Page précédente Table des matières Page suivante


5 Mise en œuvre des principes des conventions environnementales - expérience de la Mauritanie - Hervé GOGO, Oumar FALL, Florent Dirk THIES, Brahim SALL


I. INTRODUCTION

La République Islamique de Mauritanie a ratifié la Convention de Lutte Contre la Désertification (CCD) et la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) mais aussi d’autres conventions environnementales non moins importantes. En phase de mise en œuvre, ces conventions constituent actuellement l’ossature de la politique Mauritanienne en matière de gestion des ressources naturelles et de protection de l’environnement en vue d’un développement économique durable.

Ces conventions environnementales ont un objectif similaire puisque dans les zones arides et semi-arides, par exemple, la diversité biologique est directement liée à la désertification, tandis que la lutte contre la désertification invite à une utilisation durable des ressources naturelles.

Leur mise en oeuvre est d’autant plus importante que les ressources naturelles constituent dans leur diversité la toile de fond de l’économie du pays et que les bénéfices attendus de cette mise en oeuvre s’adressent aux domaines politique et juridique comme au domaine socioéconomique et à la Stratégie de Lutte Contre la Pauvreté.

Certains principes et/ou orientations énoncés dans les conventions environnementales méritent une attention particulière car ils véhiculent des énoncés révélateurs et moteurs pour amorcer le changement au niveau des conditions cadres et cela à différents niveaux:

Les politiques et stratégies dans le domaine de la gestion des ressources naturelles et de l’environnement

Le cadre législatif et réglementaire de l’environnement;

Le cadre institutionnel (structures en charge de l’environnement)

Au niveau des conditions cadres visées par les conventions, certains principes comme la décentralisation de la gestion des ressources naturelles, la subsidiarité et la participation des populations, préconisés par la CCD et par certaines autres conventions environnementales, renforcent, en effet, l’option fondamentale de la Mauritanie pour la démocratie, la bonne gouvernance et une meilleure préservation de la gestion des ressources naturelles.

Le travail qui suit tente de faire le point sur les différents principes et/ou orientations qui sont contenus au niveau de ces conventions environnementales et qui peuvent être intégrer dans le cadre de leur mise en œuvre aux différents niveaux cités plus haut (politique/stratégies, législatif/réglementaire et institutionnel)

II. CONVENTIONS ENVIRONNEMENTALES INTERNATIONALES: CONDITIONS CADRES

1 L’esprit des conventions environnementales

Les législations internationales et nationales relatives à l’environnement sont interdépendantes. Les conventions environnementales internationales (le droit international de l’environnement) ont des implications sur les priorités, les buts et les stratégies des législations nationales. C’est pourquoi l’esprit des conventions issues du droit international de l’environnement porte avant tout sur la nécessité de projeter leur application dans le droit national. Ce qui signifie en d’autres termes que la convention - cadre est instituée à l’amont d’une activité institutionnelle ultérieure dynamique qui doit se traduire par:

des accords ou protocoles de mise en œuvre lorsqu’il s’agit d’un sujet à caractère transfrontalier,

une adaptation ou adoption de mesures législatives, réglementaires et administratives de mise en œuvre, à caractère endogène.

L’esprit des conventions internationales de l’environnement n’est donc pas de décider d’une série de règles réglementant les comportements d’institutions imaginaires au sujet d’un thème donné ou encore pour le simple besoin de les créer; mais bien au profit et dans l’intérêt des Etats qui les ont librement négociées et qui ont volontairement accepté de les appliquer. Application dont l’articulation est définie à travers les instruments et activités opérationnelles développés ci-dessous auxquels la Mauritanie a souscrit en ratifiant ou adhérant à ces instruments juridiques internationaux contraignants.

2 Esprit des conventions et conditions cadres

2.1 Aspects opérationnels

La convention environnementale, lorsqu’elle est initiée au niveau international, prévoit pour sa mise en œuvre:

i. d’être traduite par des politiques, des stratégies et des plans ou programmes d’actions,

ii. d’impliquer des adaptations et adoptions de mesures législatives, réglementaires et administratives par les institutions,

iii. de sous-tendre l’adaptation et la redynamisation des institutions en charge de l’environnement tout en promouvant les activités d’éducation et de transfert de savoir-faire technologique, ainsi que les principes de coopération, de partenariat et de participation en ce qui concerne l’implication de tous les acteurs et utilisateurs concernés pour ne citer que ces principes.

a) Stratégies et plans d’action

Dans l’ensemble, les conventions visées sous-tendent explicitement l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique, d’une stratégie et d’un plan d’action. En rapport avec le thème auquel elle est consacrée, la convention établit une politique ou des règles environnementales qui apportent des solutions à la problématique posée. Celles-ci au risque de s’opposer aux usages en vigueur ou de rentrer en contradiction avec d’autres lois préexistantes, ce qui peut provoquer des rejets par les récipiendaires, doivent faire l’objet d’un travail d’adaptation et de mise en harmonie. L’élaboration de ces stratégies et plans d’action demande aux Parties de respecter scrupuleusement les principes contenus dans les conventions que la Mauritanie a ratifié ou auxquelles elle a adhéré.

b) Lois et règlements

Les lois et règlements préexistants du pays nécessitent en certains endroits, et ce pour plusieurs raisons, des adaptations au contexte des nouvelles conventions ratifiées. Et lorsque ces lois et règlements n’existent pas, ils sont à initier pour rendre compréhensible au public mauritanien le sens et la portée des nouvelles conventions aux dimensions et langages plus complexes et plus universels; l’acte de ratification ou d’adhésion à la convention n’a de signification effective pour le public qu’à travers l’application des mesures législatives, réglementaires et administratives d’accompagnement qui sont supposées en matérialiser l’applicabilité.

c) Le cadre institutionnel et les institutions environnementales

Qu’il s’agisse des organes de la Convention chargés du suivi de l’application des dispositions du texte de convention initiée (Conférences des Parties, Secrétariat de la Convention, Organe de suivi et de mise en œuvre, Organe de Négociations, Comité Scientifique et Technique, etc), ou de l’administration du pays responsable de sa mise en œuvre à travers l’adaptation des textes nationaux ou enfin des partenaires de coopération volontaire pour apporter la facilitation et l’appui nécessaires au processus, plusieurs institutions sont naturellement mises en association pour l’aboutissement des résultats attendus et explicitement indiqués. Mais le pôle le plus important ici est l’adaptation du cadre institutionnel actuel afin qu’il puisse répondre réellement aux attentes relatives à l’application des conventions environnementales.

