Page précédente Table des matières Page suivante


Chapitre 6 - Droits d'usage et pêche responsable: Limiter l'accès et les prélèvements grâce à une gestion fondée sur les droits par Antony T. CHARLES[9]


Saint Mary's University, Nouvelle-Ecosse, Canada

1 QU'EST-CE QUE LES DROITS D'USAGE?

Plusieurs chapitres de cet ouvrage examinent différentes formes de réglementation qui s'appliquent aux pêcheries, par exemple les fermetures de zones, la limitation d'accès et autres contrôles des moyens de production (limitation de l'effort), ainsi que les contrôles de la production (quotas). Ces réglementations s'intéressent à tout un éventail de questions relatives aux pêcheries. Qui peut aller pêcher? Où la pêche estelle autorisée? Quelle quantité d'engins peut-on utiliser? Quelle quantité de poisson peut-on capturer? Supposons, toutefois, que nous considérions ces restrictions sous un angle différent, à savoir les droits d'usage, soit les droits qu'ont les pêcheurs ou les communautés de pêcheurs d'utiliser les ressources halieutiques.

Lorsque, pour aménager une pêcherie, on impose des restrictions qui précisent qui peut utiliser la pêcherie, dans quelle mesure chaque participant individuel est autorisé à pêcher (effort de pêche) ou quelle quantité chacun peut prélever, on dit de ceux qui ont de telles autorisations qu'ils détiennent des droits d'usage. Ces droits sont tout simplement «des droits à utiliser», reconnus ou attribués par l'autorité d'aménagement pertinente (qu'elle soit officielle ou non). Par exemple, la limitation d'accès, considérée comme un «contrôle des moyens de production» du point de vue de l'aménagement des ressources, peut être regardée comme un «droit d'accès» du point de vue de la gestion des pêcheurs. Certains particuliers, groupes ou communautés ont le droit d'«utiliser» la pêcherie (c'est-à-dire d'aller pêcher), alors que d'autres n'ont pas ce droit. De même, les limites imposées au nombre de pièges dont l'usage est autorisé peuvent être considérées comme une restriction (négative), ou comme un droit d'usage (positif) - le pêcheur, le groupe ou la communauté a le droit d'utiliser un certain nombre de pièges.

Naturellement, des responsabilités accompagnent ces droits. Le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable précise (paragraphe 6.1): «Le droit de pêcher implique l'obligation de le faire de manière responsable». Pour évoluer vers une pêche responsable, il est donc fondamental de mettre en place des séries, efficaces et acceptées, aussi bien de droits que de responsabilités des pêcheurs. Ainsi, le présent chapitre porte sur les droits d'usage; il examine les différentes formes de droits, leurs avantages et inconvénients, les questions de politique liées au choix entre divers systèmes possibles de droits d'usage, et la question de savoir comment ces droits sont appliqués dans la pratique et qui peut ou devrait les détenir.

Il existe un large éventail de droits d'usage pouvant être appliqués, par exemple chacune des méthodes suivantes d'aménagement des pêcheries met en jeu des droits d'usage:

Même s'il existe une grande diversité parmi les systèmes de droits d'usage, on peut généralement les placer dans deux catégories principales:

a) les droits d'accès, qui autorise l'accès à telle pêcherie ou telle zone de pêche;

b) les droits de prélèvement (récolte), qui normalement comprennent le droit à un volume bien défini d'effort de pêche (par exemple, pêcher pendant un certain temps ou avec une certaine quantité d'engins) ou le droit de prélever une capture précise.

Chacune de ces catégories peut se situer à différents niveaux d'organisation, c'està- dire qu'il peut s'agir de droits détenus par des particuliers, par des communautés ou régions, ou par des certains groupements tels que le secteur des bateaux de pêche ou celui des engins. En effet, alors que les droits d'usage sont souvent décrits en termes de droits individuels des pêcheurs, une forme importante de droit d'usage, aussi bien dans le passé qu'à l'heure actuelle, concerne les droits détenus collectivement par une communauté.

Il convient de noter que les droits d'usage s'inscrivent dans de nombreux contextes différents qui dépassent largement le cadre de la pêche. Prenons l'exemple d'un propriétaire de logement dans un village de campagne ou une copropriété urbaine (ensemble d'appartements dans lequel chaque unité est possédée individuellement). De tels propriétaires ont certainement le droit d'«utiliser» le logement. En outre, comme nous le verrons plus loin, ils ont probablement aussi d'autres droits: le droit d'interdire à d'autres personnes de se servir du logement et peut-être le droit de vendre le logement à quelqu'un d'autre. Considérons maintenant les zones communes qui entourent le logement et les logements voisins, par exemple le pâturage du village ou le jardin situé devant l'immeuble de la copropriété. Le groupe des propriétaires de logements peut fort bien partager des droits d'usage relatifs à ces zones communes, aucune personne prise individuellement n'ayant le droit d'exclure les autres ni de vendre la zone commune. De telles situations se produisent dans toutes sortes de cadres différents, où des particuliers et des familles détiennent divers droits à l'intérieur de leur propre ménage, ainsi que des droits collectifs qu'ils partagent pour ce qui est de la propriété commune. Dans une telle situation, le contexte culturel peut être tel que les droits collectifs (du groupe) prédominent, comme c'est le cas dans quelques sociétés autochtones/indigènes.

2 POURQUOI LES DROITS D'USAGE SONT-ILS PERTINENTS POUR LA GESTION DES PÊCHERIES?

Le Code de conduite (paragraphe 10.1.3) se réfère aux droits d'usage non seulement dans le cadre des pêcheries mais en ce qui concerne les ressources côtières en général: «Les Etats devraient mettre en place, le cas échéant, des cadres institutionnels et juridiques en vue de déterminer les utilisations possibles des ressources côtières et régir l'accès à ces ressources, en tenant compte des droits des communautés côtières de pêcheurs [...]». Pourquoi ces droits sont-ils si importants?

Les droits d'usage soutiennent l'aménagement en énonçant clairement qui sont les parties prenantes dans une pêcherie donnée, tout en apportant aussi une aide à ces parties prenantes - que ce soit des pêcheurs, associations de pêcheurs, entreprises de pêche ou communautés de pêcheurs -, en leur assurant une certaine sécurité quant à l'accès aux zones de pêche, à l'utilisation d'un ensemble autorisé de moyens de production, ou à la récolte d'une quantité de poisson. Si les droits d'usage sont bien définis, les pêcheurs savent qui peut ou ne peut pas accéder aux ressources de la pêcherie, dans quelle mesure chacun est autorisé à pêcher et pendant combien de temps ces droits sont applicables.

Les pêcheries dont les droits d'usage sont clairement définis peuvent être opposées aux pêcheries d'accès libre. Dans leur forme la plus complète, les pêcheries d'accès libre sont celles pour lesquelles il n'existe pas de réglementation en matière de flotte ou de captures, et en particulier où il n'y a pas de restriction d'accès; tout le monde peut aller pêcher. Les pêcheries de la haute mer, situées dans l'espace océanique qui se trouve en dehors de la juridiction d'un pays particulier, représentent peut-être le cas le plus connu d'accès libre (et, jusqu'à une date récente, sa manifestation la plus grave).

On a reconnu peu à peu avec sagesse, en s'appuyant sur la théorie et en constatant l'effondrement des pêcheries et le dépeuplement des stocks dans le monde entier, que l'accès libre aboutirait à une conservation probablement désastreuse et à des problèmes économiques. Une exploitation des ressources marines reposant sur un laissez-faire non contrôlé (libre entreprise) constitue l'une des plus grandes menaces pour la pérennité des pêcheries. En effet, la menace que faisaient peser ces pêcheries d'accès libre a représenté un facteur essentiel conduisant à des efforts pour réglementer les pêcheries de la haute mer, dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur les stocks chevauchants et les stocks de poissons grands migrateurs et l'Accord ultérieur des Nations Unies sur les stocks de poissons[10] qui appliquait les dispositions pertinentes du Droit de la mer des Nations Unies.

Il faut noter que le terme «accès libre» désigne parfois aussi une pêcherie qui n'est pas soumise à un contrôle du nombre de bateaux ou de la quantité d'engins, même si les captures totales peuvent être réglementées. Dans ce cas, les stocks halieutiques ne s'effondrent pas automatiquement (si les règlements fonctionnent), mais la flotte peut devenir excessive (surcapitalisée) - sous l'effet d'incitations économiques poussant à entrer dans la pêcherie et à investir dans de plus gros navires - et se livrer à une «course à l'exploitation» où les premiers à capturer la plus grosse quantité de poissons sont les «gagnants». Si l'on utilise plus de moyens de production que nécessaire pour capturer les poissons, la santé économique de la pêcherie risque d'être menacée même si la ressource est sauvegardée.

Comme les pêcheries d'accès libre ont une mauvaise réputation, tant au niveau international que dans le cadre de juridictions nationales, la nécessité globale, ainsi que l'opportunité, de limiter l'accès est en général acceptée comme un prémisse fondamental de l'aménagement des pêcheries. En effet, la nécessité de droits d'usage - précisément de restrictions d'accès - a été comprise depuis longtemps dans de nombreuses parties du monde. Les droits d'usage informels et traditionnels existent depuis des siècles dans diverses sortes de juridictions relatives aux pêches. Même dans les cas où prédomine la réglementation gouvernementale directe des pêcheries, les droits d'usage sont de plus en plus souvent appliqués.

Les droits d'usage sont utiles au gestionnaire des pêcheries non seulement pour résoudre les problèmes d'accès libre, mais aussi pour aider à préciser clairement qui est affecté par l'aménagement, ce qui a les avantages ci-après.

3 COMMENT LES DROITS D'USAGE SONT-ILS LIÉS À D'AUTRES DROITS DANS LE SECTEUR HALIEUTIQUE?

Les droits d'usage servent à préciser qui doit être associé à l'exploitation des ressources, de façon à rendre l'aménagement plus efficace et la conservation plus probable. Faut-il aussi préciser qui doit être concerné par l'aménagement des pêcheries? Dans le passé, cette question aurait pu sembler sans grand intérêt, car l'aménagement était assuré par les gestionnaires, en général des représentants du gouvernement, dans une situation de pêche commerciale. Au fil du temps, cependant, il est apparu clairement que la gestion des pêcheries avait rarement de bons résultats quand elle était assurée de façon directive, parce que le gestionnaire avait rarement, voire jamais, le temps et l'argent pour surveiller totalement les milliers de pêcheurs en mer. Ainsi, un aménagement efficace exige l'appui des pêcheurs (ou tout au moins leur acceptation), ainsi qu'un certain degré d'autodiscipline.

Cela a conduit à l'apparition de nouveaux arrangements de cogestion impliquant l'élaboration conjointe de mesures d'aménagement par les pêcheurs, le gouvernement et éventuellement les communautés locales. Le chapitre 7 traite de ce sujet qui, ces dernières années, a fait l'objet de nombreuses études. Selon les textes sur les droits de pêche, la cogestion exige l'attribution de droits de gestion, c'est-à-dire le droit de participer à l'aménagement de la pêcherie. Il faut noter que les droits de gestion et les droits d'usage peuvent être considérés comme des formes parallèles: les premiers précisent le droit de participer à l'aménagement de la pêcherie, et les seconds le droit de participer à la pêcherie elle-même. Comme l'indique le Code de conduite (paragraphe 6.13), les droits de gestion traduisent le besoin de «faciliter la consultation et la participation effective de l'industrie, des travailleurs du secteur, des organisations environnementales et autres organisations intéressées, lors de la prise de décision relative à l'élaboration des lois et des orientations de politiques concernant l'aménagement des pêcheries».

Qui devrait détenir des droits de gestion? Il ressort de ce qui a été dit plus haut que, s'il ne s'agit que de raisons pratiques, les pêcheurs (ceux qui ont des droits d'usage) devraient être parmi les détenteurs de droits. Le gouvernement - qui a généralement la responsabilité de protéger la ressource, de tirer des avantages de cette ressource et de distribuer ces avantages comme il convient - détient aussi des droits de gestion. Dans quelle mesure les droits de gestion devraient-ils être également détenus par les communautés, les organisations non gouvernementales (ONG) et le public en général? Il s'agit là d'une question importante dont la réponse pourra être différente selon le niveau d'aménagement qui fait l'objet de débats, et qui est analysée au chapitre 7.

