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VI. ORIENTATIONS POLITIQUES INFLUENÇANT LA DIVERSITE BIOLOGIQUE AGRICOLE


D'après l'Observatoire du Développement Humain Durable, 63,8 % de la population malienne vit en dessous du seuil de pauvreté qui était estimé à 140.000 FCFA en 1998. L'immense majorité de cette population est rurale. L'accès à une nourriture suffisante et de bonne qualité dans des conditions stables et économiquement viables constitue un objectif prioritaire de la Stratégie Nationale de Lutte contre la Pauvreté.

Le Mali s'est doté d'un Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) intégrant ces différents plans, programmes et projets et constituant un cadre unique de référence pour les actions de développement à moyen terme, tout en s'inscrivant dans une vision prospective à long terme (étude prospective Mali 2025). Le CSLP vise le respect des grands équilibres macro dans un contexte de forte croissance économique avec des mécanismes de redistribution ciblés sur les couches sociales les plus pauvres. Dans ce contexte, la stratégie nationale opérationnelle 2015 et le programme de sécurité alimentaire durable dans une perspective de lutte contre la pauvreté doivent occuper une place de choix et un rang de priorité élevée.

Les réformes des politiques d'ajustement structurel ont impliqué un désengagement de l'Etat qui s'est traduit par le transfert de certaines fonctions (dévolues jadis aux organismes publics) aux agriculteurs. La réduction des prérogatives de l'Etat dans la prise en charge du développement a permis peu à peu aux organisations professionnelles de s'affirmer comme des interlocuteurs responsables dans le développement local. Le fait d'encourager les organisations paysannes du monde rural à remplacer l'Etat dans le domaine des intrants, des services vétérinaires et la gestion des ressources naturelles, incite à l'adoption d'approches alternatives de production.

6.1 Schéma Directeur du Développement Rural

En 1992, le Ministère du Développement Rural et de l'Environnement a élaboré le Schéma Directeur de Développement du Secteur Rural, un cadre de référence pour les décisions politiques et stratégiques en matière de développement rural, prenant en compte les exigences populaires exprimées et assorti d'un plan d'actions de mise en œuvre à court et moyen termes de ce schéma.

Les objectifs assignés au secteur du développement rural à l'horizon 2010 s'inscrivent dans les objectifs généraux de développement et de lutte contre la pauvreté au Mali. Ces objectifs sont au nombre de quatre:

augmenter la contribution du secteur du développement rural à la croissance économique du pays en favorisant l'accroissement durable du volume de la production agricole en général et alimentaire en particulier;

renforcer la sécurité et l'autosuffisance alimentaires en créant un environnement économique, social et institutionnel dans le secteur rural, favorable à la production durable de biens et services agricoles par des acteurs motivés et organisés qui ont accès aux facteurs de production (terres, crédits), à des technologies intensives et aux marchés;

améliorer les revenus et les conditions de vie des populations rurales par la promotion des filières agroalimentaires et des services financiers et d'intermédiation appropriés, et par l'accès aux services sociaux et agricoles de base;

protéger l'environnement et assurer une meilleure gestion des ressources naturelles par le développement d'un corps de lois, règlements et d'institutions impliquant la participation de tous les acteurs, le renforcement des capacités de ces acteurs pour la prise en charge des actions de restauration et de conservation des ressources naturelles, et la prise en compte de la GRN dans tous les programmes de développement agricoles.

Les domaines d'intervention prioritaires issus du bilan/évaluation de l'état du secteur sont:

la Sécurité alimentaire;

la Restauration et le maintien de la fertilité des sols;

le Développement des aménagements hydro-agricoles;

le Développement des productions agricoles, animales, forestières et halieutiques;

le Développement des fonctions d'appui;

le Développement durable des ressources naturelles.

Ces domaines répondent à la fois aux grands défis nationaux pour un développement économique et social durable et aux préoccupations directes et objectifs assignés au secteur. Ils constituent un support cohérent pour les interventions et programmes de développement du secteur à moyen terme, et font l'objet d'un plan d'action. La stratégie opérationnelle proposée est la traduction des objectifs et stratégies du programme de sécurité alimentaire inscrit au SDDR.

6.2 Sécurité alimentaire

Les politiques de sécurité alimentaire sont restées longtemps fondées principalement sur l'objectif de développement de la production céréalière. La sécurité alimentaire était considérée comme un problème au niveau de l'offre nationale, concernant surtout les céréales. Ces politiques se justifiaient par l'importance de la population rurale, centrée sur des stratégies d'autoconsommation familiale ou communautaire, et par l'importance des céréales dans les régimes alimentaires.

L'option de base était la réalisation de l'autosuffisance alimentaire définie comme la capacité du pays «à fournir à la population en général, à chaque individu et à chaque famille en particulier, d'une part une alimentation suffisante (...), par la production locale, en exploitant le mieux possible son potentiel agricole et en mobilisant les ressources humaines, et d'autre part, un niveau nutritionnel suffisant, garantissant à la population une ration équilibrée».

