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5. Atténuer l’impact de la mise en valeur de l’eau en agriculture sur l’environnement


Les effets externes

La plupart des systèmes de production, dont l’agriculture, ont des effets secondaires qui peuvent être à la fois positifs et négatifs, ou des effets externes qui ne sont pas comptabilisés par les marchés. Les bénéfices écologiques positifs et négatifs de l’agriculture sont la conséquence involontaire des activités de marché qui ont un impact sur des personnes autres que celle qui a induit l’effet. Aucun prix n’est en général fixé pour ces sous-produits sur le marché, et par conséquent leur valeur économique n’est pas déterminée, ou difficile à évaluer. Il n’est pas possible d’examiner tous les effets externes positifs de l’agriculture. Dans certains cas le même phénomène sera positif dans certaines circonstances et négatif dans d’autres, ou encore il sera évalué positivement par certains observateurs et négativement par d’autres. Un effet externe positif peut diminuer un effet négatif, et vice versa. En outre, les effets externes positifs et négatifs sont souvent étroitement reliés (ex.: la salinité des sols et l’amélioration des possibilités d’emploi dans l’agriculture irriguée). Par ailleurs, les effets externes positifs ne sont souvent pas pris en considération alors que les effets négatifs sont plus abondamment exposés. Un exemple bien connu d’effet externe négatif est l’atteinte à la diversité biologique qui découle du drainage des zones humides pour les besoins de l’agriculture (FAO, 2002d). Ces atteintes s’accélèrent au fur et à mesure que les établissements humains continuent à empiéter sur les zones humides et les forêts (encadré 10).

Encadré 10 Mise en valeur des ressources en eaux fluviales: le cas du fleuve Sénégal

Source: FAO, 2001b

Le fleuve Sénégal illustre la complexité de l’évaluation des effets externes sur l’environnement. L’aménagement des barrages fluviaux pour la production d’énergie hydraulique a eu des effets négatifs sur la production agricole écologiquement et socialement durable qui exploitait les plaines d’inondation. La gestion conventionnelle des grands barrages a mis fin aux crues annuelles dont dépendaient ces systèmes de production. Après ces aménagements, l’eau du fleuve a été retenue dans un réservoir en amont et libérée seulement pour répondre à la demande de la production d’énergie hydraulique. Ce bouleversement du fonctionnement de l’écosystème n’a pas seulement entraîné la disparition des systèmes traditionnels de production agricole, mais aussi celle de la diversité biologique locale et migratrice qui dépendait de l’existence de ces grandes plaines d’inondation à la limite du désert. La nécessité de dédommager les personnes qui ont été éloignées de force de la zone du réservoir a maintes fois été évoquée, mais on sait peu de choses sur les dédommagements dont auraient besoin tous les habitants des contrées situées en aval, qui n’ont pas été déplacés de force mais qui ne peuvent plus subvenir à leurs besoins par la production agricole qu’ils obtenaient avant les aménagements.

De nombreux systèmes agricoles sont devenus d’efficaces transformateurs de technologies, d’intrants non renouvelables et de ressources financières. Ils peuvent produire de grosses quantités d’aliments, mais ont un impact négatif considérable sur les actifs physiques (Pretty, 1999). Par actifs physiques, on n’entend pas simplement les ressources naturelles en terres et en eaux proprement dites, mais aussi le cycle et la fixation des substances nutritives, la formation du sol, la lutte biologique, le piégeage du carbone et la pollinisation. Ce phénomène soulève une question: que représente le succès de la production agricole si les importantes augmentations de rendement s’obtiennent au prix de problèmes d’environnement et de santé? L’une des difficultés est que les coûts et les bénéfices ne touchent pas les mêmes personnes et ne sont pas mesurés avec les mêmes unités. Dans les années soixante-dix et quatre-vingts, certains considéraient que l’énergie pouvait constituer cette mesure commune. Le fait est que les systèmes durables ont un bien meilleur rendement énergétique que les systèmes modernes à forts niveaux d’intrants. Au Bangladesh et en Chine, le riz d’agriculture pluviale à faibles niveaux d’intrants peut produire 1,5 à 2,6 kg de céréales par mégajoule d’énergie consommée, ce qui représente une efficacité 15 à 25 fois plus importante que celle de la production rizicole irriguée au Japon et aux Etats-Unis. Les systèmes durables produisent en moyenne 1,4 kg de céréales par mégajoule par comparaison avec 0,26 kg/MJ dans les systèmes conventionnels. Les systèmes agricoles modernes dépendent massivement des apports externes, qui sont en grande partie dérivés des combustibles fossiles. Dans la plupart des pays industrialisés, l’énergie est moins chère que la main d’oeuvre, ce qui rend logique la surexploitation des ressources naturelles et la sous-utilisation de la main d’oeuvre. Tout cela se solde par des effets néfastes, à long terme, sur l’environnement (Pretty, 1999). Bien que la main d’oeuvre soit moins chère que l’énergie dans de nombreux pays en développement, l’agriculture a souvent des effets négatifs sur l’environnement. Pour ce qui est des enseignements à tirer du point de vue de l’action, il faut noter que les effets externes de l’agriculture sur l’environnement se font sentir à différentes échelles géographiques: par exemple, piégeage du carbone (un effet externe positif) à l’échelle mondiale, mais salinisation d’un bassin versant (un effet externe négatif) à l’échelle locale.

