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Chapitre 3. Qui fournit la prestation?


OBJECTIF

On a vu dans le chapitre précédent que la prestation d'un service pouvait être scindée en quatre composantes et qu'il n'était pas indispensable que celles-ci soient nécessairement assurées par la même unité, la même organisation ou le même niveau de gouvernance. L'objectif du présent chapitre est d'analyser maintenant les principaux éléments à prendre en compte pour identifier le niveau et la forme de gouvernance les plus appropriés pour remplir ces fonctions. C'est ce que l'on fera en posant les trois questions suivantes: Qui paye? Qui produit? Et qui réglemente?

POINTS CLÉS

· La décentralisation nécessite une révision des dispositions budgétaires et fiscales assurant le financement des services. Ceci pourra être obtenu par la mise en place de mesures assurant le «recouvrement des coûts».

· En principe, la production et la fourniture de la plupart des services peuvent être décentralisées même si les économies d'échelle et les difficultés soulevées par la définition de modalités contractuelles adaptées et de mesures de suivi imposent certaines contraintes.

· Des règles et réglementations régissent toutes les transactions économiques. Elles fournissent un cadre consistant aux échanges, limitent les coûts de transaction et atténuent les asymétries d'information. La décentralisation devrait donc conduire à une redistribution des fonctions de réglementation fondée sur le principe de subsidiarité.

· Plus le secteur privé assumera de responsabilités, plus les contraintes liées à la réglementation risquent de peser sur l'administration. En cas de faible capacité de gouvernance, il existe en effet un double risque de «prise en otage» des instances de réglementation et de tentative de constitution de rentes de monopole. Le financement des fonctions de réglementation après décentralisation devra donc lui aussi être soigneusement analysé.

3.1 Qui paye?

3.1.1 Introduction

Une des raisons pour lesquelles les pouvoirs publics se sont lancés dans le passé dans la prestation de services agricoles tient à ce qu'ils considéraient souhaitable ou nécessaire de financer directement ces services. Or la décentralisation fournit l'occasion de s'interroger une nouvelle fois sur ce choix d'autant que, comme on l'a vu précédemment, la charge intenable que ce financement faisait peser sur le budget public est souvent à l'origine même de la réforme. Pour comprendre quels sont les problèmes posés, on commencera donc par analyser comment les mécanismes de marché jouent sur la question du financement. On étudiera ensuite comment l'administration centrale finance les services dont elle assure la prestation et comment différentes formes de décentralisation sont susceptibles de modifier ces dispositions. On examinera enfin quelles procédures de recouvrement des coûts pourront être mises en place et quels problèmes risquent alors de surgir.

3.1.2 Les principes de fixation des prix fondés sur le marché

La demande et l'offre

Il est utile de commencer cette analyse par une brève révision du rôle des prix dans le cadre d'une économie de marché. Dans une économie de marché, le prix qu'un consommateur économiquement rationnel est disposé à payer pour une unité supplémentaire d'un service est inférieur ou égal au bénéfice supplémentaire qu'il espère obtenir en accédant à ce service. Classiquement, les consommateurs ont donc tendance à demander une quantité moindre d'un service lorsque son prix augmente d'une part parce que le revenu espéré est moindre et d'autre part parce que d'autres biens et services peuvent le remplacer à moindre coût.

Du point de vue des producteurs, la vente d'un service cesse d'être intéressante lorsque son prix tombe en deçà du coût nécessaire au remplacement des ressources nécessaires pour le fournir[34] car ils font alors une perte et ont plus intérêt à employer leurs ressources dans une autre activité. Lorsque le prix augmente, les producteurs ont d'autant plus intérêt à accroître leur offre que l'utilisation de leurs ressources se voit récompensée. Dans le cadre d'une économie concurrentielle où les entreprises sont libres d'entreprendre ou d'abandonner une activité, c'est l'équilibre entre l'offre et la demande exprimée qui détermine le prix d'un service. Le prix de marché peut donc être considéré comme un mécanisme de rationnement. Plus la demande augmente, plus le prix augmente et plus les entreprises existantes ont intérêt à accroître leur production. Lorsque les prix augmentent suffisamment pour générer des bénéfices économiques[35], de nouvelles entreprises cherchent à développer cette activité. Cette offre supérieure a alors tendance à réduire les prix et à annuler les bénéfices exceptionnels de sorte que l'on peut considérer qu'un prix «d'équilibre» est à l'optimum social[36] lorsque l'offre est tout juste égale à la demande.

Demande exprimée et besoin

Il est essentiel de souligner que dans les conditions de marché, la demande pour un bien ou un service s'exprime par la quantité que les consommateurs souhaitent acheter et ont la capacité d'acheter au prix considéré. Le fait de préciser que le consommateur doit effectivement être en mesure de payer pour ce bien amène à distinguer ce qu'on appelle la demande exprimée (ou solvable) du besoin. Une agricultrice peut ainsi avoir besoin de semences hybrides par accroître ses rendements sans pour autant exprimer sa demande si elle n'a pas les moyens de les acheter.

Le droit de propriété

Lorsqu'un acheteur paye un bien ou un service à un vendeur, ceux-ci sont de fait en train d'échanger un droit ou un titre de propriété. La nature de ce droit varie selon le type de propriété correspondant au service échangé. On parle de droit privé[37] lorsque l'individu concerné, et lui seul, a le pouvoir de décider comment cette ressource devra être employée (Ricketts, 1987).

Pour prendre pleinement effet, ce titre doit être garanti par une loi qui instaure le droit juridique qui lui correspond. A défaut, le droit correspondant à un titre de propriété privé mal défini risque de rester en partie du ressort du «domaine public» et non sous le contrôle de son «détenteur». Ceci réduira d'autant le prix qu'un acheteur sera disposé à payer pour ce service ou rendra même toute transaction impossible. Ceci étant, même un titre pleinement établi au plan légal n'autorise pas une utilisation totalement libre d'un service - le droit de propriété impose généralement des restrictions sur les façons de recourir à ce service.

3.1.3 Les dispositions budgétaires et fiscales de l'administration

On a évoqué dans le paragraphe 1.1.2 le fait que les organismes publics mis en place pour fournir certains services d'appui à l'agriculture avaient souvent statut de monopole et que les services qu'ils offraient aux consommateurs étaient généralement gratuits ou subventionnés. En outre, les dépenses de ces organismes n'étaient le plus souvent qu'à peine surveillées. C'est pourquoi on a également souligné que le poids croissant de ces mécanismes de subvention sur les déficits publics était à l'origine des réformes et avait, de ce fait, contribué à la décentralisation des activités des pouvoirs publics. Dans cette perspective, il n'est donc pas inutile de se pencher sur les dispositions budgétaires et fiscales relatives aux services qui doivent être décentralisés.

Les dispositions budgétaires et fiscales relatives à des services fournis par l'administration centrale

Les services qui sont fournis par une administration centrale telle que le Ministère de l'agriculture sont habituellement financés par de l'argent public. Les finances publiques sont gérées selon les règles du Bilan des comptes courants consolidés (BCCC). Toutes les rentrées d'origine fiscale (taxes, impôts, prélèvements) et non-fiscale (versements de droits, frais pour services rendus, revenus divers) sont déposées sur un compte unique tenu par le Trésor (la banque de l'état) puis transférées depuis ce compte vers les différentes institutions publiques. A tout instant, le bilan de ce compte courant consolidé indique quelle est la situation de trésorerie des finances publiques. Le Trésor peut dès lors, au cours de l'année fiscale, autoriser les dépenses en fonction de la disponibilité financière réelle[38].