L'échec des stratégies d'autosuffisance alimentaire nationale a laissé place à une vision plutôt libérale de la gestion de la sécurité alimentaire, en confiant une responsabilité importante au marché et aux opérateurs privés. L'intervention publique s'est ainsi réduite essentiellement à la gestion d'un stock national de sécurité, à la gestion de l'aide alimentaire et à la promotion des dispositifs d'information sur la production et les marchés, étendus aux systèmes d'alerte précoce.

Du point de vue de l'offre, les politiques agricoles et une pluviométrie favorable au cours des quinze dernières années ont permis l'augmentation globale de la production de céréales et la forte croissance de la production du riz, améliorant ainsi la situation en matière de sécurité alimentaire.

Cependant, malgré un taux de couverture des besoins alimentaires et un niveau de sécurité alimentaire satisfaisants en année de bonne pluviométrie, plusieurs contraintes majeures subsistent parmi lesquelles on peut citer les aléas climatiques, les inégalités entre et à l'intérieur des régions, l'érosion du pouvoir d'achat des populations, la faible diversification de l'alimentation et la malnutrition chronique et aiguë chez 30 % des enfants de 0 à 5 ans. Ces contraintes ont contribué à l'aggravation de la pauvreté dans le pays, en particulier en zones rurales.

La stratégie de sécurité alimentaire et de nutrition au Mali vise donc à satisfaire les besoins essentiels de la population. Elle se base sur l'augmentation et la diversification de la production agricole, l'amélioration des revenus des populations par une meilleure organisation du marché des aliments de base (céréales, sucre, huiles, fruits et légumes, produits animaux, etc.) et le développement de la transformation des produits locaux. Elle est en conséquence largement tributaire de l'interaction entre le secteur du développement rural et les autres secteurs notamment la santé, l'éducation, l'industrie, le commerce et le transport, prenant ainsi en compte les quatre dimensions de la sécurité alimentaire qui sont:

la disponibilité d'aliments de bonne qualité sanitaire et nutritionnelle;

l'accessibilité de ces aliments pour les populations, y compris pour les plus vulnérables;

la stabilité des approvisionnements dans l'espace et dans le temps;

l'utilisation optimale des aliments par les individus.

6.3 Besoins alimentaires et nutritionnels

L'alimentation représente la plus grande part du budget des ménages pour tous les groupes de consommation et pour toutes les régions (DNSI, 1989). A Bamako, ce sont en moyenne 42 % des budgets qui sont affectés à l'alimentation, contre 53 % au niveau national. Dans le groupe le plus pauvre de la population, la dépense moyenne d'alimentation est de 95 FCFA/jour. Ce montant s'accroît de 80% dès que l'on passe au groupe supérieur. Cette différence prononcée entre pauvres et très pauvres indique, semble-t-il, un niveau d'insatisfaction important chez ces derniers.

En prenant 2.450 calories par jour comme besoins énergétiques de référence, il apparaît que:

sur l'ensemble du pays, la moyenne de consommation par tête est de 2.251 cal/jour; soit 92 % du niveau de référence;

les non pauvres, avec une moyenne nationale de 2.494 cal/jour, satisfont en totalité leurs besoins nutritionnels;

les pauvres sont proches d'un niveau de satisfaction totale avec une consommation de 2.319 cal/jour;

les très pauvres, avec une consommation de 1.908 cal/jour, n'arrivent à satisfaire que 77 % de leurs besoins nutritionnels;

c'est dans le milieu urbain que les déficits énergétiques sont les plus prononcés;

le District de Bamako, avec une moyenne de 2.072 cal/jour, soit 85 % des besoins, représente une poche de faible consommation énergétique. Toujours à Bamako, même le groupe non pauvre, avec une consommation de 2.207 cal/jour, se situe au dessous de la barre des 2.450 cal/jour.

6.4 Utilisation des biotechnologies

Au Mali, l'exploitation des biotechnologies est encore embryonnaire et concerne les domaines de:

l'agronomie (avec les systèmes symbiotiques, les techniques de micropropagation au Laboratoire d'Agro-Physio-Génétique et de Biotechnologies Végétales de l'IPR/IER);

la santé animale (la cryogénie et l'insémination artificielle des bovins surtout dans la zone péri-urbaine de Bamako au Laboratoire Central Vétérinaire à Sotuba);

la santé humaine (plusieurs applications dans les laboratoires de l'INRSP, de la Division Médecine Traditionnelle et de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d'Odonto-Stomatologie).

Dans le domaine des ressources animales domestiques, la cryogénie est l'une des méthodes utilisées pour la conservation des semences des reproducteurs d'élite. On peut conserver par ce procédé des embryons, des ovules, des tissus et des cellules dans le but de préserver les races domestiques animales et végétales et les espèces de poissons menacées.

Les techniques d'insémination artificielle ont permis d'améliorer la production de lait et de viande des races locales de bovins, surtout dans les grandes villes comme Bamako, Ségou, Sikasso et Mopti.

