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V. LA CONSERVATION DE LA DIVERSITE BIOLOGIQUE AGRICOLE


Si les actions spécifiques entreprises en faveur de la conservation de la diversité biologique agricole sont limitées sur le terrain, force est de reconnaître que divers efforts ont été consentis et continuent de l'être dans le domaine plus général de la conservation des ressources naturelles. Ces efforts ont porté sur des mesures politiques, institutionnelles, législatives et réglementaires, sur des actions de conservation in situ et ex situ et sur le renforcement des capacités humaines.

5.1 Les structures et institutions modernes de conservation de la diversité biologique agricole

5.1.1 Structures étatiques

Au nombre des instituts de recherche on peut citer:

L'Institut d'Economie Rurale établissement public à caractère administratif (EPST)[28], est la structure de base de la recherche agronomique au Mali. Il a pour mission la mise au point des techniques appropriées, la diffusion des résultats et l'appui technique au développement rural ainsi que les études de recherche agricole. Pour mener à bien cette mission en impliquant les principaux acteurs, l'IER s'est récemment doté d'un dispositif décentralisé de planification et d'exécution des activités de recherche. Il s'agit des organes suivants:

- La Commission Régionale des Utilisateurs (CRU): La commission régionale des utilisateurs est composée des utilisateurs (60 représentants des organisations paysannes agricoles et des transformateurs) et des chercheurs. Le Président de la commission des utilisateurs assure la présidence des débats;

- Le Comité Technique Régional (CTR): Le Comité Technique Régional est l'instance régionale de concertation entre les chercheurs et les partenaires au développement (CRU, Services Techniques, ONG et les collectivités décentralisées). Il a pour mission d'analyser et de valider les contraintes retenues par la commission des utilisateurs, d'adopter les activités et les résultats de recherche. Il assure ainsi la cohérence entre les activités de recherche et le plan de développement régional;

- Le Collège Scientifique Régional (CSR): Le Collège Scientifique a pour mission de garantir la qualité des résultats et des propositions de recherche avant leur soumission aux instances régionales. Les membres du collège sont désignés par leurs pairs parmi les chercheurs seniors du Centre.

L'Université de Bamako, à travers la Faculté des Sciences et Techniques (FAST), l'Institut Supérieur de la Formation et de la Recherche Appliquée (ISFRA) chargé de recherches et de la formation de cadres (DEA et thèses de Doctorat) dans les domaines touchant la diversité biologique.

L'Institut Polytechnique Rural / Institut de Formation et Recherche Appliquée de Katibougou (IPR/IFRA), assure la formation académique et mène des activités de recherche dans les domaines de la diversité biologique. L'IPR/IFRA, l'une des plus vieilles institutions de formation des agents du développement rural de la sous-région, est rattaché à la Direction Nationale de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique. Il a pour mission la formation d'ingénieurs agronomes, d'élevage, des eaux et forêts, de techniciens supérieurs dans plusieurs options de l'agriculture, de l'élevage, des eaux et forêts et du génie rural. Il assure également la promotion de la recherche scientifique et technologique, la formation continue des cadres du développement rural et des jeunes diplômés, mais aussi la formation des communautés rurales. Il dispose pour ce faire d'un vaste domaine agro-sylvo-pastoral de 380 ha à vocation à la fois didactique et productive. Il a en son sein un Laboratoire d'agro-physio-génétique et de Biotechnologies Végétales conjointement animé par les chercheurs de l'IER et de l'IPR/IFRA. La plus grande faiblesse de cette institution réside dans sa large dépendance des financements extérieurs, dans l'insuffisance de professeurs enseignants et dans l'absence de spécialistes dans certains domaines.

Les autres structures étatiques intervenant dans la conservation de la biodiversité agricole sont les suivantes:

La Direction Nationale de l'Appui au Monde Rural (DNAMR) a pour missions: élaborer et mettre en œuvre la politique d'appui au monde rural du Mali. La DNAMR est représentée par une direction régionale de l'appui au monde rural dans chacune des régions du pays. Au niveau des cercles, ce sont les services locaux d'appui conseil et d'équipement rural.

La Direction Générale de la Réglementation et du Contrôle (DGRC) est chargée de veiller:

- à la police sanitaire des animaux à l'intérieur et aux frontières du pays;

- au contrôle de la qualité des intrants vétérinaires et de leur homologation;

- au contrôle d'élevage, d'entretien et d'exploitation des animaux;

- à l'application de la législation et de la réglementation portant sur l'exercice à titre privé de la profession vétérinaire.

La DGRC est représentée au niveau de la région par la direction régionale de la réglementation et du contrôle (DRRC), au niveau du cercle par le service local de la réglementation et du contrôle (SLRC) et au niveau de la commune par le Poste de Contrôle (PC).

la Direction Nationale de l'Aménagement et de l'Equipement Rural (DNAER) a pour missions:

- d'élaborer et de mettre en œuvre la politique d'aménagement et d'équipement rural;

- d'appuyer les structures régionales et les collectivités territoriales pour le renforcement des capacités de gestion des ressources pastorales;

- d'élaborer des contrats de gestion par lesquels l'Etat confie la gérance du domaine pastoral aux collectivités territoriales.

La DNAER est représentée dans chaque région économique par une direction régionale de l'aménagement et de l'équipement rural. Au niveau des cercles, ce sont les services locaux d'appui conseil et d'équipement rural.

Le Secrétariat Technique Permanent chargé de la Gestion des Questions Environnementales (STP/CIGQE). Le cadre institutionnel, de part ses missions, a été mis en place pour servir de point de convergence pour tous les actes relatifs à la politique environnementale aux fins de coordination, de contrôle, d'harmonisation, de suivi et d'impulsion. A ce titre, tous les projets de législation relatifs aux questions environnementales devraient lui être soumis. Il est assisté par le Comité interministériel (CI) et le Comité Consultatif (CC).