Considérons tout d'abord le niveau opérationnel ou tactique de l'aménagement qui met en jeu des mesures - telles que la fermeture de zones, la fermeture de saisons et les dimensions autorisées des hameçons ou des mailles - qui affectent directement la méthode de pêche. A ce niveau, il est particulièrement important que les pêcheurs détiennent des droits de gestion, de façon à encourager le respect des règlements en mer. Toutefois, il peut souvent y avoir moins d'intérêt parmi les communautés, les ONG et le grand public pour ces questions sur les détails du fonctionnement (sauf peut-être lorsqu'il s'agit de protéger l'écosystème). En revanche, les débats sur l'aménagement stratégique, qui concernent l'ensemble des objectifs et des orientations de politiques de la pêcherie, sont normalement des domaines d'intérêt général auxquels le public, notamment les communautés de pêcheurs, s'intéressent légitimement. Ainsi un large éventail de parties intéressées détiendra (ou devrait détenir) des droits de gestion pour traiter des questions d'aménagement stratégique et fixer les objectifs relatifs à l'utilisation des ressources halieutiques et de l'écosystème dans son ensemble. C'est de plus en plus le cas dans les pêcheries artisanales collectives. Par exemple, les lois promulguées aux Philippines confient de façon claire les droits de gestion des «pêcheries municipales» côtières à la municipalité locale (Congrès des Philippines, 1998).

Les droits de gestion sont l'un des trois types de droits de «choix collectif» tels que les ont définis Ostrom et Schlager (1996), les deux autres étant les droits d'exclusion (le droit d'attribuer des droits d'usage, et donc le déterminer qui peut utiliser la pêcherie) et les droits d'aliénation (le droit d'autoriser le transfert ou la vente d'autres droits). Ces droits de choix collectif peuvent être détenus à la fois par des usagers et des nonusagers, à l'inverse des droits d'usage qui sont détenus essentiellement par les seuls usagers de la pêcherie. Par exemple, alors qu'une communauté de pêcheurs peut ne pas détenir de droits d'usage en soi, elle peut avoir des droits de gestion (comme mentionné ci-dessus), ainsi que des droits d'exclusion et d'aliénation (relatifs aux décisions concernant l'attribution et/ou la liquidation des droits d'usage). Précisément, les questions de savoir qui devrait détenir les droits de gestion, d'exclusion et d'aliénation, et quelles institutions sont aptes à traiter de tels droits sont des questions de plus en plus importantes qui, dans les prochaines années, recevront probablement une attention croissante (voir chapitre 7 pour une analyse plus approfondie de ce sujet).

Au plus sont détenus des droits de types différents, au plus est complète la panoplie des droits. Par exemple, un pêcheur qui possède un bateau de pêche a probablement un droit d'utiliser le bateau, de même qu'un droit d'exclusion (empêcher les autres d'utiliser le bateau) et un droit d'aliénation (vendre le bateau). D'autre part, une licence de pêche fournit un droit d'exploiter les ressources halieutiques, mais probablement pas un droit d'exclusion empêchant d'autres personnes d'utiliser les stocks de poissons. Ainsi, les pêcheurs ont normalement des droits plus complets sur leur bateau que sur l'utilisation de la ressource.

En outre, il est très important de tenir compte du fait qu'un pêcheur qui détient des droits d'usage a le droit d'accéder à la pêcherie mais ne possède pas les poissons eux-mêmes jusqu'à ce qu'ils soient réellement capturés. Ainsi, les droits d'usage ne sous-entendent pas la possession de la ressource elle-même. Il est regrettable que cette distinction essentielle ait parfois prêté à confusion; des droits d'usage (tels que les quotas individuels) ont été encouragés en laissant supposer que les pêcheurs détenant ces droits «possèderaient» en fait les poissons de la mer, exactement comme on peut posséder son bateau de pêche. Cette idée a été à l'origine de maints conflits récents dans les pêcheries, souvent entre usagers et non-usagers, mais ce n'est pas du tout ce que l'on entend par droits d'usage.

Il est utile à cet égard de comparer la pêcherie à d'autres secteurs de ressources naturelles, où la différence entre l'accès aux ressources (sous forme de droits d'usage) et la possession des ressources est peut-être plus claire. Prenons le cas de la foresterie. Dans les juridictions concernant de grandes étendues de forêt domaniale, une pratique courante veut peut-être que les sociétés d'exploitation industrielle détiennent des baux pour des zones bien précises de forêt. Les compagnies ne possèdent pas ces forêts, mais elles ont le droit d'utiliser les ressources, souvent sous certaines conditions, par exemple que le reboisement aille de pair avec l'exploitation, de façon à assurer la durabilité. De même, dans le secteur du pétrole et du gaz, l'accent est mis sur le droit d'usage relatif à un gisement de pétrole particulier. Le droit d'usage lui-même peut être «possédé», mais la possession des ressources sur le sol ou dans le sous-sol n'est pas en cause.

Qu'est-ce que les «droits de propriété»?

Les droits d'usage, les droits de gestion et les autres types de droits décrits dans la présente section entrent tous dans la grande catégorie des droits de propriété. Les droits de propriété précisent les liens entre les personnes quant aux différentes formes de propriété. Prenons le cas par exemple de deux unités de propriété, un bateau de pêche et un stock de poissons. En ce qui concerne les bateaux de pêche, nous voyons normalement de façon assez claire en quoi consistent les droits de propriété: le «propriétaire» du bateau de pêche peut utiliser le bateau (droits d'usage), empêcher d'autres personnes de l'utiliser (droits d'exclusion) et le vendre s'il le désire (droits d'aliénation). Les autres personnes n'ont pas de «droits de propriété» sur le bateau. En revanche, les droits de propriété sur les poissons de la mer sont habituellement moins clairs. Comme mentionné plus haut, différents groupes de personnes peuvent détenir des droits d'usage, des droits de gestion et des droits d'exclusion/aliénation. Cela traduit un point de convergence commun de l'analyse des droits de propriété quand on compare les «paquets» de droits liés aux unités de propriété.

Il existe de nombreux ouvrages sur les droits de propriété dans les pêcheries, exposant différents points de vue. Il est donc probable qu'à un moment ou à un autre les gestionnaires des pêcheries assisteront à des échanges de vues sur les droits de propriété. Cependant, il faut noter que dans la plupart des cas les gestionnaires mettront l'accent sur des questions d'accès, d'exploitation et d'aménagement en soi, qui mettent précisément en jeu les droits d'usage et les droits de gestion, plutôt que le domaine plus nébuleux des droits de propriété. Il semble aussi que l'emploi du terme «propriété» tende à créer des conflits, les attributions des droits d'usage sur les poissons de la mer étant interprétées à tort comme conférant la «possession» des poissons. Ce différend tient au fait que, même si les pêcheurs détiennent des droits d'usage, les poissons de la mer n'appartiennent pas à ces pêcheurs tant qu'ils ne sont pas capturés. Qui est donc propriétaire des poissons lorsqu'ils nagent en toute liberté? La théorie sur les droits de propriété n'est pas très éclairante à ce sujet; elle décrit en effet quatre «régimes de propriété» possibles qui pourraient s'appliquer aux poissons de la mer.

La non-propriété. Traditionnellement, les stocks de poissons de la haute mer n'étaient la propriété de personne. Les poissons étaient là pour être pêchés. Personne ne pouvait en revendiquer la propriété et exclure les autres. Cela constituait une absence de droits de propriété, un cas de «non-propriété». Au fil du temps, de moins en moins de ressources halieutiques de la planète ont été exploitées, faute de droits de propriété.

La propriété privée. Comme il a été mentionné plus haut, lorsqu'un pêcheur capture un poisson, une fois que ce dernier est sorti de l'eau et mis à bord du navire, il devient la propriété privée du pêcheur. Même quand les poissons nagent encore dans l'eau, ils sont parfois propriété privée. Dans certains pays, les poissons d'une rivière qui traverse un terrain privé peuvent être la propriété privée du propriétaire du terrain. Il peut en être de même pour les poissons d'un lac situé entièrement sur une terre privée. Dans ces cas-là, seul le propriétaire de la ressource a le droit de décider de l'utilisation de la ressource - en se soumettant sans doute à certaines contraintes sociales, par exemple celles qui peuvent être imposées pour préserver la diversité biologique.

La propriété de l'Etat. Dans beaucoup de pays, les poissons des océans à l'intérieur de la zone économique exclusive de l'Etat sont la propriété des citoyens de la nation et sont gérés en leur nom par le gouvernement. On dit dans ces cas-là que les poissons sont «propriété de l'Etat». Les poissons deviennent propriété privée lorsqu'ils sont capturés, mais ils restent propriété de l'Etat tant qu'ils sont dans la mer. En général, ces ressources ne peuvent pas être privatisées sans promulgation de lois, ou peut-être même une modification de la Constitution.

La propriété collective. Supposons que les poissons de la mer soient «possédés en commun» par un certain groupe bien défini de personnes, par exemple un groupe de citoyens dans le cadre d'une juridiction locale déterminée, comme une communauté côtière ou les membres d'une tribu indigène, mais non par un particulier ou une société. Supposons en outre que l'activité halieutique de l'un des pêcheurs nuise au bien-être des autres et qu'il soit difficile pour les pêcheurs, en tant que groupe, d'exclure d'autres utilisateurs potentiels. Dans une telle situation, les poissons sont désignés par le terme «propriété collective», un régime qui s'est généralisé dans le monde entier (bien que, jusqu'à une date récente, il ait été peu étudié comparé aux autres régimes de propriété mentionnés ci-dessus). Il faut noter que le concept de propriété collective se présente sous deux formes différentes. Dans la plupart des études, le groupe pertinent de personnes qui détient la propriété collective est relativement restreint et bien défini (par exemple une communauté). En revanche, dans l'usage courant, les ressources halieutiques d'un pays tout entier sont souvent appelées propriété collective, auquel cas le «groupe» est considéré comme assez grand pour inclure tous les citoyens d'un pays, et la propriété collective correspond alors à la propriété de l'Etat, telle qu'elle est définie ci-dessus.

Les droits d'usage peuvent être appliqués en vertu de n'importe quelle propriété, qu'elle soit privée, de l'Etat ou collective (et dans une certaine mesure, même dans le cas de la non-propriété, par exemple l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons (article 10) fournit la capacité de prescrire des droits d'usage en haute mer). A l'opposé, une absence de droits d'usage - c'est-à-dire l'accès libre - est à l'origine de la plupart des problèmes d'épuisement des ressources, quel que soit le régime des droits de propriété.

Le dernier point aide à clarifier les idées face à la confusion fréquente entre «propriété collective» (propriété détenue en commun par un groupe) et «accès libre» (absence de droits d'usage visant à limiter l'accès à la propriété). Cette confusion a conduit en effet à croire de façon erronée que les pêcheries qui sont propriété collective sont obligatoirement d'accès libre, et donc destinées à être surexploitées - confusion qui découle du fameux article écrit par Hardin en 1968, intitulé «Tragedy of the Commons». En réalité, un grand nombre d'études ont montré que, même si certaines pêcheries de «propriété collective» sont effectivement d'accès libre, ce n'est en aucun cas la règle générale. La véritable question dans une pêcherie de propriété collective est de savoir si les détenteurs de droits peuvent mettre en place collectivement une autorité d'aménagement efficace. En réalité, cela a été fait dans de très nombreux cas à travers le monde.

4 QUELLES FORMES DE DROITS D'USAGE Y A-T-IL?

La présente section examine les différentes formes de droits d'usage qui appartiennent aux deux grandes catégories mentionnées plus haut.

Le diagramme de la figure 1 représente ces différentes formes de droits.

FIGURE 1
Interrelations entre les différentes formes de droits d'usage. (Voir article de Townsend & Charles [1997] pour de plus amples détails)

On peut faire ici deux remarques. Tout d'abord, la plupart des options de droits d'usage décrites dans ce chapitre correspondent à un contrôle des moyens de production ou de la production, analysé au chapitre 4; il s'agit en fait de la même chose, vue sous un angle différent. Par exemple l'accès limité, considérée comme un «contrôle des moyens de production» du point de vue de l'aménagement des ressources, correspond à un droit d'accès du point de vue de la gestion des pêcheurs. De même, le pêcheur pourrait considérer le contrôle exercé sur le nombre de pièges qu'il est autorisés à utiliser dans une pêcherie comme une restriction (négative) ou comme un droit d'usage (positif).

