RÉSUMÉ INTERPRÉTATIF

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6. Questions posées par le CCFH auxquelles l'évaluation des risques a apporté des réponses ponctuelles

6.1 Introduction

La présente section répond aux trois questions posées par le CCFH en 2001 concernant les risques présentés par L. monocytogenes dans les aliments prêts à consommer.

6.2 Question 1

Estimer le risque présenté par L. monocytogenes dans les aliments lorsque le nombre d'organismes va de l'absence dans 25 grammes à 1 000 unités formant des colonies (UFC) par gramme ou millilitre, ou ne dépasse pas des concentrations spécifiées au point de consommation.

Pour répondre à la question posée par le CCFH, il est indispensable d'examiner comment le risque relatif de contracter la listériose est affecté par la concentration de L. monocytogenes présente dans une portion d'aliment au moment de la consommation. Cela passe nécessairement par l'interprétation de la relation dose-réponse pour L. monocytogenes. Toutefois, il existe plusieurs facteurs potentiellement confusionnels qui pourraient influer sur l'approche adoptée et sur la complexité de la réponse fournie. Compte tenu de la nature générale de la question posée par le CCFH et du fait qu'il s'agit de l'une des premières évaluations des risques demandées par le Comité, il a été décidé d'axer la réponse à cette question sur la communication des concepts clés d'évaluation des risques. Il y a lieu également de noter que cette question implique une série de comparaisons fondées sur les risques et qu'il n'est pas nécessaire d'entreprendre le calcul du risque absolu, tâche beaucoup plus contraignante. En conséquence, on a limité l'examen des facteurs potentiellement confusionnels et on n'a pas procédé à un examen détaillé de l'incertitude et de la variabilité. Une introduction aux problèmes liés à l'incertitude et à la variabilité associée aux modèles dose-réponse figure à la section sur la caractérisation des dangers du présent document et on trouvera des détails dans le Rapport technique (FAO/OMS, 2004). Outre qu'elles ne traitent pas explicitement de l'incertitude et de la variabilité, plusieurs hypothèses plus simples ont été formulées à l'aide des exemples utilisés pour répondre à la question du CCFH. Par exemple, pour calculer la dose ingérée, il est indispensable de connaître le poids de la portion d'aliment. Par souci de commodité, on a supposé une portion d'un poids fixe de 31,6 g pour simplifier les calculs parce que cela représente à peu près le poids d'une portion et que les niveaux de la dose ont été estimés de l'ordre de 0,5 log10 (100,5 = 3,16). Pour calculer les concentrations pour d'autres poids de portions dans les tableaux ci-après, les niveaux des doses auraient dû être divisés par le poids de la portion.

Comme on l'a vu dans la section sur la caractérisation des dangers, le modèle exponentiel a été choisi pour décrire la relation entre la dose de L. monocytogenes ingérée et la probabilité de contracter une listériose invasive. Des courbes dose-réponse ont été élaborées tant pour la population saine que pour la population sensible et comprennent toute la gamme des doses ingérées (c'est-à-dire que l'on ne se limite pas à un aliment contenant 1 000 UFC/g). Ces courbes sont basées sur la population et décrivent la relation moyenne dose-réponse. Dans le cas d'une poussée comportant une souche très virulente ou touchant une population particulièrement sensible, de nombreux cas pourraient être dus à des aliments contenant L. monocytogenes en quantité relativement faible. Aux fins de notre exemple, on a utilisé seulement la courbe dose-réponse pour la population sensible et on a supposé que tous les cas de listériose étaient limités à cette population. La courbe dose-réponse spécifique choisie était celle où la croissance de L. monocytogenes ne pouvait pas dépasser 107,5 UFC/portion. On a finalement opté pour le modèle dose-réponse le plus « prudent », c'est-à-dire celui où L. monocytogenes avait une virulence maximale. La valeur r pour cette relation était 5,85 ´ 10-12 (tableau 2).La dose ingérée est une fonction de la dose du microorganisme dans l'aliment (UFC/g) multipliée par le poids de la portion. Ainsi, l'équation pour calculer la probabilité de contracter la listériose est la suivante:

Évaluation des risques liés à Listeria monocytogenes dans les aliments prêts à consommer - 
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n est le nombre de L. monocytogenes par gramme. Sur cette base, en remplaçant différentes valeurs pour n, on a calculé les probabilités de contracter la listériose à des doses de 0,04 (1 UFC/25 g) et 1 000 UFC/g.

On a estimé l'impact global du nombre de cas de listériose en multipliant la probabilité de listériose par portion par le nombre total de portions. Pour ce calcul, on a supposé que le nombre total de portions d'aliment prêt à consommer était de 6,41 ´ 1010 portions, c'est‑à‑dire le nombre total estimé de portions par an aux États-Unis pour les vingt catégories d'aliments prêts à consommer étudiées dans le projet d'évaluation des risques de la FDA/FSIS (FDA/FSIS, 2001). On a considéré que le nombre correspondant de cas de listériose pour la population sensible était de 2130 (FDA/FSIS, 2001); ce nombre sera utilisé pour représenter l'incidence réelle de la listériose en comparant l'effet des changements sur l'incidence dans le cadre de différents scénarios théoriques.

Concernant le scénario « le plus défavorable », on a estimé le risque prévu par portion et le nombre prévu de cas de listériose par an en supposant que toutes les portions de 6,41 ´ 1010 présentaient le niveau maximal de contamination examiné (0,04, 0,1, 1, 10, 100 et 1 000 UFC/g) (tableau 4).