La Direction Nationale de la Conservation de la Nature (DNCN), créée par l'Ordonnance n°98-85 P-RM du 25 août 1998 a pour mission d'élaborer les éléments de la Politique Nationale en matière de conservation de la nature et d'en assurer l'exécution.

L'Office Malien du Bétail et de la Viande (OMBEVI) a pour missions:

- d'étudier les circuits de commercialisation;

- d'organiser les corps de métiers intervenant dans le secteur bétail, viande, cuirs et peaux, sous-produits animaux;

- de conseiller le gouvernement sur les mesures à prendre en vue d'une meilleure participation de ce sous-secteur à l'économie nationale;

- de concevoir l'étude et l'évolution des projets et programmes de développement de l'élevage;

- d'organiser et d'améliorer la commercialisation du bétail, de la viande et des sous-produits animaux.

5.1.2 Organisations internationales et programmes connexes

Au Mali, plusieurs autres instituts étrangers à vocation régionale et internationale mènent, en collaboration avec les institutions nationales, une recherche stratégique et appliquée. On peut citer entre autres:

Le Centre International pour la Recherche en Agroforesterie (ICRAF) est une organisation internationale autonome qui a été créée en 1977. Il mène et appuie des activités de recherche en agroforesterie, en mettant l'accent sur les systèmes d'utilisation des terres dans les pays en voie de développement des régions tropicales. Son but est de contribuer à atténuer le déboisement, l'épuisement des terres et la pauvreté des populations rurales par le biais des systèmes agroforestiers améliorés;

Le Centre International de Recherches sur les Cultures des Zones Tropicales Semi-Arides (ICRISAT), installé au Mali depuis 1989, est une organisation de recherche agricole, travaillant en étroite collaboration avec l'IER, sur cinq (5) cultures, notamment le sorgho, l'arachide, le petit mil. Aujourd'hui, plusieurs acquis sont à l'actif de ce programme. Il a contribué ainsi à la formation de plusieurs chercheurs et stimulé le contact et la communication avec d'autres chercheurs en dehors du Mali.

L'Institut du Sahel (INSAH), une institution spécialisée du Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse au Sahel (CILSS), a pour objectif stratégique de contribuer à créer les conditions d'une sécurité alimentaire durable et d'une gestion rationnelle des ressources naturelles au Sahel. Ainsi il a pour mission de favoriser et faciliter les échanges entre les systèmes nationaux qui interviennent dans le domaine de la recherche (agricole et population/ développement), pour impulser une dynamique de coopération et proposer des actions catalytiques soutenant une agriculture productive et une meilleure gestion des ressources naturelles, en vue de créer les conditions d'une production durable et compétitive.

5.1.3 Organisations non Gouvernementales

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) apportent un appui technique aux communautés locales. Les actions des ONG les plus actives sont coordonnées par le CCA/ONG, la CAFO et le SECO/ONG qui constituent des cadres de collaboration entre plusieurs ONG. Le langage scientifique, très technique, inhérent aux résultats de la recherche, limite souvent leur collaboration avec les structures de la recherche. Les coordinations diffusent des résultats des ONG affiliées et souvent ceux des autres institutions.

Il existe une multitude d'ONG qui ne sont pas membres de ces comités. Ceci constitue une autre faiblesse quand il s'agit de coordonner l'ensemble des actions menées par les ONG au Mali.

L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), l'une des rares organisations internationales ouvertes aussi bien aux gouvernements qu'aux ONG, a pour but de conserver la nature et ses ressources dans le contexte du développement durable. En accord avec sa mission, elle cherche à aider ses membres à se renforcer et à accomplir leur propre mission.

L'ONG canadienne (USC/Canada) s'est particulièrement investie dans la conservation des ressources phytogénétiques au Mali. Présentement, elle développe en collaboration avec l'IER, un programme de gestion et d'aménagement de terroir afin de permettre aux paysans de multiplier leurs semences. Toutefois, cette expérience est menée sur une petite échelle dans le septentrion du Mali (Mopti).

5.1.4 Insuffisances et lacunes du cadre institutionnel

Le faible niveau d'équipement et des ressources financières a particulièrement été décrié. Les services de contrôle ont souligné l'insuffisance d'outils adéquats pour les activités de surveillance, d'importation et d'exportation des ressources biologiques. Par exemple, ils n'ont actuellement pas la capacité de prendre en charge la traçabilité des ressources génétiques. Les services de contrôle auraient pu rentabiliser les équipements disponibles au niveau d'autres structures. Dans le domaine des manipulations biotechnologiques, les structures impliquées n'ont pas de cadre formel leur permettant une gestion plus adéquate des risques.

Les efforts nationaux de conservation de la diversité biologique restent caractérisés par le manque de synergie des institutions. Elles couvrent plusieurs domaines, mais travaillent souvent de façon isolée. Le Laboratoire d'Agro-Physio-Génétique et de Biotechnologie Végétale de l'IPR/IFRA, le LCV et le Laboratoire de Technologie Alimentaire de l'IER pourraient accorder certaines facilités au Laboratoire des Semences spécialement chargé de la réglementation des semences animales et végétales au sein de la DGRC. La FAST de l'Université de Bamako qui dispose d'un laboratoire de biologie moléculaire déjà fonctionnel, n'a que peu de collaboration directe avec l'IER. Ceci dénote une insuffisance ou un manque de concertation entre les intervenants du domaine d'une part, et une absence de coordination des actions, d'autre part. Si les interventions des diverses institutions ne sont pas harmonisées de façon à produire une synergie, il est peu probable que les efforts nationaux de conservation puissent être efficaces.