Ainsi, il existe un certain chevauchement entre le contenu de cette section et celui du chapitre 4. Le lecteur devra se reporter à ce dernier pour plus de détails sur les différents contrôles des moyens de production et de la production qui sont à la base des droits d'usage.

Deuxièmement, quelle que soit la forme de droit d'usage adoptée, l'application des droits soulève les questions de politique suivantes:

Pour chacun de ces choix, les décisions entre les différentes possibilités sont d'une importance capitale, aussi bien du point de vue de l'orientation politique que du point de vue pratique. Cette question sera traitée en détail à la section 5 du présent chapitre.

4.1 Droits d'usage territoriaux

Parmi les outils d'aménagement les plus importants, figurent ceux qui concernent le lieu de pêche. On peut en distinguer deux formes. L'une est l'approche de la «fermeture de zones», dans laquelle une flotte tout entière subit de façon égale une interdiction générale de pêcher dans certains emplacements (voir chapitre 3). L'autre, qui présente ici un intérêt particulier, est une approche fondée sur les droits, qui met en jeu les droits d'usage territoriaux des pêcheurs (DUTP) et la tenure marine coutumière (TMC). Ces systèmes attribuent des droits à des particuliers et/ou à des groupes pour pêcher sur certains sites, généralement mais pas obligatoirement, suivant des traditions établies de longue date («usage coutumier»).

Une référence classique en ce qui concerne les DUTP est celle de Christy (1982), qui a constaté que, «comme on se penche de plus en plus sur la culture et l'organisation des communautés de pêche, on sait que certaines formes de DUTP sont plus généralisées qu'on ne le pensait, aussi bien dans les pêcheries marines modernes que traditionnelles». D'autres experts lui font écho et font observer que les «tenures marines traditionnelles» fonctionnent depuis longtemps dans le monde entier; ils estiment que ces systèmes ont la formidable capacité d'assurer un aménagement des pêches assez stable et qui reçoit l'appui de la société.

Les exemples de DUTP sont nombreux à travers le monde. On peut citer notamment la pêche lagunaire en Côte d'Ivoire, la pêche à la senne de plage le long de la côte occidentale de l'Afrique, le ramassage de crustacés et mollusques ainsi que d'algues dans les villages côtiers de Corée du Sud et du Japon, les contrôles exercés sur les intervenants extérieurs par les communautés de pêche de Sri Lanka. Deux exemples sont particulièrement notoires: l'arrangement de longue date dans la zone côtière du Japon, où les institutions traditionnelles sont intégrées à l'aménagement moderne des ressources, et la pêche au homard sur la côte nord-est de l'Amérique du Nord, où les pêcheurs ont pu maintenir un contrôle extra-juridique sur les droits d'accès/ d'exclusion. Les DUTP ont une histoire particulièrement longue dans les pêcheries traditionnelles, artisanales/aux petits métiers et locales. Examinons deux exemples, l'un dans la région Atlantique du Canada, où les Mi'Kmaq (aborigènes) ont mis en place un mécanisme social pour établir un contrôle sur le territoire de pêche, et l'autre dans les pêcheries artisanales du Chili.

«Dans les siècles qui ont précédé l'arrivée des premiers Européens, les Mi'Kmaq [...] s'autogouvernaient par l'intermédiaire de conseils fondés sur le consensus, conformément aux lois de la nature. Les chefs de district étaient chargés [...] de confirmer et réassigner les territoires de chasse/exploitation.» (Conseil indigène de Nouvelle-Ecosse, 1994)

«De nos jours, le dispositif de gestion des pêcheries artisanales du Chili envisage de concéder des droits d'usage territoriaux aux communautés de pêche qui exploitent traditionnellement des ressources benthiques telles que l'ormeau (Concholepas concholepas), l'oursin (Loxechinus albus) et le clam (Mesodesma donacium). La législation sur les pêcheries du Chili, la Loi générale sur la pêche et l'aquaculture promulguée en 1991, permet de définir des zones dont l'usage est spécialement réservé à certaines communautés de pêche artisanale, par l'intermédiaire de leurs organisations légalement constituées (par exemple, les associations de pêcheurs artisanaux et les coopératives de pêcheurs, entre autres)» (Gonzalel, 1996).

Un trait commun à ces systèmes de DUTP est que les problèmes liés à l'usage sont résolus au niveau local. Par exemple, Brownstein et Tremblay (1994) ont mentionné le cas d'une petite communauté de Nouvelle-Ecosse, au Canada, confrontée à un problème de pêche illicite du homard à la fin des années 1800. Le problème a été résolu par le pasteur de l'église locale, qui a décrété des droits d'usage marins fondés sur une extension des limites de propriété. En outre, si une certaine année, un pêcheur ne pouvait pas tirer de sa zone une récolte suffisante, on lui accorderait un accès temporaire à des «communs» de pêche, zone classée destinée à assurer davantage d'équité dans la pêcherie. Ce système de gestion s'est avéré efficace, et la communauté l'a maintenu jusqu'à nos jours.

Malgré les nombreux exemples de TMC et de DUTP, ainsi que la valeur potentielle de tels systèmes aussi bien dans leur forme actuelle que lorsqu'ils sont adaptés à d'autres pêcheries, ces systèmes sont généralement mal compris. Comme pour n'importe quel dispositif de gestion, la TMC et les DUTP ne conviennent pas à tous les cas, mais en fonction du caractère particulier de la pêcherie ils peuvent représenter un moyen efficace d'aménagement des pêches. Par exemple, alors que certains DUTP peuvent impliquer des coûts excessifs de mise au point et d'entretien pour faire fonctionner le dispositif, d'autres peuvent être facilement mis en œuvre et ajustés au sein des institutions sociales déjà en place. Même si c'est cher, les coûts peuvent être dépassés par la valeur intrinsèque de l'institution concernée. L'important est que ces options soient examinées et comparées avec les autres solutions possibles, en particulier parce que, comme l'a fait remarquer Rowena Lawson (1984), cet aménagement territorial constitue parfois «la méthode de contrôle la plus efficace», notamment si elle peut être «supervisée par la communauté de pêche elle-même ou par les responsables qu'elle a élus» (voir aussi chapitre 7).

Il est important de noter que, même si beaucoup de systèmes de TMC et de DUTP ont subi un déclin au fil du temps, on essaie actuellement de maintenir ou de rétablir certains de ces systèmes. Par exemple, dans les pêcheries d'Océanie, les systèmes traditionnels de TMC/DUTP ont décliné quand les pêcheries sont devenues commerciales, mais certains pays (par exemple, les îles Salomon, Fidji et le Samoa) cherchent à les rétablir. Prenons le cas de Fidji. Comme l'a fait remarquer Veitayaki (1998), la principale méthode d'aménagement des ressources marines a été par tradition «la possession de zones de pêche coutumières [...] par des groupes sociaux différents mais étroitement liés» qui réglementent l'utilisation de la pêcherie. Le gouvernement national cherche à renforcer cette pratique. Il a notamment «relevé, étudié et enregistré les limites territoriales des champs de pêche coutumiers qui, jusqu'à présent, n'avaient pour tout fondement que des déclarations verbales [...] et il prévoit de rendre aux communautés traditionnelles la possession de leurs champs de pêche traditionnels, qui est actuellement entre les mains de l'Etat».

4.2 Limitation d'accès

La limitation d'accès est un outil de gestion courant, qui permet à un gouvernement de délivrer un nombre limité de licences de pêche (voir chapitre 4), ce qui crée un droit d'usage - le droit de participer à la pêcherie. La limitation d'accès empêche l'accès de nouveaux bateaux de pêche et/ou de pêcheurs, dans le but de contrôler l'effort de pêche potentiel (capacité de la flotte). Si la limitation d'accès donne de bons résultats, cette limite imposée à l'effort aide à conserver la ressource et permet aussi aux détenteurs de licence (c'est-à-dire à ceux qui détiennent le droit d'usage) d'obtenir de meilleurs revenus. Il n'est pas surprenant que les détenteurs de ce droit d'usage prônent la mesure et que les autres s'y opposent.

La limitation d'accès s'est révélée assez efficace dans différents cas de gestion halieutique. Par exemple, dans un programme de limitation d'accès pour la pêcherie de l'Alaska (Etats-Unis), le gouvernement de l'Etat a réduit le nombre de licences actives, et la valeur des licences reste élevée dans de nombreuses pêcheries, ce qui indique que l'activité halieutique est relativement rentable. Sur la côte Pacifique du Costa Rica, les ressources en crevettes du golfe de Nicoya étaient en baisse dans les années 80, alors que la flotte de pêche se développait. L'introduction d'un programme d'octroi de licences avec limitation d'accès (et l'interdiction de nouveaux bateaux dans ces zones) a mis fin à l'augmentation du nombre de navires. Cette démarche, associée à la fermeture de saisons, aux restrictions visant les engins et à d'autres mesures, a permis d'améliorer le système halieutique (Charles et Herrera, 1994).

Ce dernier exemple illustre un message clé en ce qui concerne la limitation d'accès, à savoir qu'elle ne peut pas «résoudre» tous les problèmes de gestion. La limitation d'accès aide à empêcher que des personnes extérieures à la pêcherie prennent part à cette dernière, mais elle ne concerne pas la gestion de la flotte existante. En particulier, demeure la motivation qui pousse chaque pêcheur à essayer de capturer les poissons avant que les concurrents ne le fassent (la «course à l'exploitation»), ce qui encourage à augmenter de façon excessive la puissance de pêche du navire (à la fois la capacité physique et la technologie) au-delà de ce qui est nécessaire. En conséquence, il peut y avoir un excès d'investissement inutile dans la flotte, qui aboutit à une surcapacité et à une pression exercée pour surexploiter les stocks. Ainsi, tout en étant un mécanisme raisonnable pour assigner des droits d'usage, la limitation d'accès doit constituer un volet du «portefeuille d'aménagement», qui comprend également des droits d'usage s'appliquant à la flotte existante, comme les droits relatifs à l'attribution de l'effort de pêche ou aux captures autorisées (voir ci-dessous). Parmi les objectifs de ce portefeuille d'aménagement global, devraient figurer des mesures pour empêcher ou éliminer la surcapacité de pêche (voir Code de conduite, paragraphe 7.1.8). Le Plan d'action international de la FAO pour la gestion des capacités de pêche[11] demande que les Etats parviennent «dans le monde entier, de préférence d'ici à 2003 mais pas plus tard que 2005, à une gestion efficace, équitable et transparente des capacités de pêche». L'objectif général du PAI est de réduire la capacité de la flotte à travers le monde à un niveau tel qu'elle ne compromette plus l'exploitation durable à long terme des ressources halieutiques.

Il faut aussi noter que la limitation d'accès aura de bien meilleures chances de succès si le dispositif est mis en place avant que la puissance de capture de la flotte (ou le nombre de participants) dans la pêcherie ne devienne trop importante. Si tel n'est pas le cas, il est ensuite difficile de réduire de façon efficace le nombre de licences, une fois que la capacité est déjà excessive par rapport à la productivité de la ressource. Dans ce cas, la limitation d'accès reste importante, mais harmoniser la puissance de capture avec les niveaux désirés ressemble alors davantage à un défi.

4.3 Droits d'effort (droits relatifs aux moyens de production quantitatifs)

Supposons que la puissance de capture ou la capacité d'une flotte, en l'absence de réglementation, soit supérieure à ce que le stock peut supporter. Il faut alors ajuster la façon dont cette puissance de capture est utilisée dans la pratique, c'est-à-dire limiter l'effort de pêche total pour «veiller à ce que le niveau de l'effort de pêche soit compatible avec l'exploitation durable des ressources halieutiques» (Code de conduite, paragraphe 7.1.8). Cela peut être fait en partie par le biais d'un programme de limitation d'accès visant à contrôler le nombre de navires pratiquant la pêche, mais il peut en outre être souhaitable de limiter le degré d'exploitation pour chaque pêcheur (ou navire), afin par exemple de permettre à davantage de navires de pêcher, pour des raisons d'ordre social. On peut, pour ce faire, contrôler certains moyens de production, tels que le temps de pêche, la taille du navire, la quantité des engins et leurs propriétés. Ces moyens de production peuvent être contrôlés sur une base globale pour toute la pêcherie ou flotte de pêche, par exemple en fixant pour la flotte un nombre total de jours où les bateaux sont autorisés à sortir en mer, ou en fixant des niveaux admissibles de moyens de production s'appliquant aux pêcheurs individuels (par exemple telle durée de pêche ou quantité d'engins). Cette dernière approche se fonde sur les droits d'usage individuels (moyens de production). (Voir chapitre 4 pour une étude plus approfondie de ce sujet.)

