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Projet pilote du bassin versant du Macquarie, Nouvelle-Galles-du-Sud, Australie: une démarche rentable liée au marché pour réduire la salinité des terres par la plantation d’arbres

P.G. Walsh, C.V.M. Barton et K.D. Montagu

Peter G. Walsh, Craig V.M. Barton et Kelvin D. Montagu travaillent auprès de la Division de la recherche et du développement, Service forestier de la Nouvelle-Galles-du-Sud, Beecroft, Nouvelle-Galles-du-Sud, Australie.

Des irrigants australiens contribuent financièrement au boisement d’importants bassins versants afin de réduire la salinité des terres arides.

En Australie, l’expansion rapide de l’agriculture, associée au défrichement à grande échelle d’une végétation naturelle profondément enracinée, a causé des altérations du bilan hydrique et déterminé, par là même, l’extension accélérée des zones de salinisa-tion. En Nouvelle-Galles-du-Sud, certains importants bassins hydrographiques et
120 000 ha de terres agricoles sont désormais salinisés (Coram, 1998). En outre, le National Land and Water Resources Audit (l’Office national de contrôle des ressources en terres et en eau) (2000) a estimé que, dans cet Etat, 181 000 ha de terres étaient gravement menacées de salinité des terres arides, chiffre qui risquait d’atteindre 1,3 million d’hectares d’ici 2050 si aucun changement n’était apporté aux pratiques actuelles de gestion des terres. Il est estimé que l’impact économique total de la salinité a atteint 28 millions de dollars EU par an, et l’on prévoit que ces coûts iront en augmentant à mesure que s’étendra la zone atteinte.

Le Gouvernement de la Nouvelle- Galles-du-Sud a reconnu la gravité du problème et, en 2000, a mis en œuvre une stratégie de gestion de la salinité qui prévoit une dépense supplémentaire de 34 millions de dollars EU sur une période de quatre ans.

Il est estimé que la réintroduction d’arbres dans les zones exposées à la salinité est un moyen efficace de donner un coup d’arrêt à son extension (Morris et Collopy, 1999). Par le dégagement d’une quantité d’eau supérieure à celle provenant de l’utilisation actuelle des terre, les arbres plantés contribueront à abaisser les nappes phréatiques et à réduire les niveaux de salinité. Cependant, les faibles taux de croissance des plantations forestières dans ces zones ne permettront pas de réaliser un rendement économique fondé sur la seule production de bois. Pour encourager l’investissement dans les projets forestiers, le Gouvernement de la Nouvelle-Galles-du-Sud s’emploie activement à créer des marchés pour des produits ligneux non traditionnels et des services environnementaux qui comprennent, non seulement la maîtrise de la salinité, mais aussi la production de biomasse pour la génération d’énergie et de charbon de bois, le piégeage du carbone et le renforcement de la biodiversité. Jusqu’ici, ces produits et services ne présentaient pas d’intérêt commercial en Nouvelle-Galles-du-Sud.

Dans le cadre d’un projet pilote visant à assurer la qualité de l’eau d’irrigation, un groupe d’irrigants vivant dans la vallée du Macquarie dans le centre-ouest de la Nouvelle-Galles-du-Sud a offert une aide financière au Service forestier de cet Etat en vue d’établir des forêts sur des terres privées dans des zones de réalimentation importantes en amont du bassin versant du Macquarie.

On estime que les problèmes de salinité auxquels se heurte le bassin versant coûtent à l’agriculture, à l’industrie et aux villes un montant total de 20 millions de dollars EU par an, et sont une menace grave pour la biodiversité des marécages du Macquarie (Powell, 2001). Dans un scénario «normal», il est prévu que le sel déposé au bout de la vallée pourrait doubler d’ici 2020 et la salinité mettre en danger les approvisionnements en eau pour l’irrigation et les villes (Murray-Darling Basin Ministerial Council, 1999).

Dans le cadre du projet pilote, le groupe d’irrigants, à savoir l’Association pour l’alimentation et les fibres du Macquarie, paiera le Service forestier pour les services de maîtrise de la salinité fournis par 100 ha de plantations forestières. L’Association représente plus de 600 agriculteurs se livrant en aval à la production de coton et de produits horticoles et à l’élevage. Etant donné que les propriétaires fonciers sur la propriété desquels les arbres seront plantés devront mettre hors production des terres rentables pour les affecter aux plantations forestières, le Service forestier versera à ces agriculteurs une annuité pour l’utilisation de leurs terres; il paiera également pour l’établissement et l’entretien des arbres. Au Service forestier iront les droits forestiers et de coupe, y compris les avantages du piégeage du carbone.

En théorie, le paiement devrait s’établir en fonction de la baisse de réalimentation des nappes due aux plantations forestières. Cependant, il faudrait pour ce faire calculer le volume d’eau utilisé tant par la forêt que par la végétation qui existait sous l’affectation précédente de la terre, calcul qui entraînerait des coûts élevés. Les droits payés par l’Association sont donc fondés sur les taux de transpiration des plantations forestières (mégalitres dégagés annuellement), en tant que mesure de la baisse de réalimentation de la nappe. Pour confirmer le bien-fondé de cette mesure, le Service forestier examine actuellement la validité de l’hypothèse selon laquelle la réalimentation est réduite par rapport à un couvert herbacé et le niveau de réduction dans les drainages profonds est proportionnel aux taux de transpiration.

