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5.  CARACTÉRISATION DESCRIPTIVE

Une caractérisation descriptive des dangers sert à structurer et à présenter les informations disponibles sur le spectre de maladies humaines associées à un pathogène spécifique, et sur la manière dont il est influencé par les caractéristiques de l'hôte, du pathogène et de la matrice, selon le processus illustré à la Figure 3. Cette caractérisation se fonde sur une analyse qualitative ou semi-quantitative des preuves disponibles, et prend en compte les différents mécanismes pathogéniques.

5.1  INFORMATIONS CONCERNANT LE PROCESSUS MORBIDE

Lorsque l'on entreprend une caractérisation des dangers, on commence par évaluer le poids de la preuve des effets adverses sur la santé humaine afin de déterminer, ou de confirmer, la capacité du pathogène à causer une maladie. Le poids de la preuve est évalué sur la base d'inférences de causalité tirées à bon escient de toutes les données disponibles. Ceci suppose d'examiner la quantité, la qualité et la nature des résultats disponibles, à partir d'études cliniques, expérimentales et épidémiologiques; d'analyses des caractéristiques du pathogène; et d'informations sur les mécanismes biologiques en jeu. Lorsque l'on extrapole à partir d'études sur les animaux ou d'études in vitro, il est important de connaître les mécanismes biologiques qui entrent en jeu pour évaluer la pertinence par rapport aux humains.

Dans une caractérisation des dangers liés à des pathogènes microbiens d'origine hydrique ou alimentaire, il convient de prendre en considération les aspects biologiques du processus morbide. Chacune de ces étapes est constituée de nombreux événements biologiques. Quelques considérations générales méritent une attention toute particulière, notamment:

Pour les pathogènes toxi-infectieux, il est recommandé d'étudier séparément les facteurs liés à l'infection et ceux liés à la maladie résultant de l'infection (examinés plus loin, au chapitre 6), en tenant compte des points suivants:

Les informations liées à la maladie devraient fournir une connaissance détaillée, de type qualitatif et / ou quantitatif, du processus morbide. Le plus souvent, cette connaissance se fonde sur les études cliniques et épidémiologiques disponibles. Des énoncés circonstanciés sont utiles pour résumer la nature et la fiabilité de la preuve, sur la base des atouts et des limitations de la base de données. Chaque source d'informations a ses avantages et ses inconvénients mais l'ensemble des sources permet de caractériser les effets adverses potentiels sur la santé. L'analyse devrait inclure des évaluations de l'efficacité statistique des études, et un contrôle approprié de l'éventuel biais, tout en identifiant les facteurs et les sources d'incertitude.

La caractérisation des effets adverses sur la santé humaine devrait prendre en considération le spectre complet des effets possibles liés au danger microbien, notamment les infections asymptomatiques et les manifestations cliniques, qu'elles soient aiguës, subaiguës ou chroniques (par exemple, séquelles à long terme) ou intermittentes (voir Tableau 1). Pour les manifestations cliniques, il convient de décrire les diverses formes cliniques, avec leur sévérité, qui peut varier en fonction des pathogènes et des hôtes infectés par un même pathogène. La sévérité s'entend du degré ou de l'étendue d'une maladie clinique produite par un micro-organisme, et peut être exprimée de diverses manières, comprenant le plus souvent une étude des résultats possibles. Pour les symptômes gastro-intestinaux légers, la sévérité peut être exprimée en durée de la maladie, ou en proportion de la population affectée (morbidité). En cas de troubles graves exigeant des soins médicaux et/ ou impliquant une maladie à long terme, la sévérité peut être exprimée en termes de coûts pour la société, par exemple en proportion de journées de travail perdues ou en coût du traitement. Certains pathogènes et leurs formes cliniques, peuvent être associés à un certain degré de mortalité, auquel cas la sévérité peut être exprimée en taux de mortalité. Pour les pathogènes qui causent des maladies chroniques (c'est-à-dire des maladies qui laissent des séquelles durables), il peut être souhaitable d'inclure dans la caractérisation des effets sur la santé humaine, des considérations liées à la qualité de vie, dans la mesure où celle-ci peut affectée par la maladie. La qualité de vie peut être exprimée de diverses manières, suivant le type de maladie. Par exemple, il se peut que l'espérance de vie humaine diminue, que survienne une débilitation chronique, ou que la qualité de vie soit altérée par des accès épisodiques de maladie. Des concepts comme ceux de la « Survie ajustée pour la qualité de vie » ou des « Années de vie corrigées du facteur invalidité » sont employés pour intégrer et quantifier les effets de différents événements-cibles de maladie sur la santé des individus ou des populations (pour des exemples, voir OMS, 2000a; Havelaar et al., 2000).

Tableau 1 Éléments qui pourraient être inclus dans une caractérisation des effets adverses sur la santé humaine

Formes cliniques

Durée de la maladie

Sévérité (morbidité, mortalité, séquelles)

Physiopathologie

Tableau épidémiologique

Transmission secondaire

Qualité de vie

SOURCE: adapté de ILSI, 2000.