Ce genre d'approche de droits d'usage fondée sur l'effort se rencontre fréquemment dans les pêcheries aux pièges, en particulier pour le homard, le crabe et autres invertébrés, où chaque pêcheur a le droit de poser un nombre déterminé de pièges. Il est possible que tous les pêcheurs aient des droits égaux en ce qui concerne la quantité (c'est-à-dire le même nombre de pièges), ou que les droits varient d'un pêcheur à l'autre, selon peut-être l'emplacement, la taille du bateau ou d'autres critères. On a recours à des droits relatifs aux moyens de production similaires en ce qui concerne la durée de pêche en mer (par exemple aux Etats-Unis) et la capacité des navires. Par exemple, la «procédure de remplacement des navires» en Malaisie est telle que si le propriétaire d'un navire de pêche souhaite construire un bateau de remplacement, le «droit» ne s'applique qu'à un nouveau navire dont la taille ne doit pas être supérieure à celle de l'ancien navire (FAO, 1998).

Le problème essentiel pour un programme de droits d'effort réside dans les raisons qui pousseront les pêcheurs à contrecarrer les contrôles des moyens de production, en permettant à d'autres moyens de production non contrôlés de se développer (voir chapitre 4). Cela signifie que, en matière de droits relatifs aux moyens de production, il faut appliquer une approche multi-dimensionnelle, en mettant en œuvre des droits sur toute une série de moyens de production et non pas sur un seul. Par exemple, dans la pêcherie de homards de la façade Atlantique du Canada, les droits d'accès (limitation d'accès) sont complétés par des droits quantitatifs limitant le nombre de casiers à homards par pêcheur, un contrôle relativement efficace depuis de nombreuses décennies. Cependant, ces dernières années, des modifications dans la conception des pièges, ainsi que le halage et l'appâtage plus fréquents des pièges ont amélioré l'efficacité de chaque piège. Ainsi, l'effort réel n'est pas constant, ce qui pourrait conduire à une surexploitation. Pour rétablir l'efficacité des contrôles de l'effort, l'éventail des droits d'usage pourrait être élargi, afin de couvrir non seulement la limitation d'accès et les limites imposées aux pièges, mais aussi le nombre de remontées des pièges. De même, un système efficace de droits d'effort dans une pêcherie au chalut pourrait porter à la fois sur le tonnage de la cale, la puissance en chevaux du navire et les jours de pêche.

Les droits d'usage relatifs à l'effort de pêche doivent également tenir compte des progrès technologiques qui, au fil du temps, renforcent peu à peu l'efficacité de tout ensemble donné de moyens de production. Si cet effet n'est pas compensé, l'incidence que la pêche pratiquée par une flotte aura sur la conservation risque d'être sousestimée, ce qui conduira à une surexploitation. Cependant, pour tenir compte des progrès dans l'efficacité de la pêche, on peut ajuster tel ou tel programme de droits relatifs aux moyens de production, soit en restreignant les droits au fil du temps (pour traduire le degré de renforcement de l'efficacité), soit en plaçant la responsabilité sur les propriétaires de navires, afin d'assurer, et de démontrer, que le renforcement de l'efficacité (par exemple, suite à un nombre accru d'engins ou à la construction de nouveaux navires probablement plus performants) est compensé par d'autres ajustements dans la flotte, de sorte que globalement la puissance de capture n'augmente pas. Il faut aussi noter que si les pêcheurs détiennent des droits de gestion effectifs, des réductions portant sur le niveau des droits relatifs aux moyens de production peuvent être effectuées volontairement, sur une base collective. Par exemple, dans une pêcherie aux pièges, les pêcheurs peuvent réduire le nombre maximal de pièges autorisés par pêcheur, aussi bien dans un but de conservation que pour réduire les coûts, comme cela s'est produit dans les pêcheries de homards de certaines zones du Canada Atlantique.

Ainsi, les attributions de moyens de production/d'effort peuvent représenter une méthode viable de gestion fondée sur les droits si l'on prend soin de définir les droits, si un portefeuille approprié de droits est mis en place (Hilborn et al., 2001) et si un plan est établi pour traiter les améliorations de l'efficacité de pêche et le contrôle de la capacité, comme mentionné dans le Code de conduite (paragraphe 7.6.3). Il faut savoir, toutefois, que tout système de droits quantitatifs, qu'il mette en jeu des droits d'effort ou des quotas de capture (voir ci-dessous) exige automatiquement la collecte de données et la mise en œuvre de programmes de suivi. Le coût et la faisabilité de ces opérations doivent évidemment être pris en compte.

4.4 Quotas de récolte (droits relatifs à la production quantitative)

Le total admissible de capture (TAC) est un contrôle de la conservation, mais pas un droit d'usage, car la fixation d'un TAC n'implique aucune déclaration à propos des droits de capture du poisson. Cependant, la situation est différente si le TAC est divisé en quotas attribués à des secteurs de la pêcherie, à des pêcheurs individuels ou à des communautés, auquel cas les parts du TAC représentent des droits de production quantitative - droits d'usage collectifs ou individuels relatifs aux «parts» correspondantes. Il existe plusieurs variantes à propos de ces droits.

Contrairement aux droits d'effort/moyens de production, qui ont fait l'objet d'assez peu de recherche ou de promotion dans le cadre de l'aménagement des pêcheries, les quotas individuels ont été étudiés et fortement encouragés, notamment par les économistes des pêches et les participants aux pêcheries industrielles. Il existe par exemple une profusion d'ouvrages sur les systèmes de QIT en Nouvelle-Zélande et Islande, de même qu'en Australie, au Canada et aux Etats-Unis. Toutefois, les quotas individuels sont encore rares dans les pêcheries des pays en développement, car ils demandent beaucoup d'argent et de personnel (voir ci-dessous). Il existe des exceptions dans certaines pêcheries industrielles, par exemple le système de QINT en Namibie, ou les QIT au Chili, au Pérou et en Afrique du Sud. Si les droits d'exploitation individuels sont considérés comme sûrs pendant une saison de pêche, le pêcheur a la possibilité de planifier son activité halieutique comme il l'entend. Cela peut a) fournir éventuellement un meilleur assortiment aux marchés disponibles et b) éviter la «course à l'exploitation», afin que les récoltes individuelles puissent être acceptées à un coût inférieur, avec une moindre incitation à surcapitaliser, ce qui risque de se produire avec la limitation d'accès et les programmes d'attribution des moyens de production. Cet avantage existe avec la limitation des sorties en mer et les quotas individuels, mais davantage dans ce dernier cas parce que le pêcheur peut planifier son activité halieutique sur toute l'année au lieu de le faire sortie par sortie. Les défenseurs des quotas individuels donnent comme argument que les encouragements ci-dessus ont les effets suivants: i) réduction des moyens de production halieutiques, comme la capacité de la flotte et le nombre de pêcheurs, conformément au Code de conduite (paragraphe 7.6.3); ii) augmentation des rentes dans la pêcherie; iii) valeur accrue des produits, grâce à une plus grande attention accordée à la qualité ou au développement des types de produits plus prisés (par exemple, poisson frais au lieu de poisson congelé). Certains éléments de preuve sont venus appuyer ces arguments, bien que l'on s'interroge sur l'étendue de ces avantages (par exemple, Squires et Kirkley, 1996).

Les avantages potentiels des droits d'exploitation individuels peuvent s'accompagner de différentes préoccupations en ce qui concerne les questions sociales et la conservation. Les considérations sociales sont examinées plus loin dans ce chapitre. Parmi les répercussions sur la conservation, on peut citer celles qui sont liées aux contrôles des captures en général et celles qui sont dues à des incitations particulières visant à contrecarrer les contrôles individuels (analogues aux conséquences étudiées ci-dessus à propos des droits d'effort). Les exemples le plus souvent examinés sont notamment les suivants:

Outre les préoccupations concernant la conservation et les questions sociales, la même mise en garde observée pour les droits sur les moyens de production quantitatifs (effort) s'applique également ici, à savoir celle qui concerne les données et le suivi nécessaires. Ces derniers peuvent être particulièrement importants dans les pêcheries à quotas, puisqu'il est nécessaire d'assurer le suivi des captures faites par les pêcheurs individuels; en outre, le système tout entier est fondé sur la fixation chaque année d'un total admissible de capture, ce qui demande d'ordinaire de grandes ressources scientifiques. (De graves erreurs sont d'ailleurs souvent survenues dans le calcul des TAC de ce genre, même avec des ressources financières et un personnel importants.)

5 COMMENT LES DROITS D'USAGE SONT-ILS APPLIQUÉS?

La gamme des options possibles de droits d'usage a été évoquée dans les paragraphes qui précèdent. Nous examinerons à présent la question fondamentale de la mise en place d'un système de droits d'usage, ce qui conduit à traiter les trois questions clés ci-après.

5.1 Des droits d'usage sont-ils déjà instaurés?

Dans les pêcheries actuelles, en particulier celles qui existent de longue date, il est essentiel de savoir si des droits d'usage ont déjà été instaurés de façon naturelle au fil du temps, peut-être par les pêcheurs eux-mêmes ou leur communauté. Cela a souvent été le cas dans différents types de pêcheries à travers le monde. Il n'est pas surprenant que des droits d'usage soient apparus, car il y a des avantages évidents à définir le groupe de pêcheurs autorisés à pêcher à certains emplacements, à la fois pour les pêcheurs euxmêmes et pour le bien-être de la communauté de pêche. Les spécialistes des sciences sociales ont joué un grand rôle en rassemblant une documentation non seulement sur les systèmes de droits d'usage «indigènes» existants, mais aussi sur les systèmes mis en place dans le passé mais qui ont été évincés par un aménagement central «moderne». Souvent, le fait d'essayer de comprendre les droits d'usage locaux permet d'accéder aux connaissances locales sur la pêcherie et son environnement, que l'on appelle connaissances écologiques traditionnelles.

Si des droits d'usage existent déjà, le premier travail du gestionnaire sera peutêtre d'essayer de voir dans quelle mesure ces droits sont efficaces et s'il existe des dispositifs disponibles pour les renforcer. Il sera probablement plus efficace d'accepter et de renforcer les droits existants, plutôt que d'essayer d'élaborer et d'appliquer un régime totalement nouveau. Ainsi, lorsque des droits d'usage sont déjà en place, c'est seulement s'ils ne sont pas viables pour une certaine raison qu'il faudra voir comment mettre en œuvre un nouveau système de droits d'usage.

5.2 Quelle est la «meilleure» série de droits d'usage?

Pour le reste de l'analyse dans cette section, nous supposerons soit qu'il n'y ait aucun système de droits d'usage en place, soit que, si des droits d'usage existent, il faille procéder à de profonds changements. Les responsables de l'aménagement des pêches se trouvent alors confrontés à un choix entre les nombreuses options de droits d'usage décrites à la section 4. Comment comparer les droits de production/récolte, les droits relatifs aux moyens de production/effort et les droits d'usage territoriaux? L'une de ces options de droits peut-elle fournir la «meilleure» solution? Il faut à cet égard tenir compte de plusieurs facteurs.

1. En raison de la diversité biologique, économique et sociale des pêches, aucune approche unique de droits d'usage ne pourra s'appliquer partout.

2. Chaque option de droits d'usage a ses avantages et ses limites inhérents, qui seront plus ou moins pertinents selon la pêcherie. Ainsi, ce qu'il y a de «mieux» dépendra de la pêcherie en question, et il est important de comprendre comment la situation particulière de la pêcherie influence l'opportunité de certaines options par rapport à d'autres.

3. Etant donné les deux points ci-dessus, il est improbable qu'une approche unique de droits d'usage, quelle qu'elle soit, produise des résultats optimaux. Il est donc parfois préférable de chercher à avoir un «portefeuille» de droits, c'est-à-dire la combinaison la plus acceptable, qui aide la pêcherie à fonctionner le mieux possible et qui maximise les avantages dans telle situation.