III. LES PRINCIPES

1. Démocratie participative

On distingue, entre autres principes, le principe de subsidiarité, le principe de la décentralisation, le principe de la sensibilisation et de l’éducation du public et le principe du genre. A ces derniers, on peut ajouter le principe de cogestion public - privé.

a) Participation

Chaque fois que le public à la base est visé par une convention, la participation revient au premier plan. Ceci suit la logique selon laquelle une mise en œuvre effective d’une convention passe, pour être durable, par l’adhésion et la participation des intervenants. Cette participation peut prendre plusieurs formes mais doit traduire une volonté active des populations à s’intégrer au processus et à se l’approprier à terme.

Ce principe a été largement couvert par la Convention Internationale de Lutte Contre la Désertification. En effet, les dispositions de cette convention intègrent ce principe au niveau de l’élaboration des politiques et programmes et du développement du cadre juridique visant la lutte contre la désertification/gestion des ressources naturelles mais aussi au niveau des mécanismes de financements pour de telles activités. Cette convention va même plus loin en demandant aussi la participation des populations locales pour la mise en œuvre des politiques et programmes et même pour l’application des textes en matière de GRN.

L’élaboration récente du Plan d’Action National (PAN) a tenté de suivre cette approche de participation des populations. En effet, celui-ci a été élaboré suivant une approche qui intègre les populations locales et même tous les acteurs qui l’ont finalement formellement adoptés lors d’un forum national tenu en juillet 2002 à Nouakchott. L’approche adoptée devrait être pratiquement la même pour les mécanismes de financement des projets et programmes issus d’un tel processus participatif et itératif. Le goulot d’étranglement se trouve être les structures à même de relever le défi pour prendre le témoin en vue de réitérer le processus si nécessaire (processus participatif) et de mettre en œuvre le PAN compte tenu des préoccupations de tous les acteurs impliqués (société civile, administration, privé et partenaires de coopération).

Au niveau juridique, l’approche suivie pour le code pastoral a été participative telle que voulue par les dispositions de la CCD. Cette même approche devrait prévaloir pour son application au niveau local et national.

b) Décentralisation

En son principe 5a, la déclaration de principes, non contraignante sur le plan juridique mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts, symbolise au mieux une telle approche de la décentralisation, en ces termes: «Les politiques forestières nationales devraient reconnaître et protéger comme il convient l’identité, la culture et les droits des populations autochtones, leurs collectivités et les autres collectivités, et les habitants des forêts. Des conditions appropriées doivent être faites à ces groupes pour leur permettre d’être économiquement intéressés à l’exploitation des forêts, de mener des activités rentables, de réaliser et conserver leur identité culturelle et leur organisation sociale propres et de jouir de moyens d’existence et d’un niveau de vie adéquats, notamment grâce à des régimes fonciers incitant à une gestion écologiquement viable des forêts».

En pratique, la décentralisation vise les services de l’Etat qui sont en charge de la gestion de l’environnement et du développement durable mais aussi les autres services parapublics qui peuvent être impliqués directement ou indirectement dans ces aspects. Ce qui est visé ici c’est la proximité par rapport au service rendu à la gestion de l’environnement mais aussi à la rupture par rapport à une approche centralisée qui ne colle pas à la réalité et qui occulte bien souvent les données pratiques du terrain. Il est clair que la mise en œuvre d’un tel principe vise certes plus la bonne gouvernance et la responsabilisation des communautés de base (communes, municipalités, etc.) mais aussi les services de l’administration publique.

L’élaboration des politiques nationales et de GRN devrait considérer les communes comme un jalon incontournable des institutions. Pourquoi d’ailleurs ne pas avoir la commune comme unité de planification?

En principe, la loi sur la décentralisation couvre bien cet aspect mais bien des réaménagements restent à faire surtout par rapport aux attributions des communes et à leurs prérogatives relatives à la gestion des ressources naturelles et de l’environnement notamment pour ce qui concerne les aspects de foncier. Ces prérogatives devraient, conformément à l’esprit des conventions et des innovations dans le domaine permettre une responsabilisation plus poussée dans le domaine de la GRN. Les institutions de l’Etat n’ont pas souvent suivi cet esprit quoique bien apparent au niveau de la loi sur la décentralisation.

c) Subsidiarité

Dans un contexte de protection de l’environnement, le principe de subsidiarité veut que l’Administration n’intervienne que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière satisfaisante par les populations locales, c’est-à-dire les populations concernées par l’espace environnemental visé. La consécration du principe de subsidiarité découle implicitement des dispositions du Principe 10 de la Déclaration de Rio sur l’Environnement et le Développement, du 13 juin 1992, qui énonce qu’au niveau national, chaque individu doit avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision.

La CCD fait également référence au principe de subsidiarité, notamment en exigeant de chaque Etat partie - ce qui est le cas de la Mauritanie - de s’assurer que les décisions concernant la conception et l’exécution des programmes de lutte contre la désertification et/ ou d’atténuation des effets de la sécheresse soient prises avec la participation des populations locales, et qu’un environnement porteur soit créé aux échelons supérieurs pour faciliter l’action nationale et locale. Et c’est encore au nom de cette même subsidiarité que ladite convention exhorte les Etats parties à instituer, dans un esprit de partenariat, une coopération entre les pouvoirs publics à tous les niveaux et les collectivités exploitant les terres pour faire mieux comprendre, dans les zones touchées, la nature et la valeur de la terre et des rares ressources en eau, et pour promouvoir une utilisation durable de ces ressources.