Une approche plus réaliste consisterait à utiliser une distribution de concentrations de L. monocytogenes dans les aliments au moment de la consommation. Pour étudier cette approche plus complexe, on a utilisé la distribution générale des concentrations de L. monocytogenes dans vingt catégories d'aliments prêts à consommer prises en compte dans l'évaluation des risques de la FDA/FSIS (FDA/FSIS, 2001) (voir tableau 5). On a ensuite utilisé cette distribution pour calculer la probabilité de listériose et le nombre prévu de cas de listériose. À chaque concentration maximale de L. monocytogenes considérée, le nombre de portions provenant de la distribution qui dépassait la valeur spécifiée a été ajouté à la concentration maximale. Par exemple, pour une limite maximale de 1 000 UFC/g, le nombre de portions était de 6,23 ´ 107 (portions prévues à l'origine de 1 000 UFC/g) + 2,94 ´ 107 (portions établies à l'origine de 10 000 UFC/g) + 1,39 ´ 107 (portions établies à l'origine à 105 UFC/g) + 3,88 ´ 106 (portions établies à l'origine à 105.5 UFC/g) + 855 ´ 106 (portions établies à l'origine à >106 UFC/g) = 1,18 ´ 108 portions. On a ensuite calculé le nombre total prévu de cas de listériose par an. Le nombre prévu de cas de listériose pour chaque concentration maximale est indiqué au tableau 6.

 Tableau 4. Probabilité de maladie par portion pour la population sensible estimée pour différentes concentrations de L. monocytogenes au moment de la consommation et nombre estimé de cas par an aux États-Unis si tous les aliments prêts à consommer étaient contaminés à cette concentration.

Concentration
(UFC/g)

Dose(1)
(UFC)

Dose Log10
(log10 UFC/portion)

Probabilité de maladie par portion

Risque relatif(2)

Nombre de cas estimés par an(3)

< 0,04

1

0

7,39 ´ 10-12

1

0,54

0,1

3

0,5

1,85 ´ 10-11

2,5

1

1

32

1,5

1,85 ´ 10-10

25

12

10

316

2,5

1,85 ´ 10-9

250

118

100

3160

3,5

1,85 ´ 10-8

2500

1185

1 000

31600

4,5

1,85 ´ 10-7

25000

11850

Notes: (1) Portion de 31,6 g. (2) En utilisant le risque présenté par une dose de 1UFC comme référence. (3) Un total supposé de 6,41 ´ 1010 portions par an.

 

 

Tableau 5. Distribution prévue des concentrations de L. monocytogenes présentes dans les aliments prêts à consommer.

Concentration de L. monocytogenes dans un aliment au moment de la consommation (CFU/g)

Nombre de portions supposées à la dose spécifiée

<0,04

6,18 ´ 1010

0,1

1,22 ´ 109

1

5,84 ´ 108

10

2,78 ´ 108

100

1,32 ´ 108

1000

6,23 ´ 107

10000

2,94 ´ 107

100000

1,39 ´ 107

316000

3,88 ´ 106

>1000000

8,55 ´ 106

Total

6,41 ´ 1010

Source: FDA/FSIS, 2001.

Tableau 6. Nombre de cas de listériose prévu par an dans la population sensible en supposant que la concentration de L. monocytogenes ne dépassait pas une valeur maximale spécifiée et que les concentrations de L. monocytogenes dans l'aliment sont distribuées comme il est indiqué au tableau 5.

Concentration (CFU/g)

Dose maximale (CFU/portion)(1)

Pourcentage cumulé des portions lorsque la concentration est maximale(2)

Nombre estimé de cas de listériose par an(3)

0,04

1

100

0,5

0,1

3

3,6

0,5

1

32

1,7

0,7

10

316

0,8

1,6

100

3160

0,4

5,7

1000

31600

0,2

25,4

Notes: (1) Portion de 31,6 g. (2) Nombre de portions dans la concentration la plus forte de L. monocytogenes supposée, divisé par 6,41 ´ 1010 fois100. (3) Concentrations de L. monocytogenes par portion utilisées pour calculer le nombre prévu de cas sur la base de la distribution globale tirée de l'évaluation des risques de la FDA/FSIS (2001) (voir tableau 5). On a supposé un total de 6,41 ´ 1010 portions par an.

Il ressort des comparaisons entre le tableau 4 et le tableau 6 qu'il y a de grandes différences entre le nombre estimé de cas pour la réponse à la question concernant le cas le plus défavorable (tableau 4) et celui estimé lorsqu'on tente d'examiner la fréquence et l'étendue de la contamination réellement observée dans les aliments prêts à consommer. Si les deux séries de prévisions peuvent être mises en question sur la base des hypothèses formulées, ces scénarios sont utiles pour décrire l'étendue du risque probable.

Ces deux scénarios (tableau 4 et tableau 6) montrent que, lorsqu'il s'agit d'un agent infectieux et que l'on a supposé un modèle sans limite fixée, alors soit la fréquence de la contamination (pourcentage des échantillons contaminés), soit l'étendue de la contamination (concentrations de L. monocytogenes dans un aliment contaminé) augmentent, de même que le risque et le nombre de cas prévu. Ainsi, si tous les aliments prêts à consommer contenaient de 1 UFC/portion à 1 000 UFC/portion (tableau 4), le risque de listériose augmenterait de 1 000 fois (si le poids des portions est fixe). Inversement, la probabilité de maladie à la suite de l'introduction dans l'alimentation de 10 000 portions contaminées par L. monocytogenes à une concentration de 1 000 UFC/g serait, en théorie, neutralisée par le retrait de l'alimentation d'une seule portion contaminée à une concentration de 107 UFC/g.