Ces points soulignent qu'en réalité il n'y a pas de réponse unique à la question «Quel est le meilleur arrangement de droits d'usage?». Nous devons rester sceptiques face à ceux qui déclarent que toute option unique de droits d'usage est, d'une certaine façon, supérieure par nature aux autres options. Les gestionnaires et les planificateurs des pêcheries, avec les parties intéressées (propriétaires de navires, membres d'équipage, pêcheurs potentiels, membres de la communauté, citoyens) doivent au contraire chercher, ou améliorer, une série de droits d'usage qui fonctionnera réellement. Il est important à cette fin de comprendre la structure et la nature profonde de la pêcherie, et de savoir:

Même s'il n'y a pas un ensemble clair de conclusions ni un consensus sur la question de savoir quelles sont les options de droits d'usage les plus compatibles avec les caractéristiques de la pêcherie, examinons comment les réponses aux questions cidessus pourraient guider notre choix.

Il est évident que, dans un cas donné, l'importance de chacune des caractéristiques de la pêcherie doit être pesée lorsqu'on évalue les avantages et les inconvénients des options de droits d'usage, avant d'arriver à la solution souhaitée.

5.3 Quel est le cadre politique fondamental?

Que l'objectif soit d'améliorer et de renforcer les arrangements de droits d'usage existants, ou de mettre au point un nouvel ensemble de droits d'usage (ce dont il a été question ci-dessus), nous arrivons à la question de la définition d'un cadre précis pour mettre en œuvre les droits d'usage. Quel que soit le système de droits d'usage recherché, l'attribution et la gouvernance des droits soulèvent plusieurs questions de politique. Comment doit-on appliquer les options de droits d'usage désirées? Comment doit-on «gérer» ces droits? Quelles autorités chargées de l'aménagement seront efficaces pour les diverses combinaisons de ressources halieutiques, la structure industrielle et les juridictions politiques? Qui doit être chargé de la mise en place et du fonctionnement du système de droits d'usage? Des politiques appropriées sont nécessaires pour guider ces décisions.

Il est important de reconnaître que la question des droits d'usage risque d'être délicate et controversable. Après tout, les droits d'usage précisent qui est autorisé ou pas à participer à la pêcherie. En outre, toute décision concernant les droits d'usage risque d'être irréversible; une fois que les droits sont attribués, il est parfois très difficile de procéder à de grandes modifications. Il sera plus facile d'appliquer les droits d'usage si des politiques claires sont conçues à l'avance, vu que de telles politiques devraient fournir des directives selon lesquelles les parties intéressées de la pêcherie auront la priorité pour obtenir des droits d'usage (par exemple, petites embarcations face aux gros navires, communauté face aux participants constitués en corporation, etc.). Enfin, il ne faut pas oublier que les décisions mettant en jeu des droits d'usage peuvent avoir une incidence non seulement sur les pêcheurs en activité, mais aussi sur les participants potentiels. Cela signifie que, malgré l'utilité générale des arrangements de cogestion grâce auxquels les pêcheurs actuels participent à l'aménagement, on peut estimer qu'il est injuste de limiter aux pêcheurs actuels la participation au débat sur les droits d'usage. La question de savoir qui devrait être autorisé à participer à ces échanges de vues (et donc de savoir si un processus participatif est possible) doit être examinée avec soin (voir chapitre 7).

La vulnérabilité des droits d'usage, décrite ci-dessus, est particulièrement pertinente quand la série des droits d'usage est considérée comme inappropriée dans le contexte des politiques nationales. Cela peut se produire quand un pays subit une transformation profonde, pour quelque raison que ce soit, comme c'est le cas par exemple dans certains pays d'Europe de l'Est, d'Amérique centrale ou d'Afrique australe. En Afrique du Sud, par exemple, le passage d'une période d'apartheid à une période de démocratie signifie qu'il est urgent d'élargir le droit d'accéder aux pêcheries, comme pour d'autres secteurs de l'économie (Cochrane et Payne, 1998). Dans de telles situations, les politiques nationales amènent les décisions sur les droits d'usage dans le secteur halieutique.

5.3.1 Les droits d'usage doivent-ils être régis par les forces du marché ou une planification stratégique?

Une question fondamentale dans le débat sur la politique des pêches en matière de droits d'usage concerne le mécanisme au moyen duquel la détention des droits se gère elle-même. Dans de nombreux cas, il s'agit d'un choix entre deux arrangements institutionnels pour déterminer quels seront les participants à la pêcherie - une approche s'appuyant sur le marché et l'autre sur une planification à plusieurs objectifs, souvent au niveau de la communauté.

Tabler sur les forces du marché est devenu une orientation populaire pour de nombreux gouvernements et institutions financières internationales. Cela conduit à appliquer à la politique des pêches une approche fondée sur le marché, ce qui est caractéristique des systèmes de QIT, dans lesquels les questions de niveau stratégique en matière de droits d'usage - qui participera à la pêcherie et qui recevra des allocations de captures admissibles ou d'effort - sont déterminées par l'achat ou la vente de droits sur la place du marché.

C'est la situation du moment qui détermine qui achète ou vend les droits. Il se peut, comme l'indique la théorie économique, que des parties prenantes les plus performantes achètent à celles qui le sont moins, ou que les acheteurs soient ceux qui bénéficient d'un meilleur accès au capital financier (un point particulièrement important dans de nombreux pays en développement), ou il peut y avoir un autre facteur qui prédomine. En outre, alors que les droits s'appuyant sur le marché sont normalement examinés dans le cas de pêcheurs individuels, il n'y a rien théoriquement qui empêche une entité exerçant ses activités sur une base collective (corporation ou communauté) d'acheter ou de vendre sur un marché de droits de pêche. Cependant, le bouquet effectif de droits provenant d'une telle transaction peut être différent selon que l'acheteur est un particulier, une corporation ou une communauté, en raison par exemple des diverses contraintes de réglementation imposées aux différents détenteurs de droits.

D'une façon générale, on peut s'attendre à ce qu'un système de droits s'appuyant sur le marché affiche les différents avantages et inconvénients du système commercial dans son ensemble, et qu'il inspire des débats analogues à ceux qui ont lieu à propos des mécanismes de marché ailleurs dans l'économie. Par exemple, selon le point de vue de chacun et la situation du moment, les marchés peuvent (ou ne peuvent pas) être l'arrangement institutionnel le plus efficace par rapport au coût pour s'occuper des transactions entre pêcheurs, et peuvent (ou ne peuvent pas) introduire plus de souplesse dans les activités des pêcheurs. Comme de nombreuses économies connaissent bien les marchés, ces derniers peuvent constituer des systèmes de droits de pêche assez facilement mis en œuvre, mais ils peuvent avoir des répercussions financières sur la poursuite de nouvelles orientations politiques (puisque, par exemple, ceux qui ont des droits fondés sur le marché doivent être compensés si des politiques sont contraires au propre intérêt des détenteurs de droits).

A l'opposé, une approche de planification stratégique attribue des droits d'usage de manière plus résolue (sur une base permanente ou périodique) par le biais d'un processus de décisions qui a) est fondé sur la reconnaissance d'objectifs sociétaux multiples, b) est exécuté par des institutions fonctionnant à une échelle appropriée, communautaire, régionale ou nationale, et c) met en jeu des droits déterminés par, d'une part, une combinaison de lois et de décisions gouvernementales et, d'autre part, des arrangements traditionnels/officieux. Ces droits peuvent s'exercer au niveau des pêcheurs individuels, mais (comme dans l'approche des marchés) on pourrait aussi les allouer à des groupes (sur une base collective), les attributions se faisant par l'intermédiaire d'institutions pertinentes (voir ci-dessous). De tels arrangements existent dans la pratique depuis longtemps, par exemple dans le cadre des coopératives, des offices de commercialisation et des communautés indigènes/autochtones.

5.3.2 Les droits d'usage devraient-ils être individuels ou collectifs?

L'un des aspects les plus importants dont il faut tenir compte en ce qui concerne les droits d'usage est la différence entre les droits institués au niveau du pêcheur individuel et les droits institués collectivement, par exemple au niveau de la communauté ou d'une association de pêcheurs. Dans telle pêcherie, par exemple, l'instance gouvernementale chargée des pêches peut avoir déterminé un certain groupe de pêcheurs munis de licences et attribué à chacun d'eux le droit de pêcher avec une certaine quantité d'engins. Ainsi, les droits d'usage - une licence et un effort de pêche - sont à un niveau individuel. Dans une autre pêcherie, les droits d'usage peuvent être détenus par une communauté côtière ou une association de pêcheurs, qui détermine alors quels particuliers prendront part à la pêcherie à telles dates. Dans ce cas-là, les droits peuvent être essentiellement au niveau du groupe, mais peuvent être répartis sur une base individuelle. (Il faut noter que les droits collectifs sont généralement moins bien compris que les droits individuels, et c'est pourquoi la présente section leur consacre une attention particulière.) Le choix entre droits individuels et droits collectifs dépendra à la fois du contexte historique et des objectifs poursuivis par la pêcherie. Par exemple, dans le cas d'une pêcherie mise en valeur assez récemment, et dont le but est surtout industriel, la tendance naturelle sera peut-être de privilégier un système de droits individuels. On considère souvent que les droits individuels correspondent bien à l'esprit d'indépendance et d'entreprise des pêcheurs. En revanche, les droits collectifs sont historiquement de la plus grande importance dans les pêcheries traditionnelles de longue date - bien que de tels droits n'aient pas toujours été bien compris et incorporés dans un aménagement «moderne», ce qui a conduit dans certains cas à de graves problèmes sociaux et environnementaux.

On ne peut pas s'attendre à ce que les droits collectifs conviennent à toutes les pêcheries. Déterminer les conditions favorables à l'introduction de tels droits est une tâche difficile qui demande effectivement une certaine recherche, mais il semble que parmi les facteurs à prendre en sonsidération il y ait la cohésion de la communauté concernée, l'expérience et la compétence en matière d'aménagement local, la clarté de la situation géographique de la communauté, ainsi que sa taille et son étendue (voir chapitre 7, section 8, pour un examen plus approfondi de cette question.)

Lorsque ces droits existent déjà, ou que les conditions sont favorables à leur introduction, les droits collectifs peuvent fournir d'énormes avantages, en particulier dans les pêcheries pour lesquelles la communauté manifeste un grand intérêt. En exerçant une pression morale sur les pêcheurs locaux ou en prévoyant des autorités d'aménagement appropriées, la communauté peut susciter un encouragement collectif pour la gestion (conservation) des ressources, ainsi qu'une plus grande efficacité dans l'aménagement, et la mise en œuvre de dispositifs locaux d'application des règles.

Prenons l'exemple des «quotas collectifs», soit des contingents de pêche (portions du TAC) qui sont attribués aux communautés au lieu de l'être aux particuliers ou aux compagnies. Même s'ils souffrent de certains défauts inhérents à tout programme fondé sur les quotas, les quotas communautaires fixés sur une bases géographique tendent à rassembler les gens dans un même but, au lieu d'être axés sur l'individualisme. Les pêcheurs de la communauté se gèrent eux-mêmes, avec peut-être aussi la participation de leur communauté. Ils élaborent des plans d'aménagement des pêcheries (chapitre 9) et répartissent le quota (ou autre forme de droit) pour l'adapter à leur situation locale bien précise et maximiser l'ensemble des avantages, plutôt que de laisser au marché le soin de choisir à leur place. Il est à noter qu'il faut pour cela des droits d'usage tant au niveau de la communauté qu'au niveau individuel. Tout en fournissant bon nombre des avantages que présentent les quotas individuels, cette approche peut aussi améliorer la viabilité des communautés, permettant à chacune d'elles de décider elle-même comment utiliser son quota. Par exemple, une communauté peut décider d'allouer son quota dans une vente aux enchères visant à maximiser la rente, tandis qu'une autre préférera peutêtre distribuer le quota de manière à atteindre différents objectifs sociétaux, tels que la stabilité de la communauté, l'emploi et l'équité. Parmi les exemple de cette approche, on peut citer le système des quotas de développement communautaire (QDC) en Alaska, ainsi que les offices de gestion communautaire des engins fixes dans la pêcherie de poissons de fond de la Nouvelle-Ecosse, au Canada Atlantique.