2. Information - éducation - communication (IEC)

Etant donné que le domaine de l’environnement est relativement nouveau dans le contexte du droit international, les conventions, en général, prévoient des activités d’éducation et de sensibilisation autour des thèmes couverts pour renforcer leur compréhension par les destinataires. Beaucoup de concepts environnementaux sont relativement inconnus du grand public et ont été jusqu’à une date encore récente le domaine réservé des seuls spécialistes et professionnels de l’environnement. Pour qu’un Etat Partie puisse mettre en œuvre les dispositions d’une convention, il faudrait bien que les concepts et principes qu’elle énonce soient compris par les principaux usagers. C’est ce qui explique la présence de mécanismes et activités habilitantes dans certaines conventions destinés à faciliter l’éducation et la sensibilisation environnementales.

La préparation du PANE comme pour le PAN devrait prévoir une bonne composante IEC. En effet, le processus de préparation de ce cadre stratégique devrait être participatif. Pour cela une IEC est nécessaire, compte tenu de la complexité des problèmes de l’environnement et de l’implication de plus en plus d’acteurs dans les processus de consultation. La loi cadre sur l’environnement prévoit, dans certaines dispositions, des aspects relatifs à l’IEC, surtout en ce qui concerne les évaluations et études d’impact sur l’environnement. Le code pastoral en fait de même pour ce qui est de la prise en compte des utilisateurs comme partenaires à part entière. Une meilleure approche devrait être considérée pour le code des forêts et chasse. La toute récente approche adoptée pour faire connaître le code pastoral devrait être étendue pour la loi cadre sur l’environnement mais aussi pour les autres textes relatifs à l’environnement.

L’institutionnalisation d’une semaine nationale ou d’une campagne de l’arbre ainsi que d’une campagne de nettoyage des villes serait d’un impact certain. Dans ce cadre, des textes juridiques appropriés devraient être établis pour cette institutionnalisation de l’IEC au niveau des activités entreprises par l’administration dans le domaine de la gestion de l’environnement.

a) Sensibilisation, éducation et information du public

Il s’agit ici de l’obligation qui incombe à l’Etat mauritanien d’éduquer et de sensibiliser le public à l’urgence et à la nécessité de protection de l’environnement. La mise en oeuvre d’une telle obligation passe donc nécessairement par la promotion par les médias et par la prise en compte de la question environnementale dans les programmes d’enseignement et d’éducation; c’est à dire toute l’importance de l’information des citoyens, qu’il s’agisse du droit reconnu à chaque individu d’avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent leurs autorités publiques, ou de l’obligation pour l’Etat mauritanien de mettre ces informations à la disposition des citoyens; car l’on ne peut participer pleinement et valablement que si l’on est bien informé. C’est dans ce sens que la Déclaration de Stockholm des Nations Unies sur l’environnement, du 16 juin 1972, proclame, en son principe 19, qu’il est essentiel de dispenser un enseignement sur les questions d’environnement aux jeunes générations aussi bien qu’aux adultes, en tenant dûment compte des moins favorisés, afin de développer les bases nécessaires pour éclairer l’opinion publique et donner aux individus, aux entreprises et aux collectivités le sens de leurs responsabilités en ce qui concerne la protection et l’amélioration de l’environnement dans toute sa dimension humaine. Il est essentiel aussi que les moyens d’information de masse évitent de contribuer à la dégradation de l’environnement et, qu’au contraire, ils diffusent des informations de caractère éducatif sur la nécessité de protéger et d’améliorer l’environnement afin de permettre à l’homme de se développer à tous les égards.

Pour atteindre cet objectif d’éducation et de sensibilisation du public, il importe par ailleurs d’impliquer, pour plus de flexibilité et de souplesse dans la transmission de l’information, d’autres acteurs particulièrement intéressés à la protection de l’environnement que sont les organisations non gouvernementales et autres associations de défense de l’environnement. La participation des acteurs précités à l’élaboration, à la planification, à la programmation et à la mise en œuvre des politiques de l’environnement n’est pas seulement l’affirmation d’une approche participative mais également un gage d’efficacité des campagnes d’éducation et de sensibilisation du public.

b) Approche genre (reconnaissance du rôle de la femme)/ équité

L’objectif ici est de reconnaître à la femme un rôle primordial, au même titre que l’homme, dans la politique de protection de l’environnement. Cette approche est judicieusement recommandée par le Principe 10 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement du 13 juin 1992 qui part de l’idée que la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. A partir de ce constat, ladite Déclaration revient, en son Principe 20, sur le rôle vital des femmes dans la gestion de l’environnement et du développement, en insistant sur le fait que leur pleine participation est essentielle à la réalisation du développement durable. De son côté, le préambule de la convention sur la diversité biologique met également l’accent sur le rôle capital que jouent les femmes dans la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique. En conséquence, ladite convention affirme la nécessité d’assurer la pleine participation des femmes aux décisions politiques concernant la conservation de la diversité biologique et à leur application et cela à tous les niveaux.

Au regard de ce qui précède, l’approche du genre vise à la reconnaissance du rôle de la femme dans la protection de l’environnement et au-delà au respect d’une équité dans le partage des rôles entre femmes et hommes dans toute politique relative à la sauvegarde de l’environnement. Au demeurant, c’est dans cette logique que s’inscrit la CCD qui, s’appuyant sur le rôle important que jouent les femmes dans les régions touchées par la désertification et/ ou la sécheresse, en particulier dans les zones rurales des pays en développement, souligne l’importance d’une pleine participation, autant des hommes que des femmes à tous les niveaux, aux programmes de lutte contre la désertification et d’atténuation des effets de la sécheresse.

