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2. LE TABAC AU BRESIL


2.1 INTRODUCTION

La présente étude passe en revue la situation actuelle et l’évolution future potentielle de l’industrie du tabac au Brésil. Elle porte non seulement sur la production de tabac brut mais aussi sur les produits manufacturés: cigarettes et cigares.

Les auteurs ont tenté d’évaluer l’importance sociale de la culture du tabac et des principaux facteurs économiques influençant la production et la consommation des produits dérivés. Ils ont également tenu compte de certaines des répercussions des politiques et des mesures gouvernementales de lutte contre le tabagisme.

2.2 ANALYSE DE L’IMPORTANCE ÉCONOMIQUE DU TABAC

2.2.1 Au niveau du ménage rural

Le tabac est cultivé dans deux régions distinctes: le nord-est et le sud. Pour environ 135 000 producteurs familiaux oeuvrant dans 656 municipalités des trois États riches et industrialisés du sud, la culture du tabac est la principale activité économique. En 2000/2001, la récolte des États de Paraná, Santa Catarina et Rio Grande do Sul s’est élevée à 504 728 tonnes et a rapporté un revenu brut de 1,23 milliard de $R, soit un revenu brut moyen de 9 164,63 $R par famille rurale tiré d’une production moyenne de 3,47 tonne/ha - un résultat record. Dans le sud, un demi-million environ de personnes se consacrent à des activités liées au tabac.

Les propriétés où le tabac est cultivé ont une superficie moyenne de 16,8 ha - une petite exploitation suivant les normes brésiliennes - dont 2,5 ha plantés en tabac, 9,4 en d’autres cultures et le reste portant des pâturages, des forêts vierges ou reboisées, des barrages et des jachères. Le quart environ des familles rurales productrices de tabac dans le sud louent leur terres ou souscrivent à des accords de métayage avec les propriétaires - contrats de location des terres qui imposent aux agriculteurs soit de planter du tabac soit de quitter l’exploitation. L’exiguïté de la taille moyenne des exploitations dans le sud - entre 1 et 10 ha - ne permet que des solutions de rechange limitées au tabac.

Rares sont les cultures qui, comme le tabac, permettent de dégager un revenu de petites parcelles, assurent des recettes quatre fois supérieures à celles des autres cultures, et utilisent la main-d’oeuvre familiale, laquelle représente plus de 50 pour cent des coûts de production. La production du tabac exerce un impact social positif, militant ainsi contre l’exode rural qui est l’un des problèmes les plus dramatiques du Brésil depuis la libéralisation du commerce.

Dans les zones pauvres du nord-est, le tabac est la force motrice de l’économie dans 39 municipalités, notamment dans les États de Paraíbo, Rio Grande del Norte, Ceará et Pernambouc, qui sont parmi les plus déshérités du pays. Là, les familles dépendent du tabac pour leur subsistance. L’abandonner en faveur d’autres spéculations - s’il était possible - aurait un impact notable sur la sécurité alimentaire de ces tabaculteurs.

D’après une estimation de l’Associação dos Fumicultores Brasileiros (Afubra) (l’Association des producteurs de tabac brésiliens) et l’Associação Brasileira das Indústrias do Fumo (Abifumo) (l’Association des industries de tabac du Brésil), le nombre de familles se consacrant à la culture du tabac a enregistré d’intéressantes fluctuations au cours des deux dernières décennies (tableau 2.1). Dans le sud, ce nombre a atteint un maximum de 160 560 en 1997, contre 83 150 en 1981, pour tomber à environ 135 000 en 2001. Dans le nord-est, le nombre de familles productrices de tabac est monté, passant d’un peu moins de 64 000 en 1980 à 81 000 en 1986, avant de diminuer de la moitié pour atteindre 36 250 en 2001.

Le revenu familial total provenant du tabac s’est élevé, passant de 233,4 millions de dollars EU en 1980 au point culminant de 1 milliard de dollars environ en 1997. Le revenu familial total tiré du tabac n’était que de 580,1 millions de dollars en 2001.

Tableau 2.1 - Nombre de familles productrices de tabac et revenu familial total

Année

Nombre de familles

Total pour le Brésil

Revenu familial
(milliers de $EU)

Sud

Nord-est

1980

94 840

63 980

158 820

233 385

1981

83 150

77 140

160 290

311 181

1982

89 030

75 040

164 070

419 236

1983

113 380

81 790

195 170

404 846

1984

112 940

81 460

194 400

330 384

1985

112 110

80 880

192 990

364 116

1986

112 570

81 000

193 570

404 117

1987

113 490

69 990

183 480

433 765

1988

114 390

75 000

189 390

366 407

1989

127 400

75 200

202 600

419 691

1990

121 600

72 000

193 600

569 707

1991

123 600

72 000

195 600

461 000

1992

149 750

55 000

204 750

785 390

1993

157 520

56 000

213 520

766 375

1994

136 640

50 000

186 640

478 852

1995

132 680

48 000

180 680

601 420

1996

142 590

49 000

191 590

788 813

1997

160 560

49 000

209 560

973 053

1998

158 980

42 000

200 980

670 079

1999

150 070

45 000

195 070

584 200

2000

134 850

40 000

174 850

619 586

2001

134 930

36 250

171 180

580 149

Sources: Afubra et Abifumo.

2.2.2 Au niveau de l’État

La production et la transformation du tabac sont des activités économiques très importantes dans le sud, a savoir dans les États de Paraná, Santa Catarina et Rio Grande do Sul, où, à part la production, il existe des industries manufacturières et des sociétés de transformation qui exportent le tabac et les produits dérivés. Ces États sont fortement tributaires des recettes fiscales tirées du tabac, notamment par le biais de la taxe sur la valeur ajoutée (ICMS).