En principe, le Trésor autorise les dépenses d'un ministère mentionnées dans la «loi de finance» votée par l'Assemblée nationale qui donne au gouvernement le droit de prélever et de dépenser les ressources financières qu'il a inscrites au budget. Le fonctionnaire qui dirige chaque ministère ou chaque organisme public de même rang (généralement le Secrétaire général) fait également office de Contrôleur financier principal. Le Trésor adresse au Contrôleur financier principal (CFP) une «autorisation de dépenses» correspondant à la loi de finance, généralement sur une base trimestrielle. Cette autorisation mentionne le montant de chaque ligne de dépense inscrite et approuvée dans la loi de finance. Chaque Contrôleur financier principal adresse alors une autorisation complémentaire (un mandat) à différents fonctionnaires désignés au sein de l'institution. Ce mandat leur donne pouvoir d'émettre des dépenses dans le cadre fixé par l'autorisation. Le fonctionnaire mandaté émet alors des ordres de paiement pour un montant au plus égal à la somme correspondant à chaque ligne budgétaire. Ces ordres de paiement donnent au Trésor le signal de procéder au paiement du prestataire. Les «autorisations de paiement» et les mandats ne portent en aucun cas sur le paiement des salaires qui sont directement versés par le Trésor.

La décentralisation budgétaire

Le transfert des ressources et actifs financiers depuis l'administration centrale vers d'autres niveaux de l'administration correspond à ce qu'on appelle la décentralisation budgétaire. La décentralisation budgétaire concerne aussi bien les recettes que les dépenses même si généralement, au niveau local, elle porte plutôt sur la partie dépenses. La décentralisation budgétaire concerne plus particulièrement:

La décentralisation peut avoir de fortes conséquences sur le contrôle financier opéré par l'administration centrale sur l'économie et, de ce fait, sur sa productivité globale. Dans de nombreux pays, la décentralisation risque en outre de souffrir de la faible capacité de collecte des recettes et de transfert des ressources de l'administration centrale.

Transfert des fonctions ou transfert des ressources?

Historiquement, on a pu observer de nombreux cas où le transfert des fonctions ne s'est pas accompagné du transfert correspondant des ressources. Dans de telles situations, la qualité des prestations fournies s'est généralement dégradée. Plusieurs raisons permettent de l'expliquer:

La déconcentration

La déconcentration des services vers des unités périphériques ne nécessite pas de décentralisation budgétaire. Dans ce cadre, le fonctionnaire à la tête de l'unité déconcentrée, le Directeur départemental de l'agriculture (DDA) par exemple, devient lui-même contrôleur financier. Il dépend hiérarchiquement du Secrétaire général de l'Agriculture et prépare le programme de travail de sa direction départementale afin de le proposer au siège central. Le DDA préparera également le budget annuel qui, une fois approuvé par le siège du ministère et le gouvernement, sera inclus dans la loi de finance. L'autorisation de dépense sera par contre transmise au DDA par le Trésor et non par le Secrétariat général. Le DDA émettra les ordres de paiement qui seront normalement honorés par un Trésorier-payeur départemental (ou régional), représentant local de l'administration du Trésor.

Une autre modification qui peut être introduite lors d'une déconcentration concerne les «ressources externes additionnelles» (REA). Il y en a de deux sortes:

Bien que cela soit plutôt rare, les unités déconcentrées du siège d'un ministère peuvent être autorisées à garder leurs recettes. Lorsque les recettes non-fiscales des ressources externes additionnelles ne sont pas intégrées au compte courant consolidé, l'habitude veut que le Trésor finance les unités déconcentrées sur une base nette, c'est-à-dire en retenant comme hypothèse que les besoins financiers sont égaux au montant des dépenses prévues défalqué des recettes escomptées des ressources externes additionnelles. Toute insuffisance des recettes escomptées génère donc un déficit de trésorerie au niveau local.

La déconcentration permet d'améliorer le rendement de l'administration en ce qu'elle induit une réduction drastique du nombre d'opérations d'autorisation, de certification et de paiement. Elle profite également de ce que les unités déconcentrées sont généralement plus petites (même celle du Trésorier-payeur) et ont moins de transactions à régler à un niveau départemental. Ces gains de rendement n'ont toutefois lieu que s'il y a suffisamment de comptables parmi le personnel de niveau local et si le Trésor libère effectivement les fonds selon la loi de finance. Dans nombre de pays en développement, ces conditions sont loin d'être toujours réunies.

La dévolution

La dévolution aux administrations locales requiert une décentralisation budgétaire ainsi que des modifications significatives des procédures. Dans sa forme la plus achevée, la dévolution aboutit à un abandon des règles du bilan des comptes courants, chaque collectivité territoriale gérant alors ses propres affaires financières sous la supervision du Trésor mais de façon indépendante. Les collectivités territoriales ont alors mandat d'exercer les fonctions suivantes:

En zone rurale, les collectivités territoriales peuvent en outre se procurer des ressources selon les quatre méthodes suivantes:

Les principales sources de recette des collectivités territoriales se composent de licences et autres droits, de droits de timbre, de péages routiers et de rentrées diverses correspondant à des services rendus tels que la distribution d'eau et d'énergie dans les zones urbaines. En zone rurale, très peu de collectivités territoriales arrivent par contre à collecter des sommes suffisantes pour couvrir les coûts des activités qui leurs incombent. Cela s'explique entre autre par:

De par leur complexité, ces facteurs ne peuvent être changés du jour au lendemain. Le taux de croissance des recettes locales tend donc généralement à être faible.

Les transferts financiers internes à l'administration

Afin de compléter les recettes locales, l'administration centrale opère des transferts financiers depuis le Trésor vers les collectivités territoriales. Ceux-ci sont désignés en tant que transferts financiers internes à l'administration (TFIA). Ces TFIA représentent généralement la plus grosse part du budget des collectivités territoriales. La façon dont ils sont conçus détermine le degré de dévolution accordée en pratique par les pouvoirs publics. Au niveau local, les recettes provenant de toutes origines sont dépensées selon un budget local voté par l'assemblée de la collectivité territoriale et généralement soumis au contrôle de l'administration centrale. La nature et l'ampleur de ce contrôle déterminent également le degré de dévolution accordée.

La dépendance

La disponibilité quasi automatique des transferts financiers internes à l'administration a de grandes chances de générer une situation de dépendance. La collectivité territoriale risque alors de se mettre en position d'attente systématique vis-à-vis de l'administration centrale pour que celle-ci paye ses dépenses. Quant aux politiciens locaux, ils risquent de concevoir leur rôle plutôt comme celui de lobbyistes faisant pression auprès de l'administration centrale afin d'obtenir plus de ressources que comme celui de responsables cherchant à renforcer les capacités d'autonomie locale.