3. Accords de partenariat

a) Coopération

La coopération internationale pour la sauvegarde et la préservation de l’environnement est une nécessité, imposée par la globalité de l’écosystème et progressivement érigée en une obligation juridique de nature très générale, qui se décompose petit à petit en une série d’obligations spécifiques, méticuleusement décrites par certains traités.

Le principe 7 de Rio, sous sa forme générale, exprime le fait que «Les Etats doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l’intégrité de l’écosystème terrestre».

Le principe de coopération revêt en outre une importance toute particulière lorsqu’un dommage apparaît imminent ou s’est produit et lorsqu’il s’agit d’en limiter les effets. Des instruments conventionnels de plus en plus nombreux et précis permettent sa mise en œuvre dans des domaines variés mais tout particulièrement en matière de protection de l’environnement marin (voir, par exemple, la Convention de Londres de 1990 sur la lutte et la coopération en matière de pollution par les hydrocarbures). A cet égard, l’obligation de coopérer se traduit, pour l’Etat à l’origine de la pollution, par un devoir de notification de la survenance du dommage (qu’il peut imposer à l’opérateur s’il ne mène pas lui-même l’activité - cf. l’article 4 de la Convention de Londres précitée). Il reste qu’en l’absence d’un traité imposant aux Parties des obligations spécifiques, il s’agit là probablement davantage de directives générales que d’obligations de comportement juridiquement sanctionnables.

En outre, au niveau national, la confection d’une politique/ stratégie et des programmes qui la sous-tendent, nécessitent une coopération très souvent multisectorielle afin de s’assurer de l’intégration de toutes les préoccupations. L’objectif est de permettre des engagements au moment de leur élaboration. Cela a prévalu pour ce qui est du PAN. La CCD insiste sur cet aspect, compte tenu de la stratégie à développer en ce qui concerne la mobilisation des ressources.

Les institutions à développer pour supporter la mise en œuvre des conventions devraient aussi faire l’objet de coopération entre les différents acteurs (société civile, population, administration et privé). L’exemple du Fonds National pour l’Environnement ou de tout autre mécanisme de financement des actions de lutte contre la désertification de l’environnement est l’un des plus percutants. En effet, il s’agit d’une structure à régime et statut convenus d’un commun accord dans un cadre partenarial qui permet d’attirer la confiance des bailleurs de fonds et de gérer les ressources financières dans une transparence relative.

La coopération (bilatérale ou multilatérale) dans le domaine novateur de la biotechnologie et biosécurité et bien d’autres domaines de l’environnement est une nécessité surtout avec les institutions du Nord et du Sud ayant dans le domaine des capacités avérées et cela aussi bien dans le domaine du développement de la juridiction que dans le domaine de sa mise en œuvre.

b) Partenariat/solidarité

La gestion de l’environnement requiert en général un partenariat et une solidarité multiformes compte tenu de la portée des questions qui y sont liées. En effet, celles-ci peuvent être de portée locale, nationale, régionale ou internationale. Dans ce cadre, le partenariat et la solidarité sont les catalyseurs pour mieux endiguer les problèmes liés à l’environnement mais aussi pour permettre une meilleure économie des moyens de mobilisations de ressources humaines, techniques et financières pour ceux qui en ont le plus besoin et qui souvent subissent les plus grands dommages en matière d’environnement du fait des activités humaines et industrielles mais aussi du fait des échanges commerciaux. Le partenariat/ solidarité est perçu dans ce cadre comme étant un ensemble de moyens existants pour mieux faire face à la problématique de l’environnement qui en définitive est un problème de portée mondiale.

Le partenariat/solidarité va de pair avec la coopération mais de façon plus spécifique permet de juguler et de rassembler les forces pour un même objectif. Un exemple serait «une marée noire». Quel effort pourrait fournir la Mauritanie pour faire front à un tel désastre? Il est certain que sans effort de solidarité et de partenariat, celui-ci resterait vain.

c) Transfert de technologie

Parmi les outils utilisés par les conventions pour préserver et protéger l’environnement figure en bonne place la technologie qui est pourtant elle-même considérée à l’origine de la détérioration de l’environnement. A ce titre, les pays Parties reconnaissent leur responsabilité commune mais différenciée en matière de la dégradation de l’environnement et en échange prévoient chaque fois que cela est nécessaire, l’identification et le transfert de technologies appropriées capables d’aider ceux qui sont pauvres ou moins avancés à poursuivre leurs efforts de développement sans nuire à l’environnement global. Qu’elles soient pour des options d’adaptation ou de mitigation, les technologies occidentales peuvent bien s’accommoder et valoriser le savoir-faire local. Les projets à identifier au niveau du PANE devraient en comprendre certains qui facilitent l’acquisition de technologies surtout celles relatives au traitement des déchets.

Au niveau de l’adaptation des technologies, le transfert des connaissances devrait être une priorité à promouvoir. Il serait judicieux au niveau des programmes d’environnement de penser au transfert de technologies appropriées, de systèmes d’assainissement adéquats et de connaissances acquises dans le domaine du traitement des déchets. Les plans d’actions municipaux qui ont été mis en place dans d’autres zones sont des exemples précieux à développer. Une première approche serait de les tester pour la Commune de Tevragh Zeina à Nouakchott où notamment les problèmes des déchets sont criants.

