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11 Gestion améliorée des terres: un préalable pour la conservation et utilisation durable des ressource génétiques - Sally BUNNING (FAO - Division de la Mise en Valeur des Eaux et des Terres)


I. PRESSIONS ET CAUSES DE LA DEGRADATION ET LES EFFETS SUR LA BIODIVERSITE

La dégradation des terres est “un processus ou activité humaine qui a pour résultat une perte de durabilité et de fonctions économiques” (CCD). C’est un problème global mais dans les pays en voie de développement elle est associée, en particulier, à la désertification en zones arides, semi-arides et sub-humides, où les effets sont plus sévères. C’est la pression de l’homme et de ses activités économiques qui accélère les processus de dégradation. La dégradation en qualité et quantité des ressources - en sols, eaux et ressources biologiques -, la perte de biodiversité et les effets sur les fonctions de l’écosystème entraînent des effets sur la productivité des terres, sur l’activité économique et le bien-être des populations.

Parmi les principales causes on trouve:

l’utilisation inaptes ou inappropriée des terres;

la gestion inappropriée des ressources en terre, par exemple, avec le labour intensif et répétitif, l’irrigation excessive et le surpâturage du bétail;

la pression démographique et la pauvreté.

Les interrelations entre les facteurs socio-économiques, biophysiques et les interférences politiques et institutionnelles sont très complexes. Le modèle DPSIR[17] est utilisé pour analyser à différents niveaux les liens divers entre les forces, les pressions, la situation (l’état), les impacts et les réponses.

II. PRISE DE DECISION DES UTILISATEURS DES RESSOURCES

Pour intervenir dans la gestion et la planification des terres, il faudrait une bonne connaissance des acteurs, des divers utilisateurs des ressources et des autres facteurs qui influencent leurs décisions. Il s’agit de connaître entre autres:

Les divers acteurs locaux (les agriculteurs - petits et grands; les locataires et propriétaires; les éleveurs; les innovateurs, les décideurs au niveau des ménages,...);

Le niveau d’organisation locale (les liens familiaux; les groupements; les comités de planification et de gestion; les services - eau, écoles, santé, religieux, etc.);

Les liens entre secteurs-districts-provinces-pays (information, communication, ressources financières, planification);

Les pouvoirs de décision (société civile, politiques, sectoriels, donateurs, etc.,...).

III. LA GESTION DE RESSOURCES NATURELLES - UNE PERSPECTIVE LARGE

De plus en plus, il est reconnu qu’une perspective large de la gestion des ressources est nécessaire. A cet égard:

Le plan d’action du Sommet Mondial sur l’Environnement (Rio, 1992) adopté le chapitre 10 «La gestion et la planification intégrée des terres» et reconnaît les liens avec les chapitres sur la biodiversité, les forêts.

La Convention sur la Diversité Biologique a adopté l’approche écosystème: Une stratégie pour la gestion intégrée des terres, des eaux et des ressources biologiques pour promouvoir la conservation et l’utilisation durable et équitable (décision V/6 de la Conférence des Parties) et

«The Millenium Assessment» considère les biens et les services de l’écosystème.

Les 12 principes de l’approche écosystème tiennent compte:

de l’organisation biologique (structure, processus, fonctions, interactions entre organismes et leur environnement);

de la reconnaissance que l’homme est une partie intégrante de la plupart des écosystèmes;

des causes immédiates et secondaires des menaces sur la biodiversité pour développer des interventions politiques et de gestion aux niveaux appropriés.

Etant donné que les pays en voie de développement dépendent notamment de leurs ressources primaires et des activités agricoles (cultures, élevage, pêche et foresterie), une attention particulière est accordée aux écosystèmes agricoles et à leur gestion ainsi qu’aux liens avec la sécurité alimentaire, la nutrition et d’autres dimensions humaines.

IV. MECANISMES DE COORDINATION AU NIVEAU INTERNATIONAL

Il y a plusieurs processus internationaux auxquels les pays se sont engagés et qui nécessitent la coordination et des actions intégrées au niveau national.

La Convention de Lutte Contre la Désertification (CCD) reconnaît la nécessité de mieux connaître les causes, la nature, la couverture, la sévérité et les impacts des différents processus de dégradation en zones sèches. Les liens entre la dégradation et la pauvreté sont surtout mis en évidence.

La Convention sur la Biodiversité reconnaît que la perte de la biodiversité est liée à la dégradation des terres, à la situation socioéconomique et aux activités humaines. Les objectifs sont la conservation, l’utilisation durable et le partage équitable des bénéfices.