En plus de décrire les effets adverses sur la santé humaine, les informations sur la maladie devraient analyser le tableau épidémiologique et indiquer si la maladie peut être sporadique, endémique ou épidémique. La fréquence ou l'incidence de la maladie et de ses formes cliniques devrait être étudiée, ainsi que leur évolution au fil du temps et leurs éventuelles variations saisonnières. La répartition des formes cliniques par groupes à risque spécifiques devrait être précisée. Enfin, il convient aussi de caractériser le potentiel, l'étendue, ou les chiffres de la transmission, avec notamment des données sur les porteurs asymptomatiques et sur la transmission secondaire. Les renseignements recueillis sur ces aspects sont utiles pour guider la phase de caractérisation des risques de l'évaluation des risques.

Dans tous les cas, en particulier pour parfaire la modélisation, la caractérisation devrait comprendre une définition des événements cibles potentiels à prendre en considération. Il convient de réfléchir aux critères appropriés pour la définition d'une « infection » de l'hôte par l'agent pathogène, et pour la définition d'un « cas » clinique. De plus, on aura soin de définir l'échelle de sévérité, en spécifiant l'indicateur choisi (événement cible de maladie ou conséquences), et la méthode à adopter pour le mesurer. La description devrait aussi inclure des informations sur les incertitudes et leurs sources.

Dans la mesure du possible, la caractérisation devrait englober des informations sur la physiopathologie de la maladie, c'est-à-dire sur les mécanismes biologiques en jeu. En fonction des informations disponibles, on devra se pencher sur les points suivants:

L'« évolution naturelle » de la maladie doit être complétée par une étude spécifique des facteurs liés au micro-organisme, à l'hôte et à la matrice alimentaire, dans la mesure où ils peuvent avoir une incidence sur le développement la fréquence et la sévérité des effets sur la santé.

5.2   INFORMATIONS LIÉES AU PATHOGÈNE

L'analyse de ces informations vise à déterminer les caractéristiques du pathogène qui affectent sa capacité à causer une maladie chez l'hôte. L'analyse prend en compte la nature biologique du pathogène (bactérie, virus, parasite, prion) ainsi que les mécanismes pertinents qui provoquent la maladie (infectieux, toxi-infectieux, toxigéniques, invasifs/non invasifs, maladie à médiation immunitaire, etc.). En théorie, la caractérisation descriptive des dangers est applicable à tous les types de pathogènes et à toutes les maladies qui leur sont associées, mais dans la pratique, en raison de la nature des données recueillies, on privilégie les effets aigus, associés à des expositions uniques, par rapport aux effets à long terme associés à une exposition chronique. On notera que l'interaction possible entre des expositions uniques répétées (par exemple, le développement d'une immunité acquise) fait partie intégrante de la caractérisation descriptive.

La capacité d'un pathogène à causer une maladie est influencée par de nombreux facteurs (Tableau 2). Certains sont liés aux propriétés intrinsèques du pathogène, par exemple aux caractéristiques phénotypiques et génétiques qui influencent la virulence et la pathogénicité, ainsi que la spécificité d'hôte. Les caractéristiques du pathogène qui déterminent sa capacité à survivre et à se multiplier dans les aliments et dans l'eau, qui dépendent de sa résistance aux conditions de traitement, sont des éléments critiques d'une ERM, aussi bien pour l'évaluation de l'exposition que pour la caractérisation des dangers. L'écologie, la variation des souches, les mécanismes d'infection et le potentiel de transmission secondaire peuvent aussi être examinés, mais cela sera fonction de la biologie du micro-organisme et du contexte de la caractérisation des dangers, notamment du scénario identifié durant le stade de la formulation des problèmes d'une évaluation des risques complète.

Tableau 2. Éléments pourvant être inclus dans la caractérisation du pathogène

Propriétés intrinsèques du pathogène
(caractéristiques phénotypiques et génétiques)

Virulence et mécanismes d'infectivité

Caractéristiques pathologiques et causées par la maladie

Spécificité d'hôte

Mécanismes d'infection et portes d'entrée

Potentiel de transmission secondaire

Variabilité des souches

Résistance antimicrobienne et ses effets sur la sévérité de la maladie

Source:  Adapté de ILSI, 2000.

S'il n'en a pas déjà été tenu compte dans la caractérisation du pathogène, on examinera avec une attention particulière les propriétés intrinsèques du pathogène qui influencent l'infectivité, la virulence et la pathogénicité, ainsi que leur variabilité et les facteurs susceptibles d'altérer l'infectivité, la virulence ou la pathogénicité du micro-organisme étudié. Une caractérisation des dangers comprendra au moins les facteurs liés au pathogène résumés au Tableau 2.

5.3   INFORMATIONS LIÉES À L'HÔTE

Les facteurs liés à l'hôte sont les caractéristiques de la population humaine susceptible d'être exposée qui peuvent influencer la sensibilité au pathogène spécifique, compte tenu des caractéristiques intrinsèques et acquises qui modifient la probabilité d'une infection ou, surtout, la probabilité d'une maladie et de sa sévérité. Les barrières de l'hôte sont nombreuses et préexistantes (innées) et sont plus ou moins efficaces contre les pathogènes. Chaque composante de la barrière peut avoir divers effets suivant le pathogène, et de nombreux facteurs peuvent influencer la sensibilité et la sévérité. Ces facteurs sont énumérés au Tableau 3.