Des efforts ont déjà été entrepris pour ce qui est des taxes douanières sur les nouvelles technologies, il reste à faire de même pour tous les types de technologies industrielles, surtout celles relatives au traitement des déchets ménagers. Le code des investissements devrait prévoir des traitements particuliers par rapport à ce type de technologies. Déjà, dans le cadre de la mise en œuvre de la convention sur la couche d’ozone, un chronogramme concernant l’abandon de l’utilisation des produits chloro-fluor-carbone (CFC) et dérivés a été prévu d’ici l’horizon 2010. Cela demande un transfert de technologies pour ce qui est des nouveaux équipements à utiliser, surtout au niveau de l’industrie du froid, compte tenu de son importance pour le secteur de la pêche. La réglementation fiscale devrait prévoir de tels changements au niveau des équipements du froid (frigos, climatiseurs, etc.).

Le secteur privé devrait jouer un rôle clé dans l’utilisation des ressources génétiques et cela compte tenu de l’implication de plus en plus évidente de l’industrie pharmaceutique dans la prospection de nouveaux composants biochimiques. En Mauritanie, il n’y a pas encore d’implication du privé de ce secteur compte tenu de la faiblesse ou de l’inexistence des incitations dans le domaine. Cependant, la voie est ouverte pour la coopération avec des partenaires privés des pays du Nord, compte tenu des développements en cours de ces aspects.

4. Juge et partie

a) Police/responsabilité contraignante

Les conventions, surtout celles se référant à la protection de la nature désignent par police/ caractère contraignant, les règles à mettre en place pour restreindre ou interdire l’utilisation d’un écosystème, d’une espèce ou d’un gène. La convention de la biodiversité, la CITES et Ramsar relèvent beaucoup plus de ces aspects de police. La notion de responsabilité contraignante quand à elle désigne l’acteur, l’utilisateur ou l’Etat en charge d’appliquer la disposition qui précise le caractère de responsabilité contraignante vis-à-vis de l’utilisation de l’écosystème, de l’espèce ou du gène en question. Ce caractère contraignant de l’utilisation des ressources naturelles vise à promouvoir leur conservation (cf. principe de la conservation in situ et ex situ) quand elles sont menacées de disparition ou d’extinction.

Ce principe devrait apparaître surtout dans la législation et la réglementation relatives à la gestion des ressources naturelles et de l’environnement (textes régissant forêts, faunes, eaux, ...) mais aussi au niveau de l’environnement brun (assainissement, industries, mines...). Comme stipulé par ailleurs, la capacité des institutions à faire appliquer les textes doit être distincte (eaux et forêts et/ou inspecteurs de l’environnement) (cf. institution à fort potentiel technique et haut placée politiquement).

5. Secteur vert

a) Gestion des ressources naturelles (contrôle, suivi/évaluation, alerte précoce, mobilisation des ressources) et incitation à la gestion de l’environnement

Ce principe se réfère aux outils et méthodes de gestion des ressources naturelles (GRN) à mettre en place aux niveaux local, national et international. Cette gestion fait état de toutes les activités de management qui aboutissent au développement durable. Il est évident que toutes les étapes de gestion sont prises en compte (développement d’outils et de méthodes, suivi - évaluation, alerte précoce, partage juste et équitable des ressources découlant de l’utilisation des ressources génétiques, mobilisation des ressources, mise en œuvre, etc.).

Aucune gestion efficace ne peut être faite sans stratégie/politique et programmes cohérents dans le domaine des ressources naturelles mais aussi sans textes juridiques. En effet, ceux-ci sont une partie intégrante de la gestion des ressources naturelles et de l’environnement. Les exemples pertinents sur lesquels des développements potentiels ont été faits sont entre autres le code pastoral qui a été développé avec les utilisateurs des ressources et qui innove par rapport aux contraintes juridiques, institutionnelles et écologiques. Le code pastoral a été adopté, ses textes d’application sont en cours de développement. L’adéquation entre l’innovation apportée par ce texte et l’existant en terme de structure reste peu fonctionnelle et suscite même à certains égards des amalgames de type institutionnel et juridique (élevage/forêt; code pastoral/code forestier...).

b) Bioéthique

Cette notion, apparaît de plus en plus depuis que la manipulation, le transport et la circulation du gène sont devenus des éléments qui peuvent porter préjudice par exemple à toute la biodiversité d’un pays ou d’une région. La CDB et partant le protocole de Cathagena sur la biosécurité donne des éclairages importants par rapport à cet aspect.

La Mauritanie qui a ratifié la CDB mais pas encore son protocole sur la biosécurité devrait le faire afin de non seulement développer la législation/ réglementation qui s’impose dans ce domaine mais aussi de mettre en place ou donner des attributions à des institutions pour leur permettre de suivre, contrôler et orienter les activités dans ce domaine. Ces institutions pourraient être parapubliques ou publiques (centres de recherche, banques de céréales...). Il faut noter qu’il n’y a même pas encore de banque de céréales avérée en Mauritanie, encore moins une institution capable de déceler la présence d’un gène vivant ou manipulé dans la nourriture! Le développement par rapport à ces aspects pourrait être avantageux pour le pays, surtout dans le cadre de la coopération régionale ou internationale.

Le Protocole de Cathagena sur la Biosécurité prévoit aussi la mise en place d’un biosafety clearing house mechanism qui dépendrait du clearing house mechanism (CHM) de la CDB. Cette structure au niveau national permettrait de faciliter l’échange scientifique, technique, légal et environnemental des expériences mais aussi des développements dans le domaine de la bioéthique liée à la diversité biologique et à la biosécurité.

c) Interdiction stricte (commerce d’espèces en danger d’extinction, régulation stricte d’espèces) et conservation

Le premier objectif de la CDB est la conservation de la diversité biologique. D’autres conventions (CITES, CMS, Ramsar, etc.) se réfèrent aussi à la conservation. Ce principe/objectif est une préoccupation commune de l’humanité, tout en reconnaissant que les nations ont un droit souverain sur leurs propres ressources biologiques, dans la mesure où elles doivent résoudre la question de la primauté des priorités du développement économique et social et de l’éradication de la pauvreté. Dans son ensemble, on distingue la conservation in situ (aires protégées) et la conservation ex situ (banque de semences et gènes, banques de semences terrain et collections in vitro).