La délégation

La délégation recouvre un large éventail de dispositions budgétaires et fiscales. Une des formes de délégation consiste à établir un partenariat contractuel entre l'administration centrale et un agent autonome (du secteur privé, associatif ou public). Cet agent doit remplir une fonction publique donnée ou proposer un ensemble de biens et de services spécifiés en échange d'une quantité d'argent convenue. Une entreprise privée ou une ONG peut ainsi avoir délégation pour mettre en œuvre un projet de développement rural ou l'une de ses composantes. Ce type de contrat peut être reconduit annuellement ou courir sur une plus longue période. Les agents ayant délégation doivent soumettre leur budget annuel à l'approbation de l'administration de tutelle (généralement un ministère opérationnel ou le Ministère des finances). Le trésor transfère les fonds selon des procédures convenues dans le cadre de dispositions contractuelles.

Certaines formes de délégation visent plutôt à créer des organismes autonomes comme pour des instituts de recherche ou pour une agence d'irrigation. Ces organismes ont leur propre budget et leur propre administration mais leurs procédures financières sont souvent identiques à celles des services de l'administration: le budget est approuvé selon les mêmes mécanismes et le déblocage des fonds passe par le Trésor. Ces organismes sont par contre généralement habilités à engager leurs propres crédits budgétaires.

D'autres formes de délégation reposent enfin sur la création d'entreprises publiques comme dans le cas d'une entreprise nationale de distribution d'eau ou d'électricité. Il s'agit alors d'opérations commerciales avec des comptes commerciaux. L'entreprise vend ses biens ou services et conserve le produit de ses ventes. Dans de tels cas, les pouvoirs publics apportent les fonds nécessaires à la constitution du capital social de la compagnie, garantissent ses emprunts sur le marché des capitaux et, souvent, prennent à leur compte une partie des dépenses nécessaires pour assurer le service sous forme de subventions approuvées dans le cadre de la loi de finance.

Le partenariat avec les OSC

Le partenariat avec les OSC ne fait pas l'objet des mêmes obligations de contrôle financier dans la mesure où l'administration centrale n'a pas à honorer d'autre engagement financier que le transfert contractuel de l'allocation destinée aux OSC. Les dirigeants des OSC sont alors juridiquement responsables de toute pratique financière frauduleuse au même titre que n'importe quel dirigeant d'entreprise privée. Le transfert des fonds nécessite la mise ne place d'outils spécifiques distincts des transferts financiers internes à l'administration même s'il peut en reprendre les principales caractéristiques. Il est en particulier souhaitable de satisfaire aux conditions suivantes:

Quelques pays ont développé des outils spécifiques pour opérer des transferts financiers vers les OSC. Ils sont employés de façon circonstanciée, le plus souvent dans le cadre de projets financés par des donateurs. Ces instruments du type convention ou contrat de programme s'inscrivent dans la logique des contrats qui délèguent certaines fonctions telles que l'appui aux organisations de base, l'éducation ou la formation, et qui subventionnent éventuellement des projets d'entraide. Les conventions offrent un cadre qui garantit aux contrats une perspective à long terme et un accord de principe des pouvoirs publics en matière de soutien financier à la partie contractante. Les contrats de programme sont plus spécifiques et garantissent le versement de fonds publics pour une année budgétaire donnée. Dans de telles conditions, les OSC bénéficient d'une considérable autonomie quant à la manière de conduire leur mission. Cette autonomie peut toutefois être réduite lorsque l'administration réclame une évaluation ex ante détaillée avant d'accorder les budgets annuels des OSC, ou encore lorsqu'elle impose une autorisation préalable aux projets communautaires présentés individuellement avec le soutien d'une OSC.

Résumé

La déconcentration n'entraîne de changement qu'au sein d'une seule administration et uniquement en matière de procédures budgétaires et de versement des fonds. La délégation, la dévolution et le partenariat amènent par contre à modifier l'origine des ressources fiscales et non-fiscales et les circuits de financement entre les différents niveaux de l'administration et entre acteurs publics et non-gouvernementaux.

3.1.4 Le recouvrement des coûts et les régimes de fixation des prix

Régime de prix coûtant

Jusqu'à présent, dans cette analyse des mesures budgétaires et fiscales relatives à la décentralisation, on a implicitement retenu comme hypothèse que les services à décentraliser devaient faire l'objet d'un financement public. Mais la réduction ou même l'abandon des mécanismes de subvention aux services constituent à la fois l'une des raisons et l'une des conséquences possibles de toute décentralisation. Il y a donc lieu de se pencher sur le régime de fixation des prix qui pourrait être instauré. Or, dans la mesure où l'état jouissait d'une position de monopole de l'offre, aucune entreprise existante ne peut servir de référence pour déterminer le nouveau niveau de prix. Aucune nouvelle entreprise ne peut non plus offrir son expérience pour savoir si le prix sera suffisamment attractif pour permettre de dégager des bénéfices. Dans ces conditions, comment donc déterminer le prix des services? Si on souhaite que l'offre de services soit financièrement durable et que les consommateurs ne soient pas subventionnés par le contribuable (ou qu'ils ne le subventionnent), le principe de fixation des prix qui semble le plus pertinent est celui du prix coûtant moyen[39]. En principe, cela signifie que le prestataire devra estimer le coût total de remplacement des ressources nécessaires pour fournir le service et fixer un prix unitaire de façon à couvrir exactement ses coûts sur une période à déterminer. En procédant ainsi, les recettes générées seront suffisantes pour continuer de fournir la prestation même lorsque les infrastructures et immobilisations devront être remplacées.

Quelques minutes à peine de réflexion suffisent pour identifier les difficultés pratiques que soulève la mise en œuvre de ce principe. Comment en effet estimer la demande exprimée pour ce service? Dans quelle mesure la quantité demandée dépendra-t-elle du prix? Comment répartir les coûts entre services dans le cas où l'organisme prestataire en fournira plusieurs? Comment estimer les coûts des ressources consommées pour fournir un service[40]? Comment faire pour éviter que les coûts, et donc le prix, ne soient gonflés par des dépenses inutiles? Même si ces questions semblent complexes, les entreprises du secteur privé doivent y faire face quotidiennement. Et leur capacité à y répondre s'avère déterminante pour leur réussite ou leur échec. Ces mêmes questions devront dans tous les cas être abordées lorsque, en préalable ou en conséquence de la décentralisation, on souhaite instaurer un système de prix durable et non-subventionné des services agricoles.

Les approches graduelles

A moins de disposer d'indications fournies par les forces du marché, les organismes ont de bonnes raisons d'adopter une approche graduelle et par étapes du recouvrement des coûts. Une première raison tient à ce que les agriculteurs ont besoin de temps pour s'adapter au principe de payer pour des services auxquels ils accédaient jusqu'alors gratuitement ou à bas prix. Tant que ces services étaient gratuits, le niveau des «besoins» exprimés ne peut en effet être considéré comme le reflet exact de la demande solvable qui sera exprimée lorsqu'il faudra payer. L'expérience semble en outre indiquer que les agriculteurs commencent souvent par boycotter un service ou par réduire leur demande lorsque celui-ci devient payant. Du temps est ensuite nécessaire pour savoir si cette décision affecte leur production et pour trouver le niveau de consommation optimal tout en payant.