Planche 12 Touaregs et Bellas préparant le sol pour la plantation du bourgou (Mali)

FAO/11604/J. VAN ACKER

L’application de concepts comme le principe du pollueur payeur et la récupération et le partage des coûts peut se révéler irréaliste, difficile à mettre en oeuvre et politiquement désastreuse pour les gouvernements des pays où des millions de personnes sont pauvres et où les petits exploitants agricoles tentent de subsister sur les terres marginales. Dans les pays en développement, la manière dont la production agricole des zones marginales peut remplir sa fonction première sans épuiser les ressources naturelles demeure un sujet courant de préoccupation. C’est pour toutes ces raisons que le développement des technologies appropriées, l’attribution de droits de propriété individuels ou collectifs et la promotion de l’emploi de substitution à l’extérieur du secteur agricole seront des stratégies vitales.

Le problème de la salinité et du drainage

L’impact de l’agriculture irriguée sur l’environnement est pour beaucoup lié à la gestion de l’eau et au bilan salin des terres irriguées. Il faut à la fois minimiser la quantité d’eau nécessaire à l’élimination des sels de la rhizosphère et minimiser la superficie requise pour stocker temporairement ou indéfiniment les sels. Une bonne gestion de ces contraintes n’est pas facile. Bien que les problèmes de salinité d’origine anthropique se développent rapidement, leur résolution peut prendre du temps et se révéler coûteuse. Diverses méthodes d’amélioration des pratiques agronomiques et d’irrigation peuvent être mises en place selon le type de salinité et la cause de l’accumulation des sels à des niveaux nocifs dans la rhizosphère. Le fait que des eaux salines ont été utilisées avec succès pour faire pousser des cultures montre que dans certaines conditions, comme par exemple le climat méditerranéen marqué par des pluies hivernales, les eaux salines peuvent servir à l’irrigation. Les expériences menées dans d’autres endroits où les effets négatifs à long terme de l’irrigation avec des eaux salines ou à forte teneur en sodium ont été observés indiquent que des interventions plus durables sont nécessaires pour rétablir l’équilibre entre les sels et l’eau.

Figure 3 Profils salins de quatre grands cours d’eau

Source: Smedema, 2000

Tous les cours d’eau des zones arides ont des profils salins naturels, imputables à la concentration de sels dans le bassin versant et dans les bas-fonds salins. Le transport des sels fossiles, dû à l’irrigation avec les eaux souterraines pompées dans les nappes, puis au rejet des eaux de drainage dans les cours d’eau, est une autre cause de la salinité des cours d’eau. La figure 3 montre le profil de salinité de quatre cours d’eau. Elle illustre les variations possibles entre les sels qui retournent aux rivières ou ceux qui se déposent dans les terres ou restent dans les eaux souterraines (Smedema, 2000). L’augmentation de la salinité des rivières et cours d’eau de nombreuses régions sèches du monde constitue un risque écologique qui n’a pas été suffisamment pris en considération. Les conséquences écologiques d’une salinité accrue dans les eaux intérieures justifient que l’on s’y intéresse davantage, étant donné la vulnérabilité des écosystèmes aquatiques à l’augmentation des niveaux de sel.

