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FORUM MONDIAL FAO/OMS
DES RESPONSABLES DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS

Marrakech (Maroc), 28 – 30 janvier 2002

Améliorer l’efficacité et la transparence
dans les systèmes de sécurité sanitaire des aliments
Partager l’expérience

APPENDICE IV - EXPOSÉ PRÉSENTÉ PAR M. DAVID HEYMANN

Appendice IV

EXPOSÉ PRÉSENTÉ À LA SÉANCE D'OUVERTURE
La salubrité des aliments, une priorité essentielle
de la santé publique

par
M. David HEYMANN
Directeur exécutif, Maladies transmissibles
Organisation mondiale de la santé



Introduction

Dans le passé, la salubrité des aliments était souvent, mais pas toujours, considérée comme une question de santé publique. Plus récemment, en raison d'une succession d'événements et notamment de plusieurs crises majeures liées aux aliments et présentant différents degrés de gravité, l'opinion a commencé à s'inquiéter plus sérieusement. En fait, la charge de morbidité explique encore mieux pourquoi la salubrité des aliments apparaît de plus en plus comme une priorité essentielle de la santé publique et figure parmi les priorités de l'OMS depuis l'an 2000.

CONTAMINATION ET SURVEILLANCE MICROBIOLOGIQUES

On estime à 2,1 millions le nombre total des décès annuels dus à des maladies infectieuses d'origine alimentaire et à transmission hydrique dans les pays en développement, et la plupart des victimes sont des nourrissons et des enfants. Dans les pays industrialisés, les maladies dues à la contamination microbiologique des aliments touchent jusqu'à 30 pour cent de la population. Chaque année, sur un million de personnes, 20 meurent d'une maladie d'origine alimentaire. On peut mentionner plusieurs exemples de l'aggravation des problèmes au cours des dernières décennies. L'incidence des infections à Salmonella enteritidis chez l'homme entre 1980 et 2000 a été multipliée par 20 dans beaucoup de pays d'Europe et d'Amérique du Nord. Un autre problème nouveau au niveau mondial est celui de la résistance aux antimicrobiens. Les données provenant des États-Unis montrent que le pourcentage de Salmonella typhimurium type DT 104 polychimiorésistante chez le bétail est passé de 2 pour cent en 1982 à 43 pour cent en 1996, alors que chez l'homme il est passé au cours de la même période de 0 à 35 pour cent. L'évolution dans le temps des courbes des pourcentages pour l'homme et le bétail est pratiquement identique, ce qui semble indiquer qu'il y a eu transmission à l'homme par la voie alimentaire.

Nos chaînes alimentaires comportent souvent de nombreuses étapes et à chacune d'entre elles, les occasions de contamination sont multiples. On a mis au point de nombreuses méthodes de production sans réfléchir suffisamment aux conséquences possibles de l'application de techniques non traditionnelles. C'est ce qui a par exemple conduit à la propagation de l'ESB, une épidémie dont nous ne pouvons prévoir l'évolution.

Dans certains cas, l'impact économique des flambées infectieuses de maladies d'origine alimentaire montre que les mesures prises pour réduire les coûts peuvent avoir des conséquences graves. Une flambée de choléra au Pérou en 1991 a coûté US $770 millions, une flambée du même type en Tanzanie en 1998 US $36 millions. Les coûts, ou plutôt les pertes, sont liés par exemple à la baisse des recettes du tourisme et des exportations de produits alimentaires. Des mesures préventives simples et des systèmes de surveillance efficaces bien moins coûteux auraient peut-être permis d'éviter ces flambées ou au moins d'en atténuer sensiblement l'impact.