5.3.3 Quelle devrait être la durée des droits d'usage?

Pour tout système de droits d'usage, il est fondamental de décider de la durée des droits d'usage, c'est-à-dire du temps pendant lequel les détenteurs de droits pourront faire usage de ces droits particuliers. La décision tourne en grande partie autour de l'équilibre de deux facteurs: la souplesse de l'aménagement et les raisons qui poussent à protéger la nature. D'un côté, les droits de courte durée donnent plus souvent la possibilité de ré-attribuer les droits, et cette souplesse peut permettre au gestionnaire des pêches de mieux refléter les objectifs sociétaux qui changent au fil du temps. De l'autre côté, les droits de longue durée, en procurant davantage de sécurité aux utilisateurs de la pêcherie, encouragent ces derniers à assurer le bien-être de la ressource dans l'avenir et à mieux «planifier pour l'avenir» en aménageant la ressource.

Prenons deux exemples. Supposons tout d'abord que, pour exploiter telle pêcherie, il soit nécessaire de beaucoup investir et que seul un petit nombre de compagnies industrielles puissent le faire. Comme ces dernières sont les seules parties intéressées capables de pêcher, il est possible qu'on leur donne des droits d'usage de longue durée. Cependant, si l'un des objectifs d'aménagement est d'améliorer la situation des artisans-pêcheurs, cet objectif risque d'être contrarié pendant de nombreuses années; il est possible que ces pêcheurs ne puissent pas entrer dans la pêcherie même s'ils trouvent les moyens financiers de le faire, par exemple par le biais de coopératives. Des droits de plus courte durée auraient pu offrir davantage de souplesse pour faciliter l'accès des artisans-pêcheurs beaucoup plus tôt. (Cette situation pourrait aussi se produire si une flotte étrangère prédominait dans une pêcherie donnée, mais que l'objectif d'orientation du pays soit d'accroître la présence nationale. Dans ce cas, attribuer des droits de longue durée à la flotte étrangère risquerait d'être contre-productif.) Supposons maintenant que des droits de courte durée soient attribués dans une pêcherie. Que se passera-til lorsque ces droits toucheront à leur fin? Si les détenteurs de droits savent que ces derniers vont bientôt expirer, ils peuvent être poussés à exploiter de façon intensive, sans aucune considération pour l'avenir des stocks halieutiques. Avec des droits de plus longue durée (horizon plus lointain), les pêcheurs sont encouragés pendant beaucoup plus d'années à assurer la conservation de la ressource.

Il n'existe pas de «bonne réponse» universelle en ce qui concerne ces avantages relatifs, et il est effectivement important de noter que les avantages eux-mêmes ne sont pas aussi rigides que ne le laisse entendre la description ci-dessus. On peut assouplir les systèmes de droits de longue durée (par exemple en autorisant la cessibilité ciblée des droits), et encourager à éviter la surexploitation en cas de droits de courte durée (en ayant par exemple pour critère de bons résultats en matière de conservation pour renouveler les droits).

Dans de nombreuses pêcheries, les droits d'usage ont souvent une durée permanente. C'est le cas en particulier dans les pêcheries artisanales ou aux petits métiers, où toutes les personnes de la communauté locale peuvent avoir des droits d'accès, et ces derniers peuvent être considérés comme essentiellement permanents. Une telle situation peut être désirée si on n'a pas vraiment besoin de marge de manœuvre pour réaffecter ces droits et si l'idée de limiter les droits d'accès à une certaine période de temps est jugée inacceptable. En particulier, il semble peu probable dans cette situation qu'un gestionnaire de l'Etat oblige un pêcheur local à quitter la pêcherie, par exemple après cinq ans d'exploitation, au motif que la durée de ses droits est révolue. (On pourrait cependant envisager une telle situation dans la même pêcherie si elle était aménagée sur une base communautaire; dans certaines pêcheries tribales, par exemple, la communauté accède à la ressource collectivement, et il est parfois nécessaire d'alterner ceux qui pêchent effectivement pour la communauté.)

Une limitation précise de la durée des droits d'usage semble plus courante dans les pêcheries commerciales ou industrielles, où les baux ou autres accords peuvent autoriser l'exploitation pendant un nombre limité d'années. C'est notamment le cas pour les Etats côtiers qui définissent des droits d'accès pour les flottes étrangères sur une base annuelle ou pluriannuelle, mais certaines pêcheries nationales ont aussi des durées précises. On peut citer par exemple la vente aux enchères de droits d'exploitation périodiques pour les pêcheries côtières du Bangladesh, et le système de quotas individuels non transférables de la Namibie, où la durée d'un droit peut être de 4, 7 ou 10 ans, selon le niveau d'investissement de la compagnie et de la propriété namibienne (Oelofsen, 1999). Comme il a été mentionné ci-dessus, il est capital dans de telles situations de mettre sur pied des mécanismes qui freinent l'incitation que peuvent avoir les usagers à surexploiter les ressources quand la durée de leurs droits d'usage touche à sa fin.

Il ressort clairement de l'analyse ci-dessus, et de la description de l'éventail des possibilités, qu'il existe des liens étroits entre les décisions concernant la durée des droits et la question de savoir qui va détenir les droits d'usage. Ce deuxième volet va maintenant être examiné.

5.3.4 Qui devrait détenir des droits d'usage?

Dans toute pêcherie, certaines personnes détiennent des droits d'usage et d'autres non. Dans une pêcherie tribale, c'est parfois le chef qui décide qui pourra utiliser la ressource. Dans une pêcherie où les licences prévoient un accès limité, l'instance gouvernementale chargée des pêches peut désigner les détenteurs de licence. Quelle que soit la situation, la question est de savoir qui devrait détenir des droits d'accès. Il s'agit en grande partie d'une décision de niveau politique, c'est-à-dire qui reflétera la politique générale dans la pêcherie et au-delà. Une certaine orientation est donnée par exemple par le Code de conduite, qui précise au paragraphe 6.18: «Les Etats devraient protéger de manière adéquate les droits des pêcheurs et des travailleurs du secteur de la pêche, particulièrement de ceux qui pratiquent une pêche de subsistance, artisanale et aux petits métiers, à des conditions de vie sûres et justes ainsi que, le cas échéant, à un accès préférentiel à des fonds de pêche traditionnels et aux ressources se trouvant dans les eaux relevant de la juridiction nationale.»

Quelle que soit la forme choisie de droits d'usage dans un système halieutique donné, deux questions fondamentales se posent au moment d'appliquer les droits d'usage.

Ces questions sont examinées dans les deux sous-sections ci-après.

5.3.5 Comment les droits d'usage devraient-ils être attribués au départ?

S'il existe déjà dans une pêcherie un système de droits d'usage, la répartition des droits entre les différents participants (et l'exclusion des non-participants) a déjà été fixée. Mais que se passe-t-il si un nouveau système de droits d'usage est mis en place, ou s'il faut adapter le système existant? Une étape essentielle dans la mise en place consiste alors à déterminer comment attribuer ou répartir les droits. En d'autres termes, qui va recevoir tels droits? Il s'agit là d'un aspect très litigieux du processus, et il faut bien comprendre qu'il n'existe pas de façon universellement «correcte» d'attribuer des droits. On pourrait peut-être résumer le défi en jeu en disant qu'il s'agit de répartir l'ensemble des droits en essayant de limiter au minimum les conflits. Ce processus doit s'accompagner d'une certaine forme de procédure de recours pour gérer les cas spéciaux qui se présentent. Même si de telles procédures réussissent parfois à résoudre les conflits sur les attributions initiales de droits, il y a parfois à ce stade tellement de discussions que la mise en œuvre des systèmes de droits peut être retardée de plusieurs années.

Parmi les mécanismes d'attribution qui peuvent être pris en considération, on peut citer les suivants:

Vente aux enchères. Les textes concernant les droits de pêche en termes de quantité précisent que, pour maximiser l'efficacité économique, il peut être souhaitable de vendre les droits aux enchères. Avec cette approche, ceux qui le souhaitent, ou qui ont les moyens de faire l'offre la plus élevée, acquièrent les droits, quelles que soient les considérations historiques, sociales ou culturelles. Cette approche est souvent considérée comme médiocre en raison de l'absence de sensibilité sociale; elle est peu utilisée, bien qu'elle puisse être utile dans des pêcheries exclusivement industrielles, ou dans certaines situations quand on estime que les facteurs sociaux ne sont pas pertinents. On peut citer à titre d'exemple l'attribution de droits pour la pêche côtière au Bangladesh.

Historique des captures. Dans de nombreux cas, la réalité politique fait que des droits d'usage ont été attribués aux pêcheurs en fonction de la participation historique des personnes concernées. En général, cette méthode est appelée «approche de l'historique des captures», car elle consiste le plus souvent à attribuer des droits en proportion des captures antérieures de chaque individu. Cela peut toutefois poser des problèmes. Quelle est la meilleure façon de définir une participation historique? Examinons le cas des quotas de capture individuels. Si seuls les cas récents de capture sont pris en compte pour l'attribution des droits, alors les pêcheurs qui n'ont pas pêché pendant un certain temps sont pénalisés. On peut donc se poser des questions, en particulier si pendant la période de temps qui sert de base aux calculs il y a eu surexploitation et épuisement des stocks. Les pêcheurs qui reçoivent les quotas les plus faibles sont ceux qui contribuent le moins à la surexploitation. D'autre part, ceux qui ont enfreint les règles (ou pêché de façon illicite sans être pris), par exemple en utilisant un engin à mailles fines pour augmenter les captures, ou en se débarrassant des poissons moins prisés pour remplir leur cale avec des espèces de plus grande valeur, sont récompensés à perpétuité, en se voyant attribuer un quota plus important. Même si une telle situation est injuste, l'autre solution qui consiste à ne pas tenir compte des faits récents soulèvera des objections de la part des nouveaux venus, qui peuvent être novateurs sur le plan technologique et puissants sur la plan politique. Quoi qu'il en soit, il est fort possible que cette situation suscitera des conflits sociaux.

Histoire + équité. Pour essayer de tenir compte de ces problèmes, on peut recourir à des programmes hybrides pour les premières attributions de droits. On a par exemple une certaine expérience des formules où une partie du total est attribuée sur la base de l'historique des captures et le reste est réparti de façon équitable entre pêcheurs.

Comité/office d'attribution. Comme le mécanisme de vente aux enchères pour l'attribution des droits d'usage est par nature influencé par le degré de richesse des participants potentiels, et que l'approche de l'historique des captures dépend des performances antérieures dans la pêcherie, aucune de ces deux méthodes n'est particulièrement adaptée quand la politique générale publique prévoit d'élargir la base de participation dans la pêcherie pour inclure ceux qui étaient auparavant exclus. (Le cas des pêcheries d'Afrique du Sud en fournit un exemple dramatique; voir Cochrane et Payne, 1998.) Dans de telles situations, un organisme spécial peut être jugé nécessaire pour procéder à des attributions de droits en faveur de groupes ou de communautés.

Attributions au niveau de la communauté, du secteur ou du groupement. Lorsqu'on considère les méthodes ci-dessus, on observe que la vente aux enchères concerne en général directement des particuliers (ou des sociétés); l'approche de l'historique des captures peut se situer à un niveau individuel ou collectif, et les comités/offices sont peut-être plus adaptés à l'attribution de droits d'usage au niveau de la communauté, du secteur ou du groupement. Dans certains cas, on a parfois avantage à utiliser une combinaison d'approches dans un processus en deux étapes. Les droits pourraient être attribués au départ uniquement sur une base collective, directement aux communautés, aux secteurs halieutiques ou à d'autres groupes bien définis. La seconde étape du processus est ensuite confiée à chaque communauté ou groupement, qui s'occupera de déterminer avec précision quels seront les particuliers qui obtiendront des droits. Bien entendu, la question de savoir comment attribuer les droits aux communautés ou aux groupements demeure, de même qu'il reste des problèmes au niveau individuel, mais en ce qui concerne ces problèmes des solutions adaptées à la situation locale sont plus faciles à trouver. Par exemple, une communauté peut considérer qu'il est important de ne pas se contenter d'attribuer des droits aux pêcheurs actuels de la région, mais d'équilibrer leurs intérêts avec ceux des membres d'équipage, ainsi que d'autres qui aimeraient participer à la pêcherie mais en ont été exclus auparavant, ou qui viennent d'avoir l'âge ou l'ancienneté leur permettant d'y participer.