En interprétant ces résultats et en tentant de prévoir l'effet réel d'un changement dans les limites réglementaires pour L. monocytogenes dans les aliments prêts à consommer, il faut aussi tenir compte de la mesure dans laquelle ces écarts des limites fixées se produisent. L'exemple actuel est fondé sur des données fournies par les États-Unis, où la limite autorisée actuellement pour L. monocytogenes dans les aliments prêts à consommer est de 0,04 UFC/g (1 UFC/25 g), concentration qui, si elle était atteinte de façon constante, devrait résulter en moins d'un cas de listériose par an aux États-Unis. Toutefois, la limite de référence pour la population des États-Unis était de 2 130 cas (Mead et al., 1999). Tant la présente évaluation des risques que le projet d'évaluation des risques de la FDA/FSIS (2001) aux États-Unis indiquent qu'une portion d'aliment prêt à consommer contient le pathogène en nombre dépassant la limite fixée et que l'impact sur la santé publique de L. monocytogenes est, très probablement, presque exclusivement fonction des aliments qui dépassent de beaucoup la limite actuelle. Ainsi, en répondant à la question du CCFH, l'évaluation actuelle des risques indique que si la concentration de L. monocytogenes dans les aliments prêts à consommer augmente, passant de 0,04 à 1 000 UFC/g, le risque de listériose d'origine alimentaire augmente, à condition que le taux réel d'écarts au-dessus de la limite établie reste proportionnellement le même. Toutefois, on pourrait aussi se demander si la santé publique pourrait être améliorée si une limite microbiologique moins stricte pour les aliments prêts à consommer entraînait une diminution du nombre de portions qui dépassent largement la limite établie, par exemple si le changement encourageait les fabricants à vérifier systématiquement dans l'usine L. monocytogenes pour prendre des mesures correctives appropriées. Les modèles créés durant la présente évaluation des risques pourraient être utilisés pour estimer l'étendue du contrôle sur ces écarts par rapport aux limites établies; cela contribuerait à améliorer la santé publique si les limites réglementaires étaient assouplies, à condition que des données suffisantes sur le taux et l'ampleur des écarts soient disponibles pour chaque aliment prêt à consommer.

Pour examiner ce concept plus avant, on a conçu un scénario simulé simple sur la base des calculs figurant aux tableaux 5 et 6. Il examine l'impact sur la santé publique du niveau de conformité à une limite microbiologique (c'est-à-dire les taux de défectuosité). Dans ce scénario simulé, deux limites potentielles et souvent discutées, 0,04 UFC/g et 100 UFC/g, ont été examinées conjointement avec différents taux de défectuosité, c'est-à-dire le pourcentage de portions qui dépassent la limite spécifiée. Afin de simplifier le scénario simulé et de mettre l'accent sur l'impact de la conformité, on a supposé un seul niveau de contamination par L. monocytogenes, 106 UFC/g, pour toutes les portions « défectueuses ». cette hypothèse est axée sur le scénario sur le pourcentage de portions défectueuses contenant de fortes concentrations de L. monocytogenes, c'est-à-dire le groupe de portions défectueuses qui est responsable de la majorité des cas de listériose. Ainsi, si une portion d'un aliment n'était pas défectueuse, c'est-à-dire si elle était conforme, elle contiendrait L. monocytogenes à des concentrations à ou sous la limite microbiologique spécifiée sur la base de la distribution des concentrations de L. monocytogenes (tableau 5) utilisée pour calculer les valeurs de conformité de 100 pour cent décrites au tableau 6. Inversement, si une portion d'aliment était défectueuse ou non conforme, elle contiendrait L. monocytogenes à une concentration de 106 UFC/g ou, puisque le poids de la portion supposé était de 31,6 g, une dose ingérée de 3,16 ´ 108 UFC. Le nombre prévu de cas en tant que fonction du pourcentage de portions défectueuses est indiqué au tableau 7.

Comme il est indiqué au tableau 6, pour un taux de conformité de 100 pour cent, le nombre de cas prévus pour les deux limites est limité, la différence entre les deux limites étant de l'ordre de 10 fois. Comme il fallait s'y attendre, le nombre de cas prévus augmente lorsque s'accroît la fréquence des portions défectueuses. À des taux de défectuosité > 0,0001 pour cent, si celui-ci est multiplié par dix, le nombre de cas prévus augmentera d'environ 10 fois, indépendamment des limites microbiologiques (c'est-à-dire 0,04 UFC/g contre 100 UFC/g). Sur la base des conditions et hypothèses de ce scénario simulé simple, le taux de défectuosité qui a produit une valeur à peu près équivalente à la valeur de référence de 2130 cas utilisée dans le projet d'évaluation des risques de la FDA/FSIS (2001) était de 0,018 pour cent. Cela est conforme au taux de défectuosité (0,013 pour cent) à ce niveau de contamination indiqué au tableau 5 et à l'observation précédente selon laquelle la relation dose-réponse prévoit que ce groupe de portions défectueuses représentera la majorité des cas de listériose d'origine alimentaire.

 

Tableau 7. Scénario simulé hypothétique montrant l'effet du pourcentage de portions « défectueuses » sur le nombre prévu de cas de listériose d'origine alimentaire.

Pourcentage supposé de « portions défectueuses(1)

Nombre prévu de cas de listériose(2)

 

Norme initiale de 0,04 UFC/g

Norme initiale de 100 UFC/g

0

0,5

5,7

0,00001

1,7

6,9

0,0001

12,3

17,4

0,001

119

124

0,01

1185

1191

0,018

2133

2133

0,1

11837

11848

1

117300

117363

Notes: (1) Aux fins du présent scénario, on a supposé que toutes les portions défectueuses contenaient 106 UFC/g. (2) Aux fins du présent scénario, on a utilisé une valeur r de 5,85 ´ 10-12 et le poids d'une portion type de 31,6 g.

Pour examiner dans le détail la conformité, il faudrait incorporer des distributions reflétant les concentrations de L. monocytogenes observées dans divers aliments. Toutefois, un examen détaillé des taux de conformité ne rentrait pas dans le cadre de la présente évaluation. En outre, le scénario simulé hypothétique simple présenté explique clairement les concepts clés liés à la manière dont les taux de conformité peuvent influer grandement sur le risque réel associé au critère microbiologique. En fait, on pourrait avancer que le taux de conformité est un facteur de risque plus important que la valeur numérique du critère dans la fourchette que le CCFH a demandé aux évaluateurs d'examiner. Le scénario simulé démontre également qu'une limite microbiologique moins stricte pourrait apporter une amélioration dans la santé publique si le nouveau critère conduisait à de nouvelles mesures de maîtrise qui réduisent les taux de défectuosité. Par exemple, le modèle (tableau 7) prévoit que si une limite microbiologique de 0,04 UFC/g avec un taux de défectuosité de 0,018 pour cent (2 133 cas) était remplacée par une limite de 100 UFC/g et un taux de défectuosité de 0,001 pour cent (124 cas), le résultat prévu fondé sur le scénario serait une réduction approximative de 95 pour cent de la listériose d'origine alimentaire.

