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1. APERÇU


Le présent volume est le deuxième d’une série de deux ouvrages préparés dans le cadre du projet de la FAO Offre, demande et échanges de tabac à l’horizon 2010: politiques et ajustement qui a été financé par le Gouvernement de Suède par le biais de son Agence d’aide au développement international ASDI. Le premier volume, qui visait à fournir des projections à l’horizon 2010 de la production, de la consommation et des échanges de tabac, contient aussi une analyse de l’évolution des modèles mondiaux de production, consommation et commerce depuis 1970. Le présent volume se propose d’examiner de plus près l’économie du tabac dans un nombre choisi de pays.

Pour mieux comprendre la contribution économique de la production de tabac, et les effets probables que la lutte antitabac pourrait avoir sur les pays producteurs et exportateurs, des études détaillées ont été entreprises dans un certain nombre de pays où le tabac joue un rôle économiquement important. Les pays faisant l’objet des études sont le Brésil, la Chine, l’Inde, le Malawi, la Turquie et le Zimbabwe.[1]

Quatre millions de décès sont attribués annuellement au tabac par l’OMS. Les maladies associées au tabac pèsent lourdement sur les services de soins de santé dans tous les pays, et la maladie et la mort sont des sources notables de perte de production pour la main-d’oeuvre. Toutefois, le tabac contribue en même temps largement aux revenus et à la sécurité alimentaire dans le secteur agricole des pays producteurs.

Du fait que le tabac joue un rôle de premier plan dans les économies de maints pays, une réduction mondiale de la demande de tabac[2], comme celle que pourrait entraîner le succès des efforts internationaux de lutte antitabac, pourrait avoir un impact énorme sur les revenus des agriculteurs et sur les économies des pays producteurs. Même dans les pays où la production de tabac est relativement négligeable au niveau national, les agriculteurs de certaines zones pourraient néanmoins souffrir beaucoup de la contraction éventuelle de leurs marchés.

La mesure de l’impact de tout ralentissement de la demande de tabac dépendrait de la capacité des secteurs agricole et autres d’absorber la main-d’oeuvre et les autres ressources affectées précédemment à l’agriculture, et des revenus pouvant être réalisées dans des entreprises de remplacement. Dans la plupart, voire la totalité, des zones productrices de tabac, il existe d’autres cultures qui peuvent remplacer le tabac, ainsi que des entreprises non agricoles qui peuvent intégrer toute la main-d’oeuvre quittant le secteur agricole. Cependant, des cultures de remplacement sont normalement moins rémunératrices pour les agriculteurs. En outre, le processus d’ajustement inhérent au passage de la production de tabac à celle d’autres cultures est susceptible de prendre du temps et d’exiger des investissements et des compétences considérables qui pourraient s’avérer indisponibles dans l’immédiat. Même s’il existait des cultures suffisamment rémunératrices, de grosses pertes pourraient se produire pendant la période de transition.

Bien qu’il soit évident que quelques individus pâtiront dans certains pays, ces études suggèrent que l’impact d’une contraction modérée du marché du tabac, notamment si elle se produisait lentement, pourrait n’exercer qu’un effet limité sur la plupart des pays producteurs de tabac.

Au Brésil, par exemple, pour quelque 135 000 familles d’agriculteurs la production de tabac est la principale activité économique. Au cours de la campagne agricole 2000/2001, le revenu brut moyen par famille d’agriculteurs s’élevait à 9 165 R$ (5 000 $EU). Le tabac est considéré comme l’une des rares cultures qui produit un revenu sur de petites parcelles et, parce qu’il utilise efficacement la main-d’oeuvre familiale, permet de ralentir l’exode rural qui s’est avéré un grave problème ces dernières années. Les producteurs de tabac qui sont propriétaires de leurs terres sont de petits exploitants cultivant des superficies d’environ 43 acres, dont 4,7 sont consacrées au tabac.

Cependant, le revenu familial total tiré de la culture du tabac a manifesté une forte instabilité au fil des ans. Il a atteint un point culminant de 1 milliard de dollars EU environ en 1997 pour fléchir par la suite et s’établir aux environs de 600 000 dollars au cours des trois dernières années.

Le tabac représente une importante source d’emplois permanents, y compris pour les femmes engagées dans des travaux spécialisés, tant sur l’exploitation qu’au niveau de l’industrie locale. L’emploi total généré par l’industrie du tabac se situe à environ 2,2 millions de personnes (3,2 pour cent de la main-d’oeuvre totale du Brésil), dont 500 000 sont employées dans l’agriculture, 200 000 dans des activités agricoles connexes, comme la transformation du tabac au niveau de l’exploitation, et 1,5 million dans d’autres activités comme le transport, la production et la distribution d’intrants à l’agriculture et la manufacture, la vente en gros et au détail, la transformation du tabac en vue de l’exportation, etc.