Le nord-est du Brésil - une région où le tabac joue un rôle important dans une économie locale autrement déprimée, fournissant des emplois et des revenus à des milliers de petites unités de production familiales - produit bien moins de tabac que le sud, mais sa qualité est adaptée à la fabrication de cigares de valeur élevée. Ce segment de l’économie du nord-est est une importante source d’emplois permanents à temps plein. Il fournit des emplois aux femmes dans un travail spécialisé aux niveaux tant de l’exploitation que de l’industrie locale.

Normalement, un petit exploitant de la région de Recôncavo, dans l’État de Bahia, planterait en moyenne 0,5 ha de tabac, soit environ 10 000 plants. La récolte normale est d’environ 750 kg, récolte qui, dans une campagne agricole normale, se vendrait à 60,00 $R par arroba (15 kg) de feuilles de qualité supérieure. La récolte assure un revenu brut de 3 000 $R par an, dont la majeure partie sert aux dépenses familiales. C’est un moyen de subsistance pour une famille de six personnes. Les gros exploitants établissent jusqu’à 40 000 plants.

À Bahia, une zone densément peuplée de l’État et de la région, l’industrie du tabac offre aussi des emplois aux communautés rurale s-urbaine s. Une industrie typique assure des emplois presque toute l’année à 300 femmes qui sont formées au roulage des cigares, un processus qui s’effectue entièrement à la main. Il s’agit d’une main-d’oeuvre spécialisée travaillant pour des entreprises qui se vantent souvent avec fierté de leur respect des «responsabilités sociales». Certaines entreprises vont encore au-delà et incluent dans leurs activités le développement communautaire.

À l’instar des États du sud, les planteurs participent avec les entreprises à un système dit d’«intégration» qui fournit une enveloppe technologique de bonnes pratiques (dans l’utilisation des engrais et des produits chimiques agricoles), finance une partie des coûts de production du planteur et assure l’achat de la récolte. L’industrie du cigare se charge aussi de transporter le tabac depuis l’exploitation, où a lieu le séchage, jusqu’aux usines de transformation.

Le système d’intégration, en garantissant l’achat du produit, agit de fait comme un mécanisme d’assurance-prix qui a un impact notable sur l’approvisionnement. L’accroissement de ce dernier est dû, pour une large part, tant à ce système de gestion des risques de fluctuations des prix qu’au contrôle de la qualité au niveau de l’exploitation.

2.2.3 Au niveau fédéral

L’importance sociale et économique du tabac peut être évaluée au regard des 171 000 familles de tabaculteurs du sud et du nord-est et de la transformation relative. L’industrie de la cigarette fournit à elle seule directement et indirectement 2,1 millions d’emplois, a un chiffre d’affaires de 4,8 milliards de $R, and dégage 3,1 milliards des recettes fiscales.

Les emplois relatifs au tabac fournissent une occupation à environ 3,2 pour cent de la main-d’oeuvre totale du Brésil, la production agricole du tabac employant près d’un demi-million. En outre, 223 000 emplois sont créés dans des activités agricoles, comme la transformation du tabac dans l’exploitation. Il est estimé, en outre, que 1,5 million d’autres emplois proviennent de l’industrie du tabac dans des domaines comme le transport, la production et la distribution d’intrants, les ventes en gros et au détail, et la transformation en vue de l’exportation (voir le tableau 2.2).

Tableau 2.2 - L’emploi dans l’industrie brésilienne du tabac (1999/2000)

Secteur

Nombre d’employés

Pourcentage

Culture du tabac et transformation au niveau de l’exploitation

723 000

33,0

Fabrication

17 000

0,8

Emploi indirect

1 450 000

66,2

Total

2 190 000

100,0

Sources: Afubra et Abifumo.

2.3 ANALYSE DES CHANGEMENTS DANS LA PRODUCTION, LA SUPERFICIE ET LES RENDEMENTS

2.3.1 Facteurs influençant la production, la superficie et les rendements

Le Brésil est un important producteur de tabac qui se place au deuxième rang après la Chine dans la production mondiale. Il est donc sensible aux changements survenant dans le commerce international du tabac. Des améliorations récentes ont rehaussé la qualité du tabac brésilien et la capacité de production s’est accrue, principalement au niveau des exportations.

Dans le nord-est, les coûts de la main-d’oeuvre sont les plus faibles du pays, voire du monde. Tant que la main-d’oeuvre reste relativement bon marché, la production de tabac, une activité à fort coefficient de main-d’oeuvre, demeurera rentable. La principale différence entre le sud et le nord-est est le fait que le sud se consacre à la production de tabac en feuilles pour la fabrication de cigarettes, alors que le nord-est se spécialise dans la production de tabac noir et de feuilles de tabac pour le cappage des cigares.

La superficie et la production ont fait l’objet d’une forte croissance ces dernières années. Les sociétés productrices de tabac ont été encouragées à améliorer la qualité du tabac brésilien, ce qui a permis d’obtenir une qualité supérieure et une meilleure productivité. La production s’est accrue d’environ 3,5 pour cent par an au cours des 25 dernières années, résultat dû davantage à l’augmentation des rendements (2,3 pour cent par an) qu’à l’extension de la superficie récoltée (0,8 pour cent par an). Les rendements moyens ont enregistré une tendance régulière à la hausse depuis les deux dernières décennies, mais avec des fluctuations car le tabac est une culture pluviale. Une partie de cet accroissement est attribuable à l’amélioration des variétés, mais les pratiques culturales sont le principal facteur à la base de la croissance des rendements qui sont parmi les plus hauts du monde. Dans le sud, l’adoption généralisée de cultivars améliorés et de meilleures pratiques culturales, comme le recommandent les principales sociétés productrices de tabac, ont stimulé les rendements qui ont atteint des niveaux sans précédent au cours de la décennie écoulée.