6.3 Question 2

Estimer le risque pour les consommateurs dans différents groupes de population sensibles

Comme il a été précisé dans la section relative à la caractérisation des dangers, la listériose frappe principalement certaines sous-populations dont les fonctions immunitaires sont compromises ou altérées (par exemple les femmes enceintes et leur foetus, les personnes âgées, les individus souffrant de maladies chroniques, les malades du SIDA, les individus prenant des médicaments immunosuppresseurs). La sensibilité varie au sein du groupe sensible pris au sens large (ainsi, le risque de listériose semble moins grave chez les femmes enceintes que chez les personnes ayant subi une transplantation). Il a été estimé que le risque de contracter la listériose peut être de 20 à 2 500 fois plus élevé dans les diverses sous‑populations (FDA/FSIS, 2001; Marchetti, 1996). Le CCFH a demandé que l'équipe d'évaluateurs des risques tente d'estimer les différences dans les relations dose-réponse pour les diverses sous‑populations ayant une sensibilité accrue. Alors que les évaluations des risques précédentes avaient considéré la sensibilité relative de toute la population comme étant à risque accru par rapport à la population générale, ces évaluations des risques n'avaient pas procédé au type de comparaisons détaillées des sous‑populations ayant une sensibilité accrue demandé par le CCFH. Ainsi, la présente évaluation des risques devait élaborer de novo un moyen de répondre à la question.

L'approche fondamentale adoptée pour élaborer les relations dose-réponse requises consistait à tirer parti des estimations épidémiologiques des taux relatifs de listériose pour différentes sous‑populations. Ces valeurs de « sensibilité relative » ont été établies en tenant compte du nombre total de cas de listériose pour une sous‑population et en le divisant par le nombre estimé de personnes dans la population totale atteintes de cette maladie. Cette valeur a ensuite été divisée par une valeur similaire pour la population générale. S'il y a une certaine incertitude associée à ces valeurs (c'est-à-dire qu'une valeur de sensibilité relative est le rapport de deux estimations des risques incertaines), elle donne une estimation utile des différences dans la sensibilité parmi les différentes sous-populations et du rôle joué par l'état immunitaire en déterminant le risque présenté par L. monocytogenes pour un individu (tableau 8).

Pour établir un rapport entre les valeurs de sensibilité relative et les relations dose‑réponse pour les différentes sous‑populations, il faut disposer d'un moyen pour convertir ces estimations de point en une courbe de dose-réponse. Les caractéristiques uniques du modèle exponentiel ont permis de le faire. Étant un modèle à paramètre unique, le modèle exponentiel permet de tracer la courbe dose-réponse complète une fois que le point de la courbe est connu. Ainsi, la valeur r pour une courbe dose-réponse exponentielle peut être estimée pour une sous- population en utilisant un coefficient de sensibilité relative et une valeur r de référence pour la population générale. En utilisant le coefficient de sensibilité relative pour des patients atteints d'un cancer, à titre d'exemple (tableau 8), l'équation pour la sensibilité relative est la suivante:

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où Pcancer et Psain dénotent la probabilité de listériose systémique pour un patient atteint d'un cancer et un adulte sain, respectivement, lorsqu'ils sont exposés à une dose N de L. monocytogenes, et où rcancer et rsain sont les valeurs r de la relation dose-réponse exponentielle pour ces sous-groupes de population.

Cette équation peut être réécrite comme suit:

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Tant que la valeur de N, le nombre de L. monocytogenes ingéré, est beaucoup plus petite que la dose maximale supposée, le rapport ci-dessus peut être utilisé pour estimer la valeur rsous-population. En utilisant l'équation ci-dessus, les valeurs r pour différentes catégories de patients ont été estimées sur la base des données épidémiologiques fournies par la France (tableau 8) et les États-Unis d'Amérique (tableau 9).

La comparaison des valeurs de sensibilité relative et des valeurs r correspondantes concorde avec l'observation physiologique d'après laquelle, lorsque le système immunitaire d'un individu est de plus en plus déprimé, le risque de listériose pour toute dose donnée augmente et cela se traduit par une augmentation correspondante de la valeur de la courbe dose-réponse. Le groupe le plus déprimé dans les données françaises (patients ayant subi une transplantation) a une valeur r à peu près 4 fois supérieure à celle de la population de référence (c'est-à-dire des individus de moins de 65 ans n'ayant pas d'autres maladies). Les valeurs de sensibilité relative pour le groupe des personnes âgées dans les tableaux 8 et 9 ont montré une grande correspondance, 7,5 et 2,6 pour les données fournies par la France et les États-Unis, respectivement. Les différences reflètent en partie la définition différente de l'âge correspondant à la catégorie des « personnes âgées » et la population de référence. La population d'âge moyen des États-Unis d'Amérique comprend les patients qui sont séparés du groupe d'âge des moins de 65 ans dans les données françaises, et les deux populations de référence ne devraient donc pas avoir les mêmes valeurs r. Néanmoins, les deux tableaux font ressortir combien l'altération du système immunitaire par les troubles et maladies spécifiques influe sur la sensibilité à la listériose.

