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Chapitre 5
INCUBATION ET ÉCLOSION


INCUBATION NATURELLE

La poule choisie pour la couvaison devra être massive (afin de couvrir et de garder au chaud un grand nombre d'œufs), en bonne santé, vaccinée de préférence, et réputée pour son instinct maternel et ses qualités de couveuse. Ces dernières se manifestent par l'arrêt de la ponte, le déploiement des ailes et l'émission d'un gloussement distinctif. La couvaison peut être induite avec des œufs factices ou même des pierres.

Les œufs deviennent habituellement fertiles environ quatre jours après qu'un jeune coq a été introduit auprès des poules. Un maximum de 14 à 16 œufs peut être couvé à la fois dans un nid mais, souvent, l'éclosabilité diminue au-delà de dix œufs. Ceci en relation avec la taille de la poule. Eau et nourriture fournies à proximité immédiate de la poule permettront à celle-ci de se maintenir en bonne condition ainsi que de réduire la mortalité embryonnaire liée au refroidissement des œufs, lorsque la poule doit quitter le nid pour partir à la recherche de sa nourriture.

La poule maintient les œufs à un degré d'humidité satisfaisant en les aspergeant d'eau par le bec. Ceci représente une raison de plus pour lui fournir un accès facile à l'eau. Dans les régions très sèches, un sol légèrement humide peut être disposé sous le nid afin d'aider la poule à maintenir un degré d'humidité approprié (entre 60 - 80%). Les œufs fertiles provenant d'autres espèces seront placées sous la poule couveuse entre un et quatre jours après le début de la couvaison. Au Bangladesh, il a été rapporté que les poules couveuses locales peuvent même s'asseoir et redémarrer une seconde couvée, tout en perdant un poids considérable dans cette opération (spécialement s'il n'est pas accordé suffisamment d'attention à la fourniture d'eau et d'aliment).

Pour les poules, la période d'incubation est de 20 à 21 jours; elle augmente jusqu'à 30 jours pour les autres espèces de volailles. Après avoir couvé pendant quelques jours, il est possible de donner à la poule quelques poussins fraîchement éclos; si elle les accepte, les œufs d'origine seront retirés et remplacés par d'autres poussins. Il est ainsi possible d'utiliser au mieux les poules sélectionnées pour leur bon instinct maternel.

Au début, les œufs ont besoin d'un contrôle strict de la température optimale qui se situe à 38°C, du fait de la taille microscopique de l'embryon. Lorsque ce dernier s'accroît en taille - spécialement après le 18ème jour - sa production de chaleur augmente et il est même nécessaire de le refroidir. Des niveaux d'humidité relative de 60 à 80% (s'accroissant au cours de la période d'incubation) sont importants pour éviter les pertes de liquide à partir du contenu de l'œuf à travers ses membranes et sa coquille poreuse. Pour une incubation naturelle réussie, les facteurs suivants seront pris en considération:

Une éclosabilité de 80 pour cent est normale en couvaison naturelle; toutefois un taux de 75 à 80 pour cent est considéré comme satisfaisant. Le démarrage de la couvaison sera programmé afin que les poussins éclos atteignent l'âge de deux mois lors des changements majeurs de saison, tels le début de la saison pluvieuse (ou sèche) ou de l'hiver (été). Une quantité abondante d'aliment complémentaire pendant la période de croissance offrira de meilleures chances de survie au poussin. En fait, les volailles pondent et couvent instinctivement leurs œufs à une période de l'année qui permettra aux poussins éclos d'avoir accès à des sources riches en protéines et énergie dans leur environnement. Par exemple, la pintade pond uniquement en saison des pluies avec, cependant, le risque inhérent que les changements de climat sont également facteurs de risques de maladies.

INCUBATION ARTIFICIELLE (TECHNIQUES À BASE DE RIZ PADDY CHAUFFÉ OU DE BALLES DE RIZ)

Il existe dans le commerce de nombreux incubateurs de diverses capacités. La plupart fonctionne à l'électricité, mais certains d'entre eux peuvent être chauffés au gaz ou au pétrole. Ils disposent d'un thermostat permettant de maintenir la température constante dans une fourchette de un degré Celsius. Le taux d'humidité approprié est généralement maintenu en fournissant une quantité déterminée d'eau proportionnelle au volume de la chambre de l'incubateur.

Le retournement des œufs plusieurs fois par jour est important car il empêche l'embryon de se coller aux membranes de l'œuf. Dans les systèmes de retournement à la main, il est prévu un nombre impair de rotations par jour (cinq à sept fois) de sorte que l'œuf soit toujours orienté en direction opposée à celle de la nuit précédente.