Les gouvernements étatiques du Brésil dépendent fortement des revenus dégagés de la taxe sur la valeur ajoutée frappant le tabac. Le tabac assure au Brésil des revenus nets plus élevés par hectare que le maïs ou les haricots comestibles. Certes, il est des cultures rémunératrices qui pourraient rivaliser avec le tabac, comme les légumes et les légumineuses, mais les marchés pour ces produits sont relativement bien approvisionnés. Parmi les autres possibilités de diversification figurent les cultures comme l’ail et l’asperge, qui pourraient concurrencer le tabac, mais elles exigent une bonne fertilité naturelle du sol. Dans certaines conditions, comme les terrains de montagne du sud du Brésil, le relief rend très difficile la production de cultures de remplacement.

Comme dans de nombreux autres pays, la production de tabac au Brésil est attrayante non seulement en raison des bénéfices relativement élevés qu’elle procure, mais aussi parce que l’achat de la production est garanti contrairement aux autres récoltes. L’assurance-récolte pour les autres cultures est beaucoup moins favorable.

En Chine, le tabac est une importante source de revenus pour le gouvernement, notamment parce que c’est lui qui gère l’industrie du tabac, de sorte que les bénéfices aussi bien que les taxes contribuent à son revenu.

Au niveau régional, en particulier dans les provinces tributaires du tabac comme celles du Yunnan et du Guizhou, la production de tabac et la fabrication de cigarettes ont joué un rôle beaucoup plus important dans les finances publiques et le développement provincial. En particulier, de nombreuses administrations locales reposent pour leur revenu sur la taxe spéciale frappant les produits agricoles. Du moment que cette taxe se fonde uniquement sur le revenu tiré des feuilles de tabac, une baisse de production entraînerait un fléchissement des recettes fiscales.

La fabrication de cigarettes est une importante source de revenu pour les administrations locales. C’est ainsi que les 1 429 entreprises publiques de la province du Yunnan ont réalisé des ventes totales d’environ 69,1 milliards de RMB (8,3 milliards de $EU) en 1998, alors que huit usines de fabrication de cigarettes ont contribué pour environ 53 pour cent aux ventes totales des industries provinciales, rapportant 36,2 milliards de RMB. La fabrication de cigarettes était le principal secteur de la province, devançant la fabrication de produits chimiques dont les recettes ne s’étaient élevées qu’à 5,1 milliards de RMB. La fabrication de cigarettes figure parmi les rares industries étatiques rentables.

Contrairement à la situation qui règne dans de nombreux autres pays, en Chine le tabac n’est pas nécessairement plus rentable pour les exploitants que d’autres récoltes qui pourraient être produites sur les mêmes terres. Bien que les prix du tabac en feuilles aient atteint un point culminant en 1997, le bénéfice brut de la production de tabac par hectare était plus faible que pour le coton et la canne à sucre. Le revenu par jour-personne de main-d’oeuvre pour la production de tabac (14,7 RMB, 1,8 $EU) était plus faible que pour le soja (26,9 RMB), la canne à sucre (22,0 RMB), le riz (21,1 RMB) et le coton (20,4 RMB). Un important facteur qui influence la décision des agriculteurs de planter du tabac est le risque commercial limité qu’il comporte. En effet, le tabac est vendu sous contrat à un prix garanti, alors que les autres produits agricoles sont sujets à d’importants risques monétaires, et l’administration du monopole d’État du tabac n’a pas eu de difficultés à payer au comptant la récolte de tabac des agriculteurs.

La production de tabac en Chine n’exige pas une main-d’oeuvre plus abondante que les autres cultures, si bien que le remplacement du tabac par d’autres récoltes n’entraînerait pas apparemment une forte baisse de l’emploi dans l’agriculture. En outre, l’adaptation à des cultures autres que le tabac se ferait assez aisément. Les petits exploitants dominent la production agricole et produisent le tabac parallèlement à d’autres récoltes. Il n’existe que de rares tabaculteurs spécialisés de sorte que la plupart des agriculteurs sont capables de produire non seulement du tabac mais d’autres récoltes aussi. En outre, la production de tabac est, dans une large mesure, une entreprise manuelle exigeant peu de capital fixe, et les coûts de l’adaptation à de nouvelles cultures sont faibles.

