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Perspectives différentes de la foresterie – un appel pour une gestion novatrice

Extrait du mémoire «Community-company partnerships and sustainable forest management: coexistence of Atikamekw and industrial ways of managing the forest», par Stephen Wyatt (Université Laval, Québec, Canada), présenté au XIIe Congrès forestier mondial.

Les partenariats entre communautés et l’industrie forestière peuvent offrir des avantages aux deux, mais les attentes et les objectifs des partenaires diffèrent souvent. Chacun peut avoir sa propre perspective et compréhension du paysage forestier, et avoir élaboré ses propres systèmes de gestion de l’utilisation des ressources forestières.

Un exemple de cela nous vient de Wemotaci, une agglomération autochtone d’environ 1 200 personnes vivant dans le Québec central, au Canada, entourée de forêts et à plus de 100 km de la ville la plus proche. Les forêts sont les terres traditionnelles des Atikamekw qui ont mené une vie semi-nomade fondée sur la chasse et le piégeage jusqu’au début du XXe siècle. Depuis les années 1700, les Atikamekw ont adapté leur mode de vie à des influences extérieures comme le commerce des fourrures, les missions, le chemin de fer, le développement hydroélectrique et l’industrie forestière. En 1986, cette population a établi une compagnie forestière pour entreprendre des travaux sous contrat pour de grandes industries forestières et, en 2000, a formé un partenariat pour la construction d’une scierie communautaire. Les activités forestières continuent d’être le moteur prédominant de l’économie régionale.

Certains termes du langage atikamekw, encore en usage à Wemotaci, révèlent la façon dont cette population voit sa vie dans la forêt. Aski est la «terre mère», y compris tous les éléments de la biosphère (vivants, inanimés et humains). La forêt ou le territoire est notcimik, qui comprend aussi tout l’écosystème forestier, mais veut dire également «l’endroit dont je proviens». Tipahiskan est un système de gestion comprenant des divisions foncières, des connaissances et des mécanismes de consultation et de contrôle. Nehirowisw dénote l’autonomie; ce terme est utilisé pour décrire soit une personne qui possède les connaissances et les compétences nécessaires pour vivre sur le notcimik,soit la capacité de la nation Atikamekw d’agir de son propre chef. Telles sont les caractéristiques de l’utilisation actuelle du territoire de cette communauté. Pour les Atikamekw la récolte de bois est une façon d’utiliser leur notcimik et d’être nehirowisiw. Toutefois, ils s’attendent à ce qu’elle soit réalisée de manière respectueuse de l’aski (tel le maintien de la diversité de l’écosystème forestier) et du tipahiskan. Les Atikamekw veulent aussi que leur rôle et leurs traditions soient reconnus dans la gestion forestière.

La perspective de l’industrie se fonde sur la gestion scientifique de la forêt, notamment pour l’approvisionnement durable en fibres ligneuses. Au Québec, la planification de la ressource est sectorielle et la planification forestière se distingue de celle de la gestion de la faune, de l’eau ou des loisirs. Les compagnies forestières de Wemotaci utilisent des techniques de pointe dans l’établissement de l’inventaire forestier, la modélisation du peuplement, la cartographie et la planification pour améliorer l’efficacité de leurs opérations d’exploitation et sylvicoles. Ils opèrent dans un milieu économique compétitif qui met l’accent sur l’optimisation de la production, tout en réduisant au minimum les coûts d’exploitation, et ils ont besoin de récolter tout le volume de bois qui leur est alloué conformément aux calculs gouvernementaux de la production durable maximale. La planification de la protection d’autres valeurs, y compris les pratiques Atikamekw, est normalement considérée comme une contrainte s’opposant à l’exploitation commerciale de la forêt.

Grâce à leurs partenariats, les Atikamekw et l’industrie forestière cherchent à trouver un terrain d’entente. Les compagnies forestières appuient leur participation à l’industrie, assurant des emplois et des avantages économiques, tout en garantissant l’accès continu au bois. De nouvelles procédures de consultation permettent l’inclusion des intérêts et du savoir traditionnel des Atikamekw dans la planification forestière, mais ne leur accorde pas un rôle dans les décisions concernant la gestion. Cette expérience montre certains des bienfaits des partenariats mais illustre aussi les différences qui caractérisent ceux instaurés entre cultures diverses. Si ces partenariats visent la foresterie durable, il sera nécessaire de concevoir des approches novatrices de la gestion qui puissent satisfaire simultanément leurs différents intérêts.


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