La poule couveuse effectue toutes ces tâches instinctivement et l'incubation artificielle essaye de les reproduire. Dans plusieurs parties du monde, des techniques traditionnelles d'incubation artificielle se sont développées pendant plusieurs milliers d'années. L'une d'entre elles, primitivement initiée en Chine pour l'incubation des œufs de cane, est la technique du riz chauffé. Elle est basée sur l'emploi de riz paddy grillé, et la chaleur générée par l'embryon. Elle est toujours utilisée en Chine et à Bali, Indonésie, avec une éclosabilité allant jusqu'à 80% (Smith, 1990). Ses objectifs sont atteints aussi bien en utilisant du riz chauffé ou des balles de riz, avec une éclosabilité équivalente de 65 à 75 pour cent. En mirant les œufs entre le 5éme et le 7éme jour, il est possible de détecter les œufs clairs infertiles qui restent consommables pour l'homme et ce qui améliore la rentabilité du système.

Comme les coquilles d'œufs de cane sont moins fragiles que celles des œufs de poule, le système n'a jamais été utilisé en Chine pour ces derniers. Le système chinois original utilisait 80 œufs de cane par lot. En utilisant 25 à 30 œufs de poule par lot et en les manipulant soigneusement, le système a été expérimenté avec succès au Bangladesh, lorsqu'il a été adapté dans les années 1980. De même, le nombre d'œufs de cane a été réduit à 40 par lot ce qui a procuré de meilleurs résultats d'éclosion et moins de fêlures.

Le procédé démarre par un préchauffage des œufs, soit au soleil, soit dans une chambre isolée équipée d'une source de chaleur. Par jours ensoleillés, environ 25 à 30 œufs de poule ou 40 œufs de cane (supposés fertiles et soigneusement datés et marqués) sont placés au soleil sur des morceaux de tissus capitonnés pendant environ 30 minutes et tournés de temps en temps afin d'augmenter la température des œufs jusqu'aux 37 - 38°C requis. Cette température peut être estimée par l'apparition de gouttelettes d'eau sur la coquille ou en appuyant l'œuf sur la paupière. Les jours sans soleil, les œufs doivent être placés sur un tissu dans un panier de bambou peu profond et rangés sur des étagères dans une chambre chauffée afin d'atteindre doucement la même température. Ceci requiert environ une à trois heures. N'importe quel combustible lent est utilisable; le pétrole et le charbon de bois sont communément employés. En Egypte, des tiges de haricot séchées ont été utilisées pendant des milliers d'années pour leurs propriétés de combustion ralentie et sont encore employées aujourd'hui dans le district de Fayoumi (d'où est originaire la race de poule bien connue du même nom). Le foyer doit être bien ventilé afin d'éviter toute fumée toxique pour l'embryon. Au Bangladesh, les œufs sont recouverts avec du sable ou de la cendre de bois, légèrement chauffés à 38°C, ce qui se révèle également efficace. La sensibilité des paupières à la température peut s'acquérir par entraînement, en utilisant des thermomètres cliniques pour homme, facilement disponibles à l'heure actuelle. Si l'humidité chute en - dessous de 70%, 60%, 50% ou même 40% (particulièrement pendant les mois les plus secs), un tissu humide et légèrement chauffé sera placé sur les œufs à une fréquence correspondant aux taux indiqués ci-dessus de une, deux, quatre ou six fois par jour. Ceci augmentera l'humidité de l'œuf et préviendra le dessèchement de l'embryon.

Le riz décortiqué (paddy) est chauffé et continuellement remué jusqu'à ce qu'il atteigne une température de 60°C, afin de produire la chaleur nécessaire aux deux premières semaines d'incubation. Environ 2,5 à 3,0 kg de ce riz chauffé sont introduits dans un coussin de tissu et placés dans le panier à œufs. Les coussins sont de même diamètre (40cm dans l'exemple du Bangladesh) que le panier avec une épaisseur de 8 cms. Si l'on utilise des balles de riz, les coussins peuvent être confectionnés avec du tissu noir qui absorbe aisément la chaleur solaire. Dès que la température du coussin a chuté aux environs de 40°C, un ballot lâchement serré contenant 40 œufs de cane ou 25 - 30 œufs de poule est déposé sur le riz chaud. Le ballot est confectionné à partir d'une pièce carrée de tissu de 45cms de côté. Un tissu doux perforé est utilisable. On entasse alors alternativement des coussins de riz et des ballots d'œufs jusqu'à remplissage du panier, en terminant par un coussin de riz. Le panier est alors recouvert d'un rembourrage afin de conserver un maximum de chaleur. Ce procédé est répété jusqu'à remplissage de tous les œufs dans les paniers, tout en laissant un panier vide pour y ajouter du riz fraîchement chauffé. Les paniers d'incubation sont de forme cylindrique (50 cm de diamètre et 80 cm de profondeur en Chine, 40 cm de diamètre et 70 cm de profondeur au Bangladesh) et fabriqués de lattes de bambou tressées. En Chine, quelques couches de papier de bambou sont collées sur les faces intérieures des côtés et sur le fond afin de boucher les ouvertures et d'éviter des pertes de température par convection.