Toutefois, dans certaines zones, comme celles où les conditions agronomiques sont défavorables et sans irrigation, les producteurs de tabac pourraient se heurter à de graves difficultés s’ils devaient remplacer le tabac par d’autres cultures. Ceux vivant près de centres urbains seraient moins susceptibles de voir diminuer leurs revenus, grâce aux activités non agricoles qui continueraient à leur offrir d’autres possibilités de revenu.

En Inde, le tabac fournit une contribution notable à l’économie sous l’angle de l’emploi, du revenu et des recettes publiques. Le revenu qui en est tiré s’élève à 20 milliards de Rs (0,45 milliard de $EU) par an.

Il est estimé que 850 000 tabaculteurs oeuvrent dans le pays et cultivent de petites exploitations familiales. Près de six millions d’agriculteurs et de travailleurs dépendent de ce secteur pour leur subsistance. En outre, le secteur du tabac fournit des moyens d’existence directs et indirects à un grand nombre de personnes travaillant dans maintes industries apparentées ou auxiliaires. D’après des études réalisées sur l’industrie du tabac dans l’Andhra Pradesh, cette récolte est la principale source de revenu familial et le principal moyen de subsistance pour les petits tabaculteurs et les agriculteurs marginaux, et elle leur permet de couvrir leurs frais alimentaires qui représentent 67 pour cent environ des dépenses annuelles du ménage.

Des droits d’accise sont imposés sur toute la gamme des produits à base de tabac. En 1998/99, ils ont contribué pour environ 59,4 milliards de Rs. (1,4 milliard de $EU) au revenu du gouvernement central, outre18 milliards distribués aux trois États producteurs de tabac: l’Andhra Pradesh, le Gujarat et le Karnataka.

Au tabac ont été imputables 7 milliards 790 millions de roupies (180 millions de $EU) de recettes d’exportation en 1998/99, soit environ 5 pour cent des recettes en devises tirées des produits agricoles. En outre, le gouvernement central a dégagé en moyenne 2 milliards de Rs par an des entreprises de tabac sous forme d’impôt des sociétés au cours des trois dernières années.

Comme dans de nombreux autres pays, le tabac en Inde procure normalement des revenus nets supérieurs par unité de terre à ceux de la plupart des autres cultures de rente et sensiblement plus élevés que les cultures vivrières. Vu la surproduction de tabac jaune de Virginie (TJV) ces dernières années, on a établi des comparaisons entre les avantages du tabac et ceux d’autres récoltes dans les zones productrices de TJV. Certaines cultures rémunératrices ont été identifiées dans différentes zones. Toutefois, elles risquent de cesser de l’être si l’approvisionnement du marché devait s’accroître, entraînant les prix vers le bas. Certaines de ces cultures de remplacement exigent des niveaux élevés d’irrigation. Le tabac a l’avantage d’être résistant à la sécheresse et de croître sur des terrains non irrigués. Comme dans bien d’autres pays, les arrangements institutionnels relatifs à la commercialisation du tabac à et la fourniture d’intrants, y compris l’assurance-récolte, encouragent la production. Le marché garanti et le prompt paiement des produits de la vente par l’entremise de l’Office du tabac rendent plus difficile le remplacement du tabac jaune de Virginie.

Le tabac pour les bidis est normalement moins rémunérateur pour les agriculteurs que le TJV. D’après certaines études réalisées sur d’autres cultures, comme le piment, le coton et la combinaison du soja et du sorgho rabi, ainsi que l’arachide et le sorgho rabi pourraient rapporter plus que la seule culture du tabac. Cependant, d’autres études ont conclu que le tabac était plus rémunérateur que toute autre spéculation.

La réduction du revenu net susceptible de découler de la baisse des prix du tabac et du passage à la deuxième culture la plus rentable devrait abaisser la demande de main-d’oeuvre salariée. Elle aurait pour effet d’accroître l’insécurité alimentaire et économique, non seulement pour de nombreux paysans sans terre dans les zones rurales, mais aussi pour les familles de petits exploitants et d’exploitants marginaux

Étant donné que le Malawi se caractérise par la prédominance de l’agriculture, des ressources limitées et une lente croissance économique et des recettes publiques, la production de tabac joue un rôle de premier plan dans le développement de l’économie nationale, de l’emploi et du revenu des ménages ruraux et du gouvernement.