Les facteurs recensés au Tableau 3 ne sont pas tous pertinents ou importants pour tous les pathogènes mais, dans toute caractérisation des dangers, il est indispensable de fournir des informations sur le type de personnes à risque et sur la stratification de la population exposées, pour les facteurs pertinents qui ont une incidence sur la sensibilité et la sévérité.

Tableau 3. Facteurs liés à l'hôte susceptibles d'influencer la sensibilité et la sévérité

Âge

État de santé général, stress

État immunitaire

Conditions sous-jacentes, infections simultanées ou récentes

Contexte génétique

Ingestion de médicaments

Interventions chirurgicales pertinentes

Grossesse

Effondrement des varrières physiologiques

État nutritionnel, poids corporel

Caractéristiques démographiques, sociales et comportementales

Source:  Adapté de ILSI, 2000.

5.4  INFORMATIONS LIÉES À LA MATRICE

Les facteurs liés à la matrice alimentaire sont principalement ceux qui peuvent avoir une influence sur la survie du pathogène, à travers le milieu hostile de l'estomac. Ces effets peuvent être induits par la protection du pathogène contre des problèmes physiologiques comme les acides gastriques ou les sels biliaires. Ils sont liés à la composition et à la structure de la matrice (par exemple, aliments à fort pouvoir tampon; piégeage de bactérie dans des gouttelettes de graisse). Il se peut aussi que les conditions de la matrice altèrent phénotypiquement la capacité du pathogène à survivre à des barrières de l'hôte, notamment en accroissant la tolérance des bactéries aux acides après une préexposition à des conditions modérément acides, ou en induisant une réaction de stress par privation dans le milieu. Les conditions de stress auxquelles est soumis un pathogène durant la transformation des aliments ou la distribution de l'eau peuvent altérer sa virulence propre et sa résistance aux mécanismes de défense de l'hôte. Ces effets potentiels de la matrice peuvent tenir une place importante dans la caractérisation des dangers. Les conditions d'ingestion peuvent aussi influencer la survie en altérant le temps de contact entre les pathogènes et les barrières (transit initial rapide de liquides dans un estomac vide). Ces facteurs sont résumés au Tableau 4

Tableau 4. Éléments pouvant être inclus dans la caractérisation de l'effet de la matrice sur la relation pathogène-hôte

Protection of the du pathogène contre les barrières physiologiques

Induction d'une réaction de stress

Effets sur le transport du pathogène à travers le tube digestif

5.5   RELATION DOSE-RÉPONSE

Le dernier élément – essentiel - de la caractérisation descriptive des dangers est l'éventuelle relation entre la dose ingérée, l'infection et la manifestation des effets sur la santé, et son ampleur, chez les individus exposés.

La description de la relation dose-réponse suppose d'examiner les éléments ou les facteurs liés au pathogène, à l'hôte et à la matrice, dans la mesure où ils peuvent moduler la réponse à une exposition. Lorsque l'on dispose d'informations appropriées, il convient aussi d'analyser les mécanismes biologiques entrant en jeu, notamment pour déterminer si un seuil, ou une action collective des pathogènes, peut être un mécanisme plausible pour un effet nuisible quel qu'il soit, ou si un pathogène unique peut causer des effets adverses dans certaines circonstances. Les éléments à prendre en considération sont énumérés au Tableau 5.

Lorsque l'on dispose de données cliniques et épidémiologiques, c'est généralement sur la base de ces données qu'est analysée la relation dose-réponse. Toutefois, la qualité et la quantité des données disponibles ont une incidence sur la caractérisation. Les atouts et les limitations des différents types de données ont été passés en revue au chapitre 4. Il est particulièrement difficile d'obtenir des données pour caractériser une infection, ou pour caractériser la conversion d'une infection en maladie et d'une maladie en différents événements. Souvent, l'analyse permet uniquement de décrire une relation entre une dose et une maladie clinique. D'autres problèmes découlent des nombreuses sources de variabilité, notamment de la variation de la virulence et de la pathogénicité des micro-organismes, des taux d'attaque, de la sensibilité de l'hôte, et du type de vecteur, qui module l'aptitude des pathogènes à affecter l'hôte. C'est pourquoi il est indispensable que l'analyse dose-réponse identifie clairement les informations qui ont été utilisées et la manière dont elles ont été obtenues. En outre, la variabilité devrait être clairement reconnue, et les incertitudes et leurs sources, telles que l'insuffisance des données expérimentales, devraient être décrites de manière exhaustive.

Tableau 5 Éléments à prendre en consideration dans la description de la relation dose-réponse

Type d'organisme et souche

Voie d'exposition

Niveau d'exposition (la dose)

Effet adverse étudié (la réponse)

Caractéristiques de la population exposée

Durée – multiplicité des expositions

Source:  Adapté de ILSI, 2000.


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