5.2 Institutions traditionnelles de conservation

Dans toutes les parties du pays ont existé des institutions traditionnelles de gestion de la faune sauvage et halieutique. Cette forme d'organisation sociale a existé pour la gestion de la flore dans le pays Dogon uniquement. Parmi les nombreuses institutions traditionnelles de gestion des ressources génétiques, on peut citer:

5.2.1 Confrérie des chasseurs

Au Mali, les chasseurs sont organisés en confréries magico-fétichistes. Chez les Malinké, les Bambara, les chasseurs ont constitué une des plus anciennes sociétés d'initiation qui se réfère toujours au mythe fondateur (kontron et sané), archétype du chasseur, et qui a institué un véritable code d'éthique de la chasse (rites et pratiques). Ce type d'organisation en secte garantit le respect des rites et pratiques qui participent à la conservation de la faune sauvage. La confrérie occupe une place prépondérante dans la société malienne où elle est consultée pour toute décision affectant la gestion des ressources biologiques du terroir.

5.2.2 Maîtres des eaux

Les institutions chargées de la gestion des pêcheries étaient basées sur une spécialisation des acteurs (bozo, somono, sorko); sur une bonne connaissance des ressources et de leurs milieux; sur une diversité des modes et lieux de pêche; sur le pouvoir presque divin du maître des eaux d'où un respect strict par les pratiquants des règles et de la déontologie ce qui permettait une exploitation rationnelle des ressources.

5.2.3 Maîtres des terres

Le maître des terres, choisi par les ancêtres pour assurer la distribution de l'usufruit de la ressource, apprend aux autres les bonnes manières d'exploiter les ressources foncières dans le respect des bonnes règles de gestion. Il veille au respect des bonnes règles d'utilisation des terres. Il fait les offrandes nécessaires pour corriger les fautes commises et pour remercier la terre des bonnes récoltes de l'année, etc.

La jouissance des privilèges de l'usufruit s'accompagne d'obligations de conservation des ressources naturelles en général et des terres en particulier. Par exemple: garder dans les champs des arbres dits utiles, respecter les temps de jachère, s'interdire toute action pouvant entraîner une dégradation irréversible de la terre, etc.

5.2.4 Maîtres des pâturages (cas des Diorow du Delta central du Fleuve Niger)

Depuis le 14ème siècle, la zone du delta intérieur du fleuve Niger a été administrée par les institutions pastorales. Au début du 19ème siècle, l'Etat théocratique Peulh de Hamdallayie, couramment appelé Dina, se substitua à la chefferie Ardo qui régnait depuis le 15ème siècle et réorganisa l'administration et la gestion des ressources naturelles du Delta et de ses environs. La Dina ménagea les Diorow dans un souci de bonne organisation de la transhumance, par une mise à profit de leur connaissance des pâturages, des animaux et de la culture Peulh.

C'est le système pastoral de la Dina qui marque encore le Delta intérieur du fleuve Niger. Il présente quelques avantages pour avoir permis une catégorisation des pâturages et des pasteurs, codifié un ensemble de règles d'accès, de séjour et de déplacement des animaux dans et autour du Delta, intégré d'autres systèmes de production, notamment l'agriculture et la pêche.

Avec une population réduite, un bétail peu abondant, des ressources en eau et en pâturages abondantes, des besoins de consommation limités, cette institution donnait les meilleures chances de durabilité à l'exploitation des ressources.

5.2.5 Organisations traditionnelles de conservation de la nature

L'existence d'institutions traditionnelles chargées de la protection des ressources naturelles renouvelables dans l'ensemble des villages Dogon constitue une spécificité de la zone. Ces institutions, qui portent une diversité d'appellations selon les sous-zones et les villages, semblent issues d'un même fonds socioculturel dont l'origine remonte au Mandé, berceau historique de ces groupes ethniques. Leurs noms locaux sont les suivants: Ogokana dans le cercle de Koro, Alamodiou, Bodjinanton et Bara Hogon dans le cercle de Bankass.

Les diversités d'organisation, de structuration sociale et de fonctionnement, semblent être une des caractéristiques marquantes de ces institutions. Partout elles ont des fonctions identiques au sein des communautés villageoises (protéger les arbres fruitiers au niveau du terroir villageois; réaliser des travaux d'intérêt commun; résoudre certains types de conflits sociaux dans le village).

La protection des arbres consistait essentiellement à interdire la cueillette des fruits verts, la coupe des jeunes arbres quelle que soit l'espèce et de certaines espèces protégées comme le balanzan, le karité, le néré, le fromager; et à lutter contre les feux de brousse.

5.3 Organisations associatives, coopératives et mutualistes

Les organisations associatives, coopératives et mutualistes connaissent depuis peu un développement spectaculaire et se comptent aujourd'hui par milliers intervenant dans tous les secteurs de la protection, la conservation et l'utilisation des ressources biologiques. Elles sont impliquées dans la production primaire (agriculteurs, maraîchers, planteurs), la production secondaire (éleveurs, bouchers, etc.), la transformation, le conditionnement, le stockage et le commerce des produits biologiques.

Ces multiples organisations présentes dans toutes les localités devraient faciliter la participation des populations et de leurs adhérents à la gestion des ressources. Elles devraient jouer un rôle primordial dans la sensibilisation, l'information et la conscientisation des citoyens à la gestion durable des ressources biologiques.