La flambée qui a frappé la Tanzanie a permis de tirer de précieux enseignements concernant l'analyse des risques. Immédiatement après la notification d'une flambée de choléra en janvier 1998, plusieurs pays importateurs ont interdit l'importation des produits marins et d'eau douce. Après une évaluation des risques effectuée par l'OMS sur la transmission effective du choléra, l'interdiction a été levée. Mais, dans l'intervalle, la Tanzanie a subi un manque à gagner considérable du fait de l'arrêt de ses exportations de produits de la pêche. Si l'analyse des risques avait été effectuée sur la base d'informations adéquates, la réaction internationale aurait été bien plus appropriée et il n'y aurait jamais eu d'interdiction. Il est donc dans l'intérêt de tous les partenaires commerciaux - qu'il s'agisse des exportateurs, souvent des pays en développement, ou des pays développés importateurs - de procéder à une analyse appropriée des risques.

CONTAMINATION CHIMIQUE ET FIXATION DES NORMES

Les effets sur la santé de différents contaminants chimiques des produits alimentaires, comme les dioxines, vont de différents cancers, à des lésions du système nerveux, en passant par des maladies du système immunitaire et des problèmes de santé génésique ou encore des atteintes au développement du nourrisson et de l'enfant. Plusieurs programmes de surveillance nous ont démontré que même dans les pays où le question de la salubrité des aliments n'est pas censée se poser, la contamination chimique reste un problème. L'exposition à la dioxine et aux PCB de type dioxine du fait des produits alimentaires dans différents pays occidentaux dépasse la dose mensuelle tolérable provisoire et le niveau moyen du DDT dans le lait maternel dans toutes les Régions de l'OMS sauf une se situe bien au-dessus de la dose mensuelle tolérable provisoire. Plusieurs études du même type ou effectuées à échelle plus réduite vont malheureusement dans le même sens.

L'OMS, par différentes activités, a contribué à la salubrité des aliments au niveau mondial depuis plusieurs années. De nombreux résultats ont été obtenus dans les domaines de la surveillance des maladies et des mesures prises pour y faire face, de l'évaluation des risques, de la surveillance des produits chimiques et de la contamination chimique, du renforcement des capacités et de la fixation des normes. La plupart de ces activités ont été entreprises en collaboration avec la FAO.

SURVEILLANCE MONDIALE DES MALADIES INFECTIEUSES

Un «réseau de réseaux»: par l'intermédiaire d'un réseau de réseaux, l'OMS a relié entre eux tous les réseaux existants dans le domaine de la surveillance des maladies infectieuses. Cette tâche est entreprise en ayant recours à d'importants partenaires dans le domaine de la collecte d'informations sur l'incidence et les flambées de maladies comme les ministères de la santé, les organismes du système des Nations Unies, les ONG, les médias, les réseaux de formation en épidémiologie et les réseaux de formation militaire. On trouvera dans le paragraphe suivant quelques exemples de partenaires associés à ce réseau de réseaux.

Le Réseau mondial d'Information sur la Santé publique (RMISP) est un réseau mondial basé sur le Web qui passe automatiquement en revue toutes les informations publiées sur Internet concernant les flambées de maladies infectieuses, ce qui a permis de mettre à jour plusieurs flambées importantes qui n'auraient été découvertes que beaucoup plus tard avec les systèmes de surveillance habituels. Ainsi, en dix jours en l'an 2000, la recherche de flambées de maladies infectieuses humaines liées à des aliments d'origine animale a permis au RMISP de mettre dix flambées en lumière. Sur ces dix flambées, cinq touchaient moins de cinq patients, trois entre 20 et 50 patients et deux étaient des flambées à grande échelle. La mise en évidence rapide des flambées permet de mettre en place rapidement des mesures de lutte et donc de réduire l'ampleur éventuelle des flambées.

La surveillance mondiale de la grippe humaine à laquelle participent 84 pays, par des laboratoires collaborateurs ou par des réseaux nationaux, a abouti au dépistage rapide du virus grippal A (H5N1), ou virus de Hong Kong, ce qui a permis de gérer les risques et de planifier l'action contre la pandémie de manière efficace. Grâce à l'existence d'un réseau reliant tous les laboratoires et établissements collaborateurs, on a pu commencer la production de vaccins quatre mois à peine après la mise en évidence initiale du virus.

