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4 Communautés, politiques et cadre légal. Le processus de la SADC pour l’exploitation durable des ressources génétiques des animaux d’élevage - Annette VON LOSSAU (Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit GTZ, GmbH)


I. SYNTHESE

Depuis 1999, la GTZ pilote un projet sectoriel intitulé «Gestion de l’agro-biodiversité dans les zones rurales» pour le compte du Ministère Fédéral de la Coopération Economique et du Développement (BMZ). L’objectif de ce projet est d’élaborer et de diffuser des concepts et des stratégies en vue d’une utilisation durable de l’agro-biodiversité. Dans le cadre de ce projet, un grand nombre d’activités ont été concentrées sur la Communauté pour le Développement de l’Afrique Australe (SADC), le but étant d’apporter une contribution significative à la gestion durable des ressources zoo-génétiques[10] dans une région pilote en matière de coopération avec différents partenaires internationaux, notamment la FAO, le PNUD, le CTA et la SADC. Dans la suite de l’exposé, nous expliquerons dans quel contexte se situe ce processus, quels objectifs ont été atteints jusqu’ici et quelles sont les perspectives actuelles. Cet exposé fera ressortir les points saillants de manière à préparer l’application d’une démarche analogue en Afrique de l’Ouest.

II. LE ROLE DES RESSOURCES ZOOGENETIQUES DANS LA REGION DE LA SADC

La lutte contre la pauvreté et la gestion durable des ressources naturelles occupent une place importante dans la politique de la région de la SADC. Tout particulièrement l’élevage et la gestion des ressources zoogénétiques revêtent une importance essentielle pour la population de cette région, tant au niveau de l’économie nationale qu’au niveau des exploitations. C’est la raison pour laquelle le projet sectoriel suprarégional du BMZ/GTZ «Gestion de l’agro-biodiversité dans les zones rurales» a concentré ses travaux sur la région de la SADC, choisie comme région pilote. Il a coopéré pour cela avec différents projets bilatéraux de la coopération allemande au développement opérant dans le domaine du développement rural.

Lors du lancement des activités du projet sectoriel, plusieurs acteurs œuvraient déjà à la conservation de l’agro-biodiversité dans la région, notamment la FAO, qui, de 1997 à 2003, a soutenu un projet suprarégional de gestion des ressources zoogénétiques conjointement avec le PNUD. Une coopération très active avec ces partenaires s’est mise en place à partir de l’an 2000, afin d’apporter ensemble une contribution substantielle à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté en développant la gestion durable des ressources zoogénétiques. Les principales questions qui se posaient au début des activités de la GTZ dans la région étaient les suivantes:

Quel est le rôle joué par les communautés rurales dans la gestion durable des ressources zoogénétiques?

Quels mécanismes d’incitation existent aux différents niveaux (micro-, méso- et macro-niveau) et sont nécessaires pour promouvoir la gestion durable des ressources zoogénétiques?

Quelles sont les conditions politiques et juridiques d’ensemble qui doivent être réunies pour une gestion durable?

III. POTENTIEL DES RESSOURCES ZOOGENETIQUES POUR LA REGION

Les petits exploitants prédominent dans la région de la SADC, puisqu’ils représentent plus de 75 % de l’ensemble des éleveurs. Les ressources zoogénétiques traditionnelles demeurent très importantes pour eux car, aujourd’hui encore, elles forment l’essentiel des races d’élevage. Particulièrement dans des conditions climatiques extrêmes, mais aussi dans des conditions de milieu caractérisées par un faible niveau d’intrants, ces races indigènes possèdent des qualités remarquables par rapport aux races exotiques: fertilité et taux de survie élevés, résistance aux maladies, tolérance à la chaleur et à la traction, ainsi que capacité performante de production pour un faible niveau d’intrants.

La chèvre Boer, originaire d’Afrique du Sud, fournit une bonne illustration de l’importance et du potentiel des ressources zoogénétiques. Elle est considérée comme la meilleure race caprine à viande dans le monde. Depuis les années 1990, la chèvre Boer est exportée par l’Afrique du Sud et des sociétés d’élevage des chèvres Boer se sont constituées, spécialement en Australie et aux États-Unis.

Un autre exemple est celui de la race bovine Tuli du Zimbabwe, réputée pour l’excellente qualité de sa viande (meilleure que l’Angus). Les autres qualités remarquables de ce bovin sont la maturité précoce, la grande fertilité et la facilité de conduite de l’élevage. En 1989 ont eu lieu les premières exportations d’embryons vers l’Australie à des fins de recherche. Quatre ans plus tard, les ventes de semence et d’embryons dépassaient les attentes grâce à une forte demande américaine. Ces deux exemples mettent en évidence le potentiel des races animales indigènes pour la région.

IV. ACTIVITES MENEES A CE JOUR DANS LA REGION

Comme mentionné plus haut, un projet suprarégional a été réalisé de 1997 à 2003 avec le soutien de la FAO et du PNUD pour encourager la gestion durable des ressources zoogénétiques dans la région de la SADC. Ce projet entendait:

coordonner les différentes activités,

établir un réseau sous-régional,

appuyer des activités en faveur de l’utilisation durable des ressources génétiques des animaux d’élevage (RGAE) (bases de données et formations),

élaborer des politiques et des plans nationaux spécifiques.