Les valeurs r des deux poussées épidémiques donnent une indication de la validité des modèles. La valeur r pour la poussée de Los Angeles chez les femmes enceintes due à la consommation de fromage hispanique était très proche de la valeur estimée (tableau 9). La valeur r pour la poussée finlandaise causée par du beurre contaminé chez des patients en milieu hospitalier ayant subi une transplantation différait des valeurs fondées sur les patients ayant subi une transplantation de 1 000 fois (tableau 8). Cela pourrait être dû au plus petit nombre d'individus exposés, à l'état immunitaire très compromis et variable de la population, à un effet de la matrice alimentaire ou à l'entrée en jeu d'une souche particulièrement virulente de L. monocytogenes. Il est clair qu'il faudra étudier pour les poussées futures les niveaux d'exposition, l'état immunitaire des patients et les caractéristiques des souches, de sorte que les modèles de dose-réponse puissent être affinés et validés.

6.4 Question 3

Estimer le risque présenté par L. monocytogenes dans les aliments qui favorisent sa croissance et dans ceux qui ne la favorisent pas dans des conditions de stockage et pour une durée de conservation spécifiques.

La croissance de L. monocytogenes dans les aliments n'est pas le seul facteur déterminant le risque de listériose. Parmi les autres facteurs qui influent sur le risque associé à tout aliment, indépendamment du fait qu'ils favorisent ou non la croissance de L. monocytogenes, il faut citer:

Cette question permet d'envisager d'autres approches de l'évaluation simple croissance/non croissance, par exemple un examen de l'effet sur le risque pour le consommateur de la réduction de la température de stockage et de la durée de conservation d'un produit qui favorise la croissance de L. monocytogenes. L'équipe chargée de l'évaluation des risques a tenté d'examiner également ces approches tout en répondant à la question.

Tableau 8. Valeursr (modèle dose-réponse exponentiel) pour différentes populations sensibles calculées à l'aide d'informations sur la sensibilité relative fournies par la France. Les sensibilités relatives pour les différentes sous-populations sont fondées sur l'incidence des cas de listériose (poussées épidémiques et cas sporadiques) dans ces groupes en 1992.

État pathologique

Sensibilité relative

Valeur r calculée(1)

Valeur r des poussées comparable

Transplantation

2 584

1,41 ´ 10-10

Beurre finlandais 3 x 10-7

Cancer-Sang

1 364

7,37 ´ 10-11

 

SIDA

865

4,65 ´ 10-11

 

Dialyse

476

2,55 ´ 10-11

 

Cancer-Pulmonaire

229

1,23 ´ 10-11

 

Cancer-Gastrointestinal et foie

211

1,13 ´ 10-11

 

Maladie du foie autre que cancer

143

7,65 ´ 10-12

 

Cancer-Vessie et prostate

112

5,99 ´ 10-12

 

Cancer-Gynécologique

66

3,53 ´ 10-12

 

Diabète, insulino-dépendant

30

1,60 ´ 10-12

 

Diabète, non insulino-dépendant

25

1,34 ´ 10-12

 

Alcoolisme

18

9,60 ´ 10-13

 

Plus de 65 ans

7,5

4,01 ´ 10-13

 

Moins de 65 ans, pas d'autres maladies (population de référence)

1

5,34 ´ 10-14

 

Notes: (1) La valeur r supposée pour la population de référence – « Moins de 65 ans, pas d'autres maladies » – était 534 ´ 10-14, c'est-à-dire la moyenne de la valeur r calculée en supposant une concentration maximale de 8,5 log10 UFC par portion.
Source: Marchetti, 1996.

Tableau 9. Courbes dose-réponse pour différentes populations sensibles calculées à l'aide d'informations sur la sensibilité relative fournies par les États-Unis. Les sensibilités relatives pour les différentes sous‑populations sont fondées sur l'incidence des cas de listériose (poussées épidémiques et cas sporadiques) dans ces groupes.

Sous-populations

Sensibilité relative

Valeur r calculée(1)

Valeur r des poussées comparable

Périnatales

14

4,51 ´ 10-11

Fromage de Los Angeles 3 x 10-11

Personnes âgées (de plus de 60 ans)

2,6

8,39 ´ 10-12

 

Population d'âge moyen
(population de référence)

1

5,34 ´ 10-14

 

Notes: (1) La valeur r supposée pour la population de référence – « Population d'âge moyen » – était 5,34 ´ 10-14, qui est la moyenne des valeurs r calculées en supposant une concentration maximale de 8,5 log10 UFC par portion.

Source: FDA/FSIS, 2001.

Ainsi, comme il est spécifié dans la réponse à la question n° 1 (risque dans les aliments contenant < 0,4 contre 1 000 UFC/g), un aliment qui ne favorise pas la croissance de L. monocytogenes mais qui est fréquemment contaminé à des concentrations modérées pourrait poser un risque plus grand qu'un aliment rarement contaminé, ou qu'un aliment contaminé à de faibles concentrations, mais qui pourrait favoriser la croissance de L. monocytogenes. Ainsi, comme il a été noté précédemment, il est clair qu'une augmentation du nombre total de L. monocytogenes dans un aliment (par le biais soit de la croissance, soit d'une plus grande fréquence de la contamination) conduira à un risque accru pour le consommateur car, pour L. monocytogenes, le modèle dose-réponse utilisé indique que le risque pour la santé publique est proportionnel au nombre total de L. monocytogenes dans l'aliment lorsqu'il est consommé. En outre, la croissance bactérienne étant exponentielle, le risque pourrait augmenter de manière exponentielle avec la durée du stockage.

On peut répondre à cette question de trois manières différentes:

  1. un examen général de l'impact de la dose ingérée sur le risque de listériose;
  2. une comparaison des quatre aliments qui ont été choisis, en partie, pour évaluer l'effet de la croissance sur le risque;
  3. une comparaison de scénarios simulés pour les aliments évalués qui favorisent la croissance de L. monocytogenes dans le cas où ils ne la favoriseraient pas.

Chacune des approches mises en évidence est examinée ci-après.