Le Sommet Mondial sur le Développement Durable: Les priorités identifiées par les pays et les groupes majeurs pour une intervention particulière et, dans la mesure du possible, décentralisée sont: l’eau, l’énergie, la santé, l’agriculture et la biodiversité.

Le Sommet Mondial sur l’Alimentation: Les pays se sont engagés à diminuer l’insécurité alimentaire et réduire de 50 % en 2015 le nombre de personnes qui souffrent da la faim. La FAO reconnaît le lien entre le développement agricole et rural.

Le Projet LADA (Evaluation de la dégradation des terres) exécuté par la FAO pour GEF/UNEP vise à aider les pays (Parties de la CCD) à établir une base (baseline) et effectuer un suivi-évaluation de l’impact de leurs stratégies et actions. Ses objectifs sont:

Développer et valider la méthodologie pour une évaluation efficace de la dégradation des terres en zones sèches;

Evaluer la dégradation des terres aux niveaux global, national et sous-national et identifier:

- le Statut et les Tendances - tous les aspects y compris la biodiversité;

- les endroits chauds “hotspots”: pressions et impacts plus critiques (dégradation actuelle et risques (sécheresse, inondations etc.);

- les endroits clairs “bright spots” où la dégradation a été ralentie et/ou inversée (politiques et actions efficaces).

L’approche LADA est participative, décentralisée, intégrée et dirigée par les pays à travers:

des diagnostics participatifs au niveau local (MARP);

les connaissances locales intégrées avec évaluation des experts (techniques satellitaires et SIG);

la collecte et l’analyse des données sur le terrain (y compris des modèles);

les réseaux et les technologies de communication (échange de l’information à tous les niveaux).

La méthodologie est en cours de développement au niveau de trois projets pilotes - Sénégal, Chine et Argentine - en assurant:

l’analyse de différentes perceptions de la dégradation;

les outils et méthodes adaptés aux contextes spécifiques;

les méthodes d’évaluation à trois niveaux: (i) local/ communautaire; (ii) agro-écologique; et (iii) national.

Les questions principales abordées selon un processus itératif (va et vient) sont:

Que mesurer et comment?
Comment mesurer les changements?
Comment mesurer la complexité?

Pour savoir:

Quels facteurs causent la dégradation?

Quelles pratiques de gestion et quels apports sont nécessaires pour inverser la dégradation et pour restaurer un équilibre, les ressources (en qualité et en quantité) et les fonctions de l’écosystème?

Les pays pilotes identifient les indicateurs, les bases de données, les méthodes et les outils pour transformer les données (l’évaluation) en produits d’information pertinents pour les décideurs à tous les niveaux - pour répondre aux questions et appuyer les décisions/les réponses (techniques et politiques) en vue de résoudre les problèmes. Ceci nécessite un processus participatif pour identifier les impacts de l’utilisation des ressources sur la dégradation et de la dégradation sur le bien-être des populations et des écosystèmes.

V. L’EVALUATION UTILISERA DEUX GRANDS TYPES D’INFORMATION

Les outils satellitaires et de zonage pour rassembler les informations socio-économiques et biophysiques:

Systèmes de gestion des terres en zones sèches: savane et pâturage (pastoralisme) agricoles (pluviale et irriguée), agro-sylvo-pastorale, forêts, urbaine.

Systèmes agricoles: analyse de la topographie, des sols, de la végétation, modes d’utilisation des terres, pressions démographiques et pauvreté;

Boîte d’outils avec:

- les indicateurs biophysiques: sol, végétation, eaux, cultures, élevage, organismes associés, services de l’écosystème;

- les indicateurs socio-économiques (capacités et contraintes des ménages à assurer la gestion durable des ressources naturelles): facteurs démographiques, santé, sécurité alimentaire.

La diagnostic participatif et des études spécifiques pour

capitaliser les initiatives;

travailler avec les acteurs locaux;

intégrer les aspects biophysiques et sociaux de la dégradation, développer une méthode standard et des méthodes spécifiques adaptées au contexte local - questions des acteurs (niveau local, technique et politique);

identifier les endroits chauds «hotspots» (sévérité, rapidité, vulnérabilité) et des endroits clairs «brightspots» (gestion durable, restauration) pour un suivi-évaluation comparatif.

Les impacts de l’homme sur la biodiversité (perte d’espèces et d’habitats, vulnérabilité, perte de résilience) dépendent:

des pressions sur les terres (par exemple les terres marginales et les zones humides);

de la surexploitation des sols, surpâturage, déforestation (espèces; habitat);

des pratiques/techniques et de leurs effets (érosion, sécheresse, crues...) et du degré de spécialisation agricole (pesticides, engrais, irrigation-salinisation, pollution).