Pour ce qui concerne les stratégies et les politiques, la prise en compte de ce principe se situe au niveau des aménagements à prévoir, des projets prioritaires à mettre en place dans le domaine de la conservation (liste des espèces en danger ou menacées d’extinction, liste rouge).

Le code forêts et chasse devrait prendre en compte les dimensions portant sur la conservation in situ. Les lois et règlements issus du protocole de Cathagena ainsi que d’autres instruments juridiques pourraient traiter des aspects qui relèvent de la conservation ex situ.

Les institutions qui devraient être en charge de ces aspects sont, en principe, variées: environnement, agriculture, agro-biodiversité... Les structures de recherche devraient être fortement impliquées afin d’assurer tous les aspects liés à la certification des produits et à leur origine.

6. Argent et economie

a) Pollueur - payeur

Il s’agit d’un principe simple selon lequel l’opérateur d’une activité dangereuse qui cause un dommage à l’environnement doit réparer les conséquences de celui-ci. Le principe pollueur-payeur est énoncé par de multiples instruments, nationaux, régionaux et universels, qui l’expriment en termes variés, mais qui confirment son caractère obligatoire en tant que principe général du droit de l’environnement. Ces instruments semblent pour la plupart le traiter comme un principe économique érigé en règle de droit.

Le principe 16 de Rio le proclame en des termes prudents: «Les autorités nationales devraient s’efforcer de promouvoir l’internationalisation des coûts de protection de l’environnement et l’utilisation d’instruments économiques, compte tenu de l’idée que c’est le pollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la pollution, en ayant en vue l’intérêt du public et sans fausser le jeu du commerce international».

On peut considérer que le principe pollueur-payeur est à la croisée de la prévention et de la réparation. A ce titre, il constitue un principe relatif au droit de la responsabilité, même si sa mise en œuvre, notamment sur le plan judiciaire, n’est pas toujours aisée. Le principe pollueur-payeur correspond, en effet, assez bien à l’idée selon laquelle, au regard du droit international de l’environnement, la prévention revêt un sens très large et n’est pas détachable de la notion de responsabilité. L’incertitude concernant les coûts à la charge du pollueur n’est pas seule à rendre délicate l’appréciation de sa portée exacte. La détermination du pollueur pose également problème: s’agit-il du propriétaire, de l’utilisateur ou du fabricant? La pratique internationale n’est pas suffisamment établie pour qu’il soit possible de répondre catégoriquement.

De même, si l’on peut admettre que, dans sa composante «réparatrice», le principe pollueur-payeur implique l’existence d’un régime de responsabilité civile objective, la question se pose de savoir si le responsable peut invoquer des causes d’exonération. On peut fort en douter puisque le fondement de cette responsabilité se trouve dans le risque assumé par l’opérateur.

Enfin, s’il n’est pas contestable qu’en droit international, l’Etat, même s’il n’est pas juridiquement responsable des dommages écologiques causés par des activités qui ne sont pas menées pour son compte, peut assumer une part de la réparation si elle excède les possibilités financières de l’opérateur (système du relais étatique), force est de constater qu’un tel mécanisme n’est guère compatible avec l’esprit libéral du principe pollueur-payeur.

La loi cadre sur l’environnement précise sans amalgame les conditions dans lesquelles doivent être appliqué ce principe. En effet, il se trouve fortement lié aux études d’impacts environnementales qui mettent des garde-fous pour circonscrire toute atteinte à l’environnement. Malheureusement, ces garde-fous ne concernent que les projets nouveaux car ceux qui sont déjà installés ont été antérieurs à la loi. Il y a un véritable vide dans ce domaine surtout si l’on considère qu’aucun aspect d’application n’a encore jusqu’ici été développé de façon pratique (taxes, redevances, emprisonnement...).

En ce qui concerne les institutions en charge de cet aspect, seule la direction de l’environnement et de la protection de la nature est en mesure d’appliquer les dispositions de la loi cadre relatives à cet aspect. Cette direction n’a pas les moyens humains, matériels et financiers pour assurer une telle opération. La mise en place d’une structure horizontale haut placée (Secrétariat d’Etat, agence ou Ministère) avec des attributions suffisamment claires pourraient y remédier. Il y a un vide institutionnel criant dans ce domaine, même si récemment l’étude de la restructuration du Ministère du Développement Rural et de l’Environnement (MDRE) a réglé partiellement le problème.

La formation d’inspecteurs de l’environnement qui regrouperait tous les profils est aussi un besoin imminent si l’on veut réellement mettre en œuvre la loi cadre sur l’environnement.

b) Développement durable (incitation à la gestion de l’environnement)

Notion conceptuelle qui inspire dorénavant le droit international de l’environnement dans son ensemble, la notion de développement durable (sustainable development), déjà présente en pointillés dans la Déclaration de Stockholm (cf. les principes 1, 2, 5, 8 et 13), est exprimée solennellement par celle de Rio qui en détaille les éléments et en précise la portée, tandis que le Sommet de Johannesburg s’est fixé comme objectif majeur sa mise en œuvre.

b-1) Conciliation entre exigences de développement et celles de protection de l’environnement

La première implication du principe du développement durable, c’est de concilier les exigences du développement et celles de la protection de l’environnement. Comme l’indique le principe 4 de Rio: «Pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement doit constituer une partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément». L’objectif est, selon les termes de l’alinéa premier de l’accord instituant l’OMC, de permettre «l’utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l’objectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et de renforcer les moyens d’y parvenir d’une manière qui soit compatible avec les besoins et soucis respectifs [des Parties] à différents niveaux de développements économiques».