Bien que jouissant d'une légitimité, ces organisations n'ont pu malheureusement mobiliser les populations en faveur de la gestion durable des ressources. Elles ont plutôt donné la priorité à la défense des intérêts matériels et moraux de leurs membres.

Dans le Delta du fleuve Niger, la régression des bourgoutières causée par la cupidité des «joro» se poursuit sans aucune réaction des nombreuses associations d'éleveurs. De même les organisations d'éleveurs sont impuissantes face à la dégradation progressive des pâturages des zones sahélienne et saharienne à la suite du surpâturage et de l'émondage des arbres et arbustes.

Les associations de pêcheurs ne peuvent circonscrire la baisse des captures due à la précarité du climat et à l'utilisation des engins prohibés. La réduction des frayères et des pêcheries par les endiguements des aménagements hydro-agricoles ne provoque que rarement les réactions des associations de pêcheurs.

5.4 Décentralisation et gestion de la diversité biologique

5.4.1 Système administratif malien

La décentralisation territoriale a consisté en la reconnaissance de la personnalité morale et l'autonomie de gestion financière aux entités territoriales que sont les Collectivités territoriales. Elles sont des gouvernements locaux dont les organes élus par les populations gèrent les affaires publiques locales. La finalité que vise cette réforme est un développement économique, social et culturel qui soit viable et durable.

La décentralisation, en tant que système de gestion administrative, suppose la reconnaissance des affaires nationales (gérées par l'Etat) et des affaires locales gérées par les collectivités territoriales. La «libre administration» signifie que les populations décident elles-mêmes de leurs propres affaires à travers des organes élus par elles et pour elles. La reconnaissance de la personnalité juridique des collectivités et leur autonomie de gestion impliquent le transfert des compétences, des prérogatives et des ressources de l'Etat aux collectivités dans le respect de sa souveraineté.

5.4.2 Communes et gestion des ressources biologiques

Le développement économique et social du Mali repose, et reposera longtemps, sur l'exploitation des ressources naturelles: sols, eaux, flore, faune, ressources fossiles, minerais, soleil, air, dont certaines sont renouvelables. L'agriculture est la base des secteurs primaire et tertiaire. Les activités économiques du secteur du développement occupent plus de 80% des populations et concernent l'agriculture, l'élevage, la pêche, l'exploitation de la forêt et de ses ressources: bois, gibier, poisson et autres produits non ligneux. Ces activités constituent la base du développement qui relève désormais des collectivités territoriales et principalement des communes.

La conservation de la diversité biologique est indissociable de celle des ressources naturelles et de l'environnement. Bien que la politique nationale de protection de l'environnement fasse de la protection et de la gestion durable des ressources naturelles une donnée essentielle de la lutte contre la pauvreté, cette lutte est rendue peu opérationnelle à la base, au vu de la faible prise en compte de l'environnement dans les plans de développement communaux. La population à 80 % rurale, vit des ressources biologiques, cependant, rares sont les programmes de développement communaux qui ont proposé des actions pour les conserver. Les priorités et les urgences sont résolument tournées vers les actions sociales: Education, santé, culture et équipements marchands. Le programme de développement communal ne constitue pas encore un outil qui permet d'inverser localement la tendance à la dégradation des ressources de la diversité biologique.

Malgré la perte progressive des ressources biologiques avec toutes les conséquences négatives visibles sur la population (perte de revenus, perte des terres, diminution de la qualité et quantité alimentaire, disparition de coutumes etc.), et l'intérêt éprouvé des communautés pour la reconstitution de la diversité des espèces, peu de dispositions concrètes ont été envisagées par les communes en la matière.

Les raisons évoquées sont les suivantes:

un déficit d'information au niveau des responsables communaux, voire une méconnaissance des concepts de la diversité biologique, est probablement à l'origine du peu d'intérêt accordé par les autorités politiques à la bonne gestion des ressources biologiques. Il est également possible que le langage jusqu'ici utilisé par les techniciens, en parlant de diversité biologique, paraisse trop scientifique et trop techniciste pour constituer une préoccupation d'une population en situation de survie face aux ressources dont elle se trouve largement dépendante;

les principaux acteurs de la programmation ignorent que la conservation de la diversité biologique constitue un des éléments du développement durable. Les populations et leur encadrement méconnaissent tous les intérêts que revêtent les ressources génétiques. Il faut reconnaître que jusqu'ici la question de la perte de la diversité biologique ne passionne que très peu l'opinion publique. La destruction des espèces ne semble apparemment léser aucun intérêt public ou privé. Même s'il existe un consensus sur la nécessité de conserver ces espèces, celui-ci a eu beaucoup de mal à se traduire concrètement dans les plans de développement communaux (PDC). Pourtant, c'est bien par le biais des actions de développement communal, qu'il sera possible de protéger notre patrimoine biotique;

l'état avancé de paupérisation des populations locales a amené le plus souvent les responsables communaux à considérer la satisfaction des besoins «immédiats» (alimentation, eau potable, santé, éducation, routes etc.) comme les seuls éléments prioritaires du plan de développement communal;

les ressources biologiques constituant les seules sources de revenus disponibles pour la plupart des populations, il leur est souvent difficile d'avoir une vision à long terme d'exploitation et d'utilisation durable de la diversité biologique;

le relâchement du respect des us et coutumes lié à l'évolution des mentalités pourrait avoir contribué au développement d'attitudes négatives par rapport à la conservation des ressources;

les partenaires techniques (ONG, GIE, Bureaux d'étude, etc.), susceptibles d'accompagner les communes dans le processus de planification, ne sont pas suffisamment outillés pour jouer efficacement ce rôle. Ils ont parfois manqué des compétences nécessaires pour un encadrement de base adéquat. Par ailleurs, il apparaît au niveau des partenaires techniques une confusion dans la perception des notions de diversité biologique. Une telle confusion a peut-être contribué aux attitudes négatives comme le manque d'intérêt vis-à-vis des formes traditionnelles de conservation qui ont cependant toutes leur importance;

manque de transfert des compétences.