6.4.1 Taux de croissance du pathogène dans les aliments

L. monocytogenes peut se développer dans de nombreux aliments prêts à consommer, même s'ils sont conservés dans des conditions de réfrigération appropriées. Les facteurs influant sur la croissance de L. monocytogenes dans les aliments sont examinés en détail aux Sections 3.5 et 4.4 du Rapport technique sur l'évaluation des risques présentés par L. monocytogenes (FAO/OMS, 2004). Ces facteurs comprennent la préparation du produit, la durée et la température de stockage et les interactions avec d'autres microorganismes présents dans le produit. Dans les aliments emballés sous vide, les bactéries lactiques peuvent atteindre une phase stationnaire sans détérioration du produit. Cela peut ralentir, voire empêcher, le développement consécutif de L. monocytogenes. Le tableau 10 indique des temps de formation représentatifs pour différents aliments en tant que fonction d'un type de produit et d'une température de stockage. Pour chacune des trois formations de la croissance, la population bactérienne a augmenté d'environ dix fois. Comme il a été spécifié à la question n°1 et en supposant la (les) même(s) souches, si les concentrations de L. monocytogenes ingéré augmentent de dix fois, les risques pour les humains augmentent d'autant (figure 2). Ainsi, le risque présenté par un aliment qui facilite le développement de L. monocytogenes augmente à mesure qu'augmente la durée du stockage. Néanmoins, la mesure dans laquelle le risque augmente dépend de l'ampleur de la croissance du pathogène dans l'aliment qui, à son tour, est largement fonction du taux de croissance de L. monocytogenes dans l'aliment et de la durée et des conditions de stockage.

L. monocytogenes se développerait dans des aliments à des températures de 0 °C, des activités de l'eau de 0,91-0,93 et un pH de 4,2. Des combinaisons de concentrations sous‑optimales réduisent le taux de croissance et peuvent inhiber cette dernière à des conditions moins extrêmes que n'importe lequel de ces facteurs agissant seuls. Ce principe est appliqué dans la transformation des aliments pour inhiber ou limiter le développement de bactéries dans les aliments prêts à consommer.

Tableau 10. Temps de formation représentatif (en heures) et potentiel de croissance de L. monocytogenes à différentes températures et durées de conservation à 5 °C dans divers aliments prêts à consommer.

Température (°C)

Temps de formation (en heures)

Lait

Poisson fumé à froid emballé sous vide

Viandes transformées emballées sous vide

Légumes découpés

5(1)

27,6

46,6

29,6

111

(95% intervalle de confiance)

(14-226)

(20-infini)

(14-infini)

(28-infini)

5(2)

25-30

40-49

16-48

-

10(2)

5-7

8-11

7-10

-

25(2)

0,7-1,0

1,2-1,7

1- 1,6

-

Potentiel de croissance(3)

5

~2-3

~4-5

~8-9

~0,3

Durée de conservation conseillée (en semaines)

5

1-2

4-6

6-8

1

Notes: (1) Valeurs fondées sur des données recueillies par la FDA/FSIS, 2001.
(2) Prévisions et gammes représentatives tirées de plusieurs modèles de prévision publiés élaborés pour un taux de croissance de L. monocytogenes. Aucune prévision n'a été possible pour les légumes car aucun des modèles publiés n'étaient élaboré, ou validés, pour l'utilisation avec des légumes découpés.
(3) Augmentation des logarithmes, compte non tenu des temps morts et de la suppression du développement des bactéries lactiques.

L'étendue potentielle de la croissance varie entre les différents aliments, étant dépendante du taux de croissance du pathogène dans un aliment spécifique, qui est une fonction de la composition du produit et des conditions de stockage, ainsi que de la durée de conservation du produit. Il ressort du tableau 10 que le développement de L. monocytogenes pendant la durée de conservation normale du produit pourrait être substantiel. Par exemple, les légumes frais coupés ont une durée de conservation relativement brève et ne favorisent pas le développement rapide de L. monocytogenes comme d'autres aliments, par exemple le lait ou les produits de charcuterie. Ainsi, l'on s'attendrait à ce que le développement du pathogène dans les légumes frais coupés ne soit pas aussi important que celui survenant dans d'autres aliments, entraînant un risque moindre pour des taux et des niveaux de contamination initiaux donnés.

L'exemple de l'effet de la durée et de la température de stockage sur la croissance de L. monocytogenes et le risque consécutif de listériose peut être considéré comme un « scénario le plus défavorable » du fait qu'il prend en considération uniquement l'effet de la température sur le temps de formation. Des facteurs supplémentaires qui agissent pour retarder le début du développement de L. monocytogenes (par exemple, prise en compte des temps morts) réduisent le taux de croissance (par exemple, l'emballage sous atmosphère modifiée) ou suppriment la concentration maximale atteinte par L. monocytogenes (par exemple, développement des bactéries lactiques), diminueraient l'ampleur de la croissance durant une période spécifiée de la durée de conservation d'un produit, avec une diminution correspondante du risque. Le calcul réel du risque devrait également tenir compte du fait que différentes portions seraient consommées à différents moments pendant la durée de conservation totale du produit, c'est-à-dire qu'en général, une petite fraction seulement d'un produit est consommée vers la fin de sa durée de conservation déclarée.

6.4.2 Comparaison de quatre aliments

Les quatre aliments évalués (c'est-à-dire le lait, les crèmes glacées, le poisson fumé à froid et les produits carnés fermentés) ont été choisis en partie pour comparer l'effet de diverses caractéristiques des produits sur la croissance du microorganisme. Il s'agissait notamment d'examiner particulièrement la capacité des aliments à favoriser la croissance. On a ainsi comparé le lait et les crèmes glacées parce qu'ils présentent des similitudes pour ce qui concerne la composition, le poids des portions, la fréquence de la consommation et les taux et l'étendue de la contamination initiale. Toutefois, le lait favorise le développement de L. monocytogenes tandis que les crèmes glacées ne le font pas. De la même manière, le poisson fumé à froid et les produits carnés fermentés ont des taux de contamination initiale, un poids des portions et des fréquences de consommation similaires, mais en raison de leurs compositions différentes, le premier favorise le développement de L. monocytogenes tandis que les seconds ne le font pas.