Les exportations de produits agricoles, dont le tabac représente environ 60 pour cent, sont pratiquement la seule source de recettes d’exportation et de devises pour l’économie du pays. Le thé, le deuxième principal produit d’exportation, n’a rapporté que 14 pour cent environ des recettes générées par le tabac. Cependant, la prédominance du tabac dans les exportations du Malawi s’est affaiblie légèrement depuis 1995 du fait que les exportations de thé, de sucre, de coton et de riz ont crû plus rapidement que celles de tabac. Il est estimé que la production de tabac contribue pour 6 pour cent au PIB total et pour 17 pour cent au PIB agricole.

L’emploi dans l’industrie du tabac absorbe environ 20 pour cent de la main-d’oeuvre totale qui s’élève à 5 millions de personnes.

C’est pourquoi le tabac est la principale source de revenu monétaire pour de nombreux ménages ruraux, notamment dans les principales régions productrices. Les ventes de tabac contribuent pour 65 pour cent aux revenus en espèces des ménages ruraux à Lilongwe, 89 pour cent à Kasungu et 95 pour cent à Dowa, et une forte proportion est utilisée pour l’achat de produits alimentaires. La majeure partie des dépenses vivrières ont concerné les aliments de base comme les céréales et les produits céréaliers, les légumes et la viande qui ont représenté plus de 50 pour cent des dépenses vivrières totales dans de nombreuses régions.

Le Malawi a appliqué une stratégie de diversification depuis plus de 30 ans et a identifié de nombreuses cultures susceptibles d’y être produites. Toutefois, les débouchés commerciaux pour nombre d’entre elles sont limités. La Malawi détient un avantage comparatif dans la production de tabac, et de nombreux agriculteurs continuent à produire et accroître cette production. Mis à part les autres produits agricoles, la transformation alimentaire, les services et les textiles ont quelques possibilités d’expansion grâce aux ressources pouvant être retirées de la production de tabac et utilisées ailleurs dans le cas d’une chute de la demande de ce produit. Le développement des secteurs secondaire et tertiaire pourrait assurer au Malawi une plus grande stabilité basée sur la diversité, mais dans une économie éminemment agricole leur développement ne sera pas aisé.

Cependant, étant donné la position dominante du tabac dans l’économie du Malawi, qui reflète apparemment l’avantage comparatif inhérent à ce produit, il est probable que dans le cas d’une contraction du marché du tabac, le pays continuera à se spécialiser dans sa production, alors que l’adaptation à d’autres récoltes se concentrera dans d’autres pays. Cependant, dans une telle situation, le Malawi risque de subir des pertes considérables en recettes d’exportation et revenus agricoles.

La Turquie est le cinquième principal producteur de tabac du monde, consacrant environ 1,5 pour cent de la totalité de sa superficie cultivée à cette récolte.

Il existe environ 600 000 petits tabaculteurs en Turquie et l’emploi total dans la production de tabac est de 1,5 million de personnes environ. Davantage de personnes sont employées dans d’autres activités liées au tabac comme le transport, l’emmagasinage, le commerce et la fabrication de cigarettes. Cette dernière a fourni du travail à plus de 20 000 ouvriers sur une main-d’oeuvre de 1,1 million en 1997.

La Turquie est le principal négociant de tabac sur les marchés mondiaux, exportant près de 150 000 tonnes (60 pour cent de sa production totale) et important environ 50 000 tonnes de tabac transformé et non transformé. Elle est le quatrième pays exportateur de tabac du monde et sa part des exportations mondiales totales s’élève à 6-8 pour cent. En 1999, les exportations totales de tabac atteignaient 561 millions de dollars EU, soit 23 pour cent de la valeur totale des exportations agricoles. Les taxes sur les cigarettes s’élevaient à 2 milliards 300 millions de dollars EU en 1998, chiffre représentant plus du huitième des recettes fiscales indirectes.

Le Zimbabwe est le principal producteur de tabac en feuilles d’Afrique et le quatrième principal producteur mondial de tabac séché à l’air chaud après la Chine, le Brésil et les États-Unis.

La production de tabac, dont 98 pour cent sont exportés, fournit une importante contribution au PIB et aux recettes d’exportation, et joue une rôle de premier plan dans l’économie nationale. Sa culture contribue normalement pour plus de 50 pour cent aux exportations agricoles, 30 pour cent aux exportations totales et presque 10 pour cent au PIB. Les ventes aux enchères annuelles totales ont varié depuis 1990 entre 270 et 593 millions de dollars EU. Le tabac vendu par le biais de ces enchères est soumis à une transformation ultérieure par les compagnies marchandes afin d’éliminer les tiges et les extrémités de la feuille avant son expédition. Cette opération ajoute 30 pour cent aux 50 pour cent de la valeur d’exportation finale de la récolte.

