique. C'est le cas le plus proche de la situation avec un acteur unique et un objectif unique retenue comme hypothèse dans la théorie élémentaire de la firme de l'économie néo-classique et au niveau de base de la théorie du management par objectifs. Il n'y a que dans ce cas que l'organisation puisse être considérée comme l'instrument du groupe ou de la personnalité dominante de la coalition externe. Or, la plupart des analyses économiques des organisations publiques et la plupart des recommandations émises par des conseillers internationaux font implicitement l'hypothèse que c'est cette configuration qui prévaut, bien souvent malgré les évidences du contraire.

L'image des configurations de pouvoir donnée par le tableau 2.1 ne doit pas être considérée comme statique car les conditions qui président à la définition des coalitions internes et externes tendent à évoluer avec le temps. Une organisation pourra ainsi voir sa coalition externe passer d'un état dominé à un état passif, tout en conservant une coalition interne de type bureaucratique. Ce changement conduira à l'apparition d'un système clos, sans véritable autre but que la survie de l'organisation elle-même. L'émergence de divisions au sein de la coalition externe pourra par ailleurs se traduire par l'avènement d'une coalition interne politisée conduisant à une configuration de pouvoir relevant du jeu politique interne, avec le risque d'empêcher la mise en place de toute stratégie de développement ou même de survie de l'organisation.

Tableau 2.1 Les facteurs qui déterminent la configuration de pouvoir d'une organisation

Coalition externe

Coalition interne

Configuration de pouvoir

Dominée

Bureaucratique

Instrumentale

Passive

Bureaucratique

Système clos

Passive

Personnalisée

Autocratie

Passive

Idéologique

Missionnaire

Passive

Professionnelle

Méritocratie

Divisée

Politisée

Le jeu politique

Ainsi que le montre le tableau 2.2, différentes configurations de pouvoir peuvent être directement associées à différentes formes de gouvernement. En pratique cependant, les situations réelles auront tendance à plutôt combiner certaines des particularités mentionnées ci-dessus et plusieurs dynamiques d'interrelation des différentes forces internes et externes.

Tableau 2.2 Les configurations de pouvoir associées à certaines formes de gouvernement

Configuration de pouvoir

Type d'administration

Instrumentale

Colonies, la grande majorité des gouvernements des états démocratiques

Système clos

Communisme, les grandes administrations publiques indépendamment de la forme de gouvernement

Autocratie

Dictature, leaders des partis dictatoriaux dans les démocraties

Missionnaire

Révolutions culturelles

Jeu politique

Révolutions, anarchie, gouvernements pluralistes (la plupart des administrations publiques actuelles ont des caractéristiques relevant de cette configuration)

Résumé

La théorie du pouvoir interne et externe aux organisations est un instrument puissant qui aide à bien comprendre les rouages des organismes des secteurs public, privé et associatif et à prévoir leur fonctionnement et comportement. Ces analyses confirment la nécessité de concevoir les politiques de décentralisation en partant de constatations empiriques. La principale leçon que l'on peut tirer de ce rapide examen des principes de la théorie du management est que la décentralisation de l'administration publique est beaucoup plus facile à réaliser lorsque la coalition externe est dominée et la coalition interne bureaucratique, c'est-à-dire lorsque la configuration de pouvoir est d'ordre «instrumental». C'est par contre aussi le cas où la mécanique administrative est la plus efficace et où ses forces d'autoprotection sont les plus fortes. Dès lors, il risque d'être difficile de trouver les bonnes raisons qui justifieront une décentralisation et plus difficile encore de les faire accepter aux décideurs. Pour pouvoir concevoir une décentralisation sur une base rationnelle, il est en outre nécessaire d'être en présence d'une coalition externe dominée. Il sera par ailleurs plus facile de faire accepter l'idée d'une décentralisation lorsque la coalition externe est divisée mais sa conception risque alors d'être rendue difficile par la nécessité de devoir composer avec les différents intérêts en présence au sein de la coalition externe plutôt que de simplement prendre en compte l'intérêt général d'efficacité, de transparence et de bon fonctionnement des services publics. Enfin, une coalition interne personnalisée a toutes les chances de parvenir à s'opposer à la décentralisation lorsqu'elle est confrontée à des coalitions externes passives ou divisées.