5.3.6 Les droits d'usage devraient-ils être transférables?

Une fois que les droits sont attribués, demeure la question cruciale de savoir si l'on doit ou non rendre ces droits transférables. En d'autres termes, les droits peuvent-ils être achetés et vendus, ou transmis dans une famille de génération en génération, ou transférés de façon temporaire à un autre pêcheur pour la durée d'une saison de pêche? Cette question est étroitement liée à l'analyse ci-dessus qui étudiait dans quelle mesure le marché régit ceux qui détiennent des droits de pêche. Plusieurs approches sont possibles.

1. Les droits non transférables ne peuvent être utilisés que par le détenteur; ils ne sont plus valides quand le pêcheur quitte la pêcherie.

2. Le transfert non divisible des droits d'usage (qu'il s'agisse de licences de pêche, d'attributions de moyens de production ou de droits relatifs aux quotas) peut être autorisé entre pêcheurs, mais seulement si un ensemble complet et indivisible de droits est cédé, c'est-à-dire que tous les droits d'usage d'un pêcheur sont transférés.

3. Le transfert divisible des droits d'usage est la version ultime de la cessibilité non contrôlée; les pêcheurs peuvent vendre librement la totalité ou une partie de leurs droits.

4. La cessibilité peut être autorisée seulement à l'intérieur du secteur halieutique ou de la communauté de pêcheurs où les droits d'usage existent, pour les options 2 et 3, ce qui assure une plus grande stabilité des pêches à l'intérieur du secteur ou de la communauté.

5. Une approche hybride prévoyant différentes catégories de licences pourrait être adoptée, certaines licences étant transférables et d'autres non, avec des mesures politiques qui déterminent quels pêcheurs ont telle forme de licence (par exemple, il peut y avoir deux catégories de licences: transférables pour les pêcheurs à pleintemps et non transférables pour les pêcheurs à temps partiel).

Ces options ont des incidences très différentes selon que la cessibilité est temporaire ou permanente. Examinons tout d'abord le cas de la cessibilité temporaire, où un pêcheur est autorisé à louer ou louer à bail des droits d'usage à un autre pêcheur pendant une saison de pêche. Les droits reviennent ensuite au premier pêcheur à la fin de la saison.

Ce mécanisme permet une grande souplesse; par exemple, un pêcheur qui tombe malade une année, ou dont le navire est en panne, peut quand même avoir quelques revenus en louant les droits d'usage. Dans la mesure où les règlements empêchent une utilisation abusive de ce mécanisme, il ne devrait y avoir que peu de répercussions à long terme. En revanche, les incidences de la cessibilité permanente sont beaucoup plus grandes. Le reste de cette section est consacré à la cessibilité permanente et étudie plusieurs questions fondamentales concernant l'efficacité, la mobilité des pêcheurs, la cohésion sociale et la concentration des droits.

Efficacité. On préconise souvent la cessibilité comme moyen d'améliorer l'efficacité économique, en invoquant l'argument suivant. Pour être performants sur le plan économique, les participants d'une flotte de pêche devraient être ceux qui profitent le plus de la récolte du poisson disponible. En théorie, un système fondé sur le marché (par exemple un système de QIT), prévoyant la divisibilité et la cessibilité des droits relatifs aux moyens de production ou à la production, améliore l'efficacité, car les propriétaires de navires qui tirent un maximum de bénéfices d'un quota donné rachèteront ce quota à d'autres, tout comme un produit sur le marché. L'idée est qu'avec la cessibilité les propriétaires de navires les plus «efficaces» restent dans la pêcherie, tandis que d'autres vendent leur quota et partent, dans un processus de «survie des plus forts» qui conduit à accroître l'efficacité globale des pêcheurs individuels.

Cet argument semble persuasif, mais il faut souligner quelques réserves sérieuses à son égard, qui amènent à la conclusion générale qu'une incitation à accroître l'efficacité ne favorise pas automatiquement la cessibilité, ou la non-cessibilité; les résultats dépendront de nos objectifs précis et des caractéristiques de la pêcherie. Tout d'abord, rien ne garantit que l'efficacité augmentera par le biais du marché. Par exemple, si l'achat stratégique du quota sert à obtenir plus de contrôle sur la pêcherie (un peu à la manière des fusions financières), la propriété se concentrera de nouveau et la participation à la pêcherie se réduira, mais les répercussions sur l'efficacité qui en découleront ne sont pas évidentes.

En second lieu, alors que l'efficacité - qui consiste à obtenir des profits optimaux pour un ensemble donné de moyens de production, ou à «faire le maximum avec ce qu'on a» - est souhaitable, elle doit être évaluée à un niveau qui corresponde aux objectifs des politiques. Précisément, alors que la cessibilité peut accroître l'efficacité des navires individuels (avec des profits par bateau plus élevés), elle peut en réalité réduire l'efficacité de la pêcherie dans son ensemble, de même que l'économie côtière et la communauté côtière. En effet, quand nous considérons la situation dans une optique plus large, nous devons prendre en compte a) toutes les parties intéressées, au lieu du seul propriétaire d'un navire individuel, et b) tous les avantages monétaires et non monétaires connexes qui découlent de la capture du poisson, et pas seulement les avantages pour le propriétaire du navire. Ces avantages connexes dépendront de chaque situation particulière, mais comprendront normalement des avantages pour les membre d'équipage et les travailleurs à terre, ainsi que pour l'économie à terre et les communautés côtières concernées. On ne tient pas toujours compte de ces aspects quand on examine l'économie de la pêcherie; il faut le faire si nous voulons évaluer correctement l'opportunité de la cessibilité des droits d'usage.

Troisièmement, il ne faut pas considérer l'efficacité uniquement de façon globale dans le cadre de l'ensemble de la pêcherie et de l'économie côtière, mais aussi sous l'angle de la conservation à long terme. Cela a de nombreuses répercussions. Par exemple, si des droits d'usage sont transférés à l'extérieur d'un lieu de pêche local, ce qui signifie que pour la gestion on a moins recours aux connaissances locales traditionnelles en matière d'écologie, nous devons être avertis des éventuels effets négatifs sur la conservation (voir chapitre 7). De plus, comme nous devons réguler l'incidence sur les stocks halieutiques, il faudrait considérer comme «efficace» une pêcherie qui procure les plus grands bénéfices nets pour chaque poisson capturé. Ainsi, la question n'est pas de sortir de la mer de grandes quantités de poissons rapidement et de façon économique, mais plutôt de tirer le meilleur parti de chaque poisson capturé. Il n'y a aucune raison de penser que le fait d'acheter ou de vendre des droits transférables traduira cette vision plus large de l'efficacité.

Mobilité des pêcheurs. La cessibilité accroît la «mobilité» des pêcheurs individuels; elle permet à chacun de quitter la pêcherie quand le revenu que lui procure la vente des droits d'usage dépasse les avantages qu'il pourrait escompter s'il restait dans la pêcherie. Ainsi, le pêcheur a un maximum de latitude, et il est plus facile pour les gestionnaires de réduire le nombre des participants à la pêcherie. Cependant, faute de restrictions visant à maintenir les droits d'usage au sein de la communauté locale, cette mobilité risque de réduire la stabilité des communautés de pêche. A l'inverse, les systèmes de noncessibilité permettent une plus grande stabilité mais réduisent la mobilité des pêcheurs, et il est donc plus difficile de réduire la puissance de pêche au fil du temps (réduction de la capacité). En particulier, on peut être incité à maintenir le caractère non cessible des droits le plus longtemps possible pour maximiser les avantages actuels, et dans l'espoir de revenus exceptionnels si la décision était prise plus tard de permettre la cessibilité. Cela peut signifier qu'un bateau sera utilisé au-delà de sa vie technique, ce qui peut aussi poser des problèmes de sécurité.

Cohésion sociale. Le caractère cessible des droits peut avoir de fortes répercussions sur le bien-être social. Tout d'abord, comme le propriétaire du navire est souvent le seul à détenir les droits, s'il les vend les personnes les plus vulnérables de la pêcherie, c'està- dire les membres d'équipage, risquent de se retrouver sans emploi ni compensation. En second lieu, la cessibilité peut conduire à une perte de cohésion sociale dans l'ensemble de la communauté. C'est notamment le cas lorsque, suite à des transferts, la communauté perd des droits de pêche, d'où une moindre participation à la pêcherie et moins d'emplois pour la population locale, et une augmentation correspondante de la proportion d'intervenants extérieurs qui exploitent les ressources auparavant contrôlées localement. En revanche, des droits non transférables peuvent aider à stabiliser l'économie locale, en garantissant que les droits restent en partie dans les communautés locales. Il faut toutefois noter que, dans le cas de systèmes de droits non transférables, il peut y avoir une pression inhérente pour passer à la cessibilité, avec toutes les conséquences que ce changement comporte. Il semble que cela se soit produit dans de très nombreux cas jusqu'ici.

Concentration des droits. Quand les droits de pêche sont transférables, ils se retrouvent généralement entre les mains de moins de propriétaires (le plus souvent des industriels et des marchands). Si le but est de réduire le nombre de parties intéressées avec qui le gestionnaire doit être en relation, les droits transférables peuvent permettre de le faire. En revanche, la concentration des droits fait naître des préoccupations sociales et économiques, notamment en ce qui concerne les effets potentiellement préjudiciables sur:

Pour empêcher la concentration des droits, on peut déclarer que ces derniers ne sont pas transférables. On peut aussi limiter la quantité maximale de droits qui peuvent être possédés par une personne ou une compagnie, ou mettre en place des obligations pour les propriétaires-exploitants (de sorte que seul le propriétaire du bateau puisse s'en servir). Des moyens permettent toutefois d'échapper à ces mesures, par exemple grâce à des contrats légaux ou à la propriété nominative (possession par la famille, la parenté ou des employés). Ainsi, si la concentration des droits de pêche est considérée comme non souhaitable, la prudence s'impose puisque même des droits en principe non transférables peuvent finalement être cessibles dans la pratique.

6 SYNTHÈSE

Une bonne partie des débats qui ont lieu en permanence sur l'aménagement des pêcheries concernent les droits d'usage, c'est-à-dire le droit d'utiliser une pêcherie (d'y avoir accès), ainsi que les droits de gestion, soit le droit de participer à l'aménagement d'une pêcherie. Après avoir examiné la corrélation entre droits d'usage, droits de gestion et d'autres formes de droits de pêche, ce chapitre a décrit l'éventail des options de droits d'usage, en particulier les DUTP, les droits d'accès limité et les droits relatifs aux moyens de production quantitatifs individuels (effort), ainsi que les droits relatifs à la production (quotas). La plupart de ces options de droits d'usage correspondent à des contrôles précis des moyens de production et de la production, décrits au chapitre 4. Enfin, ce chapitre a examiné une série de questions de politique ou de fonctionnement pertinentes pour le choix des droits d'usage et leur application. Il faut savoir que les droits d'usage peuvent être très controversables, en raison non seulement du conflit inhérent à tout système de droits d'usage (où certains sont exclus ou ont un plus grand nombre de droits que d'autres), mais aussi faute d'un consensus quant à la «meilleure» voie à suivre pour mettre sur pied de tels systèmes.

Sur ce deuxième point, supposons que nous soyons chargés de l'aménagement d'une pêcherie et que nous soyons sûrs qu'il n'existe actuellement aucun système (acceptable) de droits d'usage. Nous aurons alors pour tâche de mettre en place un tel système et d'en assurer l'application. Quelles sont les approches de politique les plus appropriées? Examinons par exemple les choix décrits ci-dessus a) entre un mécanisme fondé sur le marché et un mécanisme de planification stratégique visant à régir les droits d'usage et b) entre une orientation individuelle et une orientation collective ou de type communautaire pour les droits d'usage. La question de savoir précisément quelles sont les caractéristiques d'une pêcherie qui favorisent l'une ou l'autre de ces deux approches n'a abouti à aucun consensus. Cependant, Berkes (1986) a indiqué, dans le cadre de pêcheries turques, que la planification stratégique de type communautaire «fournit un ensemble pertinent et réalisable d'arrangements institutionnels pour l'aménagement de certaines pêcheries côtières», notamment «les pêcheries artisanales dans lesquelles la communauté des utilisateurs est relativement homogène et la taille des groupements relativement faible». Il indique d'autre part que les droits d'usage individuels s'appuyant sur le marché (qui comprennent peut-être «l'attribution de droits de pêche exclusifs et transférables») peuvent être appropriés pour les ressources halieutiques de la haute mer et les flottes de pêche de plus grande envergure et plus mobiles. En nous appuyant sur ces observations et l'analyse faite dans les sections précédentes de ce chapitre, nous pouvons concevoir «l'hypothèse de fonctionnement» ci-après.