La fonction première du concept est donc de réconcilier les points de vue des pays industrialisés, soucieux de l’avenir «écologique» de la planète - que leur industrialisation n’a guère ménagé -, et les Etats du Tiers-Monde, préoccupés au premier chef par leur propre développement économique. Dans cette perspective, il se traduit par la reconnaissance de «responsabilités communes mais différenciées» des Etats en matière de protection de l’écosystème mondial. En outre, le concept a une forte connotation temporelle, qu’exprime l’adjectif «durable».

b-2) L’équité inter-générationnelle

L’équité inter-générationnelle est, en effet, l’une des composantes essentielles du concept de développement durable. La satisfaction des besoins immédiats des générations présentes ne doit pas compromettre le bien-être des générations futures: «Le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l’environnement des générations futures» (Principe 3 de Rio).

Fondé sur la constatation fondamentale que les ressources naturelles du globe sont épuisables et non - renouvelables, ce principe a pour conséquence que tout Etat a le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de sa juridiction ou sous son contrôle ne causent pas de dommages qui puissent affecter la vie des générations présentes et futures. L’exigence d’une exploitation rationnelle et équitable des ressources naturelles, en particulier, mais pas exclusivement des «ressources partagées», trouve son prolongement et sa concrétisation dans les principes de prévention et de précaution, dont le respect est indispensable à la réalisation du développement durable.

De façon systématique, ce principe doit être visé par toutes les stratégies/politiques qui interviennent au niveau national que ce soit dans le domaine économique, financier, social, technique ou environnemental (pérennisation des ressources).

La législation et la réglementation à développer dans le futur doivent aussi prendre en compte cette dimension. Le principe ressort dans l’esprit de la loi cadre sur l’environnement mais aussi au niveau des autres textes régissant la gestion des ressources naturelles. Les structures en charge du développement économique et social du pays et de l’environnement devraient mettre l’accent sur des technologies propres mais aussi sur un système de gestion dynamique qui permette une durabilité des ressources (ne pas entamer le capital productif de façon à ne pas compromettre le court, moyen et long terme de cette gestion et partant l’avenir des générations futures).

c) Accès et partage des bénéfices

Ce principe ressort surtout au niveau de la convention sur la diversité biologique. En effet, l’accès à la biodiversité et aux connaissances y afférentes devient un sujet de plus en plus d’actualité, compte tenu des profits qui peuvent en être tirés.

Au niveau institutionnel, il est important de se joindre au niveau régional (Afrique) à l’initiative portant préparation d’une déclaration sur les droits des communautés et l’accès aux ressources biologiques, avec pour objectif de s’assurer que les populations et communautés locales continueront d’exercer leur contrôle sur leurs ressources et leurs connaissances traditionnelles dans le domaine. Une convention africaine sur les ressources génétiques est aussi en préparation. Le suivi de ces mesures permettrait d’amorcer une coopération régionale dans le domaine et de préparer le terrain pour la législation/réglementation au niveau national. Le code forestier, le code pastoral et le code de l’élevage devraient prendre en compte cette dimension pointue relative à l’accès et au partage des bénéfices.

7. Impact/Environnement

a) Le devoir de prévention

Le caractère souvent irréparable des dommages causés à l’environnement impose d’en prévenir la survenance. Telle a été la préoccupation fondamentale des auteurs des premières conventions sectorielles consacrées à la préservation de certaines espèces animales menacées ou leurs biotopes. La place faite à la prévention dans le droit international de l’environnement, autre traduction de la dimension temporelle du concept de développement durable, fait de celui-ci un droit d’anticipation. Le devoir de prévention est notamment consacré par le principe 21 de la Déclaration de Stockholm, repris par le principe 2 de la Convention de Rio.

b) Le principe de précaution

b-1) Définition du principe de précaution:

Concrètement, le devoir de prévention se traduit par un certain nombre d’obligations à la charge des Etats qui, vagues et générales à l’origine, font l’objet de normes de plus en plus contraignantes, regroupées sous l’appellation de «principe de précaution». Fondamentalement, il s’agit d’une règle générale de conduite de nature prudentielle, en vertu de laquelle «pour protéger l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités» (Principe 15 de Rio). Ce principe de précaution est prévu dans un grand nombre d’instruments conventionnels qui en précisent la portée et en tirent certaines conséquences concrètes. A titre d’exemples, on peut citer la Convention de Bamako de 1991 sur l’interdiction d’importer des déchets dangereux en Afrique (article 4, paragraphe 3), et la Convention-cadre de 1992 sur les changements climatiques (article 3, paragraphe 3). On peut noter que des traités antérieurs font application du principe de précaution, en le sous-entendant de manière très générale, sans le mentionner expressément (cf. l’article 2 de la Convention sur la Couche d’Ozone de 1985).

b-2) Conséquences du principe de précaution:

L’une des manifestations du principe de précaution, à laquelle on le réduit parfois, est exprimée ainsi par le principe 15 de Rio: «En cas de risque de dommages graves et irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement».[11]. Ceci implique donc que le principe de précaution impose aux Etats des obligations continues, dont la consistance évolue avec les progrès des connaissances scientifiques. Mais pour avoir une idée claire du contenu du principe de précaution, il faut s’en remettre au projet d’articles de la Commission de Droit International (CDI) sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, qui précise les conséquences concrètes du principe de précaution, mais curieusement sans le mentionner expressément. Trois d’entre elles présentent une importance particulière: le principe d’autorisation préalable, celui de «transparence» et l’obligation de procéder à l’évaluation de l’impact des activités en question.

· l’autorisation préalable

Selon les termes de l’article 7 du projet d’articles, «l’autorisation préalable d’un Etat est requise pour les activités qui comportent un risque de causer un dommage transfrontière significatif qui sont menées sur le territoire de cet Etat..., ainsi que pour toute modification substantielle d’une activité ainsi autorisée»; il est prévu que cette même règle sera d’application rétroactive aux activités de ce type déjà en cours. Cette autorisation préalable est ici envisagée sous forme d’avis - à solliciter avec un préavis suffisant pour avoir un effet utile - et est délivrée par l’autorité compétente.