Une seconde raison tient à ce que les prestataires ont également besoin de temps pour déterminer combien leur coûte exactement le service qu'ils proposent. Comme on vient de le voir, cela prend en effet déjà du temps pour que la demande solvable arrive à se stabiliser et pour déterminer les modalités de la prestation. L'organisme qui auparavant assurait celle-ci pouvait en effet avoir des niveaux de dépenses particulièrement élevés qui ne sauraient être rapidement réduits. C'est notamment le cas lorsqu'il faut réduire le nombre d'employés. Il peut en outre s'avérer difficile d'estimer le coût de remplacement des biens et équipements fixes.

3.1.5 Le maintien d'un soutien financier à la prestation de services

Les priorités distinctes de l'administration centrale et des collectivités territoriales

Historiquement, les organismes publics avaient de multiples raisons pratiques de ne pas appliquer le principe du prix coûtant. Dans le paragraphe 1.1.2, on a en effet pu voir que les états ont souvent subventionné les services fournis par des organismes publics. Et pour reprendre les termes de l'analyse développée au paragraphe 2.1, le fait que cela concernait des «biens méritoires» ou encore qu'il y ait eu une volonté de «redistribuer le revenu» constitue un argument supplémentaire en ce sens. Lorsqu'une décentralisation est envisagée, il est par contre utile de réexaminer les raisons qui ont conduit à subventionner la prestation de certains services. Les modifications des procédures budgétaires et fiscales ont en effet de fortes chances de rendre plus transparent le coût de ces subventions. Les priorités des collectivités territoriales risquent en outre d'être dorénavant sensiblement différentes de celles de l'administration centrale, notamment dans le cas d'une dévolution. Les services considérés comme des biens méritoires au niveau central pourront par ailleurs être appréhendés différemment par une collectivité territoriale. Dans la même logique, la nécessité d'assurer à certains groupes sociaux un accès à des services subventionnés pourra varier en fonction de l'ordre de priorité politique ou sociale accordé par les collectivités territoriales ou par l'administration centrale. Si elle souhaite maintenir ces subventions, l'administration centrale pourra ainsi financer les collectivités territoriales ou tout autre organisme assurant le service par le biais de transferts internes à l'administration même si ces mêmes collectivités jugent que ces subventions ne sont pas prioritaires. L'administration centrale pourra même modifier ses propres priorités à mesure que les coûts des services subventionnés deviendront plus transparents.

Les biens collectifs locaux

Dans le paragraphe 2.1, on a également vu qu'il existe des cas où les «dysfonctionnements du marché» rendent inapplicable ou inopérant tout mécanisme de fixation des prix basé sur le prix coûtant. On a vu par exemple que, dans le cas des biens publics purs, l'existence de «resquilleurs» constitue un obstacle à l'augmentation des recettes et que le système global d'imposition devait par conséquent généralement prendre en charge ce type de biens. Toute tentative de décentralisation devra donc partir de cet état de fait. Il est par contre tout à fait envisageable que la raison et la nature d'une intervention soient différentes selon le niveau de gouvernance. Il y a semble-t-il deux raisons opposées à cela. Selon Oates (1972), l'un des principaux arguments avancés en faveur de la décentralisation soutient que l'homogénéité de la population augmente et que les besoins partagés sont d'autant plus facilement identifiables que le nombre d'habitants d'une collectivité tend à être petit. Dans le cas des services agricoles, cet effet de taille serait encore renforcé par le fait que le caractère local des prestations tend également à réduire la gamme des conditions agroécologiques. Une collectivité territoriale pourra donc d'autant plus facilement adapter la nature et le volume des biens et services qu'elle propose. Des études empiriques semblent ainsi suggérer que des biens collectifs locaux négligés par l'administration centrale sont par contre hautement prioritaires pour les communautés. Les exemples concernent les infrastructures rurales locales telles que la construction, l'amélioration et l'entretien des pistes rurales, les réseaux de distribution d'eau et l'électrification en milieu rural.

Les biens de club

A l'inverse, lorsque la taille des communautés décroît, il devient de plus en plus facile d'identifier qui, dans la communauté, tirera le plus de bénéfices de l'accès à certains types de biens collectifs (et qui sera pénalisé). Vu depuis l'administration centrale, l'octroi de subventions pour la construction et l'entretien de pédiluves pour le cheptel visant à limiter les infections de tiques pourra ainsi sembler justifié pour ses effets potentiels sur le bétail d'autres propriétaires. Mais au sein d'une même communauté, cela ne concernera peut-être que les agriculteurs les plus riches qui possèdent du bétail et qui contrôlent aussi l'administration locale. Le reste de la communauté risque donc de ne guère apprécier que ces activités soient financées par les deniers publics, notamment si l'argent provient de taxes locales. Dans le cas présent, les pédiluves ont donc plutôt les caractéristiques d'un bien de club[41] lorsqu'on les appréhende d'un point de vue local. On peut dès lors penser que les propriétaires de bétail devraient payer leur utilisation même si la collectivité locale peut en parallèle jouer un rôle dans l'organisation et le suivi de l'accès à ces installations.

D'autres services d'appui à l'agriculture sont susceptibles d'avoir les caractéristiques de biens de club au niveau local. Cette question se posera probablement de façon très empirique, en fonction des conditions locales. Dans ce cas, cela offrira de bonnes raisons économiques pour renforcer les associations paysannes qui réunissent des membres ayant les mêmes demandes en matière de services d'appui à l'agriculture et pour financer ces services sur la base de cotisations d'adhérents et de droits d'utilisation.

La disposition à payer

Les collectivités territoriales peuvent, tout comme l'administration centrale, non seulement répondre à la demande mais aussi aux besoins. Des agriculteurs peuvent ainsi vouloir accéder à certains biens collectifs locaux que le secteur privé n'est pas en mesure d'offrir, et être disposés à payer ces services à la collectivité locale. Cette «disposition à payer» constitue un critère important pour évaluer s'il existe bien une demande solvable pour un bien ou un service. Ce critère de «disposition à payer» est toutefois insuffisant pour juger du caractère prioritaire de ces besoins. Les fonctionnaires et politiciens locaux devront donc l'estimer par eux-mêmes.

3.2 Qui produit?

Subsidiarité et spécialisation

Sachant qu'il est possible, lorsqu'on envisage de décentraliser la prestation d'un service, de séparer ses différentes composantes, l'administration centrale a le choix entre continuer de produire elle-même ce service ou transférer cette fonction à d'autres niveaux de gouvernance. Les principes de subsidiarité et de spécialisation jouent un rôle essentiel dans ce choix.

Les économies d'échelle

Comme on l'a vu au paragraphe 2.3.1, l'existence d'éventuelles économies d'échelle dans le processus de production constitue l'un des facteurs économiques essentiels pour déterminer à quel niveau de gouvernance la production sera la mieux assurée. Il sera en effet économiquement peu souhaitable de décentraliser la production si la taille du marché est telle qu'elle suscite d'importantes économies d'échelle. Cette question est évidemment éminemment empirique et devra faire l'objet d'une analyse au cas par cas. A titre d'exemple, une dévolution des pouvoirs et fonctions relatifs à la recherche agricole pourra ainsi s'avérer pertinente dans le cas d'un grand pays riche et être totalement inadaptée au cas d'un petit pays pauvre. Celui-ci devra même peut-être agir à l'opposé et tenter de créer des collaborations avec les pays voisins afin de résoudre des problèmes scientifiques communs.