Des comparaisons des valeurs du risque prévu par million de portions (tableau 3) entre le lait et les crèmes glacées et entre le poisson fumé à froid et les produits carnés fermentés, indiquent que la capacité d'un produit à favoriser la croissance durant sa durée de conservation peut augmenter substantiellement le risque que ce produit serve à véhiculer la listériose d'origine alimentaire. Ainsi, le risque prévu par million de portions de lait était à peu près 100 fois supérieur à celui des crèmes glacées et le risque pour le poisson fumé était d'environ 10 000 fois supérieur à celui correspondant pour les produits carnés fermentés.

6.4.3 Scénarios simulés

Un des avantages d'une évaluation quantitative des risques est que les modèles mathématiques sous-jacents peuvent être modifiés pour pouvoir réaliser divers scénarios simulés afin d'évaluer l'impact probable des différentes options pour la gestion des risques. On a donc évalué un petit nombre de scénarios simulés pour le lait et les fruits de mer fumés à froid, les deux aliments pris en considération dans l'évaluation des risques qui favorisent la croissance de L. monocytogenes. Les résultats de ces analyses ont ensuite été comparés aux risques de base prévus (tableau 3) pour déterminer l'impact de l'intervention.

6.4.3.1 Lait

Durant l'évaluation initiale des risques associés au lait pasteurisé recontaminé, on a examiné le développement probable de L. monocytogenes pendant la durée de conservation du produit (voir Section 4.3 du Rapport technique (FAO/WHO, 2004)) en prenant comme exemple les caractéristiques de la consommation canadienne. Pour aider à répondre à la question n° 3 du CCFH, on a réexécuté le modèle après l'avoir modifié de façon à ce que la croissance ne soit plus prise en compte. Les résultats des deux calculs ont ensuite été comparés pour estimer l'effet du développement sur les risques (tableau 11).

Les résultats laissent à penser qu'une multiplication du risque par 1 000 environ peut être imputée au développement prévu de L. monocytogenes dans le lait pasteurisé, par l'une ou l'autre mesure du risque, c'est-à-dire le risque par 1 million de portions ou le risque pour 100 000 personnes. La mesure de l'incertitude associée à la comparaison proposée a porté à croire que le risque attribuable à la croissance du pathogène pourrait être multiplié par 100 seulement ou par plus de 10 000.

On a établi plusieurs scénarios simulés pour le lait afin d'illustrer les interactions des divers facteurs dans la détermination des risques (tableau 12). Dans un scénario, si tout le lait était consommé immédiatement après l'achat au détail, les risques par portion et les cas par population, tant dans les populations sensibles que dans les populations saines, diminueraient d'environ 1 000 fois. Par contre, si les niveaux de contamination du lait étaient réduits à 100 UFC/g à la vente au détail, mais que la croissance continuait, l'incidence de la listériose devrait diminuer d'environ deux tiers. Deux scénarios ont examiné l'impact des températures et de la durée du stockage. Lorsque la distribution des températures a été modifiée de manière à ce que la moyenne passe de 3,4 à 6,2 °C, le nombre moyen de maladies a augmenté de plus de 10 fois dans les deux populations. Lorsque la distribution des durées de conservation a été modifiée, passant d'une moyenne de 5,3 jours à 6,7 jours, le taux moyen de maladies a été multiplié respectivement par 4,5 et 1,2.

Tableau 11 Estimations de l'augmentation des risques de listériose dus à sa croissance durant le stockage du lait pasteurisé entre l'achat et la consommation.

 

Population à risque normal

Population à haut risque

Population mixte

 

Moyenne

(e.-t.)(1)

Moyenne

(e.-t.)

Moyenne

(e.-t.)

Avec croissance (modèle de référence)

      

Cas pour 100 000 habitants

1,6 ´ 10-2

(5,0 ´ 10-4)

5,2 ´ 10-1

(3,1 ´ 10-2)

9,1 ´ 10-2

(4,7 ´ 10-3)

Cas pour 1 000 000 de portions

1,0 ´ 10-3

(1,0 ´ 10-4)

2,2 ´ 10-2

(9,0 ´ 10-4)

5,0 ´ 10-3

(2,0 ´ 10-4)

Sans croissance

      

Cas pour 100 000 habitants

1,3 ´ 10-5

(6,7 ´ 10-8)

3,8 ´ 10-4

(1,6 ´ 10-6)

6,7 ´ 10-5

(2,4 ´ 10-7)

Cas pour 1 000 000 portions

5,9 ´ 10-7

(3,1 ´ 10-9)

1,7 ´ 10-5

(7,5 ´ 10-8)

3,6 ´ 10-5

(1,4 ´ 10-8)

Risque accru avec développement par rapport au risque sans développement (augmentation en nombre de fois)

Cas pour 100 000 habitants

1 231

 

1 366

 

1 358

 

Cas pour 1 000 000 portions

1 695

 

1 294

 

139

 

Clé: (1) e.-t. = Écart -type de la moyenne.

Tableau 12. Trois scénarios simulés illustrant l'impact de la contamination et du stockage sur les risques estimés de listériose pour 100 000 habitants et par million de portions pour le lait dans des conditions typiques de stockage et d'utilisation.