Dans le cadre d'un projet commun de l'OMS, des CDC et de l'Institut vétérinaire danois, la surveillance mondiale des salmonelloses qui étudie les salmonelloses animales et humaines constitue un autre programme mondial pour lequel un réseau de laboratoire a été mis su pied pour surveiller l'incidence mondiale des infections à Salmonella. Le programme s'attache également à élargir le réseau en apportant une assistance technique aux laboratoires pour l'analyse par serotypage et l'assurance de la qualité.

Dans le domaine de la surveillance des contaminants chimiques, l'OMS réunit depuis plusieurs années des données sur la contamination des aliments par des produits chimiques et sur l'exposition humaine en vue de l'évaluation mondiale par l'intermédiaire de son système mondial de surveillance continue de l'environnement (GEMS). L'accent est mis sur l'exposition de la population aux principaux contaminants alimentaires et actuellement plus de 80 pays participent au système.

ÉVALUATION DES RISQUES

Depuis de nombreuses années, c'est l'évaluation des risques chimiques qui a retenu l'attention en priorité. Par les travaux du Comité mixte FAO/OMS d'experts des Additifs alimentaires et des réunions conjointes FAO/OMS sur les résidus de pesticides, des évaluations des risques et des conseils ont été fournis au Codex Alimentarius et aux États Membres.

Dans le domaine de l'évaluation des risques mondiaux, les études sur l'exposition potentielle à l'encéphalopathie spongiforme bovine du fait des échanges commerciaux, qui ont mis l'accent sur la propagation des sources effectives de contamination par l'ESB dans le monde, sur les aliments pour animaux et sur les bovins vivants, ont permis d'élaborer des scénarios et des projections concernant l'incidence de l'ESB et de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

Actuellement, la FAO et l'OMS procèdent à différentes évaluations des risques microbiologiques, une première au niveau international. Les associations entre les aliments et les agents pathogènes qui ont été mises en évidence par différentes consultations d'experts comme méritant de retenir immédiatement l'attention sont Listeria dans les aliments prêts à la consommation, Campylobacter dans la volaille, Vibrio cholerae dans les produits de la mer et Salmonella dans les oeufs et la volaille.

LA STRATÉGIE MONDIALE OMS DE SALUBRITÉ DES ALIMENTS

Après l'adoption de la salubrité des aliments comme priorité par l'Assemblée mondiale de la Santé en l'an 2000, l'OMS devait impérativement mettre au point une stratégie mondiale de salubrité des aliments. Cette stratégie a récemment été évaluée et approuvée par le Conseil exécutif et servira de base aux activités de salubrité des aliments de l'OMS à moyen et à long terme. Dans le cadre de cette stratégie, le renforcement de la capacité technique et la coopération internationale sont incorporés aux domaines de la surveillance des maladies d'origine alimentaire, de l'évaluation des risques, de l'innocuité des technologies nouvelles, du rôle de la santé publique dans les travaux du Codex Alimentarius et de la communication concernant les risques.

CONCLUSION

Les perspectives sont bonnes aujourd'hui pour des partenariats dans le domaine de la salubrité des aliments. Dans les pays industrialisés, le climat actuel suscite la prudence des consommateurs et la confiance dans les systèmes actuels de contrôle des aliments a été sérieusement ébranlée. L'opinion est donc largement favorable à ce que la salubrité des aliments figure parmi les préoccupations d'ordre politique. On n'a pas encore entièrement pris conscience de la charge cachée que recèle la salubrité des aliments, mais ce qu'on sait déjà a certainement de quoi inquiéter. Dans les pays en développement, la charge visible et endémique est considérable. Malheureusement, faute d'une véritable sensibilisation des consommateurs et des responsables politiques, la volonté d'agir n'est pas suffisante et le dossier ne retient pas l'attention qu'il mérite.

Une occasion importante est actuellement offerte pour créer les partenariats nécessaires entre les pays industrialisés et les pays en développement, tirer profit de l'expérience actuelle et passée et renforcer la salubrité des aliments aux niveaux national et mondial. Il s'agit de saisir cette occasion afin de promouvoir une meilleure salubrité des aliments pour tous.

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