Parmi les impacts de la dégradation et de la perte de biodiversité sur la pauvreté, il faut citer:

la perte de rendements, d’emplois et de revenus et la réduction des produits et des opportunités;

les effets sur la qualité et la disponibilité des aliments, des produits fourrager (saisons);

l’insécurité alimentaire, la malnutrition, les effets sur la capacité productive de l’homme, ainsi que la vulnérabilité, la perte de la capacité de se défendre (sécheresse, etc.);

Les effets du SIDA aggravent la situation et il faudrait en tenir compte.

Une diversité des ressources naturelles soutient une diversité des activités humaines et fournit une diversité des biens et services, dont plusieurs sont critiques pour le fonctionnement de l’écosystème. C’est pourquoi il est important d’analyser les effets de la dégradation (sols, eaux, biodiversité) sur:

la fourniture des biens (aliments, fibre, énergie, matériaux ...);

la purification de l’air et de l’eau;

la détoxication et la décomposition;

la stabilité et la modération du climat (C; GHG) et ses effets (inondations, sécheresse, extrêmes de température et de vent);

la régénération et la restauration de la fertilité du sol (recyclage des éléments nutritifs);

la pollinisation des plantes (plusieurs cultures);

le contrôle biologique des épidémies et maladies;

le maintien du stock des ressources génétiques - pour l’adaptation des variétés et races, les produits médicaux, autres;

les bénéfices culturaux et esthétiques;

la capacité d’adaptation aux changements.

Le but est d’identifier les techniques et pratiques efficaces en analysant leurs impacts et les coûts-bénéfices de leur mise en application.

VI. PARTENARIAT

Un effort est en cours pour assurer un grand partenariat pour le développement et la mise en oeuvre du projet LADA entre des institutions techniques compétentes et les unités régionales du processus CCD (comités thématiques etc.) et avec le point focal dans chaque pays membre. Le Secrétariat: Parviz Koohafkan, Chef du Service de la gestion des sols et de la nutrition des plantes (AGLL) FAO, Viale delle Terme di Caracalla, 00100 Rome, Italie (fax: +39-065-705-6275, tel: +39-065-705-3843, e-mail: http://www.fao.org/landandwater/lada).

VII. COMMENT UTILISER LES INFORMATIONS SUR LES RESSOURCES NATURELLES

Parmi les informations satellitaires qui pourraient être superposées et analysées, il y a:

les cartes sur les systèmes agricoles et la pauvreté (FAO); les systèmes de production par zone bio-climatique, par région administrative et les liens avec les filières agricoles (par exemple au Burkina Faso - province centrale (700 mm): sorgho/mil pluvial et lacs artificiels pour abreuvage du bétail - province de l’ouest (1.100 mm): coton/sorgho/maïs, pluvial et irrigué);

les zonages biophysiques: agro-écologiques/régions naturelles, zones bioclimatiques et de pluviométrie, zones d’aridité et disponibilité en eau;

les informations démographiques- population urbaine, totale et densités, expansion des centres urbains, etc., d’autres facteurs sociaux entre autres mortalité infantile;

l’utilisation des terres et l’évolution des superficies cultivées (par exemple en céréales).

Pour les informations sur les techniques et pratiques agricole utilisées et à analyser il faudrait des études participatives localisées comme par exemple:

Agriculture pluviale (labour minimisé; tied ridges; zai planting pits; mulch et fumier; agroforesterie; contrôle de l’érosion et du ruissellement);

Agriculture irriguée: puddling; gestion du niveau de l’eau dans les champs; période et efficacité des apports en engrais; toxicités, déficiences, salinité et pH.

La diversité agricole influence la productivité du sol et de l’eau, c’est pourquoi il faudrait une gestion intégrée du sol, de l’eau et des ressources biologiques, par exemple:

les assolements (rotations);
la diversité des espèces et variétés;
la diversité des modes d’utilisation des terres (habitats);
les jachères - l’utilisation des mauvaises herbes;
les cultures de couverture et cultures intercalaires;
le labour du sol et la biodiversité du sol;
la fixation de l’azote et l’utilisation d’inoculant (AMF; Rhizobia);
l’intégration des cultures avec l’élevage;
l’agroforesterie (bois de chauffe, éléments nutritifs).

Dans les zones sèches l’eau est un facteur clé de la disponibilité en éléments nutritifs, de leur utilisation et des pertes. Il faudrait analyser la gestion et le flux de éléments nutritifs dans des ménages agricoles typiques: la sauvegarde; les additions et la gestion de l’efficacité (rendements/unité de l’eau/terre).