5.5 Processus modernes de sélection des variétés de plantes et races d'animaux

Le Mali, en raison de sa problématique de développement basée sur l'agriculture, l'élevage, la foresterie et la pêche, ne peut mettre en place un plan de développement consistant, sans tenir compte de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique.

Les domaines actuels d'activités sur la diversité biologique agricole sont: la production animale, la production végétale, la production forestière, la production halieutique, les systèmes de production, la gestion des ressources naturelles, et l'économie des filières.

Les départements ministériels qui ont en charge les questions de diversité biologique agricole sur le plan des activités scientifiques et techniques sont le Ministère de l'Environnement (ME) et le Ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche (MAEP), et sur un autre plan notamment celui du commerce, le Ministère de l'Industrie et du Commerce (MIC). Deux types d'institutions scientifiques et techniques sont concernés par la sélection et la conservation de la diversité biologique agricole: les structures nationales et les agences internationales.

Les activités de sélection des variétés n'ont pas touché au même degré toutes les ressources. Les priorités ont été données selon les moyens et l'importance du moment.

5.5.1 Sélection végétale

Les préoccupations essentielles en matière de production végétale sont la connaissance des variétés et de leur diversité, la culture des tissus, la lutte contre les nuisibles des cultures, l'amélioration du potentiel de production des cultures et des formations arborées, la levée des contraintes abiotiques, et l'amélioration de la qualité des denrées alimentaires.

Concernant les plantes cultivées, les travaux de sélection ont concerné principalement le coton, le riz, le mil, le sorgho, le maïs, l'arachide et le voandzou. Ils ont pour objectif essentiel l'amélioration variétale (sélection conservatrice et création variétale). La recherche a visé l'augmentation du potentiel de production, des variétés, une meilleure adaptabilité aux fluctuations pluviométriques, l'amélioration de la qualité culinaire, de leur valeur nutritive et de la tolérance vis-à-vis des nuisibles (insectes, striga, etc.).

Les résultats obtenus, puis adoptés par les paysans (répondant à leurs critères de choix) passent par la filière semencière. Cette dernière est régie par le Plan Semencier National (PSN).

Le PSN est le mécanisme charnière de la politique semencière. Il se veut un cadre formel de la gestion des questions semencières pour la production agricole au niveau national. Ses objectifs sont:

la définition et la mise en œuvre d'une politique semencière, et la coordination de toutes les initiatives;

la mise en application des grandes lignes de la politique semencière (choix des variétés, organisation de la production semencière, fixation des prix, identification des besoins et adaptation de l'offre et de la demande, formation des cadres et des paysans, création du stock de sécurité, proposition d'organigramme, d'une législation/réglementation et d'une stratégie);

la commercialisation et la constitution d'un fonds de roulement et l'action d'urgence en cas de catastrophe naturelle.

Les prérogatives du PSN couvrent les aspects institutionnel, opérationnel, financier et juridique des questions semencières. Le cadre institutionnel du PSN est composé de quatre catégories de structures qui sont:

les structures de conception, de coordination et de contrôle de la production des semences;

les structures de la recherche agronomique, zootechnique et forestière;

la filière de multiplication des semences sélectionnées;

les structures de diffusion et de vulgarisation des semences.

Les organes/services de mise en œuvre et de suivi du PSN sont le Conseil National des Semences, le Comité National des Variétés, et le Service de la Réglementation et de Contrôle des Semences Sélectionnées.

Le Service Semencier National (SSN) reçoit les besoins de semences certifiées R1 et adresse en fonction de cela les besoins de semences de base à l'IER qui s'organise avec ses différents programmes pour la production de celles-ci. Leur certification est du ressort du Laboratoire des semences.

La conservation des semences et des ressources génétiques de façon plus spécifique est assez diffuse au niveau des différents partenaires. On y distingue la conservation pour les semences sélectionnées qui est l'affaire des structures au sein du PSN avec comme acteurs clés la recherche et le SSN. Mais il y a aussi la conservation des variétés locales dont l'acteur principal est le monde paysan. Les méthodes de conservation pour les semences sélectionnées se réfèrent aux techniques classiques de conservation. Tandis que la conservation paysanne repose sur les pratiques et savoirs traditionnels.

5.5.2 Sélection des essences forestières

Il n'existe pas de programme approprié de sélection des ressources forestières au Mali. Cependant, la recherche forestière s'atèle à la levée des contraintes liées aux formations naturelles (connaissance des mécanismes de dégradation, méthodes de gestion appropriées), aux plantations forestières et agroforestières (matériel végétal performant, techniques adaptées de production des plants, techniques culturales des essences forestières), aux parcs agroforestiers (techniques agroforestières, méthodes de lutte contre les loranthacées) et à l'environnement (techniques de fixation mécanique et biologique des berges, technique de récupération des terres dégradées).

Pour les productions végétale et forestière il s'agit de la productivité des pâturages, des variétés améliorées de cultures (productivité, résistance aux maladies, adaptation à la sécheresse), de la caractérisation des variétés, de la diversité génétique, de la production des semences, de la conservation des eaux et du sol, de la restauration des sols, de l'introduction des espèces à croissance rapide, de la croissance des espèces autochtones et de l'agroforesterie.