La transpiration varie suivant l’âge des plantations, les conditions météorologiques et la disponibilité d’eau souterraine. Un modèle du processus, fondé sur des informations relatives au temps, à la croissance des arbres et aux sols, sera utilisé pour estimer sur une base journalière l’eau absorbée par les arbres. L’absorption effective sera calculée périodiquement à l’aide de senseurs, disponibles dans le commerce, qui mesurent le mouvement de la sève et ajustent les estimations du modèle.

Les arbres, qui comprennent des espèces locales comme Eucalyptus camaldulensis, Eucalyptus crebra et Corymbia maculata, ont été plantés au printemps de 2001 en deux massifs de 50 ha chacun en amont du bassin versant du Macquarie (voir carte). Parallèlement à la maîtrise de la salinité, les espèces choisies fournissent d’autres produits et services potentiellement commercialisables comme le piégeage du carbone, le bois d’œuvre et le charbon de bois, et la biomasse pour la production d’énergie.

Cette technique de gestion de la salinité des terres arides basée sur le marché aura plusieurs avantages. Les activités de reboisement à l’échelle de l’exploitation et la gestion de la salinité seront promues simultanément. Le coût de la régénération de la végétation sera partagé par de nombreuses parties intéressées, si bien que ni les propriétaires fonciers dans les zones de réalimentation ni les acquéreurs des avantages de la gestion de la salinité ne devront supporter la totalité des coûts. Enfin, le revenu tiré de la vente de divers biens et services pourront être regroupés pour attirer les investissements dans le reboisement.

Le projet étudie les possibilités d’établir un système permettant de définir et de commercialiser les droits de maîtrise de la salinité, définis comme le droit à tout avantage juridique, commercial ou autres (qu’il soit actuel ou futur) issu de l’impact des arbres sur l’amélioration de la salinité et représenté dans ce cas particulier par la quantité d’eau dégagée par les plantations forestières. D’autres définitions pourraient être plus appropriés à l’avenir. Le Service forestier s’engage à renforcer les compétences en matière d’évaluation des avantages environnementaux découlant des plantations, comme préalable à un commerce éventuel de ces avantages.

Il est difficile, à ce stade précoce du projet, d’établir la valeur d’un droit de maîtrise de la salinité. Elle dépendra d’une part de la prise de conscience des investisseurs de la gravité du problème et, d’autre part, de la mise en place de mécanismes efficaces capables de donner une valeur économique à tous les coûts et avantages environnementaux découlant des différentes utilisations des terres.

S’il est vrai que 100 ha de plantations n’auront qu’un effet minimal sur la salinité des terres arides dans le bassin versant élargi du Macquarie, il n’en demeure pas moins que le projet aura un impact aux niveaux de la propriété et du sous-bassin versant. La compréhension à ce niveau est essentielle pour instaurer un climat de confiance réelle dans les modèles (biophysique et économique) qui seront utilisés pour élever les estimations au niveau du bassin versant. Les résultats actuels du projet, y compris l’analyse de l’impact économique à long terme des changements dans la gestion des terres aux niveaux de la propriété et du bassin versant, contribueront à l’élaboration
de plans d’action au titre de la Stratégie de gestion de la salinité de la Nouvelle-Galles-du-Sud.

Emplacement du bassin versant du fleuve Macquarie et des deux propriétés privées sur lesquelles sont établies les plantations forestières destinées à lutter contre la salinité


Ecoulement salin sous la nouvelle forêt établie près de Bladry, Nouvelle-Galles-du-Sud

P. WALSH


Plantation forestière âgée d’un an près de Baldry – Nouvelle-Galles-du-Sud

P. WALSH


Senseurs servant à calculer le flux de chaleur et utilisés pour estimer les taux de transpiration d’arbres individuels

P. WALSH

Bibliographie

Coram, J. 1998. National classification of catchments for land and river salinity control. Water and Salinity Issues in Agroforestry No.3. Rural Industries Research and Development Corporation (RIRDC), Barton, Australie.

Morris, J.D. et Collopy, J.J. 1999. Water use and salt accumulation by Eucalyptus camaldulensis and Casuarina cunninghamiana on a site with shallow saline groundwater. Agricultural Water Management, 39: 205-227.

Murray-Darling Basin Ministerial Council. 1999. The salinity audit of the Murray-Darling Basin: a 100 year perspective. Murray-Darling Basin Commission, Canberra, Australie.

National Land and Water Resources Audit. 2000. Australian dryland salinity assessment 2000 – extent, impacts, processes, monitoring and management options. Disponible sur Internet: audit.ea.gov.au/ANRA/land/docs/national/salinity_Contents.html

Powell, J. 2001. Revegetation for salinity management in the Macquarie Valley: a case study in the Murray-Darling Basin. Dans E.K.S. Nambiar & A.G. Brown, éds. Plantations, farm forestry and water. Actes d’un atelier national, 20-21 juillet 2000, Melbourne, Australie. RIRDC Publication No. 10/20. RIRDC, Barton, Australie.

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