Au sein même de la production, une décomposition des différentes fonctions est également envisageable, ce qui signifie qu'il sera éventuellement possible de décentraliser certaines fonctions comme l'entretien et la maintenance quotidienne, tout en conservant une centralisation de la gestion des infrastructures. Trois autres raisons conduisent en outre à s'interroger sur les justifications avancées en faveur des économies d'échelle. Premièrement, le groupe social responsable de la mise en œuvre des dispositions en vigueur a tout intérêt à exagérer l'importance des économies d'échelle réalisées car il profite de coûts et dépenses inutiles découlant de sa situation de monopole et de l'absence de concurrence. Deuxièmement, les technologies modernes peuvent généralement fonctionner à plus petite échelle que les anciennes. Troisièmement enfin, la concurrence accrue permet habituellement d'éliminer les dépenses inutiles et le manque d'organisation et d'accélérer la découverte de techniques améliorant la productivité.

La demande locale

Une autre raison pour laquelle il convient de réfléchir soigneusement aux décisions de décentralisation tient à l'existence de variations significatives de la demande locale. La capacité qu'ont des fonctionnaires nommés sur place à identifier les demandes locales et à y répondre constitue en effet l'un des principaux avantages qui poussent en faveur d'une dévolution. Cet argument de la demande locale vaut également pour renforcer le partenariat avec les OSC.

Les capacités locales

Il est par contre souvent affirmé que les organisations locales ne disposent pas des capacités institutionnelles suffisantes pour assurer efficacement la production de services. Les détracteurs de la dévolution s'appuient en effet sur ce type d'argument pour tenter de ne pas perdre leur pouvoir et leur influence et pour prôner au contraire des mesures de déconcentration. Mais dans les pays en développement, les unités locales de l'administration centrale sont tout autant concernées par les problèmes liés à la faiblesse des capacités institutionnelles. Dans de tels cas, c'est donc une compétition pour l'accès au peu de ressources consacrées aux capacités institutionnelles qui est en jeu entre ceux qui souhaitent le renforcement d'une administration centrale déconcentrée et ceux qui souhaitent le renforcement de l'administration des collectivités territoriales. Un point de vue similaire est développé dans un document de la Banque mondiale (voir l'encadré 3.1). Le renforcement des capacités constitue de fait l'une des composantes essentielles des programmes de décentralisation et ce indépendamment des formes de décentralisation pour lesquelles les gouvernements ont pu opter.

Encadré 3.1 Les problèmes liés à la faible capacité administrative locale

«La capacité administrative locale est souvent considérée comme insuffisante car les contraintes imposées par la bureaucratie centrale ne sont pas adaptées aux processus de décision. Si ces contraintes étaient ventilées entre différents niveaux administratifs et correspondaient au volume d'informations dont chacun a besoin pour accomplir sa tâche, il n'y aurait pas tant de problèmes de capacité».

Source: Litvack et al. (1998).

Sous-traitance et externalisation

Toute organisation chargée de fournir un service doit pouvoir disposer des compétences administratives nécessaires pour traiter les problèmes juridiques, financiers et de ressources humaines et les procédures d'achats. Mais il est tout à fait concevable qu'une au moins de ces compétences soit obtenue en faisant appel aux services de professionnels externes. Des professionnels du secteur privé peuvent par exemple être embauchés mission par mission pour aider à formuler un projet, rédiger une offre ou un contrat, superviser une construction, vérifier les factures des fournisseurs avant paiement, etc. Des organisations relativement petites peuvent de la même façon sous-traiter la tenue de leur comptabilité et de leurs rapports financiers auprès de comptables ou d'auditeurs privés dans la mesure où des procédures contractuelles sont effectivement appliquées. Mais les prestataires de services de ce type existent-ils bien en zone rurale? Dans certains endroits, la réponse est assurément non; un cas typique d'imperfection du marché. Par contre, quelques professionnels du secteur privé travaillent peut-être dans des villes moyennes pas trop éloignées et seraient éventuellement intéressés à nouer des collaborations qui ne nécessitent pas un emploi à plein-temps. Il est par ailleurs probable que d'autres viendront s'installer si les organismes publics ouvrent un marché permettant à leurs entreprises de se développer et ne s'opposent pas à leur croissance en embauchant leur propre personnel en créant ainsi un effet de barrage. L'encadré 3.2 donne ainsi quelques exemples de sous-traitance au Mali et au Cap-Vert.

Encadré 3.2 Sous-traiter les services de professionnels

Au Cap-Vert, l'aide de l'USAID est canalisée par le biais de l'ASDI, une ONG internationale d'origine américaine. L'ASDI a soutenu la création d'un réseau de 140 groupes d'habitants des zones rurales de plusieurs îles qui sont intéressés à mettre en œuvre des projets de différentes natures fondés sur l'utilisation de techniques intensives en travail. Ces groupes ont une structuration minimale et tiennent ainsi une comptabilité selon une méthode simple préconisée par l'ASDI. Chaque année, l'ASDI réalise un suivi afin d'estimer le coût des tâches essentielles nécessaires pour mettre en œuvre les projets des groupements. La plupart des estimations des coûts unitaires sont inférieures à celles retenues par l'administration pour des tâches identiques. Cette liste est ensuite distribuée à tous les groupes qui demandent un financement pour leurs projets. Des techniciens privés locaux sont recrutés par l'ASDI afin de fournir l'assistance technique nécessaire pour formuler le projet, pour superviser sa mise en œuvre et pour vérifier les dépenses. Des comptables privés sont recrutés à Praia afin de réaliser régulièrement un audit de la comptabilité des différents groupes.

Chaque groupe fixe lui-même le niveau des salaires payés aux membres qui effectuent une tâche durant l'exécution du projet et le nombre de jours qui seront payés pour chacune de ces tâches. Au final, le coût total du projet peut en pratique être soit supérieur, soit inférieur au montant estimé lorsque le financement a été accordé. Selon l'expérience de l'ASDI, la plupart des groupes gèrent la dotation de façon à épargner sur les coûts. Le surplus peut être distribué en tant que prime aux membres du groupe ou bien déposé sur un compte collectif pour développer d'autres activités. L'ASDI pense que ces dépôts pourront être employés dans le futur afin de garantir des emprunts qui serviront à soutenir des activités créatrices de revenu.

Un autre exemple concerne le développement de petites entreprises de génie civil dans la zone de l'Office du Niger au Mali. L'entretien du réseau d'irrigation et, dans une moindre mesure, quelques travaux de réhabilitation à grande échelle assurent un marché aux tâcherons, des artisans capables de construire des structures simples en béton et de réaliser des travaux de terrassement à l'aide d'outils manuels et d'outils mécaniques rudimentaires. En 1996, vingt entreprises de ce type opéraient dans la zone. Il s'agit d'affaires familiales initiées par un unique travailleur mais la plupart ont évolué de façon à former les garçons en tant que métreurs ou comptables, afin qu'ils aident l'entreprise et permettent d'améliorer la qualité des services proposés.

Source: R. Pantanali (communication personnelle).