5.5.3 Sélection des ressources halieutiques

L'objectif d'amélioration de la production et de la productivité halieutique, de la pêche et de la pisciculture vise dans les domaines de la bio-écologie, de la pisciculture et des pêcheries respectivement:

la connaissance des mécanismes de renouvellement des stocks;

la connaissance des mécanismes des techniques appropriées de pisciculture, des techniques de production artificielle d'alevins;

l'adéquation des textes réglementaires avec les pratiques et modes appropriés d'aménagement et de gestion des pêcheries et avec les données précises sur la pêche.

Sur le plan de la production halieutique, la domestication des espèces locales occupe une bonne part des activités.

5.5.4 Sélection des races d'animaux domestiques

Pour la production animale, il s'agit de la connaissance génétique des races d'animaux domestiques et de l'amélioration de leur potentiel de production, du diagnostic précis et précoce des maladies et de leur traitement et prévention, et de l'amélioration de l'efficience de la reproduction.

Dans le domaine de la production animale, les activités réalisées couvrent la production des vaccins, la recherche et le diagnostic des maladies, l'amélioration de la productivité (races améliorées).

5.5.5 La répartition des rôles des intervenants

Le processus de gestion et d'utilisation de la diversité biologique agricole comporte trois maillons essentiels. Il s'agit de la recherche, de la vulgarisation et de l'adoption.

La recherche est l'affaire des Instituts de recherche (IER, LCV, ICRISAT, CIRAD, IRD, ADRAO) et de l'Enseignement Supérieur (IPR/IFRA, Laboratoire de Biologique Moléculire Appliquée). La vulgarisation quant à elle est essentiellement du ressort de la Compagnie Malienne de Développement des Textiles (CMDT), la Protection des Végétaux (PV), la Direction Nationale de l'Appui au Monde Rural (DNAMR), la Direction Générale de la Réglementation et du Contrôle (DGRC), des Offices de développement (Office Riz, Office du Niger, etc.) et des projets et programmes ponctuels initiés à cet effet. A ceux-ci il faut ajouter les ONG (Sasakawa Global 2000, Unité Service Coopération Canada/Mali, Fonds de Développement au Sahel, Association des Conseillers Agricoles du Sahel) qui au cours des vingt dernières années ont joué un rôle important dans la vulgarisation des nouvelles technologies et obtentions variétales.

Le Service Semencier National est chargé de la mise en œuvre de la politique semencière. Il s'agit de l'initiation, de la gestion et du suivi des programmes semenciers, de l'assistance, de la formation des agents d'encadrement et des paysans sur les techniques de production des semences sélectionnées et la gestion des stocks de sécurité.

Les principaux partenaires au développement de ces structures sont l'Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture du Mali (APCAM), les Coopératives agricoles et d'éleveurs, et la Chambre de Commerce et d'Industrie du Mali (CCIM).

5.5.6 Contraintes au processus de sélection

L'insuffisance de la législation sur les ressources biologiques d'une manière générale, donc de l'agro-biodiversité et des ressources génétiques de façon particulière, est inquiétante en raison du courant actuel de mondialisation. Cette insuffisance concerne l'introduction des espèces et variétés exotiques, la protection/préservation des espèces locales, et aussi la protection des droits des communautés (toutes composantes confondues) sur les ressources biologiques.

Le secteur privé ne participe activement ni à la recherche ni à la reproduction des semences. La plus grande part du financement de la recherche sur les sélections est assurée par l'Etat et l'aide bilatérale et multilatérale à travers des subventions ou prêts. Plus récemment les ONG internationales ont commencé à s'y intéresser. Les principaux partenaires au développement qui interviennent dans le financement des activités agricoles ou de façon directement liée avec elles sont: la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement, la Banque Ouest Africaine de Développement, la Banque Islamique de Développement, le Fonds Européen de Développement, les Etats-Unis, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Norvège, la Suisse, le Japon, la France et bien d'autres.

5.6 Méthodes traditionnelles de conservation de la diversité biologique

5.6.1 Savoirs locaux et pratiques traditionnelles de conservation des espèces de faune et de flore

La survie de nombreuses espèces animales et végétales est liée aux tabous, aux totems, aux rites et pratiques des systèmes de production (agricole, pastorale, halieutique et cynégétique).

Utilisation des totems et des tabous

Pour le malien animiste, chaque animal ou plante a une valeur allégorique. Cet animal ou cette plante incarne l'ancêtre mythique d'une famille, d'un clan, d'une ethnie et devient le totem de cette entité. Dès lors, il s'établit un pacte entre les deux. L'entité ne doit pas tuer l'animal ou couper la plante mais en plus elle doit les protéger. Les tabous et les totems sont des interdits individuels et collectifs nés de la vénération de la terre, de la forêt et de l'eau en particulier et de toutes les ressources naturelles en général. C'est en vertu de ces tabous et totems que certaines activités et/ou comportements étaient prohibés sous peine de catastrophes ou de mort.

Rites et pratiques agricoles

De nombreuses pratiques agricoles connues aujourd'hui sous des formes plus ou moins évoluées ont permis de conserver le potentiel génétique, spécifique et écosystémique de notre pays.

Sur les sols rocailleux et sur les flancs de montagne, les cultivateurs, notamment les Dogon, élevaient des diguettes en cailloux rangées de façon à ralentir la course de l'eau de ruissellement dans leurs champs. Ces constructions appelées aujourd'hui digues filtrantes constituaient des dispositifs anti-érosifs permettant la conservation des eaux de ruissellement et des sols.

La rotation des cultures est une pratique qui permet une exploitation de tous les éléments nutritifs des différents horizons du sol par différentes espèces végétales ayant différents besoins. Cette pratique qui consiste à associer plusieurs variétés de plantes dans le même champ permet la conservation de la diversité génétique et spécifique des plantes concernées.