Encadré 11 Le système de drainage égyptien

Source: Ali et al., 2001

Il fut un temps où la vaste superficie irriguée de l’Egypte ne posait pas de problèmes de salinité importants. C’est seulement après l’introduction généralisée de l’irrigation pérenne qu’il a été nécessaire de prendre des mesures pour remédier à la salinité. L’un des facteurs aggravants de ce problème est l’expansion de l’agriculture irriguée sur des sols sableux ou légers caractérisés par une vitesse fondamentalement plus élevée d’infiltration et de percolation. Ces nouvelles terres irriguées se situent pour la plupart sur les lisières plus élevées de la vallée du Nil, ce qui contribue à entraîner le sel vers les basses terres. L’irrigation pérenne a provoqué une augmentation des infiltrations dans l’ensemble des terres irriguées, un phénomène qui a été exacerbé par l’accroissement de la production du riz et de la canne à sucre, nécessitant un taux d’application d’eau plus élevé. La réutilisation des eaux de drainage est très répandue et difficile à comptabiliser. Un calcul arithmétique simple basé sur la productivité de l’eau à l’échelle de l’exploitation, proche de 40 pour cent, et sur la productivité à l’échelle du bassin, qui atteint 90 pour cent, laisse supposer que l’eau est appliquée au moins deux fois en moyenne. Le reste, qui est trop salé pour pouvoir être réutilisé, est rejeté dans la Méditerranée ou dans des lacs utilisés comme bassins d’évaporation (près de la mer).

Depuis 1970, l’Egypte a équipé une superficie de presque 2 millions d’hectares d’installations de drainage souterraines et d’infrastructures connexes, telles que des fossés collecteurs et des stations de pompage, pour transporter et réutiliser les eaux de drainage. Chaque année, 50 000 hectares supplémentaires sont drainés. Le programme de drainage de l’Egypte constitue l’une des plus importantes interventions de gestion de l’eau au monde. L’investissement total s’élève à environ 1 000 millions de $E.U., et depuis 1985, une partie de l’investissement sert à la réhabilitation des anciens systèmes de drainage. Depuis l’installation des systèmes de drainage, les rendements ont augmenté et l’on a observé une amélioration substantielle dans les terres altérées par le sel.

Au Panjab, au Pakistan, la plus grande partie des eaux de drainage des terres agricoles est réutilisée, qu’elle soit récupérée dans les drains de surface ou pompée dans les eaux souterraines peu profondes. En fait, dans certains systèmes, c’est de la moitié aux deux-tiers de l’eau d’irrigation qui est pompée dans les eaux souterraines. Par conséquent, les sels lessivés retournent à la terre plutôt que d’être évacués dans le réseau fluvial ou dans les bassins d’évaporation. L’afflux moyen des sels dans les eaux de l’Indus équivaudrait environ à deux fois la quantité de sel évacuée à la mer. Par conséquent, la moitié de l’afflux annuel de sel reste dans les terres et dans les eaux souterraines. L’accumulation de sel se produit pour l’essentiel au Panjab, où des systèmes de drainage beaucoup plus étendus seraient nécessaires pour maintenir un équilibre durable entre les sels et l’eau dans les terres irriguées. A l’échelle mondiale, seulement 22 pour cent des terres irriguées sont équipées de systèmes de drainage (et moins de 1 pour cent des terres irriguées ont un système de drainage souterrain). Il est donc inévitable que l’engorgement et la salinité rendent encore davantage de terres improductives. En général, ce sont déjà des agriculteurs très pauvres qui risquent de perdre leurs terres de cette manière.

La situation du drainage au Pakistan contraste singulièrement avec celle de l’Egypte (encadré 11). En Egypte, une grande partie des terres irriguées sont équipées de drains souterrains qui rejettent les eaux de drainage dans les rivières. Les sels ne restent pas dans le bassin du Nil mais sont rejetés dans la Méditerranée. Pendant une partie de l’année, la teneur en sel de l’Indus inférieur est bien plus faible que celle du Nil inférieur (delta du Nil), et l’Indus pourrait recevoir davantage de sels rejetés. Ces rejets ne seraient toutefois pas possibles pendant les périodes critiques des basses eaux. La seule possibilité à ce moment serait de stocker temporairement les eaux de drainage pour ne les rejeter qu’en période de hautes eaux. L’extension du Left Bank Outfall Drain, qui pour l’instant fonctionne au Sindh, au Panjab constituerait une solution plus durable, quoique relativement coûteuse, que le nombre insuffisant de bassins d’évacuation qui caractérise la situation actuelle.