VIII. LE CAS DU BURKINA FASO

Une présentation a été faite d’une étude de cas sur la gestion de l’eau et du sol au Burkina Faso (Smaling, 2003) qui souligne l’importance de l’approche gestion de terroir/du bassin versant et de la gestion intégrée de l’eau et des éléments nutritifs. La sauvegarde de l’eau assure un environnement convenable pour une utilisation efficiente des éléments nutritifs.

Les effets des pratiques pluviales et irriguées (engrais, labour, cultures) sur les rendements, le taux et stock de carbone organique et les coûts-bénéfices ont été:

Ouest: début de l’essai 0,45 %, 10 ans - sans engrais 0,19, avec engrais 0,23 avec engrais et fumier 2,5 t/ha 0,36 %;

Centre: début de l’essai 1 %; 13 ans engrais NPK 0,9 %- fumier 10 t/ha 1,8 %;

Coton: engrais (moyenne): 75 kg/ha; Rendement sans engrais: 700 kg/ha rendement avec NPK 1-35-21: 1.400 kg/ha;

Sorgho, rendement de 800 kg/ha; utilisé (uptake) 20 kg N, 8kg P et 25 kg K/ha;

Riz irrigué; eau limitée en saison sèche rendement <2 tonnes/ha (potentiel 10 t/ha,an) utilisation d’engrais très faible (recommendation 100-30-35);

Rapport Valeur / Coût 1,5 - 2,5.

Figure 1: L'expansion des superficies cultivées des différentes cultures

Les effets du fumier (contrat avec Peulh, utilisation des résidus par l’élevage, in situ) de l’adoption des fosses fumières 5 t/an (80 % résidus, déchets des aliments, fumier; 20 % apports phosphate etc.) et leurs effets sur les ressources en eau.

La restauration des sols par le système Zai, pour la concentration du ruissellement

- Pratique paysanne: Fumier 1-3 t/ha; 12 plantes de sorgho/zai; paysans Innovateurs récoltent 1.000 kg/ha (moyenne) et sécurité alimentaire; respect des autres et adoption;

- Recherche: Zai (seul): 200 kg/ha; Zai + fumier sec: 700 kg/ha; Zai + engrais: 1.400 kg/ha; Zai + fumier + engrais 1.700 kg/ha.

Les cordons de pierres pour contrôler l’érosion et le ruissellement (60 % des pluies >20 mm) et la recharge de la nappe (eaux souterraines). Projets (food for work) Sanmatenga Province: 35 % de la superficie cultivée avec conservation:

- Ruissellement a diminué de 60 %;
- cordons: rendements 800-1.200 kg/ha, utilisation de l’eau 4-6 kg/mm;
- cordons + fumier; rendements 2.300-2.800 kg/ha, utilisation de l’eau 8-12 kg/mm.

L’étude de cas a mis en évidence la nécessité d’une intégration des politiques du sol et de l’eau pour une économie et efficacité accrues:

L’eau: Loi d’orientation 2001, Code d’eau, Plan d’action gestion intégrée 2003:

- Endossement par Gouvernement;
- Simples accords internationaux, approches integrées IWRM;
- Attention: Processus décentralisés, éducation.

Le sol: Plan d’action sur la fertilité du sol (1999)

- Non endossé;
- Attention: technologies INM et marchés d’intrants et de produits.

Contraintes des politiques nationales:

Mono disciplinaire, top-down;
Monolithique - liste des besoins;
Coûteux;
Souvent non endossés par le gouvernement ou pas en accord avec système judiciaire;
Communication faible au niveau micro et méso, processus non clair.

Importance des approches participatives:

Lien entre la dégradation des terres et la biodiversité;

Relations complexes entre les aspects socio-économiques et biophysiques;

Productivité: besoin des engrais pour augmenter les rendements et du fumier/matière organique pour maintenir la fertilité du sol;

Approche intégrée (IWRM, INM, agroécosystème): conservation - sauvegarde; amélioration; gestion efficace de l’eau augmente la rentabilité de gestion du sol;

Utilisation des résultats de la recherche et des initiatives paysannes;

Intégration des politiques - eau, sols, ressources biologiques et attention portée sur le contexte macro-économique et les processus de mise en œuvre.

L’opportunité de gestion de la biodiversité pour une productivité et durabilité, la sécurité alimentaire et le bien-être des populations rurales ainsi que le maintien des services de l’écosystème. Il est nécessaire de considérer:

les échelles spatiale et temporelle;
les acteurs divers et processus de prise de décision;
l’approche écosystème;
l’identification et l’évaluation de systèmes/techniques efficaces.

IX. BIBLIOGRAPHIE

SMALING, 2003.

FAO LADA.


[17] Driving Forces, Pressures, State, Impact and Response

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