Aliment

Moyenne de cas estimés de listériose pour 100 000 personnes

Moyenne de cas estimés de listériose par 106 portions

Référence lait (du tableau 10)

9,1 ´ 10-2

4,6 ´ 10-3

Pas de croissance

6,7 ´ 10-5

 

Contamination réduite à 100 UFC/g

2,8 ´ 10-2

 

Température de stockage plus élevée (de 3,4 à 6,2 °C)

1,2 ´ 100

 

Durée de stockage plus longue (de 5,3 à 6,7 jours)

2,0 ´ 10-1

 

 

6.4.3.2 Poisson fumé

Les hypothèses utilisées avec le modèle du poisson fumé à froid diffèrent quelque peu de celles utilisées avec l'exemple du lait pasteurisé. Le modèle du poisson fumé à froid examine également l'effet du développement de bactéries lactiques latentes dans les produits qui, lorsqu'elles se développent en grand nombre, inhibent la croissance de L. monocytogenes (voir Section 4.5 de l'évaluation des risques présentés par L. monocytogenes Rapport technique - FAO/OMS, 2004). On ne connaît pas avec certitude l'ampleur de cette inhibition de la croissance. Dans le modèle de référence, deux hypothèses ont été testées concernant l'inhibition du taux de croissance par des bactéries lactiques. Dans le scénario simulé, l'inhibition du taux de croissance de L. monocytogenes par les bactéries lactiques a été fixée à zéro (ces bactéries sont donc sans effet). Le tableau 13 compare les estimations des risques lorsque la croissance a été modélisée pour se produire ou non, y compris l'effet des différentes hypothèses sur l'ampleur de l'inhibition du taux de croissance de L. monocytogenes due au développement des bactéries lactiques.

Tableau 13. Impact de la croissance de L. monocytogenes durant le stockage du poisson fumé à froid entre l'achat et la consommation sur le risque de listériose dans des conditions typiques de stockage et d'utilisation.

Inhibition du taux de croissance due à la formation de bactéries lactiques

Cas par 1 000 000 repas

Cas pour 100 000 personnes

Pas de croissance

Croissance modélisée

Pas de croissance

Croissance modélisée

80-100%

4,51 ´ 10-4

4,59 ´ 10-1

9,60 ´ 10-5

6,57 ´ 10-2

 

(3,09 ´ 10-5)(1)

(3,29 ´ 10-1)

(1,07 ´ 10-5)

(3,78 ´ 10-2)

Différence(2)

 

1 020-fois

 

684-fois

95%

 

3,82 ´ 10-2

 

6,48 ´ 10-3

   

(1,96 ´ 10-2)

 

(2,26 ´ 10-3)

Différence(2)

 

85-fois

 

67-fois

Note: (1) Les valeurs entre parenthèses sont des écarts-type. (2) Augmentation des risques de listériose dans le scénario avec croissance par rapport au scénario sans croissance.

Dans toutes les hypothèses concernant l'effet des bactéries lactiques sur le potentiel de croissance de L. monocytogenes,la croissance augmente dans une grande mesure le risque de listériose. En supposant que 80 à 100 pour cent de la croissance soit inhibée, la croissance sera supérieure à celle de l'hypothèse d'une inhibition de 95 pour cent, cela étant attribuable à une croissance plus rapide après que les bactéries lactiques aient atteint leur développement maximal dans la population. Le risque par portion et par cas pour 100 000 personnes a augmenté de 700 à 1 000 fois dans la première hypothèse (suppression du taux de croissance de 100 pour cent) et de 67 à 85 fois dans la dernière hypothèse (95 pour cent) à partir des scénarios « pas de croissance de L. monocytogenes » au scénario de référence (croissance).

Pour le modèle du poisson fumé à froid, on a supposé que 15 à 20 pour cent de la population appartenait à la catégorie « à haut risque », mais on n'a pas estimé explicitement les cas attribuables aux catégories « normal » et à « haut risque ». Plutôt, comme dans l'exemple précédent, le nombre de cas prévus est une moyenne pondérée des populations normales et à haut risque. On sait que la population à sensibilité accrue représente 80 à 98 pour cent de tous les cas de listériose enregistrés. Ainsi, dans cet exemple, il n'a pas été tenté de différencier la consommation entre ces deux classes sensibles, contrairement à ce qui a été fait dans l'évaluation entreprise pour le lait. Ces différences n'influent pas sur l'interprétation des résultats pour un aliment, mais il faudra être prudent en comparant l'impact de l'augmentation du risque entre les aliments. Toutefois, les différences dans la modélisation sont relativement peu importantes et l'augmentation du risque prévu due à la croissance dans les deux exemples est dans l'ensemble comparable. Pour ce qui est du lait pasteurisé (tableau 12), la modélisation laisse à penser également qu'en raison de la croissance de L. monocytogenes durant la durée de conservation normale du produit, le risque est multiplié par 100 et 1 000 à peu près, comme le risque prévu pour le poisson fumé à froid à cause de la croissance de L. monocytogenes durant le stockage.

Un autre scénario simulé a été élaboré pour estimer l'effet sur le risque de réduire la durée de conservation du poisson fumé de 50 pour cent. Cela a été testé en remplaçant la répartition originale de la durée de conservation de 1-28 jours, par une valeur plus probable de 14 jours, par une répartition de la durée de conservation de 1-14 jours, par une valeur plus probable de 7 jours. Ce changement a abouti à une réduction de 80 pour cent de l'augmentation prévue du risque attribuable à la croissance de l'organisme. Le fait que le changement n'a pas été plus grand est probablement attribuable à l'effet des bactéries lactiques, qui est modélisé de manière à ce que la croissance de L. monocytogenes commence à être inhibée après 3 semaines environ de stockage à 5 °C.

6.4.4 Résumé

Trois approches différentes ont été adoptées pour démontrer l'effet de la croissance de L. monocytogenes sur le risque de listériose associé aux aliments prêts à consommer. Il ressort que le potentiel de développement influe fortement sur le risque, bien que l'ampleur de cette augmentation soit fonction des caractéristiques de l'aliment, des conditions et de la durée du stockage en réfrigérateur. Néanmoins, en utilisant les exemples fournis par l'évaluation des risques, la capacité de ces aliments prêts à consommer de favoriser la croissance de L. monocytogenes semble augmenter le risque de listériose par portion de 100 à 1 000 fois par rapport à ce qu'aurait été le risque si les aliments ne favorisaient pas le développement de l'organisme. S'il est impossible de présenter une seule valeur pour le risque accru pour tous les aliments prêts à consommer, ceux-ci ayant des propriétés différentes, la fourchette des valeurs nous éclaire sur l'ampleur de l'augmentation du risque qui peut être associée à la capacité d'un aliment de favoriser la croissance de L. monocytogenes.


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