Droits de type communautaire si:

Droits s’appuyant sur le marché si:

· la structure est de faible envergure ou/et artisanale et a des liens évidents avec la communauté des pêcheurs;

· la pêcherie est surtout industrielle, avec un fort coefficient de capital;

· l’histoire et la tradition jouent un rôle majeur dans l’activité halieutique et l’aménagement de la pêcherie;

· la pêcherie ne joue pas un rôle majeur de soutien des communautés côtières;

· des objectifs multiples concernant ou non la pêcherie sont poursuivis; la gestion de la pêcherie exige un équilibre entre ces objectifs.

· la rentabilité l’emporte sur les objectifs communautaires et socio-économiques (équité, emploi, santé de l’économie locale, etc.).

Ce schéma de décision ne doit pas être considéré comme une recommandation, mais comme une simple possibilité. Même s'il a une certaine valeur, il y aura inévitablement des exceptions, et on ne connaît pas exactement les circonstances qui conduiront à ces exceptions. En outre, la nature de ce schéma, où le choix est soit un système de droits entièrement collectifs, soit un système totalement conditionné par le marché, ne tient pas compte du large éventail des options intermédiaires.

Examinons ne serait-ce qu'un exemple, celui des droits non transférables. Les pêcheries de Namibie (Oelofsen, 1999) illustrent de quelle manière la cessibilité des droits individuels (par exemple, les QIT) «n'est pas considérée comme le système idéal à mettre en œuvre» parce qu'elle rendrait plus difficile la poursuite des objectifs politiques nationaux. De même, les droits de longue durée («la notion de droits fixes à perpétuité») sont considérés comme inappropriés, car les qualités d'une entreprise de pêche grâce auxquelles un quota lui a peut-être été attribué peuvent changer au fil du temps. Ainsi, dans les pêcheries namibiennes, des droits individuels non transférables à durée limitée ont été appliqués en tant qu'approche intermédiaire.

Dans certains cas, des droits non transférables pourraient aider à équilibrer les avantages des droits individuels avec les objectifs de la stabilité sociale et communautaire. Par exemple, tel système de droits d'usage pourrait interdire les ventes/transferts permanents, mais permettre une certaine souplesse dans les transferts de droits à l'intérieur d'une saison de pêche. En outre, des droits individuels, quels qu'ils soient, pourraient être subordonnés dans leur fonctionnement aux droits communautaires et aux règles définies localement, les pêcheurs de la communauté ayant un contrôle de groupe sur le système de droits.

Quand on examine l'éventail des options de droits d'usage, il est important de noter que la dichotomie «fondement sur la communauté contre fondement sur le marché» doit être différenciée de celle qui apparaît entre les droits relatifs aux moyens de production/ à l'effort et les droits relatifs à la production/aux captures. Il est regrettable que ces deux questions soient souvent confondues, probablement à cause de la domination des QIT fondés sur la production dans l'approche qui s'appuie sur le marché. Cependant, il ne faut pas oublier que différentes combinaisons, telles que les quotas communautaires ou les contrôles de l'effort axés sur le marché, peuvent être réalisables, selon le contexte particulier de la pêcherie.

Parmi toutes les séries de grandes orientations concernant les droits d'usage dans les pêcheries, une seule a été étudiée dans cette section finale. Il est évident qu'un seul chapitre ne suffit pas à traiter un sujet aussi complexe. Ainsi, nous n'avons cherché ici qu'à introduire la notion de droits dans les pêches. La figure 2 met en lumière quelques points essentiels à prendre en compte lors de la mise en place et de l'évaluation des systèmes de droits d'usage.

En guise de conclusion, il convient peut-être de mentionner de nouveau les quatre points fondamentaux:

Ces réalités garantissent que les droits d'usage continueront de jouer un rôle majeur dans l'aménagement des pêcheries. En effet, il semble évident que si les droits d'usage détenus par les pêcheurs, et en même temps les responsabilités de ces mêmes pêcheurs, sont clairement définis et largement acceptés, les chances d'assurer à l'avenir une pêche responsable seront beaucoup plus grandes.

FIGURE 2
Schéma opérationnel pour l'évaluation et la mise en place d'un système de droits d'usage.

7 RÉFÉRENCES ET OUVRAGES CONSEILLÉS

Berkes, F. 1986. Local-level management and the commons problem: A comparative study of Turkish coastal fisheries. Marine Policy, 10: 215-229.

Brownstein, J. & Tremblay, J. 1994. Traditional property rights and cooperative management in the Canadian lobster fishery. The Lobster Newsletter, 7: 5.

Charles, A.T. 1998a. Living with Uncertainty in Fisheries: Analytical Methods, Management Priorities and the Canadian Groundfishery Experience. Fisheries Research, 37: 37-50.

Charles, A.T. 1998b. Fisheries in Transition. Ocean Yearbook 13. E.M. Borgese, A. Chircop, M. McConnell & J.R. Morgan, éd. University of Chicago Press, Chicago, Etats-Unis. p. 15-37.

Charles, A.T. 2001. Sustainable Fishery Systems. Blackwell Science, Oxford, Royaume-Uni.

Charles, A.T. & Herrera, A. 1994. Development and diversification: Sustainability strategies for a Costa Rican fishing cooperative. Proceedings of the 6th Conference of the International Institute for Fisheries Economics and Trade. M. Antona, J. Catanzano & J.G. Sutinen, éd. IIFET/ORSTOM, Paris, France.

Christy, F.T. 1983. Droits d'usage territoriaux dans les pêcheries maritimes: définitions et conditions. FAO: Documents techniques sur les pêches, n° 227. FAO, Rome, Italie.

Cochrane, K. L. & Payne, A.I.L. 1998. People, purses and power: the role of policy in directing fisheries management as indicated in the debate surrounding a developing fisheries policy for South Africa. In Pitcher, T. J., Hart, P. J. B. & Pauly, D, éd. Reinventing Fisheries Management. (Actes du Symposium tenu à Vancouver, Canada, 20-24 février 1996). Kluwer, Dordrecht. p. 73-99.

Congrès des Philippines. 1998. An Act providing for the Development, Management, and Conservation of the Fisheries and Aquatic Resources, Integrating all Laws Pertinent thereto, and for other Purposes. Republic Act No. 8550. Congrès des Philippines. Manille, Philippines.

Copes, P. 1997. Social impacts of fisheries management regimes based on individual quotas. Proceedings of the Workshop on Social Implications of Quota Systems in Fisheries. Iles Vestman, Islande, mai 1996. Nordic Council of Ministers, Copenhague, Danemark.

Dewees, C.M. 1998. Effects of individual quota systems on New Zealand and British Columbia fisheries. Ecological Applications, 8 Supplement: S133-S138.

Dyer, C.L. & McGoodwin, J.R. 1994. Folk Management in the World's Fisheries: Lessons for Modern Fisheries Management. University Press of Colorado, Niwot, Etats-Unis.

FAO. 1998. Rapport du Groupe de travail technique sur la gestion de la capacité de pêche. La Jolla, Etats-Unis d'Amérique, 15-18 avril 1998. FAO: Rapports sur les pêches, n° 586. FAO, Rome, Italie.

Gimbel, K.L., éd. 1994. Limiting Access to Marine Fisheries: Keeping the Focus on Conservation. Center for Marine Conservation et Fonds mondial pour la nature. Washington, Etats-Unis.

Gonzalel, E. 1996. Territorial use rights in Chilean fisheries. Marine Resource Economics, 11: 211-218.

Hanna, S. & Munasinghe, M., éd. 1995a. Property Rights and the Environment: Social and Ecological Issues. Beijer International Institute of Ecological Economics et Banque mondiale. Washington, Etats-Unis.

Hanna, S. & Munasinghe, M., éd. 1995b. Property Rights in a Social and Ecological Context: Case Studies and Design Applications. Beijer International Institute of Ecological Economics et Banque mondiale, Washington, Etats-Unis.

Hardin, G. 1968. The tragedy of the commons. Science, 162: 1243-1247.

Hilborn, R., Maguire, J.-J., Parma, A.M. & Rosenberg, A.A. 2001. The Precautionary Approach and risk management: Can they increase the probability of success of fishery management? Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, 58: 99-107.

IIRR. 1998. Participatory Methods in Community-Based Coastal Resource Management. Institut international pour la reconstruction rurale, Silang, Philippines.

Lawson, R. 1984. Economics of Fisheries Development. Frances Pinter Publishers, Londres, Royaume-Uni. 283 p.

Native Council of Nova Scotia. 1994. Mi'kmaq Fisheries Netukulimk: Towards a Better Understanding. Native Council of Nova Scotia, Truro, Canada.

Neher, P.A., Arnason, R. & Mollett, N., éd. 1989. Rights Based Fishing. Kluwer Academic Publishers, Dordrecht, Pays-Bas.

OCDE. 1993. The Use of Individual Quotas in Fisheries Management. Organisation de coopération et de développement économiques. Paris, France.

Oelofsen, B.W. 1999. Fisheries management: the Namibian approach. ICES Journal of Marine Science, 56: 999-1004.

Ostrom, E. & Schlager, E. 1996. The formation of property rights. In S. Hanna, C. Folke & K.G. Mäler, éd. Rights to Nature: Ecological, Economic, Cultural and Political Principles of Institutions for the Environment. Island Press, Washington, Etats-Unis. p. 127-156

Pinkerton, E. & Weinstein, M. 1995. Fisheries that work: Sustainability through Community-based Management. The David Suzuki Foundation, Vancouver, Canada. 199 p.

Ruddle, K. 1989. The continuity of traditional management practices: The case of Japanese coastal fisheries. In K. Ruddle & R.E. Johannes, éd. Traditional Marine Resource Management in the Pacific Basin: An Anthology. Contending with Global Change Study No. 2, UNESCO/ROSTSEA, Jakarta, Indonésie. p. 263-285.

Ruddle, K., Hviding, E. & Johannes, R.E. 1992. Marine resources management in the context of customary tenure. Marine Resource Economics, 7: 249-273.

Squires, D. & Kirkley, J. 1996. Individual transferable quotas in a multiproduct common property industry. Canadian Journal of Economics, 29: 318-342.

Symes, D., éd. 1998. Property Rights and Regulatory Systems in Fisheries. Fishing News Books (Blackwell Science), Oxford, Royaume-Uni.

Symes, D., éd. 1999. Alternative Management Systems for Fisheries. Fishing News Books (Blackwell Science), Oxford, Royaume-Uni.

Townsend, R.E. 1990. Entry restrictions in the fishery: A survey of the evidence. Land Economics, 66: 359-378.

Townsend, R.E. & Charles, A.T. 1997. User rights in fishing. In J. Boreman, B.S. Nakashima, J.A. Wilson & R.L. Kendall, éd. Northwest Atlantic Groundfish: Perspectives on a Fishery Collapse. American Fisheries Society, Bethesda, Etats-Unis. p. 177-184.

Veitayaki, J. 1998. Traditional and community-based marine resources management system in Fiji: An evolving integrated process. Coastal Management, 26: 47-60.


[9] Le présent chapitre s'inspire de travaux antérieurs de Townsend & Charles (1997) et Charles (2001). Je tiens à exprimer ma reconnaissance à Ralph Townsend, Melanie Wiber et Parzival Copes pour les nombreux échanges de vues constructifs, mais j'assume la responsabilité de toute erreur qui pourrait apparaître ici.
[10] Accord aux fins de l'application des Dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs.
[11] Le texte intégral de ce Plan d'action est disponible sur le site internet
http://fao.org/documents/show_cdr.asp?url_file=/DOCREP/006/X3170F/X3170F00.htm
http://www.fao.org/docrep/pdf/006/x3170f/x3170f00.pdf

Page précédente Début de page Page suivante