Environ 170 000 travailleurs étaient directement employés dans la production de tabac en 1998, outre 30 000 personnes oeuvrant dans les secteurs de la recherche, de la commercialisation, des services et de la manufacture. Les contrats d’embauche à court terme entre les grandes exploitations commerciales et les petites exploitations ont fourni des emplois à 100 000 autres travailleurs. Cet emploi direct et indirect à temps plein d’environ 250 000 personnes correspond à environ 5 pour cent de la main-d’oeuvre totale du Zimbabwe. Beaucoup d’autres emplois dépendent aussi des liaisons en amont et en aval entre le tabac et d’autres secteurs de l’économie, y compris l’approvisionnement en intrants, les services de transport, l’exploitation houillère et l’hospitalité pendant la période des enchères, ainsi que d’autres services aux consommateurs.

Un système de taxes au titre duquel les producteurs et les acheteurs paient un pourcentage fixe de la valeur de la vente de la récolte rapporte plusieurs millions de dollars EU par an mais, pour encourager la production, les taxes ont été réduites depuis 1999. Sur la base du taux de 2001, le tabac séché à l’air chaud génère environ 7 260 $Z (132 $EU) par hectare en recettes publiques.

Le Zimbabwe a diversifié avec succès son agriculture et a exporté de nombreux nouveaux produits au cours des quelques décennies écoulées. Les exportations de fleurs, de coton, de thé, de café et de viande ont toutes augmenté ces dernières décennies, réduisant par là le degré de dépendance vis-à-vis du tabac. Au niveau de l’exploitation, le tabac est rarement produit en monoculture, la plupart des planteurs ayant bien diversifié leur production.

La production diversifiée réduit la vulnérabilité des tabaculteurs à la variabilité du revenu face aux changements survenant dans les prix du tabac. Un modèle diversifié de production permet aussi aux producteurs de passer directement du tabac à d’autres cultures puisqu’ils possèdent déjà les compétences, le matériel et les débouchés commerciaux nécessaires.

Les gros producteurs de tabac, qui ont dominé la production au Zimbabwe, détiennent d’importants investissements fixes sous forme de bâtiments utilisés pour le séchage des feuilles lesquels ne pourraient facilement servir à d’autres fins. D’autres formes de capital comme les camions et les tracteurs peuvent aisément être affectés à d’autres usages. Les petits exploitants ont beaucoup moins de capital et pourraient éprouver des difficultés à se tourner vers d’autres spéculations, car ils manquent de l’expérience nécessaire et sont plus tributaires du tabac pour leurs revenus monétaires.

Au niveau mondial, il est évident que si la demande de tabac s’affaiblissait, les prix inférieurs perçus par les agriculteurs favoriseraient la baisse de production. Les terres, la main-d’oeuvre et les autres ressources libérées de la production de tabac seraient affectées à d’autres entreprises agricoles ou à d’autres industries. Il ressort des différentes études de cas qu’il existe des cultures de remplacement et d’autres formes d’emploi pour ces ressources. Cependant, les recettes qui en seraient tirées seraient sans aucun doute inférieures à celles obtenues du tabac et il y aurait, de ce fait, une certaine perte de revenu.

En outre, le processus d’ajustement risque d’être malaisé. Le capital et les compétences requis pour développer la production d’autres cultures à la place du tabac ne sont pas toujours disponibles, bien que dans les pays où le tabac est produit en association avec d’autres cultures l’ajustement ne présenterait pas les mêmes difficultés.

Cet ajustement dépendrait de l’ampleur ou de l’affaiblissement de la demande et de la rapidité avec laquelle il est mis en oeuvre, et il variera sans doute entre les pays. Il est probable que les pays développés, dont l’agriculture est plus diversifiée et qui ont des disponibilités immédiates de capital et de compétences, s’adapteront mieux que les pays en développement, de sorte que la contraction éventuelle de la production mondiale de tabac est susceptible de se concentrer davantage dans les pays développés. Tôt ou tard des pressions s’exerceront sur les politiques agricoles soutenant la production de tabac dans ces pays, en vue de les éliminer ou du moins les affaiblir, encourageant encore davantage le passage de la production de tabac des pays développés aux pays en développement.