Toutes les organisations d'une certaine taille et tous les niveaux de la gouvernance posent en définitive des problèmes similaires. Les collectivités territoriales et les agents autonomes de l'administration centrale sont en effet confrontés au même jeu de configurations de pouvoir. La multiplication des centres de gouvernance offrira dès lors un échantillonnage de situations variées et si certaines seront plutôt avantageuses, d'autres s'avéreront au contraire défavorables. Dans ces conditions, on comprend aisément pourquoi les premiers signes empiriques concernant le principe d'une éventuelle décentralisation sont rarement positifs.

2.4.2 Les politiciens et les bureaucrates

Le rôle des politiciens

Les pouvoirs publics sont constitués d'organisations dirigées par des individus ayant un pouvoir politique. Par nature, la stratégie fondamentale de survie et de développement de ces individus ayant un pouvoir politique est de conserver et si possible d'accroître leur pouvoir. Le pouvoir politique requiert le soutien actif d'autres individus et groupes d'individus de la société concernée. Ce soutien peut être obtenu de différentes façons qui vont de l'utilisation de la violence et de la propagande totalitaire à la construction de consensus fondée sur le débat public à tous les niveaux de la gouvernance. Faute d'un soutien solide dans l'arène politique, la stabilité et le pouvoir des dirigeants politiques risquent d'être compromis. Les personnes qui soutiennent ces hommes politiques forment une base politique vis-à-vis de laquelle les hommes politiques sont tenus responsables des actions qu'ils conduisent dans l'exercice de leur pouvoir. Ces concepts de base politique et de responsabilité sont étroitement imbriqués. La responsabilité est le processus par lequel les représentants d'une base politique sont tenus de répondre devant cette base des actions qu'ils ont conduites en son nom.

Les sociétés sont complexes et hétérogènes. Au sein d'une société donnée, les gens se distinguent aussi bien par leurs intérêts économiques que par leur religion, leur culture, leurs caractéristiques et allégeances ethniques et par bien d'autres traits encore. Certaines de ces caractéristiques permettent d'identifier des groupes de population relativement homogènes. Mais d'autres causes de différenciation viennent généralement se superposer à ces critères. En outre, certains groupes sont bien organisés notamment - mais pas exclusivement - les groupes formés sur la base d'intérêts économiques partagés, les groupes religieux et certains groupes ethniques. Mais la force de l'organisation ne dépend pas nécessairement de son caractère formel ou informel. Souvent les leaders de ces groupes peuvent en effet avoir une ascendance suffisante sur les membres du groupe pour influer de façon déterminante sur leur allégeance politique. Ils ont par conséquent un véritable pouvoir politique, indépendamment du fait qu'ils soient, ou non, eux-mêmes des hommes politiques professionnels.

Pour organiser leur base politique, les leaders politiques cherchent à obtenir le soutien d'un grand nombre d'individus et de groupes de personnes couvrant généralement un large échantillon de la société. Ils sont alors responsables devant cette base dans le sens où ils doivent répondre à ses attentes s'ils veulent conserver son soutien. Et cela est vrai indépendamment de la forme de gouvernement.

La gouvernance démocratique

Aux diverses formes de gouvernement correspondent différents mécanismes de régulation des relations nouées entre les politiciens au pouvoir, leur base politique et les autres groupes de population qui ne se sentent pas représentés par les dirigeants au pouvoir. Une dictature peut ainsi avoir comme base politique l'armée, la police et les dirigeants des partis qui contrôlent les organisations de masse, à l'exclusion des autres citoyens. Par contre, une forme de gouvernement démocratique se caractérise par:

La relation entre les personnes au pouvoir et leur base politique est généralement d'autant plus faible qu'ils sont à un niveau plus élevé de la structure de pouvoir. Au niveau national, un consensus est recherché sur des questions de principes, de politique générale et d'orientations stratégiques. De façon à élargir la base de représentation, le débat politique est généralement conduit en des termes suffisamment ambigus pour permettre différentes interprétations à des groupes ayant des intérêts ou des caractéristiques distincts. Souvent la base politique nationale semble par conséquent constituée par un conglomérat d'intérêts divers, de cultures, de groupes ethniques, etc. uniquement reliés par un vague dénominateur commun dont les implications ne sont pas toujours claires. Dans le même temps cependant, des accords très concrets et très spécifiques sont négociés entre les dirigeants les plus influents de certains de ces grands groupes de population et les politiciens qui souhaitent ainsi obtenir leur appui et garantir l'autorité du gouvernement. Ces accords sont très rarement rendus publics et vont bien au-delà de l'attribution de postes gouvernementaux officiels comme dans le cas d'accords entre différents partis portant sur la répartition des portefeuilles ministériels dans une coalition gouvernementale.

A un niveau gouvernemental inférieur, les intérêts des différents groupes «homogènes» de population peuvent, ou non, être organisés sur la base d'une représentation politique. Dans le cadre d'une collectivité territoriale, le débat politique est généralement très concret et centré sur des problèmes et sujets locaux. Des questions autres que d'intérêt local influent néanmoins aussi sur l'organisation de regroupements politiques. La politique joue donc un rôle réel, parfois plus important que les questions locales. Mais les groupes de pression locaux peuvent aussi être beaucoup plus présents qu'au niveau national. Dès lors, même si la société est assez homogène au plan local, du point de vue par exemple du revenu ou des conditions sanitaires, les conflits d'intérêt ne s'exprimeront pas forcément de façon clairement identifiable au travers d'une force politiquement organisée. C'est par exemple ce qui se passe bien souvent dans le cas des questions de genre.

La formulation de politiques

La formulation de politiques est un domaine dans lequel les hommes politiques ont à exprimer un choix et cela, qu'ils partagent ou non les conclusions du débat politique conduit par l'équipe gouvernementale. Individuellement, tous les membres du gouvernement ont leur propre base politique et représentent différents intérêts. Même au niveau de l'équipe gouvernementale, les pouvoirs publics ne peuvent donc pas être considérés comme une organisation monolithique. Ils sont bien au contraire l'expression d'un équilibre entre différentes forces, certaines plutôt enclines au changement, d'autres plutôt conservatrices. Les idéologies et les opinions personnelles peuvent donc être pour beaucoup dans l'expression des différences même si les relations de chaque membre du gouvernement avec sa propre base politique y ont aussi leur part. Dans ce cadre, la décentralisation apparaît comme un mécanisme de redistribution du pouvoir entre et au sein des différents ministères et organismes publics. Certains hommes politiques en sortiront gagnants, d'autres au contraire y perdront du pouvoir et chercheront probablement à limiter leurs pertes en s'opposant plus ou moins ouvertement à la décentralisation.

Le rôle des bureaucrates

Les hommes politiques sont tenus responsables par leurs supporters des résultats des actions gouvernementales dont ils sont chargés. La responsabilité opérationnelle du fonctionnement des organismes publics reste cependant aux mains de la bureaucratie. Normalement, les bureaucrates travaillent sous la conduite et le contrôle des hommes politiques et sont donc responsables devant eux. Mais les bureaucrates bénéficient d'une situation professionnelle relativement stable, garantie par la loi, et peuvent conserver leur poste durant de longues années alors que les hommes politiques doivent au contraire souvent en changer. En pratique, les bureaucrates ont donc un réel pouvoir d'influence sur le fonctionnement des organismes publics, souvent bien supérieur à celui des politiciens. Ils ont en outre la possibilité d'agir de manière à conserver ou accroître le pouvoir qui dérive de leur fonction. Tout comme les politiciens, les bureaucrates doivent savoir tenir compte de leur propre base de légitimité. Celle-ci rassemble certains hommes politiques du gouvernement, les groupes et individus de leur équipe de travail et des personnalités extérieures qui ont de l'influence.