· le principe de transparence

Mieux ancré dans la réalité, le principe de transparence se traduit par de larges obligations pesant sur les Etats d’informer et le public (article 9 du projet de la CDI) et les autres Etats susceptibles d’être affectés (articles 10 et 14) par les risques que comporte une activité. Cette information doit être donnée à toutes les personnes concernées, sans discrimination fondée sur la nationalité ou le lieu de résidence (article 16). Ces dispositions reprennent et synthétisent les règles aujourd’hui systématiquement incluses dans la plupart des traités relatifs à la protection de l’environnement.[12]

· l’étude d’impact environnemental (E.I.E)

Plus précise, l’obligation de procéder à une étude d’impact environnemental (EIE) dès lors qu’une activité est susceptible de causer un dommage transfrontière, fait, elle aussi partie de l’arsenal de protection de l’environnement que tout pays est invité à mettre en œuvre dans le cadre de l’application des instruments internationaux de protection de l’environnement.

Présentée justement comme un instrument national par le principe 17 de Rio, une EIE est généralement admise comme une procédure nationale ayant pour objet d’évaluer l’impact probable, c’est-à-dire, tout effet d’une activité proposée sur l’environnement, notamment sur la santé et la sécurité, la flore, la faune, le sol, l’air, l’eau, le climat, le paysage et les monuments historiques et autres constructions, ou l’interaction entre ces facteurs. Elle n’en présente pas moins une incidence internationale notable, dans les cas où elle doit porter sur les effets transfrontières[13] de l’activité évaluée, impliquant des consultations avec les autres Etats éventuellement concernés, auxquels les résultats doivent être communiqués dans le cadre de l’obligation générale d’information.

IV. Acteurs concernés par la mise en œuvre des principes

a) Le Gouvernement

Par ce terme, il faut entendre toutes les structures de l’Etat, centrales et régionales. De tous les acteurs concernés par la mise en œuvre d’une convention, l’administration publique centrale est à l’avant-garde de toutes les opérations de planification, de contrôle, et d’application. Le premier signe de la volonté d’un Etat-Partie à appliquer les dispositions d’une convention est en effet la transposition ou la codification des principes édictés de cette convention dans les lois nationales. Le rôle du Gouvernement et de ses structures décentralisées, consiste à imprimer le caractère formel et le degré de gravité à accorder à l’application des textes réglementaires subséquents dont le renforcement des sanctions résultant de la non observation peuvent servir de signes précurseurs. Le contrôle de l’application à la base des dispositions réglementaires prises à l’échelon supérieur, reste une mission régalienne de l’Etat et est dévolu aux administrations territoriales et structures techniques déconcentrées sous tutelle qui en assurent la police. Aux différents échelons de l’administration publique, le rôle de chaque structure doit être précisé sous peine de diluer la responsabilité et d’entraîner ainsi des contre-performances préjudiciables à l’application des textes.

b) Les élus

Parlementaires (députés et sénateurs) et autorités gestionnaires des collectivités locales (maires) sont, en tant que leaders d’opinions et de classes politiques, utiles pour la mobilisation de la participation des populations à la base, même si les conventions ne les citent pas expressément. Tandis que les Parlementaires se préoccuperont de l’adaptation des textes nationaux aux conventions internationales à travers la révision des premiers, les Maires des Communes se préoccuperont de jouer leur rôle d’avant-garde dans la gestion des ressources naturelles. Depuis la création des Communes, celles-ci soient très timidement ou pas du tout associées à la gestion des ressources du domaine public.

c) La société civile

Les conventions font une nette distinction, dans ce vocable société civile, entre les différents groupes d’ONG, organisations socio-professionnelles, communautés de base, et professions libérales ou privées. Cette frange constitue pour les conventions un lobby et un mécanisme informel, en partie destinataire et bénéficiaire, opposable aux formes de structures organisées des gouvernements. Les ONG ont connu un développement spectaculaire ces dernières années et ont bénéficié de beaucoup de privilèges dont la participation à tous les fora et l’inclusion dans tous les organes de gestion de l’environnement. Elles demeurent cependant mal organisées et peu performantes pour jouer un rôle significatif sans un complément d’appui.

d) Les agences de coopération et organisations internationales

Les agences de coopération, multilatérale et bilatérale, pour les appuis techniques et financiers qu’elles apportent au processus de mise en œuvre des conventions, sont fréquemment sollicitées.


[11] Voir aussi, par exemple, l’article 3, paragraphe 3 de la Convention-cadre de 1992 sur les changements climatiques.
[12] Voir par exemple, en ce qui concerne l’information du public, l’article 6 de la Convention-cadre sur les changements climatiques de 1992 et le principe 10 de Rio; et, pour ce qui est de l’obligation d’informer les autres Etats intéressés, voir le principe 19 de Rio, lequel précise que la notification doit être faite suffisamment à l’avance pour permettre aux autres Etats susceptibles d’être affectés de réagir et de demander l’ouverture de consultations. L’obligation de notification est plus impérieuse encore lorsqu’une catastrophe écologique s’est produite, afin d’en limiter les effets (voir par exemple, les articles 198 de la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer, 14 paragraphes 1d) et 3, de la Convention sur la diversite biologique de 1994).
[13] L’obligation d’évaluer les risques d’effets transfrontières des activités dangereuses pour l’environnement ou susceptibles de l’être est prévue par un grand nombre d’instruments conventionnels, couvrant tout le champ du droit international de l’environnement: droit de la mer (article 205 de la Convention de Montego Bay); diversité biologique (article 14, paragraphe 1a) et b) de la Convention de 1994) , etc. Pour s’en acquitter, les pays en développement peuvent escompter une assistance technique et financière internationale.

Page précédente Début de page Page suivante