La figure 2.1 montre les effets sur la production de l’essor des exportations au début des années 1990. La demande pilotée par les exportations a déterminé une croissance viable de production. Les tendances relatives à la production, la superficie et les rendements montrent de bonnes perspectives de croissance durable de la production de tabac au Brésil dans les années à venir. Certes, beaucoup dépendra de l’évolution des marchés étrangers vis-à-vis du tabac brésilien. Le tableau 2.3 et les figures 2.1, 2.2 et 2.3 montrent les tendances de la production de tabac.

Tableau 2.3 - Production, superficies récoltées et rendements moyens au Brésil

Année

Récolte totale
(tonnes)

Superficie récoltée
(ha)

Rendement moyen
(kg/ha)

1975

285 934

253 736

1 127

1976

298 645

280 373

1 065

1977

356 999

311 386

1 146

1978

405 191

328 313

1 234

1979

421 708

326 049

1 293

1980

404 860

316 427

1 279

1981

365 738

297 564

1 229

1982

420 329

317 231

1 325

1983

392 578

311 759

1 259

1984

413 598

282 218

1 466

1985

410 474

268 992

1 526

1986

386 827

279 364

1 385

1987

397 453

297 744

1 335

1988

430 979

280 486

1 537

1989

446 041

289 083

1 543

1990

445 489

274 098

1 625

1991

413 831

287 266

1 440

1992

575 652

344 872

1 669

1993

655 739

372 912

1 758

1994

519 541

320 185

1 622

1995

455 986

293 425

1 554

1996

472 738

314 279

1 504

1997

596 952

338 059

1 765

1998

505 353

353 679

1 428

1999

629 525

341 591

1 842

2000

579 727

310 462

1 867

Source: IBGE.

Figure 2.1 - Tendances des récoltes totales de tabac au Brésil, 1975-2000

Figure 2.2 - Superficie des plantations de tabac récoltées au Brésil, 1975-2000

Figure 2.3 - Rendement moyen du tabac en feuilles au Brésil, 1975-2000

À partir de la moitié des années 1970, la superficie plantée en tabac s’est étendue pour atteindre 354 000 ha en 1998, environ 2,7 pour cent de la superficie consacrée aux cultures annuelles, et 0,2 pour cent de la superficie cultivée totale du Brésil. La superficie plantée en tabac est fortement influencée par les prix. Elle s’est accrue entre 1974 et 1979 quand les prix sont passés de 3,75 à 4,50 $R/kg, et a haussé de nouveau entre 1990 et 1993, quand les prix se sont redressés, passant de 2,90 à 4,55 $R/kg. En d’autres périodes, les prix se sont établis à environ 2,50 $R/kg.

2.3.2 Amélioration de la qualité et du classement du tabac

Amélioration de la qualité du tabac

Certaines mesures ont été introduites dans l’attente d’une restriction éventuelle ou d’un resserrement des mesures de contrôle, qui pourraient compromettre la position du Brésil dans le commerce mondial du tabac pour ce qui est des propriétés chimiques du tabac et de la nécessité d’appliquer des pratiques culturales respectueuses de l’environnement. Conformément à ces décisions, les sociétés productrices ont lancé des campagnes en faveur de la réduction des contaminants. Les tests des niveaux chimiques - en particulier pour les alcaloïdes - sont désormais courants, des quantités inférieures de produits chimiques agricoles sont utilisés, et les conteneurs vides sont collectés et envoyés à une usine centrale de recyclage. Un programme efficace - L’avenir c ‘est maintenant - interdit aux enfants et aux jeunes au-dessous de 16 ans de travailler dans les exploitations de tabac et les usines de transformation.

Les conseils dispensés par les industries ont amélioré la gestion de la récolte dans le but de produire du tabac ayant moins d’alcaloïdes pour satisfaire aux exigences du marché international. Ils ont également permis d’améliorer le calendrier de la récolte, afin qu’elle coïncide avec la maturation optimale du produit, et promu l’utilisation de certaines variétés recommandées.

Variétés de tabac plantées au Brésil

Quelques variétés seulement de tabac sont cultivées au Brésil, le tabac de Virginie représentant plus des trois quarts de la production intérieure en 2000 (tableau 2.4).

Table 2.4 - Production de tabac par variété au Brésil (tonnes)

Année

Virginie

Burley

“Comum”

Autres

1977

119 870

26 970

44 800

145 360

1980

165 200

28 260

21 150

158 360

1985

221 320

41 190

15 440

132 330

1990

258 170

57 390

16 090

116 330

1995

282 480

52 220

3 710

51 590

1996

308 540

70 380

5 580

49 020

1997

429 890

100 970

8 870

48 440

1998

312 960

82 620

4 670

40 090

1999

440 130

100 740

5 230

44 000

2000

439 450

92 550

7 040

38 070

Source: Afubra.

Le comum (commun) n’est vendu que sur les marchés intérieurs. Les préférences des consommateurs ont changé radicalement au cours de la décennie écoulée, passant de la qualité «ordinaire», comme le comum, à d’autres variétés plus aromatiques. Le tabac de Virginie et le burley sont des variétés de haute qualité vendues sur le marché national aussi bien qu’étranger. La catégorie «Autres» consiste principalement en feuilles pour les cigares et les petits cigares produits dans le nord-est.