Différents facteurs doivent être pondérés lorsqu'on aborde cette question. Généralement, les professionnels du secteur privé veulent par exemple être payés à des niveaux supérieurs à ceux des fonctionnaires publics. Mais d'un autre côté, ils ne sont payés que pour le travail réellement effectué, prennent eux-mêmes en charge leur protection sociale, et peuvent être remplacés s'ils ne travaillent pas correctement. Le recours aux professionnels du privé peut donc représenter une dépense supérieure ou inférieure au coût administratif mais c'est de toute façon son rapport efficacité-coût qu'il faut considérer. En outre, il faut dans tous les cas avoir la maîtrise des services sous-traités. La création d'une unité de gestion interne constitue donc la compétence administrative minimale dont doit disposer une organisation pour s'engager dans cette voie.

Les organisations décentralisées ont moins directement besoin de compétences techniques car les savoir-faire de ce type se prêtent plus facilement au recrutement externe que les compétences en administration. Les collectivités territoriales et les OSC peuvent ainsi sous-traiter la construction et l'entretien et, parfois même, l'exploitation d'équipements ruraux tels que l'approvision-nement en eau, l'irrigation ou les voies de communication. Les leaders des groupes d'intérêt communautaires peuvent en outre être formés afin d'acquérir les compétences nécessaires pour faire fonctionner leurs projets qui sont généralement d'une taille et d'une complexité qui restent à la portée des participants. L'un des objectifs de la dévolution est en fait d'adapter les caractéristiques techniques des projets communautaires et des collectivités territoriales à ce que la population locale peut effectivement mettre en œuvre. Là encore, cela soulève la question des règles et des critères vu que, dans la plupart des cas, les critères contraignants imposés par l'administration centrale sont à l'origine de la mauvaise mise en œuvre et de l'incapacité à entretenir correctement les équipements. Naturellement, moins une zone rurale sera développée, plus il sera difficile de trouver un prestataire privé avec lequel passer un contrat. Dans les zones les plus isolées, les collectivités territoriales devront donc se reposer entièrement sur leurs propres ressources et sur l'appui offert par les unités déconcentrées de l'administration centrale. Dans ce dernier cas, les tâches des unités déconcentrées devront être modifiées de façon à refléter les objectifs de la politique des pouvoirs publics.

Contrats et gouvernance

Un des avantages de la sous-traitance réside dans le fait que la discipline des systèmes de motivation du secteur privé - capacité à récompenser les bons résultats et à pénaliser les mauvais - peut être mise en jeu. Il y a cependant deux bonnes raisons pour lesquelles il peut s'avérer difficile de transférer la production de tous les services au secteur privé. La première est liée aux problèmes de réglementation et de contrôle et sera abordée dans le prochain chapitre. La seconde tient à la difficulté de rédiger des contrats appropriés avec le secteur privé. On a vu en effet au chapitre 2 que le secteur privé pouvait être réticent ou même incapable de fournir un service du fait de l'existence de risques et d'aléas et que, de ce fait, les marchés pouvaient être incomplets. En théorie, il devrait cependant être possible pour l'administration d'élaborer des contrats portant sur la production d'un service qui seraient susceptibles d'être conclus avec des entreprises du secteur privé et qui leurs offriraient un dédommagement pour les risques et pertes éventuelles. Mais en pratique, une multitude de conflits principal-agent résultant de l'existence des asymétries d'information et des comportements opportunistes[42] risquent de créer de sérieux obstacles à la mise en œuvre de cette approche. L'obtention d'une information suffisamment précise pour permettre à l'entreprise de dégager une rentabilité raisonnable sans être excessive et la rédaction d'un contrat qui prenne en compte toutes les éventualités possibles risquent de soulever des difficultés qui s'avéreront si complexes que l'administration aura tout intérêt à continuer de fournir elle-même le service.

Des problèmes contractuels similaires peuvent se poser lorsque le secteur privé fournit des biens méritoires ou que les pouvoirs publics fournissent d'autres biens et services dans l'objectif de redistribuer le revenu. Les contrats devront par exemple mentionner alors avec une relative précision quels groupes sont autorisés à se procurer le bien ou le service et en quelle quantité ils y sont habilités.

3.3 Qui réglemente?

3.3.1 Règles, réglementations et institutions

Quelques instants de réflexion suffisent pour comprendre que toutes les transactions économiques doivent être administrées par un ensemble de règles et réglementations formelles et informelles qui définissent les conditions selon lesquelles les échanges et le commerce peuvent avoir lieu. Pour ne prendre qu'un exemple, il serait ainsi difficile et risqué d'acheter des biens ou services sans que les droits définissant précisément la propriété ne soient clairement établis. Achèterait-on alors une maison avec le risque de voir quelqu'un arriver et prétendre qu'elle lui appartient?

La Nouvelle économie institutionnelle

La Nouvelle économie institutionnelle s'intéresse à la question générale des institutions[43], c'est-à-dire aux règles et conventions et à la façon dont elles modèlent les transactions et les pratiques économiques et sont modelées par elles. L'encadré 3.3 présente quelques définitions de ce concept d'institutions.

Encadré 3.3 Quelques définitions du concept d'institutions

«Les institutions sont constituées par les règles du jeu d'une société ou, plus formellement, par l'ensemble des obligations humainement établies qui modèlent les relations entre individus. En conséquence, elles ont un rôle structurant sur ce qui motive les relations humaines, que celles-ci soient politiques, sociales ou économiques» (p.1). (North, 1990).

«(C'est) un système commun de règles qui définit la nature des échanges qui peuvent se produire entre individus et qui structure les motivations de ces échanges. Les institutions économiques comprennent les marchés et les droits de propriété, les systèmes de tenure foncière et de possession du bétail, les obligations d'assistance mutuelle au sein de groupes lignagers et d'autres systèmes d'échanges encore qui sont déterminés par des contrats implicites ou des normes sociales» (Hoff et al., 1993).

«(C'est) l'ensemble des règles réellement employées (les règles en vigueur ou les règles d'usage) par un ensemble d'individus afin d'organiser les activités récurrentes dont les résultats affectent ces individus et potentiellement d'autres individus» (p.19). Les règles en vigueur sont celles qui sont réellement appliquées, suivies et respectées lorsque des individus décident de leurs actions. Pour être efficaces, toutes les personnes concernées doivent les connaître, s'attendre à ce que les autres modèlent leurs comportements en conséquence et anticiper les sanctions en cas de non-respect. Elles doivent être mises en application non seulement par les décideurs eux-mêmes mais aussi par les personnes qu'ils emploient ou par une instance externe (de réglementation). Certaines des fonctions des règles en vigueur visent «à déterminer qui a le droit de prendre certaines décisions, quelles actions sont permises ou limitées, quelles procédures doivent être suivies, et quels coûts ou récompenses seront assignés à chacun à l'issue de ces actions» (p.19). (Ostrom, 1992).

Ainsi qu'on peut le constater, les institutions consistent en un ensemble de règles formelles et informelles. Par exemple, les lois, contrats, statuts et accords internationaux constituent des règles formelles. Les conventions sociales et codes de comportements constituent par contre des règles informelles. Les règles en vigueur auxquelles Ostrom se réfère (voir l'encadré 3.3) peuvent, ou non, regrouper des lois formelles telles qu'on en trouve dans la législation nationale, les réglementations administratives ou les décisions de justice. Ostrom affirme qu'un système est administré selon la «règle de la loi» lorsque les lois formelles et les règles en vigueur sont précisément établies et appliquées. Mais dans de multiples circonstances, les règles en vigueur instaurent de fait des droits et obligations qui vont à l'encontre du droit (de jure) et des obligations du système juridique formel. Les règles formelles des agences d'irrigation peuvent, par exemple, interdire le paiement par les agriculteurs d'une commission aux techniciens chargés de la répartition de l'eau alors qu'en pratique - paysan ou fonctionnaire - tout le monde connaîtra parfaitement le montant du pot-de-vin qu'il faut systématiquement payer pour accéder à différents types de services (Ostrom, 1992).