Quatre ans après son lancement, ce projet suprarégional avait à son actif les acquis suivants:

prise de conscience de la valeur des RGAE indigènes dans la région (études sur les races),

engagement de différents pays en faveur des RGAE indigènes,

développement des ressources humaines,

estimation du cheptel et dénombrement des races existantes.

V. ATELIERS SUR DES THEMES CLES DE LA PROMOTION DES RGAE

En l’espace de trois ans, la GTZ a organisé quatre ateliers dans la région de la SADC conjointement avec la SADC, la FAO et le CTA pour promouvoir la gestion durable des RGAE. Seuls les principaux résultats et recommandations de ces ateliers sont résumés dans ce qui suit. Ils concernent 3 grands domaines:

cadre politique (1)
valorisation économique (2)

renforcement des moyens d’action («empowerment») des communautés locales (3)

En ce qui concerne le point (1) (cadre politique), les recommandations suivantes ont été formulées:

(i) A l’adresse de la SADC et de l’Union africaine (UA):

«L’Afrique doit parler d’une seule voix». En particulier dans les négociations internationales, par ex. lors des conférences des parties (COP) de la Convention sur la Diversité Biologique, lors des réunions des Commissions des Ressources Génétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture (CRGAA) et au sein des Groupes de Travail Techniques Intergouvernementaux (GTIG), les états africains devraient concerter leur action.

La région de la SADC doit travailler à la mise au point d’un traité international sur les RGAE. L’élaboration du Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture (TIRPAA) fut considérée comme une étape cruciale de la promotion d’une utilisation durable des ressources phytogénétiques. Un outil analogue, qui devrait naturellement être adapté aux spécificités des RGAE, pourrait jouer un rôle similaire; il rehausserait certainement l’importance des ressources zoogénétiques et renforcerait les droits des éleveurs.

Des «droits des éleveurs» doivent être instaurés. Les éleveurs ont très largement contribué à créer et développer les ressources zoogénétiques. Leur reconnaissance internationale par l’instauration de «droits des éleveurs» faisant le pendant aux «droits des agriculteurs» est considérée comme une incitation et une condition essentielles pour la conservation des ressources zoogénétiques.

(ii) A l’adresse de la FAO, investie d’un mandat dans le domaine de la gestion durable des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture:

Attirer l’attention de la FAO sur l’importance de la gestion commune des ressources zoogénétiques (GCRZ). L’importance de la GCRZ pour sauvegarder les RGAE devrait être reconnue dans le cadre des négociations internationales portant sur la conservation des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture.

En ce qui concerne le point (2) (valorisation économique), les éléments retenus et les recommandations formulées sont les suivants:

La contribution fournie aux économies nationales par les ressources génétiques des animaux domestiques est sous-estimée.

Développement des marchés pour les RGAE: Il faudrait conduire des études de marché et développer ces marchés pour les races indigènes et leurs produits.

Paiements compensatoires: prévoir des paiements directs destinés au maintien des races locales ainsi que des gratifications récompensant le maintien de la diversité.

Incitations économiques indirectes: garantir l’accès à des crédits destinés au maintien des races locales.

Les recommandations exprimées au sujet du point (3) (renforcement des moyens d’action des communautés locales) s’énoncent ainsi:

Soutien aux communautés locales: Si les communautés sont encouragées et disposent d’outils adéquats pour la gestion des RGAE, elles pourront s’organiser et mettre en œuvre des actions de conservation appropriées. Il convient en effet de renforcer le rôle des communautés traditionnelles dans la conservation et la gestion des ressources génétiques animales.

Mise en œuvre d’instruments et d’approches participatifs: Promouvoir une gestion participative des ressources zoogénétiques fondée sur les connaissances et les ressources locales. Des approches participatives doivent être adoptées pour la conservation in situ.

Reconnaissance du savoir traditionnel: Intégrer la dimension du savoir local dans les systèmes d’éducation ainsi que dans la base de données DAD-IS de la FAO.

VI. PROCHAINES ETAPES

En 2004 doivent se dérouler diverses manifestations internationales au cours desquelles la gestion des ressources zoogénétiques sera abordée:

Février 2004: VIIème session de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB),

Avril 2004: Groupe de travail technique intergouvernemental sur les ressources zoogénétiques à la FAO,

Novembre 2004: Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture (CRGAA) de la FAO.

Les résultats du processus de concertation qui a eu lieu dans la région de la SADC viendront alimenter ces forums. L’échange et la concertation entre les acteurs concernés de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique australe pourront contribuer largement à la gestion durable de l’agro-biodiversité en Afrique de l’Ouest.

VII. BIBLIOGRAPHIE

Köhler-Rollefson, I. 2000. Management of Animal Genetic Diversity at Community Level, p. 28

SPGRC/IDRC/HIVOS/IPGRI/Sida/CTA/GTZ International Workshop “Incentive Measures for Sustainable Use and Conversation of Agrobiodiversity, Zambia, September 2001”

FAO/UNDP/SACCAR/SADC/GTZ International Workshop “Community-based Management of Animal Genetic Resources, Swaziland, May 2001”

FAO/UNDP/CTA/SADC/GTZ International Workshop “Legal and Regulatory Framework for Farm Animal Genetic Resources - Generating Benefits through Sustainable Use and conservation of FanGR in the SADC region, Mosambique, May 2003”

Homepage: http://www.gtz.de/agrobiodiv; [email protected]


[10] Ressources zoogénétiques = ressources génétiques des animaux d’élevage (RGAE)

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