Planche 13 Dragage d’un canal d’irrigation (Egypte)

FAO/16222/L. SPAVENTA

Réutiliser les eaux usées

La réutilisation des eaux des collectivités et des industries dans l’agriculture irriguée est très répandue. Bien que les eaux usées soient en partie traitées avant d’être réutilisées, la plus grande part ne l’est pas, ce qui fait peser des risques considérables sur l’environnement et la santé. En outre, la plupart des usines de traitement des pays en développement fonctionnent en dessous de la capacité prévue, ce qui ajoute au rejet d’eaux usées non traitées dans les canaux d’irrigation et de drainage. Les concentrations de métaux lourds dans les sédiments des canaux et des drains et dans les échantillons de sols, ainsi que la numération bactérienne des coliformes fécaux dans les eaux d’irrigation et de drainage, dépassent souvent les normes de qualité de l’eau de l’OMS. Les eaux usées constituent par exemple 75 pour cent du débit total du Bahr Bagr Drain, dans le delta oriental du Nil, en Egypte, ce qui fait réellement du drain un égout à ciel ouvert. Les échantillons de sol, dans le delta oriental, ont révélé des niveaux de cadmium de 5 mg/kg, plus de deux fois le niveau naturel. On a également relevé des signes de l’absorption par les cultures d’éléments-traces. Par exemple, dans le delta moyen, des niveaux de cadmium de 1,6 mg/kg (ppm) ont été trouvés dans le riz. De tels niveaux sont nocifs pour la santé humaine, et méritent que l’on s’y intéresse sérieusement. Ainsi certaines eaux de drainage sont impropres à toute réutilisation, non pas à cause de leur forte teneur en sel mais en raison de leur charge polluante. Par ailleurs, l’évacuation sûre de ces eaux usées polluées devient un réel problème (Wolff, 2001). Des cas semblables ont été signalés pour d’autres pays, par exemple le Pakistan et le Mexique (Chaudhry et Bhutta, 2000).

Il a déjà été fait allusion au défi que représente la gestion réussie de l’utilisation concomitante des eaux souterraines et des eaux des canaux. Dans certaines zones, la surexploitation des eaux souterraines est mise en évidence par la baisse rapide du niveau de la surface des nappes souterraines. Dans d’autres régions où les eaux souterraines sont trop salines pour la production agricole, le niveau de la nappe s’élève en raison de la sur-irrigation et des infiltrations issues des canaux d’irrigation. De nombreuses terres agricoles ne sont plus productives depuis que l’ascension capillaire provenant des nappes d’eaux peu profondes a détérioré les sols et empoisonné les cultures. Il est malheureusement difficile et coûteux d’inverser ce processus (encadré 12). En Inde, les superficies engorgées représenteraient 6 millions d’hectares. Sur 12 grands projets d’irrigation représentant un périmètre irrigué de 11 millions d’hectares à l’aménagement, 2 millions d’hectares ont été déclarés engorgés et un autre million d’hectares serait salinisé (Shah et al., 2000).

Encadré 12 Impact du prélèvement non planifié des eaux souterraines sur l’environnement

Source: Shah et al., 2000

Les prélèvements non planifiés et non mesurés peuvent considérablement endommager des environnements fragiles. L’exemple de l’oasis Azraq, en Jordanie, est édifiant. Cette oasis est une zone humide couvrant plus de 7 500 ha, qui offrait un habitat naturel à toutes sortes d’espèces aquatiques et terrestres uniques. L’oasis était internationalement reconnue parce qu’elle constituait une halte importante pour les oiseaux migrateurs. Elle a toutefois été complètement asséchée par l’exploitation de la réserve dsouterraine en amont, par des pompages pour l’irrigation et pour l’alimentation en eau de la ville d’Amman. Le déficit a provoqué la baisse de la nappe phréatique, initialement peu profonde, de 2,5 à 7 m pendant les années quatre-vingts, et asséché les sources naturelles dont le débit, qui alimentait l’oasis, a chuté à un dixième de sa valeur d’origine au cours des dix années entre 1981 et 1991. L’écosystème tout entier s’est effondré et la salinité des eaux souterraines est passée de 1 200 à 3 000 ppm. Il a toutefois été possible, grâce à une série d’interventions (pompage inverse d’eaux provenant d’ailleurs au centre du lac, nettoyage des sources et réhabilitation), de remettre presque entièrement les zones humides d’Azraq dans leur état d’origine, et les oiseaux (et les touristes) sont revenus.