Des buts et objectifs contradictoires et ambigus

Généralement, les organismes publics ont à assumer de multiples tâches entre des objectifs contradictoires. Du fait de la complexité que cela implique, les schémas de proposition de décentralisation et les outils juridiques qui traitent du transfert des responsabilités au sein et entre les différentes couches de l'administration restent par conséquent souvent imprécis. Or une définition vague et ambiguë des tâches et des objectifs laisse la porte ouverte à de multiples interprétations de la part des directeurs et de leurs équipes, avec pour résultat que les effets de la décentralisation diffèrent selon l'interprétation donnée. Localement, de riches commerçants vont ainsi tenter d'amener les collectivités locales à construire les routes et les marchés dont ils ont besoin. De la même façon, de puissants agriculteurs pourront faire pression pour qu'un projet d'irrigation soit mis en œuvre dans leur région voire même sur leurs propres terres, indépendamment du fait que celui-ci bénéficie ou non d'un avantage comparatif. D'autres personnes influentes encore voudront une amélioration du réseau de distribution d'eau de leur quartier dans une zone résidentielle urbaine ou bien de leur village d'origine, et ce même si ce réseau est déjà de bien meilleure qualité que partout ailleurs dans le pays, etc.

2.4.3 La culture institutionnelle

Le fonctionnement des organisations et le résultat de leurs actions dépendent en grande partie de la façon dont sont conduites les activités. Or, en elles-mêmes, les directives politiques ne portent pas véritablement sur cette question. Lorsque la politique publique de vulgarisation agricole met en avant la participation des agriculteurs comme un de ses objectifs fondamentaux, les tâches qui incombent aux services de vulgarisation peuvent ainsi être mises en œuvre de bien des façons. Les relations entre agents des services publics et agriculteurs peuvent prendre des formes diverses; une plus ou moins grande attention peut être accordée aux petits paysans ou à la question des femmes; des liens plus ou moins puissants peuvent être créés entre le secteur de la recherche et les OSC. La façon dont les organisations remplissent leurs fonctions dépend donc de la culture institutionnelle de l'organisation considérée (voir encadré 2.2), indépendamment des directives politiques.

Encadré 2.2 La culture institutionnelle des organisations

«Toute organisation a sa propre culture institutionnelle et se caractérise donc par des modes de pensée invariables concernant ses principales activités et les relations humaines qui s'y nouent

Plusieurs cultures institutionnelles peuvent se développer au sein d'une même organisation, éventuellement en conflit les unes avec les autres. En outre, les cultures institutionnelles sont très marquées dans le cas des organisations corporatistes. Deux exemples peuvent illustrer cela. Premier cas, celui d'un ministère des travaux publics essentiellement composé d'ingénieurs motivés par la construction des routes et des ponts. Ceux-ci valorisent très fortement leurs compétences professionnelles et ont tendance à considérer les autres fonctions de leur administration comme secondaires et de moindre importance. Dans une telle situation, on dit que la culture de ce ministère est dominée par l'ingénierie. Second cas, celui d'une ONG ou d'un service de la Direction de la vulgarisation du Ministère de l'agriculture qui a adopté les diagnostics participatifs rapides (DPR) comme méthode de travail. Le personnel de terrain y est fermement convaincu que son activité est toute entière centrée sur l'analyse des systèmes de production agricoles et des stratégies économiques paysannes, et sur l'appui à apporter pour répondre aux besoins d'amélioration des conditions de vie; tout le reste étant considéré comme secondaire. On est alors face à une culture dominante uniforme qui combine professionnalisme et idéologie.