Dans l'organisation et la spécialisation de l'utilisation de l'espace rural (so foro, kunko foro, etc.), les populations rurales du Mali ont une longue tradition des jardins de case qui ont permis la conservation de nombreuses variétés fruitières et horticoles. En effet, ces exploitations situées non loin des habitations sont les lieux d'une association d'arbres fruitiers, forestiers et de plantes horticoles à des fins commerciales et pour l'autoconsommation.

Grâce à leur utilisation comme haies vives, certaines espèces comme Acacia sp., Sesbania rostata, Euphorbe (Euphorbia balsamifera), dah (Hibiscus cannabinus), ont pu se maintenir dans nos paysages.

La conservation d'espèces dites utiles dans les champs consiste à associer culture et arbres dans les exploitations. Cette pratique a permis d'épargner de la disparition: le karité, le tamarinier, le néré, le balanzan, le rônier, le dattier sauvage, le raisin sauvage, certaines espèces médicinales, etc. Cette technique est appelée aujourd'hui agro-foresterie.

Rites et pratiques d'élevage

Les activités pastorales ont pu subsister grâce aux rites et pratiques des pasteurs pour conserver et utiliser les ressources fourragères dans des zones aussi précaires que le Sahara et le Sahel. La pratique du mode d'élevage (transhumance et nomadisme) a contribué pendant longtemps à conserver les ressources dans ces zones.

La transhumance permet d'exploiter les parcours à l'optimum de leur valeur fourragère. Les troupeaux sont conduits sur les pâturages exondés et les terres salées en saison pluvieuse, dans les zones humides et dans les bourgoutières en saison sèche. Cette technique permet de varier le menu des animaux, d'éviter des maladies et de préserver les pâturages.

Le nomadisme permet au pasteur de conduire son cheptel sans itinéraire prédéterminé à la recherche d'eau, des pâturages et des cures salées. En s'installant pendant un certain temps autour des points d'eau, les nomades exploitent les pâturages environnants et veillent à l'usage correct de l'eau disponible. Le nomadisme a l'avantage de garantir au cheptel, sans investissements coûteux, une bonne alimentation et une gestion rationnelle des ressources pastorales.

La bonne connaissance que les éleveurs ont des espèces fourragères ligneuses et herbacées assure la protection et la conservation de ces ressources pastorales. Les éleveurs ont aussi des tabous et des interdits qui conservaient les espèces fourragères les plus appétées.

Rites et pratiques de pêche

La pratique de la pêche s'exerçait selon une réglementation et des rites bien déterminés. L'accès aux pêcheries était traditionnellement géré par le maître des eaux. D'une façon générale, l'utilisation de certains engins de pêche reconnus nocifs pour le potentiel piscicole était interdite. Les pêcheurs pris en infraction s'exposaient à la honte publique, à des amendes, à l'exclusion des territoires de pêche, ou même à la colère des djinn protecteurs des eaux.

La pêche était limitée ou interdite pendant certaines périodes et à certains endroits pour des raisons socio-religieuses (mares sacrées, poissons sacrés). Les sacrifices et offrandes aux ancêtres et le respect des interdits permettaient de faire de bonnes pêches tout en conservant les pêcheries et la faune halieutique.

L'interdiction de pêcher tel jour, dans tel endroit ou tel poisson sont quelques-uns des très nombreux tabous qui conservaient la diversité hydrobiologique.

Rites et pratiques de chasse

L'exercice de la chasse se fait selon des rites et pratiques précises, dont la vénération de «Kontron et Sané» constitue un code moral et un code de conduite pour tous les chasseurs du Mali. Selon ce code, chaque animal est porteur de nyama, c'est-à-dire un esprit maléfique que libère tout être vivant à sa mort et qui peut poursuivre et tuer celui qui serait la cause de cette mort. Il faut être initié à la chasse et posséder des connaissances particulières pour tuer certains animaux.

Les nombreuses règles d'éthique de chasse ont contribué à la conservation de la faune sauvage. Il s'agit entre autres de:

l'interdiction d'abattre une femelle gestante, un animal totem ou un animal en détresse qui cherche l'hospitalité dans un village;

la chasse à certaines espèces animales durant certaines périodes lunaires et à certaines phases de leur vie;

la subordination de la chasse dans un terroir étranger à l'autorisation du maître chasseur (donso kuntigui) de la zone concernée;

la concertation obligatoire entre les différents villages pour l'organisation des battues afin de définir en commun le parcours, les règles du jeu, les conditions d'utilisation du fusil, la répartition du butin et la durée de la partie de chasse collective.

Toutes ces règles et pratiques de la chasse concouraient à la protection de la faune contre sa destruction et celle de son habitat.

5.6.2 Savoirs locaux et pratiques traditionnelles de conservation des ressources génétiques agricoles

Les agriculteurs maliens ont participé à ce processus, en identifiant et sélectionnant les produits qui leur paraissaient les plus prometteurs et adaptés comme multiplicateurs et reproducteurs. Ils ont depuis utilisé une grande variété de ressources biologiques dans des milieux très divers, en mettant au point des techniques spécialement adaptées. Cet ensemble constitue un savoir et un savoir-faire qui peuvent être considérés comme un patrimoine qui s'est transmis de génération en génération. La préservation de ces savoirs est un facteur important pour la production agricole et la sauvegarde de la diversité biologique.

Dans le domaine de l'agriculture: Pour la conservation physique des semences utilisées en agriculture, les paysans maliens ont su adopter des modes d'approvisionnement, se doter d'équipements et matériaux ainsi que de produits de conservation adaptés à leur environnement et à leurs modes de vie.