Il est très important que les analystes des politiques soient bien conscients de cette réalité. L'identification des règles en vigueur peut en effet nécessiter un long et patient travail d'observation de sorte que les démarches de «diagnostic rapide en milieu rural» s'avèrent peu appropriées. Ostrom avertit à ce sujet que deux erreurs classiques rendent souvent difficile l'observation des institutions. La première tient à ce qu'on assimile fréquemment les règles d'usage aux lois formelles. Cela conduit à tort à croire qu'il suffit de changer la loi formelle pour modifier les comportements. La seconde provient de ce qu'on croit parfois qu'aucune institution n'existe autre que celles instaurées par les interventions publiques. Dans ce cas, les actions qui seront entreprises risquent de véritablement détruire les institutions existantes qui pouvaient avoir parfaitement fonctionné jusqu'alors.

Réduire les coûts de transaction

Le principal rôle des institutions économiques dans une société est de limiter les incertitudes en instaurant un cadre durable pour les relations humaines et les échanges économiques. Des institutions appropriées permettent de réduire les coûts d'information et de transaction de l'activité économique. Les réglementations permettent aussi de limiter les excès liés aux comportements opportunistes qui découlent de l'existence d'asymétries d'information. De la même façon, certaines institutions peuvent avoir pour effet de créer des problèmes d'information et donc d'accroître les coûts de transactions économiques. Mieux les analystes des politiques comprendront les rôles, formes et fonctions des institutions, mieux ils arriveront à adapter leurs conseils quant à la façon d'améliorer les transactions économiques dans le cadre de marchés incomplets ou inexistants. Dans certains cas, cela se fera par exemple en suggérant les institutions qui pourraient être instaurées par des organisations en place. Dans d'autres cas, cela nécessitera au contraire de créer de nouvelles formes d'organisation qui pourront ensuite établir les institutions appropriées.

3.3.2 Décentralisation et réglementation

La loi et l'ordre

Les lois, règles et réglementations ont pour la plupart des caractéristiques des biens publics. En ce sens, le cadre juridique national peut être considéré comme le bien public par excellence[44], les pouvoirs publics ayant alors pour fonction de créer ce cadre et de développer un ensemble de procédures visant à déceler les déviations par rapport à ces règles et réglementations (le système politique) et à les faire appliquer (le système judiciaire). La décentralisation de certains services peut mettre en évidence la nécessité d'établir de nouvelles dispositions institutionnelles pour administrer leurs composantes. Le principe de subsidiarité s'applique ainsi tout autant à la fonction de réglementation qu'aux autres composantes de la prestation. Le pouvoir d'instaurer et de contrôler les règles et réglementations peut donc être détenu par l'administration centrale mais aussi délégué ou dévolu à des niveaux inférieurs de la gouvernance, y compris dans le cadre d'une autorégulation par des organisations ou groupes d'organisations du secteur privé ou associatif. L'administration centrale pourra également préserver son rôle de réglementation dans les domaines où elle souhaite que des mesures spécifiques ou des normes de prestation soient appliquées à l'ensemble du pays, ou encore là où elle joue un rôle majeur dans le financement d'un service.

Le fardeau de la réglementation

Un des problèmes cruciaux qui se pose lors du transfert de la prestation d'un service au secteur privé est qu'il faut alors suivre et contrôler l'exécution des contrats afin d'être sûr que celle-ci est correcte. Ce même besoin se fait sentir lorsque le secteur privé dispose d'une position dominante dans la fourniture d'un bien ou la prestation d'un service et qu'on se trouve dans des conditions de monopole naturel ou de faible concurrence. Le fardeau que constitue la réglementation pour les pouvoirs publics est donc susceptible de peser de plus en plus même lorsque le secteur privé récupère ou développe de nouvelles responsabilités. Ce suivi et ce contrôle de la réglementation ne peuvent être correctement réalisés qu'avec une forte capacité de gouvernance. Paradoxalement, les pouvoirs publics auront donc plus intérêt à proposer eux-mêmes des biens ou services lorsque la gouvernance est faible et que cette fonction ne peut donc être laissée aux seules lois du marché. La même remarque s'applique également lorsque l'administration centrale délègue certaines fonctions à d'autres organismes publics et lorsque les collectivités territoriales sous-traitent des activités.

La prise en otage des instances de réglementation

La réglementation administrative pose également d'autres problèmes. D'importants coûts d'information sont associés à différents types de réglementations. Les agents soumis à la réglementation disposent souvent de l'essentiel de l'information nécessaire, plus en tout cas que les agents chargés d'appliquer la réglementation de sorte qu'il y a alors asymétrie d'information. Lorsque cette asymétrie est trop déséquilibrée et que les agents soumis à la réglementation arrivent à manipuler l'information à leurs propres fins, les agents chargés d'appliquer la réglementation apparaissent alors comme pris «en otage». Là encore, cela a plus de chance de se produire lorsque la capacité de gouvernance est faible. C'est donc une question de plus qui devra être soigneusement analysée pour décider si oui ou non, des services doivent être décentralisés, et comment.

La recherche de rentes

La réglementation risque en outre d'avoir un coût indirect significatif lorsqu'elle induit une «recherche de rentes»[45]. Les marchés fortement réglementés tendent en effet à perdre toute flexibilité. Il y a deux raisons à cela (FAO, 1991a). Premièrement, lorsque la réglementation crée des rentes importantes, ceux qui avaient acquis certains intérêts souhaitent immanquablement maintenir la réglementation dans son état initial, indépendamment de l'évolution des conditions économiques. Ils ne sont alors prêts à renoncer à ces avantages qu'à condition de pouvoir compenser la baisse de leur rente résultant de l'éventuelle modification de la réglementation par de nouveaux bénéfices. Deuxièmement, lorsque l'administration centrale édicte une réglementation, celle-ci vaut généralement pour tout le pays, indépendamment des conditions locales. En outre, lorsque les conditions économiques évoluent, il n'y a souvent pas de solution pour modifier la réglementation rapidement et à bon compte. Dans certains pays, l'état aura ainsi beaucoup de mal à faire appliquer la réglementation, sauf dans certaines zones ou auprès de certains groupes (ethniques) ou encore de façon aléatoire. Le résultat net de cette situation est de toute façon d'induire une hausse du coût des risques liés aux transactions et une baisse de la crédibilité de l'état.

Dans ce cas, une des solutions possibles consiste à favoriser la mise en place d'un système de réglementation décentralisé qui offrira une plus grande autonomie et donc plus de flexibilité pour l'adapter aux conditions locales. Pour que cela marche, il faut toutefois que les agents chargés de faire appliquer la réglementation au niveau local disposent de suffisamment de pouvoir et de crédibilité.