Les poissons avec leurs courts cycles de reproduction sont d'excellents sujets pour des études génétiques car ils produisent beaucoup d'œufs qui peuvent être fertilisés in vitro. Dans le domaine de l'aquaculture, on peut envisager des manipulations génétiques pour l'obtention de population monosexe mâle à plus grande productivité, des hybrides aux performances accrues et des individus polyploïdes de grande taille, à croissance rapide et à grande adaptabilité écologique.

Pour le mil, les variétés locales tolérantes aux oiseaux granivores, aux foreurs de tiges, au mildiou, au striga et à la sécheresse pourraient servir de donneurs de gènes à d'autres variétés. Quant au sorgho, les qualités grainières des variétés locales et l'adaptabilité des sorghos sauvages aux fluctuations des conditions agro-écologiques sont des atouts à valoriser par les biotechnologies.

La tolérance à la pyriculariose des riz sauvages (Oryza longistamina et Oryza barthii) et la qualité technologique des grains de Oryza glaberrima, en plus de sa rusticité, sont autant d'atouts à exploiter.

Concernant le coton, la qualité technologique de la fibre (longueur de la fibre) des variétés locales et leur tolérance aux insectes et maladies peuvent être exploitées pour contribuer à l'amélioration de la production du cotonnier et à la réduction de l'utilisation abusive des pesticides.

Les techniques de micro-propagation constituent un moyen sûr de multiplication des espèces locales importantes comme la pomme de terre, le manguier, le bananier, les espèces forestières et les espèces fourragères. Elles peuvent être utilisées pour la préservation des graminées sauvages, des plantes médicinales menacées et des espèces endémiques. Sur le gommier, la technique a permis d'obtenir des clones d'individus performants pour la production de gomme.

Les biotechnologies pourraient être d'un grand apport dans l'assainissement (traitement des déchets) par l'utilisation de micro-organismes génétiquement transformés pour dégrader les polluants. Certains micro-organismes génétiquement modifiés peuvent servir à la production de ferment pour valoriser certains produits locaux comme le «Soumbala», les bières locales, les fromages, le lait, etc.

Les contraintes à l'utilisation des biotechnologies sont liées aux capacités techniques et financières et aux risques encourus dont les plus importants pour le Mali sont:

la «pollution» des ressources génétiques locales: l'introduction d'espèces exotiques est souvent suivie de fécondations croisées avec les espèces locales voisines, pouvant conduire à la modification du génome de ces dernières qui perdent ainsi leurs caractères potentiels;

l'extinction des espèces locales: l'introduction de plus en plus massive de variétés exotiques, souvent plus productives mais moins bien adaptées, conduit à l'abandon par les populations, des ressources locales plus adaptées aux fluctuations des conditions écologiques. Par ailleurs, la pollution génétique, lorsqu'elle est continue, peut contribuer à la disparition de certaines espèces locales;

l'apparition de problèmes écologiques: le développement par transgenèse, de variétés résistantes aux herbicides ou aux insecticides a tendance à amplifier l'utilisation de ces pesticides polluants pour l'environnement;

les problèmes liés à l'éthique: les manipulations génétiques, notamment le transfert des gènes de certaines espèces à d'autres, peuvent être mal perçues pour des considérations religieuses ou culturelles. Par exemple, des transferts de gènes humains à des plantes alimentaires ou à des animaux, peuvent être, pour des raisons d'éthique, la cause de leur rejet par les consommateurs.

Le transfert de gènes doit donc faire l'objet d'un contrôle systématique pour préserver une certaine éthique et éviter toute dérive génétique. Aussi, des efforts doivent-ils être consentis pour renforcer les capacités techniques et institutionnelles, adapter le cadre législatif et réglementaire et tirer les meilleurs bénéfices de la biotechnologie.

6.5 Engagements internationaux

Le commerce international, comme cela a été indiqué à la table ronde sur le Développement de l'OMC qui s'est tenue en novembre 2001 à Doha (Qatar), pourrait à son tour jouer un rôle majeur dans la promotion du développement. Il est important que soit réalisé au plus vite, un meilleur accès de nos produits aux marchés agricoles des pays développés, notamment par la réduction des distorsions commerciales et la suppression des subventions des produits agricoles à l'exportation des pays industrialisés, qui concurrencent déloyalement nos exportations.

Ces engagements ont été réexaminés en mars 2002 à la Conférence Internationale sur le Financement du Développement tenue à Monterrey avec comme objectifs l'éradication de la pauvreté, la réalisation d'une croissance économique et la promotion d'un développement durable dans le cadre d'un «système économique mondial équitable et inclusif».

Au Sommet Mondial sur le Développement Durable à Johannesburg en 2002, le Plan d'Action retenu place la réduction de la pauvreté au cœur du développement durable. A cet effet, il a été envisagé de créer un Fonds pour la Solidarité Mondiale afin d'éradiquer la pauvreté et promouvoir le développement humain dans les pays en développement.

Le Mali, comme tous les pays africains dont les efforts de développement durable ont été compromis par des investissements insuffisants, des opportunités limitées d'accès aux marchés, le fardeau insoutenable de la dette, et l'impact du sida, adhère à la Déclaration du Millénaire des Nations Unies. Il souhaite que la communauté internationale respecte les engagements pris au cours des différentes rencontres.


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