Accès aux semences

Les paysans maliens utilisent plusieurs variétés locales de semences qu'ils conservent grâce à des techniques très diverses. Notons que l'acquisition de semences ne fait pas l'objet de transaction financière. Dans les villages, les paysans s'approvisionnent en semences:

- à partir des exploitations: les paysans conservent une certaine quantité de récolte comme semence. Le choix de ces semences est opéré à la maturité mais avant la récolte en général, par les hommes selon des caractères définis dont les principaux sont: la grosseur et la couleur des graines, la précocité, la résistance aux maladies et aux parasites. Dans certaines localités et pour certaines cultures (niébé, voandzou) ce sont les femmes qui effectuent le choix après la récolte.

- par le système d'entraide: l'organisation traditionnelle du système d'entraide permet à certains agriculteurs sans semences d'en obtenir gratuitement auprès des membres du groupe d'entraide qui en possèdent.

- par l'échange/troc: l'échange des semences s'effectue entre les agriculteurs selon les liens de parenté, de voisinage et de mariage. Il a lieu dans les marchés et est généralement l'affaire des hommes, mais parfois aussi des femmes.

Variabilité génétique des semences

La possession de nombreux écotypes par les agriculteurs dénote une grande variabilité tant intra qu'interspécifique. Cette variabilité est due à la pratique paysanne qui consiste à mélanger différentes variétés de même espèce, soit de cycles similaires, soit de cycles différents et à installer des parcelles contiguës avec différentes variétés.

Production des semences

Dans les villages, la multiplication et/ou la production des semences sont basées sur une catégorisation socioprofessionnelle. En effet, on y trouve des individus des familles possédant une connaissance parfaite et un grand savoir-faire des variétés locales. Généralement, ce sont des vieux qui arrivent à collecter maintes variétés dont ils reproduisent pour certaines des semences, et à constituer ainsi des banques de gènes privées qui seront fortement sollicitées en cas de pénuries.

Pratiques du stockage

Compte tenu de la diversité agro-climatique et culturelle, les pratiques traditionnelles de stockage des semences sont très diverses. Il en est de même des matériels et produits de traitement utilisés.

Les équipements et matériels de conservation sont confectionnés avec des matériaux locaux. Certains sont d'utilisation très courante tandis que d'autres ne sont que d'un emploi limité. Comme exemples de matériels on distingue: les greniers en banco, les canaris, les gourdes, le «Hawou Gora» des Keltamacheks de la région de Gao, le «Soun» utilisé par les Sonrhaïs de Gao, le «Jiina» de la région de Gao.

Pendant la conservation, les agriculteurs traitent les semences avec divers produits qui sont généralement à base de plantes (plantes cultivées, herbacées et ligneuses). Ils utilisent comme produits inertes le sable fin ou la cendre de certaines plantes (tiges de mil, écorces de Lannea microcarpa) qu'ils mélangent aux semences de niébé et de voandzou contre les bruches et autres insectes.

Dans le domaine de l'élevage

Conduite du troupeau

Dans les sociétés pastorales, les éleveurs traditionnels évitent tout contact de leurs troupeaux avec d'autres animaux sur l'ensemble des parcours communautaires. Cette méthode permet de préserver les caractéristiques des types génétiques dont ils ont la charge morale de garantir la pureté. Ainsi les races et variétés qui sont facilement identifiables de nos jours ne doivent leur survie qu'à cette pratique dont l'efficacité se révèle, malgré tout, limitée.

La sécheresse, par les migrations temporaires ou définitives de troupeaux qu'elle occasionne, a profondément perturbé le fonctionnement normal de cette technique. Il en a résulté l'apparition d'une population métisse dans des proportions très importantes sur l'ensemble des zones d'accueil, mettant ainsi en péril les races localement adaptées (cas de la race N'dama).

L'accroissement de la demande en produits animaux dans les centres urbains de consommation a également créé une nouvelle dynamique d'intensification de la production. Dans cette perspective, les races Maure et Azawak ont fait leur apparition dans l'élevage périurbain pour une exploitation en pure ou en croisement avec les races laitières exotiques (Montbéliard, Holstein, Jersiais, Gudali entre autres). Tout ceci entraîne d'importants changements dans l'exploitation des ressources animales, dans la gestion des ressources naturelles et des écosystèmes pastoraux.

Conduite de la reproduction

Dans le milieu traditionnel, les éleveurs utilisent les critères de sélection pour constituer la base de reproduction de leur troupeau. Les études de base indiquent que 74 % des éleveurs sélectionnent les génisses pour la reproduction à partir de 2-3 ans contre 3-4 ans pour les taurillons. Tous les sujets ne répondant pas aux critères voulus par l'éleveur sont mis hors de la reproduction par la castration des mâles et la réforme des femelles. La méthode de sélection utilisée est une sélection massale, basée sur la performance laitière de la mère. Les principaux critères de sélection des meilleurs spécimens pour la production laitière des femelles sont: la finesse de la peau, la longueur et la finesse de la queue, le développement des veines mammaires et des trayons et la fermeté du pis. Chez le mâle, la finesse de la peau, le développement de l'ossature, de la bosse et des testicules, la largeur de la tête, la longueur de la queue, et le développement du pli ombilical et du fanon sont les principaux critères de choix des reproducteurs d'élite dans le troupeau.

L'efficacité d'une telle méthode n'a pas été suffisamment évaluée en milieu réel où le progrès génétique se révèle d'un niveau relativement faible ne dépassant pas généralement 4 % en Afrique (Meyn, 1974).


[28] Il a été érigé en établissement public à caractère scientifique et technologique et jouissant de la personnalité morale et d'une autonomie financière

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