Le tabac de Virginie et le burley sont, dans une large mesure, séchés dans des fours spéciaux (séchés à l’air chaud) et des hangars de séchage (tabacs bruns séchés à l’air naturel). Les autres variétés sont séchées au soleil. Dans le sud, un nombre croissant de planteurs investissent dans des installations pour la production de tabac séché à l’air chaud. Les États du sud jouissent d’une bonne fertilité du sol et de pluies abondantes alternant avec de longues périodes d’humidité relativement élevée nécessaire pour le séchage. Le tabac de Virginie servant à la fabrication de tabac séché à l’air chaud est la variété la plus répandue dans le sud et sa production atteint 408 200 tonnes (81 pour cent de la production totale). Le reste consiste en variétés séchées à l’air: le burley et le comum qui représentent 17,5 pour cent (88 600 tonnes) et 1,5 pour cent (7 600 tonnes) respectivement. Les rendements de la campagne 2000/2001 ont atteint 2 047kg/ha pour le burley et 1 770 kg/ha pour le comum. Les superficies plantées sont restées inchangées entre les années.

Bien que le tabac n’occupe que quelque 0,2 pour cent de la surface cultivée, il rapporte 1,23 milliard de $R en revenu agricole, soit environ 9 200 $R par famille. Environ 60 pour cent du tabac produit dans le sud sont exportés, le reste étant utilisé dans le pays pour la fabrication de cigarettes.

Classement du tabac au Brésil

Grâce à un système de contrôle sévère de la qualité, au bon séchage et aux machines modernes utilisées pour la transformation, ainsi qu’à des techniques de pointe pour la fabrication et la préparation du tabac en feuilles destinées à l’exportation, le Brésil est devenu une source fiable de tabac de qualité supérieure. Cette qualité est maintenue grâce à un système qui récompense les hauts niveaux, stimulant ainsi les planteurs à investir pour produire du tabac de qualité. On le voit clairement dans le pourcentage relativement élevé de tabac de Virginie (41,3 pour cent) et de burley (33,5 pour cent) classés dans la catégorie «B» des tabacs de haute qualité, 54,7 pour cent de TJV entrant dans la sous-catégorie «O». Sous l’angle du type, 34,6 pour cent du TJV appartiennent au type 1, et 47,8 pour cent du burley sont aussi du type 1; 58 pour cent de ce dernier entrent dans la sous-catégorie «O», un tabac brun foncé très apprécié et 36,9 pour cent dans la sous-catégorie «R», un tabac brun clair (de qualité moins élevée).

Les prix se négocient chaque année entre les agriculteurs et les représentants de l’industrie, la qualité étant le principal facteur déterminant. D’après les estimations de l’Afubra, chaque famille productrice de tabac a dégagé un revenu brut moyen de 9 240 $R en 2000/2001, soit une augmentation de 15,6 pour cent par rapport aux 7 990 $R tirés de la campagne de 1999/2000. Les bénéfices pour les planteurs sont montés en flèche, passant de 22 à 47 pour cent. Le tableau 2.5 montre le profil du classement en catégories et sous-catégories du tabac au Brésil.

2.3.3 Le bois de feu comme principale contrainte à la production

L’un des facteurs indispensables pour la production de tabac est l’approvisionnement en bois de feu pour le séchage du tabac. En effet, les restrictions législatives frappant l’exploitation des forêts naturelles, et qui imposent à toutes les fermes de conserver 20 pour cent de leur superficie comme forêt indigène, sont perçues comme une menace pour la production de tabac.

Tableau 2.5 - Profil du classement du tabac au Brésil



Virginie

Burley

Catégories

T

15,0

12,6

B

41,3

33,5

C

26,8

36,9

X

15,3

16,3

G

1,7

0,6

Total

100

100

Sous-catégories

O

54,7

58,0

R

20,8

36,9

L

13,7

-

K

9,2

4,5

G

1,7

0,6

Total

100

100

Types

1

34,6

47,8

2

47,3

28,1

3

18,1

24,1

Total

100

100

Source: Afubra.

Cependant, les sociétés productrices ont mis en oeuvre un programme visant la remise en état du couvert forestier dans les zones de production. Le programme avait pour objectif la protection des forêts indigènes et le reboisement en vue d’approvisionner les planteurs en bois de feu pour le séchage, et en bois d’oeuvre pour la construction de granges de séchage, tout en sauvegardant l’équilibre écologique. Les sociétés productrices de tabac, les associations de producteurs et les industries ont réalisé de gros investissements dans le lancement de campagnes promouvant leur proposition conjointe de boiser les terres en friche à l’aide d’essences indigènes (acacias) et exotiques (eucalyptus), atteignant ainsi quelque 140 000 planteurs dans le sud. L’accord prévoit la fourniture des services et intrants nécessaires, comme le financement, l’octroi de licences aux pépinières offrant des plants à faible coût pour le reboisement, une assistance technique et des recherches menées sur le terrain. L’industrie a promis de ne pas acheter du tabac séché à l’aide de bois de feu provenant de sources illicites, et les planteurs ne pourront être enregistrés que s’ils s’engagent à reboiser une partie de leur propriété.

2.3.4 Possibilités de remplacement des cultures

Au Brésil, les rendements nets par hectare de tabac sont supérieurs à ceux du maïs (une importante culture vivrière) et à ceux des haricots (une importante culture de rente). Quelques récoltes, comme les légumes et les légumineuses, pourraient soutenir avec succès la concurrence avec le tabac mais les marchés pour ces produits sont déjà bien approvisionnés. Le tableau 2.6 compare le tabac à des cultures de remplacement.

D’autres cultures rentables, comme l’ail et l’asperge, qui pourraient concurrencer le tabac exigent une fertilité naturelle du sol, alors que le tabac n’en a pas besoin. Il existe des possibilités de diversifier et d’abandonner le tabac en faveur d’autres cultures, mais ce choix dépend de la recherche et des économies de ces cultures de remplacement.