Certaines cultures institutionnelles peuvent avoir des effets négatifs. C'est le cas lorsque les fonctionnaires publics considèrent que leur fonction centrale est de «défendre» les prérogatives de l'état et, qu'en conséquence, ils appliquent la loi et les réglementations de manière rigide, indépendamment de la réalité, avec le sentiment de devoir exclusivement servir l'état et non les usagers. Une telle culture institutionnelle peut avoir des conséquences catastrophiques sur l'initiative privée et même en matière d'administration de la justice.../.. (Encadré 2.2 suite) La culture institutionnelle d'une organisation dépend en grande partie des prédispositions de ses membres, des techniques qu'ils utilisent, de la force d'éventuels groupes de pression, ou encore des impératifs conjoncturels auxquels ils doivent faire face. Lorsque ces facteurs conduisent différents groupes ou services à interpréter différemment les fonctions centrales de leur institution, on dira que cette organisation a plusieurs cultures institutionnelles (Wilson, 1988). Dans la plupart des organisations, cette diversité des cultures institutionnelles est généralement évidente lorsque, par exemple, on compare l'état d'esprit du personnel des départements administratifs avec celui des départements opérationnels. Un autre exemple sera fourni par les différences d'approche au sein d'une équipe de vulgarisateurs entre les techniciens de terrain juste intéressés par la diffusion des technologies déjà disponibles et ceux qui seront enthousiasmés par la conduite de multiples diagnostics participatifs sur les problèmes des paysans.

Les organisations corporatistes

Dans tous les cas, l'encadrement joue un rôle fondamental dans la formation de la culture institutionnelle d'une organisation. Mais ce rôle est encore plus important dans le cas de la plupart des organisations de développement rural car il s'agit d'organisations corporatistes (Wilson, 1988) comme dans le cas des ingénieurs du corps des eaux et forêts ou même de services de vulgarisation agronomique. Dans de telles organisations, le travail réalisé ne peut pas vraiment faire l'objet d'un suivi en détail car le personnel est sur le terrain et agit de sa propre initiative. Le résultat de ce travail (son impact) peut par contre être mesuré. Ces organisations doivent donc être dirigées en créant un sens de l'objectif à atteindre, en laissant aux agents opérationnels la possibilité de trouver leur propre voie pour remplir leur fonction et en laissant les normes professionnelles et les attentes de l'entourage jouer leur rôle. L'encadrement des organismes décentralisés a par contre la possibilité de promouvoir différentes cultures institutionnelles qui soit contribueront aux objectifs de la décentralisation administrative, soit iront dans la direction inverse mais avec comme objectif de mettre les politiques en œuvre selon diverses méthodes et éventuellement des résultats sensiblement différents de ce qu'on en attendait.

Le système de motivations

Le succès d'une réforme institutionnelle dépend également de l'instauration d'un système de motivations (voir l'encadré 2.3). Celui-ci aidera à résoudre les conflits de type principal-agent qui embarrassent tant de grandes organisations et de bureaucraties. Il aidera en outre à répondre le plus efficacement possible aux priorités de la population en matière de production, de distribution et de consommation des biens et services. Par ailleurs, un des avantages qui milite en faveur des organismes du secteur privé tient à ce que ceux-ci sont, à la différence de la plupart des institutions publiques, tenus à l'efficacité économique par les incitations et pénalités générées par le système de marché, notamment sous forme de profits ou d'éventuelle faillite dans le cas des investisseurs, et de primes salariales ou de menaces de licenciements dans le cas des employés. Mais il est important, pour le bon fonctionnement du système économique et politique d'un pays, que d'autres mécanismes de récompenses et de pénalités puissent aussi exister. Dans ce cadre, et dans la mesure où celles-ci sont susceptibles d'étouffer l'initiative privée et de décourager l'entreprise privée, il vaut la peine de souligner ici que les «procédures bureaucratiques»[33] jouent par ailleurs un rôle particulier dans le système de motivations (ou plutôt ici de démotivations). Cette question devra donc aussi être prise en compte lors de la conception d'une politique de décentralisation.

La décentralisation de l'administration publique est censée améliorer le système de motivations en confrontant les différents producteurs de biens et de services dans un contexte où les échanges ne sont pas totalement régis par les forces du marché. Plus la prestation des services sera proche des usagers, plus elle aura de chances de répondre à leur demande concernant sa nature (quel service?), son volume (combien?), sa destination (où?) et sa répartition (pour qui?). La responsabilisation envers le client final est donc censée améliorer la qualité du service proposé et l'efficacité de son fournisseur.