La mise en oeuvre de politiques antitabac strictes aura un impact sur les modèles du commerce international, car la mesure dans laquelle la politique influence la production et la consommation de tabac dans les différents pays variera en fonction des préférences des consommateurs et des possibilités de production. D’une manière générale, il faut s’attendre à un accroissement de la demande de tabac importé dans les pays développés si la production se contracte plus rapidement que la demande intérieure. Il est prévu que les pays développés exportateurs nets connaîtront une baisse des exportations nettes en raison de la chute de production. Par ailleurs, dans certains pays en développement où les consommateurs réagissent à la hausse des prix en réduisant la consommation, et où les producteurs ont des possibilités limitées de se tourner vers d’autres spéculations, les exportations sont susceptibles de s’accroître.

Une des conséquence d’une lutte antitabac internationale efficace sera la baisse des rentrées pour les producteurs de tabac. Dans de nombreuses situations, les agriculteurs s’adapteront à d’autres formes de production, sauvegardant ainsi dans une certaine mesure leurs propres moyens de subsistance, tout en réduisant l’approvisionnement en tabac. Dans certains pays moins dotés, aux faibles capacités d’investissement et manquant des compétences nécessaires à la production de tabac, l’adaptation se fera plus lentement.

Il pourrait être opportun d’examiner, d’une manière générale, les besoins d’aide internationale qui pourraient se présenter. Il est clair que la priorité devra être accordée aux pays qui, à l’heure actuelle, ne peuvent recourir qu’à de rares solutions de rechange à la production de tabac, et à ceux dont le capital et les compétences nécessaires pour s’adapter à d’autres cultures sont moins disponibles dans l’immédiat. L’accent pourrait porter sur deux niveaux: la fourniture d’aide en matière de compétences et d’investissement là où ils sont nécessaires pour faciliter l’adaptation à d’autres cultures et, à plus long terme, une assistance en matière d’identification et de mise au point de solutions de rechange dans les pays où elles n’existent pas déjà. Une telle adaptation permettrait de minimiser les dommages économiques découlant de l’affaiblissement du marché du tabac tout en encourageant la réduction des approvisionnements en tabac.


[1] Outre les études descriptives, des modèles quantitatifs ont été établis pour quatre pays: Chine, Malawi, Turquie et Zimbabwe, afin de mieux comprendre les retombées possibles d’un ralentissement de la demande de tabac sur ces économies. Dans ces études, des scénarios assez arbitraires ont été mis en place, à savoir que les prix à l’exportation du tabac pourraient tomber de 5 à 40 pour cent, par exemple. Les modèles eux-mêmes ne comprennent aucun élément dynamique et aucune hypothèse n’est formulée quant au moment où une baisse des prix pourrait s’avérer. On pourrait peut-être supposer qu’un affaiblissement de la demande aurait lieu au fil du temps, et que l’ajustement des économies touchées irait de pair avec l’évolution des conditions du marché.
Bien qu’un ralentissement de la demande de tabac aurait des effets défavorables sur certains de ces pays, et que son impact sur quelques agriculteurs individuels pourrait être grave, l’impact global au niveau national serait probablement modeste. (Il faut toutefois souligner que les hypothèses sur lesquelles ces modèles se fondent sont indispensables pour parvenir à ces conclusions). Au Malawi, le pays susceptible de souffrir le plus des effets nocifs d’un affaiblissement de la demande de tabac, le modèle prédit que les salaires agricoles pourraient baisser de 1 pour cent, alors que les revenus tirés de la terre et du capital (reflétés dans les bénéfices des agriculteurs) baisseraient de 10 pour cent, face à un fléchissement de 15 pour cent des prix. La chute de 20 pour cent des prix du tabac réduirait le PIB du Malawi de 0,4 pour cent. Si cette situation devait s’avérer sur une période de 4 ans, elle risquerait de réduire la croissance économique qui passerait de 5 à 4,9 pour cent par an. Les résultats pour le Zimbabwe ne sont guère différents. Cependant, la crédibilité de ces résultats dépend, entre autres, des capacités d’ajustement des économies dans la mesure prévue par les modèles. La capacité d’ajustement de l’économie, notamment dans le secteur agricole, paraît fondamentale pour déterminer l’impact d’un ralentissement de la demande de tabac sur les pays producteurs.
[2] L’analyse comprise dans le projet Offre, demande et échanges de tabac à l’horizon 2010: politiques et ajustement suggère que de modestes mesures prises au niveau mondial pour freiner la consommation de tabac provoqueraient un ralentissement de la croissance, mais non une contraction de la consommation.

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