Pour obtenir le revenu brut à l’hectare du tabac, il faut 6,5 ha de maïs ou 9,6 ha de haricots. À ces conditions, il est pratiquement impossible de remplacer le tabac sur les petites exploitations par des cultures tout aussi rentables. En effet, si les agriculteurs cultivent le maïs et les haricots comestibles dans le sud, ils devront mettre en production d’autres superficies, ce qui déterminerait l’exploitation et le déboisement de nouvelles terres et, partant, causerait des dommages à l’environnement.

Tableau 2.6 - Estimation des coûts, recettes et revenu net relatifs au tabac et à des cultures concurrentielles

Eléments

Tabac

Autres cultures

Virginie

Burley

Maïs

Haricots

1. Coûts variables





Coûts de la main-d’oeuvre ($EU)

969,26

771,11

104,94

124,05

Services salariés ($EU)

78,59

61,10

59,79

25,91

Intrants ($EU)

423,71

402,82

142,53

70,76

Bois de feu ($EU)

145,71

-

-

-

Autres ($EU)

121,01

108,90

27,80

26,88

Total partiel des coûts variables ($EU)

1 738,28

1 343,93

335,06

247,60

2. Coûts fixes





Amortissement ($EU)

160,47

163,06

48,17

48,21

Traitement du sol ($EU)

10,35

11,46

8,37

8,37

Total partiel des coûts fixes ($EU)

170,82

174.82

56,54

56,58

Coûts totaux ($EU)

1 909,09

1 518,45

391,60

304,18

Rendement (kg/ha)

2 026,00

1 678,00

3 600,00

1 200,00

Coût de production au kg ($EU)

0,94

0,90

0,11

0,25

Prix moyen au kg ($EU)

1,17

1,12

0,11

0,22

Revenu brut à l’ha ($EU)

2 370,42

1 879,36

396,00

264,00

Revenu net à l’ha ($EU)

454,57

360,91

1,51

(42,11)

Besoins de main-d’oeuvre (jours de travail/ha)

149

134

22

26

Source: Afubra.

Le tabac supporte bien les terrains montagneux dans le sud, où la production de cultures de remplacement serait malaisée.

En outre, il est très difficile de remplacer le tabac par d’autres spéculations en raison de l’assurance-récolte parrainée actuellement par l’Afubra. Elle s’est montrée fiable pendant 45 ans et s’est améliorée au fil des ans. Sans une augmentation des taux, l’aide financière est accordée aujourd’hui à la reconstruction des granges de séchage endommagées par les incendies, le vent, la grêle ou la foudre pendant le processus de séchage du tabac. Une aide est aussi prévue pour les dégâts aux cultures causés par la grêle ou le vent.

L’assurance-récolte relative aux autres cultures, PROAGRO, n’est pas aussi efficace que celle pour le tabac. PROAGRO est notoire pour ses retards dans le règlement des sommes dues.

Seules de rares recherches ont été menées sur le remplacement du tabac dans le nord-est. Au sud, l’Université de Santa Maria, dans le Rio Grande do Sul, a évalué le thé, qui présente certains avantages par rapport au tabac, bien qu’il s’agirait d’une substitution contestable: i) pour dégager le même revenu net par famille, il faudrait des superficies plus étendues (comportant certainement le défrichement des terres et le déboisement des forêts); ii) 30,6 pour cent des agriculteurs possèdent des exploitations de moins d’un hectare, superficie insuffisante pour la culture du thé; et iii) le thé est potentiellement antiéconomique dans les conditions actuelles du marché.

Une autre substitution viable consisterait dans le boisement, à savoir la plantation d’essences indigènes comme l’acacia. L’acacia est une essence intéressante car elle fournit non seulement du bois d’oeuvre mais aussi du tanin. Les difficultés que présente l’acacia sont les suivantes: i) les terres adaptées sont, dans une large mesure, déjà plantées en essences exotiques destinées à fournir du bois de feu pour le séchage du tabac; ii) certaines superficies occupées par le tabac sont extrêmement fertiles et plus adaptées aux cultures de rente qu’aux cultures permanentes; et iii) la plupart des plantations existantes ont été établies grâce aux ressources des agriculteurs et à des incitations fiscales lorsque le crédit était bon marché; à l’heure actuelle il est difficile à obtenir et cher.

Dépendance des agriculteurs vis-à-vis de la production de tabac

Les petits exploitants du sud sont entièrement tributaires du tabac pour leur subsistance économique. Vingt-cinq pour cent des planteurs cultivent moins d’un hectare; 30,5 pour cent ont de 1 à 10 ha (voir le tableau 2.7); l’exploitation moyenne a une étendue de 17,5 ha, dont 2,6 sont plantés en tabac.

Vingt-cinq pour cent des planteurs cultivent des terres cédées à bail par des propriétaires fonciers ou sont des métayers; les autres planteurs possèdent leurs propres terres. Les petites exploitations dominent, et puisque le tabac n’a besoin que d’une superficie limitée, le bail et le métayage sont un mode naturel de régime foncier et ont l’avantage de ne pas immobiliser dans la terre le capital du tabaculteur.

Tableau 2.7 - Taille des exploitations productrices de tabac dans le sud (1999/2000)

Catégorie

Taille (ha)

Pourcentage (%)

< 1 ha

33 886

25,1

1- 10 ha

45 075

30,5

11 - 20 ha

34 416

25,5

21 - 30 ha

15 836

11,7

31 - 50 ha

7 190

5,3

> 50 ha

2 467

1,8

Total

134 850

100

Source: IBGE.

La plupart des exploitations cédées à bail ont moins de 5 ha (un minifundia au Brésil), le tabac représentant la principale source de revenu. Le métayage est fréquent parmi les agriculteurs âgés ou en retraite qui partagent leurs terres avec les nouveaux venus.