Encadré 2.3 Le système de motivations

C'est l'ensemble des récompenses et des pénalités (financières, sociales, politiques ou administratives) qui régissent la production, la distribution et la demande de biens et de services.

Les récompenses: les prix, le profit, le pouvoir, le statut, les promotions, le gain des élections.

Les pénalités: les coûts, la faillite, la honte, la rétrogradation, la marginalisation, le déplacement de poste sans perspective de carrière, la perte des élections.

2.5 Conclusions

Les pouvoirs publics ont trois raisons principales de s'impliquer dans la prestation de services à l'agriculture, à savoir l'existence des dysfonctionnements du marché, le caractère «méritoire» de certains biens et la volonté de redistribuer le revenu. Mais il est important de bien distinguer ce qui relève de la prestation du service de sa production proprement dite. La production ne constitue qu'une partie de la prestation, les autres étant son financement, sa réglementation et sa consommation. Dans le cadre de toute décision de décentralisation le point fondamental à garder présent à l'esprit est qu'il n'y a aucune nécessité que ces quatre composantes de la prestation soient assurées par la même unité, la même organisation ou le même niveau de gouvernance.

Ce point est véritablement crucial lorsqu'on s'appuie sur le principe de subsidiarité pour décider des fonctions qui seront les mieux assurées à différents niveaux et par différentes formes de gouvernance. La question de la non-superposition des compétences est également importante pour déterminer le niveau pertinent de gouvernance propre à chaque fonction. L'application du principe de spécialisation permet enfin de définir l'ensemble des activités et orientations des différents niveaux de gouvernance mais elle s'avère souvent difficile, ce qui dénote la complexité des problèmes auxquels toute réforme de décentralisation devra faire face.

La décentralisation requiert une transformation des organisations et de leurs interrelations. Pour y parvenir avec succès, il est nécessaire de bien comprendre les cultures institutionnelles, les configurations de pouvoir et les rôles et motivations des hommes politiques et des bureaucrates de l'administration. Le succès d'une réforme institutionnelle dépend également de l'instauration d'un système efficace de motivations qui permettra de résoudre certains des conflits principal-agent qui sont souvent à l'origine de dysfonctionnements des organismes du secteur public.