La salinisation seule rendrait impropres à la production 2 à 3 millions d’hectares par an de terres agricoles potentiellement productives. L’on ne sait dans quelles proportions ces terres sont régénérées (à divers degrés) et rendues à la culture. La pollution des eaux souterraines par les sels et les résidus agrochimiques est également un phénomène fréquent. Lorsque des eaux souterraines légèrement salines sont employées pour l’irrigation, la répétition des cycles d’application de l’eau sur les champs, d’infiltration de l’excès d’eau et de repompage à partir de la couche supérieure de la nappe augmente la charge saline des eaux souterraines. Si la perméabilité verticale de la nappe est limitée, les eaux d’infiltration se mélangent peu au reste de la nappe, dont la couche supérieure, là où est pompée l’eau, se salinise de plus en plus. Ce processus a été mis en évidence dans plusieurs systèmes d’irrigation du Panjab, au Pakistan, où l’on pratique une irrigation qui utilise de manière concomitante les eaux des canaux et les eaux souterraines (Kijne et al., 1988).

Les agriculteurs les plus pauvres sont ceux qui sont le plus vulnérables à la dégradation de l’environnement car ils cultivent pour la plupart dans des conditions difficiles. Quelques agriculteurs exploitent les meilleures terres; la grande majorité des autres cultivent les terres moins fertiles et marginales. L’aggravation de la dégradation va vraisemblablement altérer la qualité des approvisionnements en eau potable et en eau d’irrigation des agriculteurs, ainsi que la qualité de leurs terres, peut-être aussi la quantité et la qualité des poissons qu’ils attrappent, et en dernier ressort leur santé. L’absence de données sur l’équilibre entre les sels et l’eau dans les terres irriguées et le manque de connaissances sur la quantité d’eau (et de quelle qualité minimale) qu’il faudrait attribuer aux utilisateurs en aval font obstacle à toute tentative de distribution plus équitable de l’eau aux utilisateurs en vue d’améliorer la productivité de l’eau en agriculture à l’échelle du bassin. Pour pouvoir envisager de mettre fin aux pratiques non durables et réduire les concentrations de sels et de produits agrochimiques qui découlent directement de la dégradation des ressources en terres et en eaux, il faudrait commencer par une action collective et à long terme d’amélioration de la gestion des terres et des eaux.

Le développement agricole et rural n’a généralement pas profité des initiatives systématiques d’analyse et de gestion de l’environnement. L’une des raisons de cette mise à l’écart passée est sans doute le très grand nombre de projets (grands et petits) qui auraient pu faire l’objet d’une évaluation, mais qui auraient totalement submergé les organismes d’évaluation de l’environnement. L’évaluation de l’impact sur l’environnement (EIE) s’applique généralement à la planification de projets d’équipement (ex.: barrages, routes, pipe-lines et industries), mais rarement aux plans de culture et de développement rural. C’est ainsi qu’ont persisté la planification malavisée et les pratiques d’utilisation des terres mal adaptées. Dans de nombreuses zones, les ressources en sols, en terres et en eaux sont utilisées de manière inefficace ou se dégradent, pendant que la pauvreté et les écarts de revenus continuent à augmenter.

En général, les techniques d’EIE, avec 30 ans d’expériences derrière elles, prennent maintenant en considération, en plus des répercussions biophysiques, les effets socio-économiques sur la santé, les migrations humaines vers la zone du projet et s’en écartant, la formation d’une main d’oeuvre locale, le renforcement des capacités des gouvernements locaux, etc. Des politiques gouvernementales et internationales sont encore nécessaires pour établir les cadres légaux appropriés et une base institutionnelle pour l’EIE des projets agricoles. Ces politiques devraient faire une place au transfert des connaissances nécessaires aux pauvres ruraux, par exemple grâce aux services de vulgarisation agricole, de manière à ce qu’ils puissent participer à l’évaluation écologique de la gestion des ressources en eau pour l’agriculture et de la planification des projets (FAO, 2002d).


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