2.3.5 Entretiens avec les exploitants

Dans le sud, d’après une enquête menée par Afubra, la dépendance des agriculteurs vis-à-vis du tabac peut être jugée par ce qui suit:

Les exploitants interviewés ont déclaré que les solutions déjà disponibles, comme la retraite anticipée ou une prime de fin de service, ne réduiraient que marginalement le nombre de planteurs. Le tabac continuera à représenter le gros de la production dans le sud. Dans le nord-est, le tabac est la principale, voire la seule, source de revenu dans les zones économiquement défavorisées de Bahia et Alagoas.

2.3.6 Perspectives de l’approvisionnement en tabac

On peut s’attendre que le Brésil continue à produire activement du tabac. Sa production et son revenu s’accroîtront à mesure que se répandent les techniques améliorées, comme l’épandage d’engrais, les plants produits grâce au système du flottement qui assure une récolte plus régulière et élimine le besoin de fumigation au bromure de méthyle, l’emploi de variétés résistant mieux aux maladies et aux ravageurs adaptées à chaque région, et l’adoption de la plantation à demeure.

La production de cigares connaîtra un essor grâce aux perspectives d’une croissance du marché d’exportation. Une tendance aux nouveaux investissements se dessine, des techniques et des compétences étrangères étant introduites à la suite des fusions et alliances avec les grandes sociétés mondiales. Toutefois, les investissements ont été entravés par la hausse des taxes sur les cigares et les petits cigares, qui s’élèvent maintenant à 67 pour cent, et par la concurrence accrue de la contrebande de produits de faible qualité.

2.4 IMPACT DES POLITIQUES PUBLIQUES

2.4.1 Introduction

Les tentatives du gouvernement visant à réduire la production de tabac ou à encourager son abandon pour d’autres cultures se sont soldées par un échec, bien qu’aucun effort systématique n’ait été accompli pour étudier et proposer des cultures de remplacement. Aucune solution susceptible de procurer un revenu viable ne se présente. Sans une recherche appropriée il est pratiquement impossible de formuler des politiques appropriées.

Le gouvernement s’est concentré sur les campagnes antitabac. L’industrie de la cigarette a adopté des contre-mesures visant à neutraliser toute campagne susceptible de porter atteinte à son image aux yeux du Congrès et de l’opinion publique. Toute tentative faite par le pouvoir exécutif d’édicter une loi frappant de restrictions la production, la commercialisation ou la consommation de cigarettes a été étouffée par la Chambre et le Sénat.

L’industrie du tabac cherche à rehausser son image aux yeux des communautés locales et des États en mettant en évidence sa contribution aux avantages sociaux qui améliorent la qualité de la vie des communautés où elle opère. Les sociétés ont souvent utilisé comme stratégie leurs activités en faveur de la communauté pour resserrer les liens avec les pouvoirs politiques, notamment les administrations locales et les circonscriptions. Les employés des sociétés - par le biais d’une série de campagnes - ont noué des liens entre ces sociétés et d’autres organisations et institutions locales, ainsi que l’ensemble de la communauté.

Certaines sociétés contribuent à la gestion des ressources naturelles et à l’environnement. Elles organisent des programmes pour l’éducation environnementale, la réduction du bruit, le traitement des effluents liquides et le contrôle des émissions dans l’atmosphère. Une société met en oeuvre un projet de recyclage des matières plastiques à réutiliser dans la fabrication d’autres produits. À Santa Cruz, Rio Grande do Sul, l’acétate, la cellulose et les filtres sont utilisés à nouveau pour produire des articles de literie et des jaquettes.

Les sociétés productrices de tabac veulent que leur nom soit associé à: i) des activités culturelles, comme des séminaires d’art, des activités artistiques scolaires et des manifestations auxquelles participent des artistes célèbres; ii) des initiatives concernant la santé, comme les travaux en partenariat avec la prestigieuse Fondation Zerbini dans le cadre d’un programme pour la prévention du SIDA; iii) des activités sociales et de solidarité «susceptibles de changer la vie des personnes»; et iv) des initiatives éducatives pour éradiquer l’analphabétisme, associées au projet «Solidarité pour l’alphabétisme» mis en oeuvre par le prestigieux Conseil de solidarité communautaire, qui vise à améliorer l’alphabétisme dans la plupart des régions déshéritées du pays.

2.4.2 Impact des politiques publiques sur la production

Sous l’angle de l’emploi, la culture du tabac est, dans une large mesure, une entreprise familiale. Ce type de récolte s’adapte parfaitement au modèle d’agriculture familiale que le gouvernement fédéral a parrainé, notamment grâce à son Programme national d’agriculture familiale (Pronaf). Au titre du Pronaf, les tabaculteurs ont droit à des crédits pour la production et l’investissement portant des intérêts subventionnés.

Aucune information n’est disponible en ce qui concerne la participation des producteurs de tabac au Pronaf. Il serait difficile de les exclure de ce programme sans supporter un coût politique, puisque ce groupe remplit les conditions d’admissibilité. S’il existait des cultures de remplacement rentables, ce programme pourrait être utilisé.

Le tabac est exclu des politiques publiques de soutien au secteur de la production. Il est également exclu du système de prix minimums et des programmes de prêts en faveur de la commercialisation (prêts à forfait). Cependant, l’industrie du tabac fournit aux exploitations une assurance-prix de fait par l’entremise du système d’achat garanti à un prix préétabli. Ce type d’arrangement crée des liens solides entre les producteurs et l’industrie, bien que, dans une année de récolte favorable, il puisse être difficile de convenir sur un prix.