Dans les régions les plus chaudes de la Chine méridionale, des balles de riz sont utilisées en place du riz paddy, et les coussins pour les contenir sont confectionnés en matériaux foncés, afin de capter aisément la chaleur solaire. Les balles de riz procurent également une excellente isolation contre les pertes de chaleur des œufs les plus anciens qui, au contraire, sont transférées par conduction aux œufs les plus récents placés à leur contact dans des ballots séparés. Le système à base de balles de riz a été adopté à grande échelle au Bangladesh après avoir été introduit par des projets de développement avicole dans les années 80. Depuis, le système a évolué et les paniers cylindriques de bambou sont maintenant placés dans de larges cadres de bambou avec un surplus de balles de riz déposé entre les paniers et les côtés extérieurs des caisses. La paroi du panier doit se trouver à environ 10cm de la paroi de la caisse et 8cms du panier contigu. Avec cette isolation plus performante, on enregistre moins de pertes de chaleur et donc un moindre besoin de recourir à des sources caloriques provenant de combustibles coûteux.

Pendant les trois premiers jours, le riz réchauffé (ou les balles de riz) sont ajoutés trois fois par jour à intervalles réguliers. Du 4ème au 6ème jour, cette opération se déroule deux fois quotidiennement. L'objectif est de s'assurer que les œufs sont maintenus à la température la plus appropriée pour le développement de l'embryon. Le panier de réserve est utilisé pour transférer les œufs d'un autre panier lors du rechargement en riz chaud ou balles de riz. De ce fait, la couche supérieure d'œufs sera déposée au fond du panier de réserve et la couche inférieure finira au sommet. Le panier qui aura été ainsi vidé sera prêt à recevoir les œufs d'un troisième panier, et le cycle peut ainsi continuer.

En Chine, la chaleur est fournie jusqu'aux jours 13 et 14 en été et aux jours 18 et 19 durant les mois les plus froids. Ensuite, les embryons en développement sont capables de produire suffisamment de chaleur sans besoin de source externe. Pendant les six premiers jours, les œufs incubés sont appelés les «œufs nouveaux», du 6ème au 13ème jour, les «œufs entre - deux» (ils n'ont pas besoin de chaleur supplémentaire et ils n'en produisent pas); après le 13ème jour, ce sont les «œufs anciens» qui produisent de l'extra-chaleur. Dés qu'un panier contient des œufs «entre - deux » et «anciens», il est possible d'utiliser uniquement l'extra-chaleur produite par les embryons pour incuber des «œufs nouveaux », que l'on introduit progressivement dans le panier entre des couches d'«œufs anciens ». Même si l'on ne rajoute pas de chaleur externe, il convient de retourner et aérer régulièrement les œufs trois à cinq fois par jour ou bien de les transférer dans des paniers voisins. Afin d'utiliser efficacement la chaleur produite par l'embryon tout au long de l'année, les couches d'œufs seront rangées dans les paniers, selon un schéma particulier, dont un exemple est illustré au tableau 5.1.

Tableau 5.1 Rangement des œufs dans les paniers d'incubation avant et après transfert dans les paniers adjacents


Durée d'incubation (jours)

Couche

Avant le transfert

Eté

Hiver

Après le transfert

1

A

14-6

17-20

J

2

B

1-3

1-4

I

3

C

10-13

13-16

H

4

D

4-6

5-8

G

5

E

7-9

9-12

F

6

F

7-9

9-12

E

7

G

4-6

5-8

D

8

H

10-13

13-16

C

9

I

1-3

1-4

B

10

J

14-16

17-20

A

Source: Fuan, 1987.

Les oeufs sont mirés aux jours 5 et 13 afin d'identifier les oeufs infertiles et morts et d'évaluer le degré de développement de l'embryon; Ceci est utile pour ajuster la température des paniers. Il est également possible d'évaluer la température de l'œuf en l'appuyant sur la paupière supérieure. La température des paniers peut être ajustée suivant les moyens ci-après:

Les œufs qui se trouvent en état avancé d'incubation produisent beaucoup de chaleur, de sorte qu'aux 13ème et 14ème jours en été (18ème et 19ème jours en hiver), les «œufs anciens » sont transportés dans des plateaux d'éclosion, où ils sont placés en une couche unique pour développement final et éclosion. La surface du plateau est recouverte d'une fine couche de balles de riz, protégée par une natte de paille. Les bords du plateau sont garnis de rembourrage pour protéger les œufs. Pour recouvrir les œufs en développement sur le plateau, on utilise un tissu épais ou léger, suivant le degré d'isolation désiré. La température du plateau d'éclosion est maintenue entre 36 et 37°C, soit un peu moins que celle du panier. La température du plateau peut être ajustée soit en changeant l'épaisseur du recouvrement, soit en variant l'espace entre les œufs et en bougeant les œufs deux fois par jour de sorte que les œufs en périphérie prennent la place des œufs centraux. Par climat sec très chaud, les œufs sont aspergés d'un fin film d'eau. Ils restent sur le plateau jusqu'à l'éclosion et au séchage des poussins.

Les plateaux d'éclosion sont disposés en double étage comme un lit à couchettes superposées. Un tel plateau d'une capacité de 500 œufs a une longueur de 90 cm et une largeur de 68 cm. La hauteur des côtés est de 20 cm avec au-dessus un espace de 25 cm destiné à la ventilation et à faciliter l'accès.


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