Si les administrations essayent de faire appliquer trop rigoureusement une réglementation, il peut alors y avoir un transfert de l'activité depuis l'économie formelle réglementée vers l'économie informelle, non-réglementée et illégale. Cela se produit en particulier lorsque les coûts de mise en conformité sont supérieurs à ceux encourus en opérant illégalement. Généralement, cela débouche sur une perte d'autorité et de crédibilité de l'administration. Les pouvoirs publics devraient trouver là une bonne raison pour circonscrire la réglementation aux seules zones où ils peuvent espérer la faire appliquer de façon crédible.

Financer la réglementation

Une autre question qu'il faut aborder concerne le financement des fonctions de réglementation après décentralisation. Qui payera alors? Même si l'administration centrale souhaite transférer la responsabilité de la réglementation à une collectivité territoriale, celle-ci risque d'avoir des difficultés pour financer cette fonction. Des modalités de transferts financiers internes à l'administration devront donc être mises en place. D'un autre côté, on a expliqué que de nombreux services, qui apparaissent comme des biens publics au niveau national, ont des caractéristiques de biens «méritoires» au niveau local. Dans ces conditions, il est alors beaucoup plus simple d'instaurer un mécanisme de recouvrement des coûts de la réglementation auprès de la population concernée; ou encore de l'encourager à mettre en place un système total ou partiel d'autorégulation.

3.4 Conclusions

La décision de décentraliser la prestation des services à l'agriculture soulève de nombreux problèmes et offre l'occasion de s'interroger sur ce qui motivait les choix antérieurs. Il a été expliqué que la décentralisation n'a pas besoin d'être appliquée à toutes les composantes de la prestation et que ses différentes modalités peuvent, si nécessaire, être employées pour les diverses fonctions. Il ressort également que la décentralisation est largement influencée par les capacités des collectivités territoriales et la puissance des systèmes locaux de gouvernance.

En matière de financement de la prestation, la déconcentration n'entraîne de changement qu'au niveau des procédures budgétaires et de libération des fonds et qu'au sein d'une seule administration. La délégation, la dévolution et le partenariat impliquent par contre des changements autrement plus importants. Sachant la faible capacité de collecte des recettes de la plupart des collectivités territoriales, des mesures de transferts financiers internes à l'administration s'avèrent nécessaires lorsqu'il faut maintenir un financement public des services. La décentralisation offre toutefois la possibilité nouvelle d'envisager l'introduction de mesures de recouvrement des coûts.

L'ampleur de la décentralisation de la production d'un service et les moyens qui lui sont nécessaires dépendent de nombreux facteurs. L'existence d'importantes économies d'échelle peut limiter l'ampleur de la décentralisation tandis que l'existence de variations significatives de la nature de la demande locale ira au contraire en sa faveur. La faible capacité des collectivités territoriales à assurer la production des services constitue une contrainte fréquente qui peut cependant être surmontée en sous-traitant certaines fonctions. Mais cette façon de faire ne pourra en aucun cas servir de solution complète.

Le renforcement de la gouvernance constitue un facteur crucial lorsqu'on cherche la façon la plus efficace de réglementer les services. Dans certaines circonstances, le fardeau que constitue la réglementation pour les pouvoirs publics et l'abus des mécanismes de réglementation peuvent parfois rendre difficile la décentralisation de certains services.


[34] Un producteur peut accepter à court terme de vendre à un prix qui ne couvre que les coûts de production variables nécessaires à cette unité supplémentaire et à long terme, à un prix qui ne couvre que les coûts variables et les coûts fixes courants. Mais, il n'est économiquement pas rationnel de continuer à vendre à un prix qui ne couvre pas la totalité du coût de remplacement de ces deux variables et du capital fixe.
[35] Les bénéfices économiques correspondent au revenu excédentaire par rapport au coût (d'opportunité) total de la production.
[36] Ce prix d'équilibre est un prix socialement à l'optimum dans la mesure où le bénéfice qui découle de la dernière unité consommée pour maximiser la satisfaction du consommateur est tout juste égal au prix payé. (Si ce bénéfice était supérieur, le consommateur aurait économiquement intérêt à acheter encore plus de ce bien). De la même façon, le prix minimal que le producteur qui maximise son bénéfice est disposé à percevoir sera tout juste égal aux coûts supplémentaires auxquels ce producteur (ou l'ensemble de la société s'il n'y a pas d'externalités) devra faire face pour produire cette dernière unité. A défaut, il est normal que la production continue d'augmenter ou de diminuer.
[37] La propriété privée n'est pas la seule forme de propriété. La propriété peut être «en commun» lorsque le droit est partagé avec une autre personne ou un groupe de personnes. Elle peut aussi être «collective» lorsque toute décision concernant le service doit être prise par l'ensemble du groupe (Ricketts, 1987).
[38] Le lecteur spécialiste de ces questions estimera avec raison que la réalité est sensiblement plus complexe. Mais il est nécessaire de simplifier la présentation de ces concepts de base pour les rendre accessibles au plus grand nombre.
[39] Si l'on veut être strict, un système de fixation des prix socialement à l'optimum suppose que les prix seront égaux au coût marginal total. Le coût moyen total est un prix socialement à l'optimum si le coût (social) marginal est lui aussi égal au coût moyen et donc au prix. Dans des situations de monopole naturel tel n'est cependant pas le cas. Fixer le prix au coût marginal provoquerait donc une perte.
[40] Une entreprise qui maximise ses bénéfices s'appuie sur le concept de «coût d'opportunité» qui correspond au gain qui pourrait être obtenu par la meilleure utilisation possible des ressources. On peut alors déterminer un taux de rentabilité du capital qui servira à calculer les coûts. Dans cette même logique, on peut également déterminer une valeur pour les risques. Mais ces méthodes sont-elles vraiment pertinentes pour les pouvoirs publics?
[41] Voir paragraphe 2.1.
[42] Ces problèmes découlent du fait que l'information a une valeur et un coût pour être obtenue. Elle est souvent obtenue au meilleur marché possible, en tant que sous-produit des activités de production et de consommation auxquelles les individus se consacrent. Les individus qui se consacrent régulièrement à une activité ou qui sont relativement riches sont donc susceptibles d'accéder à plus d'information que les usagers pauvres ou occasionnels (par exemple les grands commerçants qui vendent et achètent quotidiennement par rapport aux petits paysans qui ne vendent qu'occasionnellement et en petite quantité). Ceci provoque une asymétrie d'information qui fait que des individus ou groupes d'individus qui participent à une transaction auront un meilleur accès à l'information que d'autres et par conséquent un plus grand pouvoir de négociation. Ce problème de l'asymétrie d'information est encore renforcé lorsque la collecte et l'analyse de l'information ont une importante composante à «coût fixe». Le coût moyen de l'information est alors plus élevé pour le plus petit des participants à la transaction, toutes choses étant égales par ailleurs. Lorsque cet avantage est utilisé avec ruse et astuce par l'une des parties prenantes à une transaction dans le but d'en tirer un bénéfice aux dépens de l'autre, on parle alors de comportement opportuniste.
[43] On se souviendra que la différence entre les «institutions» et les «organisations» est analysée au paragraphe 1.5.
[44] FAO (1991a).
[45] On parle de «recherche de rente» lorsque des ressources sont utilisées dans le but de profiter de conditions de monopole artificiellement créées.

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