2.4.3 Impact des politiques publiques sur la commercialisation

Le gouvernement tente de juguler la contrebande des cigarettes

Le gouvernement s’efforce de réduire l’introduction illicite des cigarettes au Brésil. Le Département fédéral des impôts a augmenté les saisies de produits introduits en fraude ou contrefaits, en particulier ceux provenant du Paraguay et de l’Uruguay. Toutefois, il a été observé que malgré l’intensification des efforts visant à maîtriser les mouvements de contrebande, ils pourraient être supérieurs aux estimations, voire en augmentation. Les marchés intérieurs de cigarettes ont été inondés de marques «pirates» et de mauvaises copies de marques connues existantes. D’après les spécialistes du marché, le volume de cigarettes provenant d’ailleurs (contrebande) avoisinait 30 pour cent du total.

Selon Abifumo, le marché illégal continue à poser une grave menace à la survie de l’industrie (en particulier pour les petites et moyennes unités industrielles). Dans le marché illégal des cigarettes, plus de 80 pour cent sont des produits de contrebande - dont plus de 25 pour cent sont contrefaits - et environ 19 pour cent le résultat d’une production locale soustraite au fisc. Abifumo estime qu’il est difficile d’évaluer le marché illégal et donc de déterminer la consommation totale de cigarettes au Brésil.

Partenariat public-privé pour le contrôle de la qualité

En janvier 1889, l’Associated Press a signalé que les planteurs de Rio Grande do Sul produisaient du tabac du type g-1 qui, par rapport au tabac ordinaire, se caractérise par une teneur en nicotine deux fois plus haute que la normale (le niveau moyen étant de 6,2 pour cent). Ce rapport a suscité une profonde inquiétude parmi tous ceux liés à l’industrie du tabac et parmi les consommateurs et les importateurs.

Pour contrecarrer cette tendance et neutraliser les dommages que le rapport aurait pu causer à l’industrie, le Ministère de l’agriculture a mis en oeuvre un programme visant à certifier les niveaux d’alcaloïdes (nicotine et alcaloïdes secondaires) dans le tabac brésilien. Tout le tabac de Virginie transformé par les sociétés de Rio Grande do Sul est soumis désormais à des vérifications rigoureuses de la teneur en nicotine. Le programme oeuvre en partenariat avec sept sociétés liées à Abifumo et à l’Université de Santa Cruz (UNISC) et assure la certification officielle du produit pour le marché international.

L’UNISC fournit des analyses de laboratoire des niveaux moyens d’alcaloïdes présents dans les feuilles de tabac de Virginie, sur la base d’échantillons collectés le long de la filière des achats des sociétés productrices. Les résultats obtenus par le laboratoire autorisé (Centre d’analyse de l’UNISC) sont ensuite comparés à ceux des laboratoires des sociétés productrices. Chaque société reçoit un certificat indiquant sa moyenne et au Sindifumo est remis un autre mentionnant la moyenne générale. Le programme a maintenant été étendu à Santa Catarina et Paraná, ce qui permet la couverture de l’ensemble du sud.

2.4.4 Impact des politiques publiques sur la consommation

Les études empiriques sur l’économie de la consommation de cigarettes sont rares au Brésil, mais deux (Costa et Silva et al., 2000; Carvalho et Lobão, 1999) peuvent être utilisées pour évaluer l’impact des politiques publiques (par la taxation, par exemple) sur les prix et la consommation de cigarettes. Costa et Silva tirent largement parti des données de l’analyse de l’étude précédente et examinent les résultats et leurs retombées au plan de la formulation des politiques.

Costa et Silva et al sont résolument en faveur de l’augmentation des prix comme moyen de réduire la consommation. Cette étude publiée par l’INCA a influencé les décisions du gouvernement d’accroître les prix des cigarettes pour réduire l’usage du tabac.

Costa et Silva et al. (2000) ont estimé les prix et l’élasticité-revenu pour la demande du marché vis-à-vis de modèles de consommateurs de cigarettes, dont les résultats sont résumés au tableau 2.8.

Le premier - Modèle 1 - se fondait sur l’hypothèse que les fumeurs acceptaient de conserver dans leur corps un «stock de tabac», qui est un pourcentage de la «consommation désirée» de cigarettes (Chaloupka, 1991). Le modèle se basait sur l’hypothèse que le fait de fumer, qui est une activité nuisible, est le résultat d’une évaluation de coûts (dépendance, dommages à la santé du fumeur et à celle d’autrui) et d’avantages (plaisir de fumer).

Le deuxième - Modèle 2 - a été proposé par Becker et Murphy (1988) avec deux versions. L’une partait de l’hypothèse d’une demande rationnelle dans le cas de fumeurs aux préférences fixes, alors que l’autre supposait une demande myope ou étroite de la part d’adolescents et de personnes ayant un faible niveau d’éducation formelle et un faible revenu. Dans cette hypothèse, le consommateur est défini comme un individu incapable de prévoir les conséquences à long terme du tabagisme. Autrement dit, il est estimé que ces personnes ont une attitude naïve et manquent d’éducation, comme celles appartenant à des milieux socioéconomiquement désavantagés. D’après la littérature, c’est ce groupe de consommateurs myopes qui devrait être la cible des politiques visant la réduction de la consommation de tabac.

Tableau 2.8 - Modèles économétriques de l’élasticité-prix des cigarettes

Élasticité

Modèle 1
(Chaloupka, 1991)

Modèle 2 (Becker et Murphy, 1988)

rationnel

étroit ou myope

Prix





à court terme

-0,1118

-0,1407

-0,1962


à long terme

-0,7982

-0,4932

-0,4792

Revenu





à court terme

-

0,2277

0,3120


à long terme

-

0,7980

0,7621

Source: Costa et Silva et al., 2000, basé sur Chaloupka, 1991, et Becker et Murphy, 1988.