[19] C'est ce que les manuels économiques appellent un marché à «l'optimum de Pareto». Il est alors impossible d'améliorer la situation d'un agent de cette société sans rabaisser celle d'un autre agent.
[20] Une faible exclusivité signifie qu'il sera difficile d'exclure les personnes qui ont un comportement de «resquilleur», c'est-à-dire qui tirent profit de biens ou de services sans avoir payé le prix nécessaire pour y accéder. Les producteurs auront alors des difficultés à couvrir la totalité des coûts de leur prestation. Dans une perspective d'efficacité économique, cela conduit à une sous-production de ce type de biens.
[21] Une faible rivalité signifie que la consommation d'un bien par un agent économique ne diminue pas la disponibilité pour les autres agents. Sachant que le coût pour la société des consommateurs supplémentaires qui profiteront des biens collectifs purs est nul, leur prix à l'optimum social ne peut être qu'égal à zéro. Il en découle que le secteur privé n'aura aucun intérêt à chercher à vendre ce type de biens.
[22] On utilise le terme «bien à péage» car les conditions d'efficacité économique peuvent être atteintes en instaurant un péage pour accéder à ce type de biens. Quant à l'autre terme, biens de club, il est employé en référence aux conditions d'adhésion de la plupart des clubs, seuls les membres pouvant bénéficier de ses avantages tandis que les non-membres en sont exclus. L'utilisation des pédiluves pour le bétail est un bon exemple de service agricole qui peut être classé comme bien à péage. L'utilisation du pédiluve par quelqu'un n'empêche pas son utilisation par quelqu'un d'autre (tant que les capacités ne sont pas limitantes pour d'autres usagers) mais il peut y avoir exclusion de ceux qui ne sont pas prêts à payer pour son utilisation même si cette mesure n'est pas économiquement efficace.
[23] Même ainsi, il y a des exceptions. Voir les paragraphes suivants sur les monopoles naturels et les biens méritoires.
[24] On dit qu'il y a une externalité, des effets externes ou des retombées lorsque les décisions de production ou de consommation d'un agent économique ont un impact involontaire sur les décisions de production agricole ou de commercialisation d'autres agents par le biais de mécanismes autres que ceux du marché. La production et la commercialisation des produits agricoles fournissent de multiples exemples d'externalités négatives comme dans le cas de l'utilisation inconsidérée de pesticides ou le contrôle infructueux de certaines maladies et infections. Il y a aussi de nombreux exemples d'externalités positives comme le développement de nouvelles pratiques agricoles et de gestion ou de nouvelles variétés végétales lorsque celles-ci peuvent être copiées ou mises en œuvre par d'autres paysans sans avoir à les payer.
[25] Un bon exemple de cette approche est donné par le récent débat sur la commercialisation des permis d'émission de gaz à effets de serre.
[26] Un monopole naturel a pour origine les situations où les coûts moyens de production baissent constamment alors que la production augmente. Un agent économique peut dès lors proposer un service pour un coût inférieur à celui assumé par deux ou plusieurs agents. Le coût de production de l'unité supplémentaire, qui détermine le prix correspondant à l'optimum social, est par conséquent en deçà du coût moyen.
[27] Cette définition est proposée par Stiglitz (1997). Certains auteurs utilisent une définition plus large qui englobe les biens et services inclus dans ce document sous l'expression de biens contribuant à une «redistribution du revenu».
[28] Les individus et OSC peuvent, à eux seuls, faire beaucoup pour surmonter ou limiter les effets des dysfonctionnements du marché. L'école de la Nouvelle Economie Institutionnelle analyse la façon selon laquelle le fonctionnement des marchés imparfaits est affecté par les institutions et elle a pour ambition de fournir des orientations sur les transformations de ces institutions susceptibles d'aider à lever les obstacles au bon fonctionnement des marchés.
[29] Cette décomposition est employée par Ross (1988). Ostrom (1990) utilise une décomposition similaire mais avec une terminologie différente.
[30] Dans le cas des états fédéraux, les administrations de chaque état ont, de par la Constitution, beaucoup plus d'indépendance dès le départ.
[31] La structure hiérarchique de l'administration et de la bureaucratie crée une situation d'asymétrie de l'information. Les bureaucraties fonctionnent habituellement sur la base d'un couple dont l'une des parties (appelée le «principal») mandate l'autre partie (appelée «l'agent») pour réaliser une action. En temps normal, la partie qui réalise l'action, «l'agent» donc, dispose de plus d'information que le «principal» qui l'a mandaté. Le principal est dès lors conduit à proposer à son agent des mesures incitatives pour l'encourager à agir selon son intérêt de mandataire. Si les conditions contractuelles de la fonction publique ne laissent aucune place aux incitations (que ce soit sous forme de primes salariales, de perspectives de promotion ou au contraire de possibilités de licenciements), alors il y a tout lieu de penser que la productivité globale de l'administration et de la bureaucratie en seront affectées. L'ensemble de ces problèmes, qui découlent de l'existence d'informations asymétriques, sont abordés dans ce qu'on appelle la théorie de l'agence et le conflit entre le principal et l'agent.
[32] Les principales idées de ce paragraphe sont tirées de Mintzberg (1983). La théorie de Mintzberg offre une analyse convaincante et relativement simple des forces en présence qui déterminent le fonctionnement courant des organisations ainsi que leur histoire et évolution. L'approche de cet auteur est particulièrement utile pour aborder la réalité complexe des institutions publiques de la gouvernance. Le travail de Mintzberg porte principalement sur la dimension «politique» du processus collectif de décision. Il se réfère ainsi au rôle joué par les groupes de pouvoir et d'influence qui existent au sein et à l'extérieur d'une organisation, et qui déterminent son fonctionnement, la façon selon laquelle elle est gérée, comment les décisions sont prises, son évolution au cours du temps, et les cultures qui s'y développent.
[33] Ou pour le dire plus crûment, la «paperasserie».

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