Les résultats de l’analyse fondée sur l’hypothèse de myopie montraient que la consommation de cigarettes au Brésil a fait l’objet d’un changement structurel au plan de l’élasticité-prix au cours du troisième trimestre de 1990, quand la consommation est tombée à un niveau inférieur à celui de la tendance passée. Ce changement structurel était probablement dû aux règlements sur la santé du travail introduits en 1990 et qui imposaient un contrôle sévère de la consommation de cigarettes dans les emplacements de travail. Après ce changement, l’élasticité-prix de la demande pour les long et court termes s’est accrue, principalement au sein du groupe de consommateurs myopes où elle a presque doublé. Ces changements sont illustrés au tableau 2.9.

Une simulation de l’impact des changements des politiques publiques visant à réduire la consommation de cigarettes a suggéré une élasticité-prix de la demande de -0,15 dans le court terme et de -0,5 dans le long terme (comme dans le tableau 2.9). Une augmentation de 15 pour cent des prix des cigarettes entraînerait une réduction de la consommation de 2,25 pour cent dans le court terme et de 7,5 pour cent dans le long.

Ces résultats laissent entendre que des changements dans les politiques publiques relatives à la lutte antitabac peuvent influencer les élasticités-prix de la demande des consommateurs tant rationnels que myopes. Des preuves empiriques indiquent que la consommation se réduit en présence d’informations améliorées sur les dommages possibles pour la santé.

Tableau 2.9 - Changements dans l’élasticité-prix à la suite des variations des politiques publiques en 1990


Modèle rationnel

Modèle étroit

Avant le 3 trimestre




à court terme

-0,1407

-0,1962


à long terme

-0,4932

-0,4792

Après le troisième trimestre




à court terme

-0,17

-0,35


à long terme

-0,58

-0,73

Source: Costa et Silva et al., 2000.

La sensibilité-prix des consommateurs aux variations des prix et du revenu avait des élasticités semblables à celles proposées dans des études comparables menées ailleurs, qui montraient que les augmentations de prix peuvent réduire la consommation de cigarettes, alors que l’augmentation du revenu du fumeur stimule la consommation.

Il n’y avait guère de sensibilité à la variation des prix dans le court terme. Avec une augmentation moyenne des prix de 10 pour cent, un consommateur fumant un paquet par jour réduirait sa consommation de 4 à 7 paquets l’an.

À long terme, la même augmentation de 10 pour cent diminuerait la consommation de 344 cigarettes par an. Les consommateurs myopes (jeunes, personnes moins instruites) seraient plus sensibles aux variations des prix dans le court terme que le groupe rationnel.

L’augmentation des taxes sur les cigarettes jusqu’à 90 pour cent des prix de détail moyens accroîtrait, dans le court terme, les rentrées fiscales qui passeraient de 12 à 15,5 pour cent, tout en réduisant la consommation de 1,5 à 3 pour cent; dans le long terme, elle accroîtrait les rentrées fiscales de 3 à 9 pour cent et réduirait la consommation de 6 à 12 pour cent. Il y a plusieurs conséquences au plan des politiques:

Carvalho et Lobão (1999) ont analysé l’efficacité de différentes politiques. Les taxes sont déjà élevées (74 pour cent du prix de détail des cigarettes) de sorte que leur accroissement pourrait s’avérer insoutenable. Toutefois, malgré ce haut niveau de taxation, les prix des cigarettes brésiliennes sont parmi les plus faibles du monde, ce qui montre qu’il existe encore une marge pour une augmentation, mais que cette augmentation pourrait encourager la contrebande et réduire, par là même, les rentrées fiscales. Les taxes pèsent toujours plus lourdement sur ceux qui sont moins capables de s’y soustraire.

Les statistiques disponibles suggèrent que les normes sociales influençant la consommation de tabac sont probablement responsables des changements observés dans la demande structurelle de cigarettes. C’est ce qui explique le fléchissement de la consommation quelques mois après l’introduction d’étiquettes de mise en garde sur les paquets de cigarettes en 1995. Les normes sociales rendent également le consommateur plus sensible aux variations des prix, accroissant l’élasticité-prix de la demande (avec un impact inférieur sur les consommateurs rationnels et supérieur sur les consommateurs myopes).

L’étude de Carvalho et Lobão (1999), basée sur des travaux réalisés dans les années 1990, est parvenue à trois principales conclusions. D’abord, toute tentative de réduire la consommation de cigarettes par le biais d’une augmentation des taxes est probablement vouée à l’échec étant donné que cette augmentation pourrait n’avoir qu’un faible impact sur la consommation en raison du stimulant représenté par le commerce illégal. Les taxes sur les cigarettes sont déjà élevées et ont probablement atteint leur maximum car l’évasion fiscale est déjà très forte.

Deuxièmement, des taxes plus élevées sur les cigarettes pourraient avoir des effets de répartition négatifs car leur impact sur le revenu pénaliserait davantage les individus (familles) à plus faible revenu, qui destinent une part proportionnellement plus élevée de leur revenu à l’achat de cigarettes, que ceux appartenant aux tranches supérieures de revenu. Il en résulterait une situation où une augmentation des prix due à des taxes plus élevées n’entraînerait pas nécessairement une diminution de la consommation mais la transférerait vers des cigarettes de qualité inférieure. Cette politique pourrait donc s’avérer improductive.

Troisièmement, certains indices montrent que les politiques qui mettent l’accent sur les risques pour la santé sont plus efficaces que l’augmentation des prix par le biais de la taxation.

Le Brésil impose aussi des restrictions sur la vente de cigarettes, fixe des limites d’âge pour leur achat, n’autorise les ventes qu’à certains endroits et exige pour elles des licences spéciales, interdit de vendre des cigarettes dans les lieux publics et limite la distribution d’échantillons gratuits. Ces politiques ont fait l’objet de nombreux débats, et aucune recherche n’est entreprise pour examiner leur efficacité.


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